COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 19 octobre 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Accord avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation (n° 2555) - M. Jacques Remiller, rapporteur

- Informations relatives à la Commission

  


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Accord avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Remiller, le projet de loi n° 2555 autorisant l'approbation de l'accord entre les gouvernements de la République française, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et du Royaume des Pays-Bas, relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation.

M. Jacques Remiller, rapporteur, a indiqué que la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni avaient signé le 12 juillet 2005, à Cardiff, un accord relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation et que cet accord intergouvernemental vise à établir l'encadrement étatique nécessaire pour permettre la mise en œuvre des accords de droit privé conclus le 24 novembre 2003 entre Areva, d'une part, et le consortium germano-néerlando-britannique Urenco, d'autre part. Il a précisé que ces accords industriels avaient pour objectif de répondre au besoin de modernisation de l'outil industriel français d'enrichissement de l'uranium.

Il a expliqué que le groupe français Areva, qui avait aujourd'hui une importante activité d'enrichissement de l'uranium (16 % des parts du marché mondial), était cependant pénalisé par la technologie ancienne qu'il utilise (diffusion gazeuse), forte consommatrice d'énergie et de moins en moins compétitive. Il se trouve par ailleurs que l'usine d'enrichissement Georges Besse I, exploitée depuis plus de 25 ans et qui recourt au procédé de la diffusion gazeuse, va bientôt devoir être remplacée, car frappée d'obsolescence technique. Dans ce contexte de double obsolescence, technique et économique, Areva a donc décidé de recourir désormais à la technologie plus performante de la centrifugation et s'est tournée, à cette fin, vers son concurrent direct sur le marché de l'enrichissement, le consortium germano-néerlando-britannique Urenco. En effet, contrairement à Areva, qui utilise la technologie de l'enrichissement par diffusion gazeuse, Urenco recourt au procédé de la centrifugation. Or la technologie de centrifugation qu'utilise Urenco, à l'instar de la Russie et du Japon, met en œuvre des installations qui consomment cinquante fois moins d'énergie que celles qui utilisent le procédé de diffusion gazeuse.

Le partenariat avec Urenco va permettre d'engager l'industrialisation de ce procédé dans les meilleurs délais et avec un minimum de risques, Urenco étant en effet aujourd'hui l'une des sociétés occidentales qui maîtrisent le mieux cette technologie. Une fois cette technologie acquise, Areva pourra alors procéder à la construction d'une nouvelle usine d'enrichissement, dénommée Georges Besse II, et pourra se fournir en centrifugeuses. Cette nouvelle usine pourrait entrer en service dès 2008 et coexistera avec l'actuelle jusqu'en 2012. Cependant, c'est dès maintenant qu'il faut assurer la continuité industrielle des deux entités dans de bonnes conditions. Si cette garantie n'était pas apportée par Areva, le groupe perdrait, en effet, dès maintenant de nombreux contrats d'enrichissement avec les électriciens.

La mise en œuvre de l'accord industriel entre Urenco et Areva - et donc la construction par Areva de sa nouvelle usine d'enrichissement - est subordonnée à la conclusion d'un accord intergouvernemental entre les quatre États concernés - la France, pour Areva, et les trois pays fondateurs du consortium Urenco. En effet, la création du consortium Urenco avait été encadrée par un accord intergouvernemental, le traité d'Almelo. Or cet accord interdit tout transfert de la technologie de la centrifugation développée dans le cadre de la collaboration entre ces trois Etats, sauf conclusion d'accords de coopération particuliers avec des Etats tiers. D'où l'accord de Cardiff qui est aujourd'hui soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale, et qu'il est important de ratifier rapidement, la mise en œuvre de l'accord industriel étant soumise à une clause de caducité, exigeant l'entrée en vigueur, au plus tard le 31 décembre 2005, de l'accord de coopération liant les quatre gouvernements.

S'agissant du contenu de l'accord de Cardiff, il reprend très exactement l'architecture et les termes du traité d'Almelo, à l'exception de quelques dispositions obsolètes et de quelques dispositions liées aux évolutions intervenues depuis 1970. Outre les dispositions classiques propres à ce type d'accord, il comporte des dispositions spécifiques, liées au caractère sensible de la technologie qui fonde la coopération entre Areva et Urenco. La centrifugation étant, en effet, une technologie sensible au regard du régime international de non-prolifération, l'accord de Cardiff comporte des dispositions visant à la fois à en interdire le détournement à des fins autres que celles contenues dans l'accord et à encadrer très strictement la mise en œuvre de la coopération entre Areva et Urenco, par l'édiction de règles de sécurité extrêmement rigoureuses.

Ainsi, disposition centrale de cet accord, une clause d'utilisation pacifique énonce l'engagement des quatre gouvernements, conformément au traité de non prolifération nucléaire (TNP) du 1er juillet 1968, à ne pas utiliser la technologie de la centrifugation acquise dans le cadre de cette coopération pour aider un Etat non doté d'armes nucléaires à fabriquer ou à acquérir des armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs. Le respect de ces engagements est vérifié à travers l'application de garanties internationales. La France s'engage en particulier à soumettre en permanence aux garanties de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) toute usine d'enrichissement construite sur son territoire et utilisant la technologie de la centrifugation Il n'y a là, en réalité, rien de nouveau, la France ayant d'ores et déjà souscrit à tous les accords nécessaires avec l'AIEA.

La coopération entre Areva et Urenco est en outre encadrée par des règles de sécurité très rigoureuses, que justifie la technologie sensible à l'origine du rapprochement entre les deux concurrents. Le cadre de leur coopération est sécurisé à tous les niveaux (politique juridique technique et opérationnel).

Faisant valoir que cet accord représentait pour Areva, leader mondial, un choix industriel majeur, conditionnant le maintien de ses positions sur le marché de l'enrichissement, pour le site industriel du Tricastin, la condition nécessaire à la pérennisation de l'emploi (1 500 personnes concernées) et pour la France, un enjeu stratégique essentiel au regard de l'impérieuse nécessité de sécuriser ses approvisionnements énergétiques, le rapporteur a recommandé très vivement l'approbation du présent projet de loi.

M. Guy Lengagne a félicité le Rapporteur pour la qualité de sa présentation d'un sujet hautement technique. Il a fait observer que le présent accord montrait que la France avait été dépassée sur le plan technologique, puisque Areva est aujourd'hui contrainte de s'engager dans une coopération industrielle avec le consortium Urenco. Il convient de s'interroger sur le point de savoir pourquoi le Commissariat à l'énergie atomique et la recherche française n'ont pu mettre au point la technologie développée par ce consortium. Cette situation s'explique peut être par la mauvaise situation de la recherche française, ce qui est préoccupant pour l'avenir.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que les Etats-Unis n'étaient pas plus avancés que la France dans le domaine concerné par l'accord. Il a souhaité savoir s'ils étaient intéressés pour nouer un accord avec Urenco. Il est en tout état de cause toujours possible que le progrès technique remette en cause le monopole dont disposent certaines entreprises.

M. Jacques Remiller a apporté les éléments de réponse suivants :

- Le choix fait par l'industrie nucléaire française a été opéré dans les années 1960 ; aujourd'hui la technique de la diffusion gazeuse qu'utilise, outre Areva, la société américaine USEC, est certes un procédé industriel d'une grande souplesse d'utilisation, mais également très consommateur d'électricité. De ce fait, l'électricité représente aujourd'hui 60 % environ du prix de revient des services d'enrichissement. Or, en raison d'une concurrence accrue, les prix de marché sont de plus en plus serrés.

- Sur un marché aussi concurrentiel que l'enrichissement, les considérations économiques sont déterminantes ; aussi le groupe Areva fait-il le choix économique le plus rationnel en se tournant vers une coopération avec Urenco, plutôt qu'en développement lui-même cette technologie.

- Ce choix de la coopération avec Urenco est essentiel pour qu'Areva préserve ses positions internationales ; si la coopération entre Areva et Urenco n'avait pas lieu, il est très probable qu'Urenco se serait tourné vers le groupe américain USEC, également concurrent d'Areva ; ce qui compte en l'occurrence, ce sont les objectifs plutôt que les moyens.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2555).

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Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 19 octobre 2005 :

- M. Jean-Marc Roubaud, rapporteur pour le projet de loi n° 2376 visant à autoriser l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure ;

- Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole portant modification de la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980 (ensemble une annexe) (n° 2561) ;

- M. Guy Lengagne, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention relative au renforcement de la Commission Interaméricaine du Thon Tropical établie par la Convention de 1949 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République du Costa Rica (ensemble quatre annexes) (n° 2559) ;

- M. Eric Raoult, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'Acte de Genève de l'arrangement de La Haye concernant l'enregistrement international des dessins et modèles industriels (n° 2560) ;

- M. Henri Sicre, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre concernant les transports routiers internationaux de marchandises (ensemble une annexe) (n° 2562).

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