COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 9 novembre 2005
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen pour avis des crédits de la mission Action extérieure de l'Etat pour 2006 - M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis

- Programme Rayonnement culturel et scientifique - M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis

  

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Examen pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » pour 2006

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Richard Cazenave, les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » pour 2006.

Le Ministre des Affaires étrangères ayant, le 8 novembre, présenté à la Commission les crédits de son ministère, M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis, a souhaité n'en dire que quelques mots, avant d'évoquer plus précisément la question de l'introduction de la biométrie dans les visas et celle de la mise en œuvre de la réforme de l'asile.

Le projet de loi de finances pour 2006 propose d'ouvrir 2,36 milliards d'euros de crédits de paiement sur la mission « Action extérieure de l'Etat », contre 2,3 milliards d'euros en 2005. Cette progression apparente de 2,4 % est essentiellement le résultat d'une sous-évaluation des cotisations retraite en 2005 ; à périmètre constant et avant transferts, les crédits de paiement sont en baisse de 0,5 %.

Le ministère poursuit ses économies de fonctionnement et voit son plafond d'emplois réduit de 235 équivalents temps plein travaillé. Le ministre des Affaires étrangères a souhaité que cette réduction des effectifs soit la dernière, et il convient que la prochaine contractualisation mette fin à une tendance très marquée depuis plusieurs années. Le ministère des Affaires étrangère innove par l'expérimentation des loyers budgétaires et il réaménage prudemment son réseau, processus qui, selon le Rapporteur pour avis, devrait être accéléré au profit des pays émergents.

Pour le reste, la plupart des dotations sont reconduites à leur niveau de 2005. Cette reconduction posera surtout problème pour le financement des opérations de maintien de la paix, qui était déjà insuffisant en 2005 : les 136,22 millions d'euros prévus pour 2006 ne permettront pas de couvrir les dépenses évaluées entre 296 et 316 millions d'euros selon l'évolution des taux de change.

Ce problème devrait être résolu pour l'avenir par la signature, avant la fin de l'année 2005, d'un contrat de modernisation entre le ministère des Affaires étrangères et le ministère des Finances. Il devrait porter, principalement, sur le rebasage de ces crédits, sur la gestion du risque de change, sur la politique immobilière du ministère des affaires étrangères, en particulier les cessions de biens à l'étranger, et sur la sécurisation des moyens budgétaires consacrés à la modernisation du ministère. L'évolution du réseau à l'étranger, notamment dans l'Union européenne, sera aussi intégrée dans le contrat. Ces engagements réciproques devraient permettre de supprimer les principales incertitudes pesant sur le budget des Affaires étrangères, et principalement sur celui de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

En attendant l'application du contrat de modernisation, les lois de finances rectificatives devront, à la fin de cette année et encore à la fin de l'année 2006, compléter les crédits ouverts en loi de finances initiale pour le financement des OMP, car il ne saurait être envisagé de procéder par redéploiement de crédits pour s'acquitter de cette contribution, tant la sous-estimation des moyens est importante.

De même, il conviendrait que le prochain collectif ouvre 10 millions d'euros supplémentaires sur les crédits de la coopération militaire et de défense afin que celle-ci puisse, avant l'entrée en vigueur des nouvelles règles budgétaires, régler la dette qu'elle a contractée depuis plusieurs années vis-à-vis du ministère de la défense.

Le Rapporteur a également signalé la légère réduction, de 2 millions d'euros, de la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) qui s'élèvera encore pour 2006 à 323 millions d'euros. Cette baisse ne posera pas de problème à l'Agence dans la mesure où elle pourra effectuer un prélèvement sur son fonds de roulement pour financer ses dépenses supplémentaires, évaluées à 13 millions d'euros. Son fonds de roulement, qui a atteint 60 millions d'euros fin 2004, avoisine encore les 40 millions d'euros ; il a notamment été alimenté par deux années de résultats positifs mais est aussi lié à la conjoncture internationale.

Le Rapporteur pour avis a ensuite abordé plus en détail la question des moyens des services des visas et à la mise en œuvre de la réforme de l'asile.

La Cour des comptes, dans son rapport de novembre 2004, consacré à l'accueil des immigrants et à l'intégration des populations issues de l'immigration, a souligné le déficit de personnel des services des visas, qu'elle estimait à 114 emplois, alors qu'ils ne comptent que 739 agents. Elle jugeait cette situation préoccupante, et susceptible de « compromettre durablement le niveau qualitatif du traitement » des demandes de visa.

Ces services génèrent pourtant une recette non négligeable pour le budget général de l'Etat, laquelle a dépassé 79 millions d'euros en 2004. Mais seulement 2,9 millions d'euros ont été accordés au fonctionnement de ces services en 2005, en application d'un mécanisme de restitution partielle et conditionnelle de l'augmentation de la recette provenant des frais de visa.

Cette situation ne peut plus durer, alors que les consulats doivent s'équiper afin d'être en mesure de délivrer des vignettes de visas intégrant la photographie d'identité et les empreintes digitales du demandeur. Cinq postes expérimentent actuellement ces nouveaux visas dits « biométriques » : il est prévu qu'ils soient douze avant le début de 2006, une vingtaine à la fin de l'année prochaine, avant la généralisation de cette technique à partir de 2007.

Le ministère des affaires étrangères estime à près de 145 millions d'euros entre 2006 et 2008 le coût de l'introduction de la biométrie dans les visas : 105 millions d'euros iront à des aménagements immobiliers, 12,5 millions d'euros au matériel informatique et 27,5 millions d'euros aux dépenses de personnels supplémentaires. En effet, tous les demandeurs de visa devront être reçus individuellement, alors que 40 % d'entre eux seulement le sont aujourd'hui.

Pour 2006, la dépense supplémentaire sera de l'ordre de 27,7 millions d'euros ; le projet de budget n'accorde pourtant pas d'augmentation de crédits à l'action « Instruction des demandes de visa ». Le Rapporteur a donc estimé qu'il conviendrait d'augmenter le taux de retour vers le ministère de la recette des frais de visa afin de financer cette dépense supplémentaire. Il a indiqué que le ministère des affaires étrangères avait parallèlement demandé au Conseil européen de l'autoriser à augmenter de 35 à 60 euros le montant des frais de dossier de visa, ce qui permettrait de compenser les dépenses entraînées par l'introduction de la biométrie. La mise en œuvre de la biométrie en 2006 dépend donc à la fois de l'aboutissement de la discussion en cours avec le ministère des Finances et de la négociation au sein du Conseil européen.

La réforme de l'asile, réalisée par la loi du 10 décembre 2003, s'est accompagnée de la forte augmentation des crédits accordés à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la Commission des recours des réfugiés (CRR). Ils sont passés progressivement de 22,87 millions d'euros en 2002 à 46,35 millions d'euros en loi de finances pour 2005, somme encore accrue de 5,8 millions d'euros en cours de gestion. Il est prévu d'ouvrir 49 millions d'euros pour 2006.

Grâce aux recrutements permis par ces moyens supplémentaires, les stocks de dossiers en attente ont été réduits radicalement et les délais de traitement des affaires sont devenus plus acceptables. En 2005, les délais effectifs moyens sont estimés à 101 jours devant l'OFPRA (contre 258 jours en 2003 et plus de 320 jours en 2002) et 284 jours devant la CRR, chiffre stable étant donné la forte progression du nombre des recours traités, parfois très anciens. Mais la réduction du nombre de recours pendants est désormais bien engagée. Les délais effectifs sont encore loin des délais de traitement souhaités, fixés dans les documents budgétaires à 60 jours devant l'OFPRA et à 90 jours devant la CRR. Si le délai devant l'OFPRA est raisonnable, le caractère contradictoire de la procédure suivie par la CRR ne permettra pas de réduire sa durée moyenne à trois mois. Un objectif de quatre mois, en revanche, serait crédible.

La réduction des délais de traitement des demandes, qui était l'un des objectifs principaux de la réforme de décembre 2003, n'a que des avantages : elle permet aux demandeurs admis d'être plus vite rassurés sur leur avenir et de mener rapidement une vie normale ; elle génère des économies pour les finances publiques, la prise en charge des demandeurs étant moins longue ; elle facilite la reconduite à la frontière des déboutés ; et elle limite l'intérêt des demandes manifestement infondées, dont le nombre a déjà commencé à diminuer.

Des progrès considérables ont ainsi été accomplis dans le traitement des demandes d'asile. D'autres améliorations vont intervenir, principalement dans trois domaines qui me semblent essentiels :

- devrait paraître prochainement une circulaire du ministère de l'intérieur visant à harmoniser la procédure de délivrance, par les préfectures, de l'autorisation provisoire de séjour : cette procédure ne comporterait plus que deux étapes, et devrait respecter un délai maximal de deux semaines, alors qu'il peut aller jusqu'à trois mois aujourd'hui dans certaines préfectures ;

- le nombre de places dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) devrait être porté de 15 600 à 19 600 avant la fin 2006 et la transformation de l'allocation d'insertion en allocation temporaire d'attente, prévue par l'article 88 du projet de loi de finances, conduira à priver du bénéfice de cette allocation les demandeurs d'asile qui auraient refusé une place en CADA et ceux qui ne respecteraient pas la domiciliation qu'ils ont déclarée ; la France est en effet aujourd'hui très libérale en matière de logement des demandeurs d'asile, contrairement à la plupart de ses voisins ;

- enfin, le retour dans leur pays des déboutés du droit d'asile sera favorisé par l'augmentation du taux d'exécution des mesures d'éloignement (elles devraient passer de 15 660 en 2004 à 23 000 en 2005) et par la forte revalorisation des aides au retour (2 000 euros pour un adulte et 3 500 euros pour un couple, somme majorée selon le nombre d'enfants, contre un pécule de 178 euros auparavant), expérimentée dans 21 départements.

Ces mesures devraient encore accélérer les procédures de demande d'asile et réduire « l'attractivité » de la France pour les personnes qui demandent abusivement l'asile. Un traitement plus efficace des demandes garantit les bonnes conditions d'accueil des véritables demandeurs d'asile.

Dans l'attente des ouvertures de crédits qui devront figurer dans le prochain collectif et de la signature du contrat de modernisation, qui devra notamment assurer le financement de la mise en place de la biométrie dans les visas, le projet de budget me semble satisfaisant. Je vous recommande donc d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » pour 2006.

M. François Rochebloine a souhaité connaître la proportion de dossiers instruits par l'OFPRA qui recevait un avis favorable ainsi que la liste des principaux pays dont étaient ressortissants les demandeurs d'asile.

Relevant que le consulat de France à Alger délivrait quelque 160 000 visas par an, M. Marc Reymann a souhaité savoir s'il était ou allait être prochainement équipé pour délivrer des visas biométriques.

M. Jean-Claude Lefort a déclaré avoir eu le sentiment, compte tenu des questions que le Rapporteur avait choisi d'aborder - les demandes d'asile et la délivrance des visas - que la Commission examinait le budget du ministère de l'Intérieur plutôt que celui d'une grande action de la France sur le plan international. Il a regretté que ces questions franco-françaises, certes importantes mais néanmoins mineures, soient mises à l'honneur quand, à travers le monde entier, il était attendu de la France qu'elle conduisît une politique extérieure dynamique et innovante. La politique extérieure de la France en 2006 se résumerait-elle à la question du traitement des demandes d'asile et à la délivrance de visas ?

Le Président Edouard Balladur a expliqué qu'il avait donné son accord au Rapporteur pour que ce dernier centrât sa présentation sur deux points particuliers, dans la mesure où les crédits de la mission sur l'« Action extérieure de la France » avaient été présentés la veille par le Ministre des affaires étrangères et avaient fait l'objet d'une discussion. Il va de soi que l'action extérieure de la France ne se limite pas à des problèmes administratifs : la nature et de la diversité des questions qui avaient été posées par les députés au Ministre des affaires étrangères lors de l'audition de ce dernier le 8 novembre 2005 en faisaient foi, comme le montre le compte rendu de cette réunion.

M. François Guillaume a interrogé le Rapporteur sur la coordination existant au plan européen en matière de traitement des demandes d'asile : dans la mesure où c'est au premier pays saisi de traiter la demande, l'information circule-t-elle correctement sur les demandes déposées chez nos voisins et quels sont les dispositifs permettant un contrôle européen effectif en la matière ?

M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- le taux d'accord de l'asile est de 9 % devant l'OFPRA ; l'annulation de certains rejets par la CRR porte le taux global d'accord à environ 20 % des demandes.

- en 2004 comme en 2005, Haïti est le premier pays de provenance des demandeurs d'asile ; le nombre de demandeurs haïtiens a presque atteint 4 000 pour les neuf premiers mois de 2005, soit 76 % de plus que pendant la même période en 2004. Ces demandes sont déposées en Guadeloupe, ce qui va conduire l'OFPRA à y installer une plateforme permanente en 2006, tandis que la CRR y tiendra des audiences foraines. La Turquie, la Chine, la République démocratique du Congo et la Serbie-Monténégro figurent aussi parmi les premiers pays de provenance des demandeurs d'asile. La part des Algériens parmi les demandeurs n'est plus que de 4 %, soit deux fois moins qu'en 2004, grâce à la fusion de l'asile territorial et de l'asile conventionnel. Le nombre total de premières demandes d'asile a chuté de 12,4 % entre les neuf premiers mois de 2005 et la même période en 2004.

- le consulat d'Alger n'est pas équipé pour délivrer les visas biométriques et ne devrait pas l'être en 2006, mais le consulat d'Annaba a fait partie des premiers à être équipé, tout comme les consulats de Bamako, Colombo, Minsk et San Francisco.

- le Ministre des Affaires étrangères ayant présenté la veille ses crédits à la Commission, il n'était pas nécessaire de répéter l'exercice. La France continuera à avoir en 2006 le réseau diplomatique le plus dense du monde et opérera des redéploiements d'effectifs au profit des pays émergents. Elle disposera des moyens de mener sa politique internationale et de poursuivre ses engagements sur les dossiers multilatéraux comme dans le règlement des crises internationales.

- un nombre croissant de préfectures est équipé des bornes « Eurodac » qui permettent de vérifier très rapidement si une personne a présenté une demande d'asile dans un autre pays européen ; dans ce cas, l'OFPRA n'est pas compétent pour examiner la demande.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. François Rochebloine, les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », de la mission « Action extérieure de l'Etat » pour 2006

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis, a estimé que les crédits dévolus à ce programme pâtissaient de la baisse constante des moyens du Ministère des Affaires étrangères depuis les dix dernières années. Sur cette période les crédits du Quai d'Orsay sont en effet passés de 1,45 % à 1,33 % de l'ensemble des moyens inscrits au budget de l'Etat. La baisse des effectifs sur la même période s'élève à 11 % et la tendance se poursuit, puisque le Ministère doit perdre 235 emplois l'année prochaine. Cette érosion des moyens du Quai d'Orsay est préoccupante. Elle pèse également sur les moyens dévolus au rayonnement de notre pays et au soutien de la francophonie. Les moyens inscrits dans le projet de loi de finances pour le programme « rayonnement culturel et scientifique » s'élèvent à 334,1 millions d'euros et le plafond d'emplois inscrits est de 1 371. Il s'agit du programme le moins bien doté de la mission dont il représente seulement 15 % des crédits.

Le Rapporteur pour avis a tout d'abord présenté les crédits du réseau culturel et scientifique. La nouvelle présentation budgétaire résultant de la LOLF a scindé les crédits dévolus à ce réseau entre les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement et les autres : concrètement, cela implique que les 79 centres culturels et les 147 alliances françaises des pays bénéficiant de l'APD relèvent désormais de la mission relative à l'aide publique au développement, tandis que les 69 centres et les 73 alliances françaises subventionnées relèvent de la mission « action extérieure de l'Etat ». De même les moyens dévolus à l'AFAA, à Unifrance ou au Bureau international de l'édition française sont scindés entre pays bénéficiant de l'APD et les autres. Ce découpage est contestable, car il ne permet pas d'avoir une vision d'ensemble de l'action culturelle extérieure. Il constitue également un frein à la réforme du réseau, alors même que la LOLF devait constituer un outil de modernisation des politiques publiques et des structures.

Les moyens consacrés à l'animation du réseau culturel au titre du rayonnement culturel et scientifique s'élèvent à un peu plus de 18 millions d'euros, soit une baisse de 546 000 euros par rapport à l'an passé. Cette situation est d'autant plus préoccupante, que le Ministère, faute d'une politique immobilière cohérente, est souvent conduit à louer des locaux pour héberger ses centres culturels : dans ces conditions, le paiement des salaires et des loyers ne laisse que peu de moyens pour la mise en œuvre d'une politique culturelle extérieure qui soit à la hauteur.

M. François Rochebloine a indiqué qu'il interrogerait le Ministre en séance sur la politique de soutien des pouvoirs publics en faveur des artistes français à l'étranger. Lors de l'inauguration de la FIAC, le Premier ministre a fait des annonces sur l'organisation d'expositions d'artistes français contemporains au grand Palais, sur l'aménagement de l'île Séguin et sur la mise en place d'une Fondation pour la création en France. Ces projets font l'impasse sur l'indispensable soutien international des artistes français. Compte tenu des réalités du marché de l'art et de la mondialisation croissante de la création, il est indispensable que le soutien aux artistes français s'inscrive dans une logique internationale et fonctionne en réseau avec les villes étrangères les plus emblématiques pour la création contemporaine ou le marché de l'art, que ce soit New York, Londres, Tokyo, Mexico ou Berlin.

Le Rapporteur pour avis a ensuite présenté les crédits de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Le réseau des lycées français est rattaché au programme « Français à l'étranger et étrangers en France » aux côtés des consulats et de l'OFPRA. Ce rattachement ne tient pas compte des missions de l'AEFE qui accueille une majorité d'élèves étrangers et constitue de plus en plus une filière de recrutement pour l'enseignement supérieur et la recherche. Le contenu de ce programme ne comporte par ailleurs aucune marge de manœuvre en termes de fongibilité des crédits. Pour ces raisons, il a indiqué qu'il présenterait en commun avec M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis, un amendement transférant les crédits de l'AEFE vers le programme consacré au rayonnement culturel et scientifique. Les crédits dévolus à l'AEFE sont à nouveau en baisse cette année : avec 323 millions d'euros contre 324,7 millions d'euros pour l'an passé. Cette situation est préoccupante puisqu'elle augmente davantage les contributions des familles qui représentent déjà 450 millions d'euros pour l'année scolaire en cours. Par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères vient de transférer à l'Agence la charge des bâtiments des établissements en gestion directe sans aucune compensation. Vu l'état de certains bâtiments, comme ceux du lycée de Vienne, cette charge est particulièrement lourde et peut, à terme, menacer l'équilibre financier de l'Agence.

Les crédits consacrés à l'enseignement supérieur et à la recherche relevant du programme « rayonnement culturel et scientifique » s'élèvent à 63 millions d'euros. Ils permettent notamment de financer des bourses d'excellence et de soutenir la recherche française à l'étranger. L'attractivité de l'enseignement supérieur français peut s'améliorer : avec un total de 210 000 étudiants étrangers en 2004-2005, la France se trouve au 4ème rang derrière les Etats-Unis, le Royaume Uni et l'Allemagne. Alors que le nombre de locuteurs allemands dans le monde est de 123 millions contre 290 millions de locuteurs français, l'Allemagne est cependant plus attractive que notre pays. Il faut nous interroger sur les raisons de cet écart et en tirer les conséquences.

M. François Rochebloine a ensuite abordé les crédits de l'audiovisuel extérieur en estimant que leur nouvelle présentation consacrait l'éclatement de ce secteur et le recul du Ministère des Affaires étrangères dans la définition de ses orientations stratégiques. L'audiovisuel extérieur est désormais financé par quatre sources différentes : la mission « action extérieure de l'Etat » pour TV 5 et RFI, la mission « APD » pour CFI, la mission « médias » pour la nouvelle chaîne d'information internationale et la redevance pour le financement complémentaire de RFI. A ces quatre sources de financement correspondent trois départements différents : Matignon pour la nouvelle chaîne d'information internationale, le Ministère de la culture et de la Communication et le Quai d'Orsay pour les autres opérateurs.

La subvention allouée par le Quai à TV 5 (62,72 millions d'euros) et à RFI (72,13 millions d'euros) est reconduite à l'identique, c'est-à-dire qu'elle est en baisse en euros constants. Par ailleurs le Ministère ne participera pas au financement de la future chaîne d'information internationale, qui devrait voir le jour en 2006 avec un montage à parité entre France Télévisions et TF 1 et un budget de 65 millions d'euros. Ce budget aurait pu être suffisant si la nouvelle chaîne avait regroupé l'ensemble des moyens qui sont actuellement dispersés dans le secteur audiovisuel : que ce soit à TV 5, RFI, Euronews, Arte France ou l'AFP. Or le choix de créer une société anonyme détenue à 50 % par TF1 et à 50 % par France télévisions laisse de côté les autres opérateurs. Le montage retenu est par ailleurs critiquable puisque l'Etat paiera 100 % du budget, mais que la moitié du capital sera détenue par un opérateur privé, qui a d'ailleurs été choisi sans aucun appel d'offre. Enfin, le Gouvernement a finalement annoncé que la future chaîne serait visible en France, ce dont il faut se réjouir. Mais, il n'a pas clairement dit sur quel support. Si la future chaîne n'était pas accessible sur la TNT, mais sur le câble ou sur le satellite, les Français devront payer deux fois pour la voir : par leurs impôts et par leurs abonnements, ce qui n'est pas acceptable.

En conclusion, le Rapporteur pour avis a fait part de ses réserves sur les crédits du programme « rayonnement culturel et scientifique ». Leur rejet serait contreproductif, puisqu'il priverait le Ministère des Affaires étrangères de ses moyens d'action ; c'est pourquoi il a appelé la Commission à donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits sous réserve de l'adoption des deux amendements qu'il lui présenterait.

Le Président Edouard Balladur s'est interrogé sur le montant et la répartition du capital de la future chaîne internationale de l'information.

M. Jean-Claude Lefort a souhaité connaître la procédure juridique qui avait été suivie pour désigner TF1 alors qu'aucun appel d'offres n'a été organisé à cet effet.

M. Bruno Bourg-Broc a observé que le budget relatif à l'action extérieure de l'Etat aboutissait à une situation paradoxale : les pouvoirs publics ne cessent d'affirmer l'importance de cette action alors même que les crédits qui lui sont alloués diminuent. Quel est, par ailleurs, le montant affecté dans ce budget aux institutions multilatérales de la francophonie ? En effet, dans ce domaine comme dans d'autres, le multilatéralisme conduit à réduire la visibilité de notre action, ce qu'on observe aujourd'hui.

M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis, a déclaré qu'il avait été annoncé que TF1 et France Télévisions détiendraient à parts égales le capital de la future chaîne de l'information dont on ignore cependant toujours le montant. L'Etat prendra en charge l'intégralité du budget de la chaîne. Finalement on revient à la structure que M. Bernard Brochand, parlementaire en mission, avait proposé en 2003 au Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin. On peut regretter ce retour en arrière et s'interroger sur la position du nouveau président de France Télévisions qui avait affirmé, il y a peu, qu'il souhaitait que son groupe soit le pilote de ce projet. D'ici la fin de 2005, on devrait connaître la forme juridique choisie pour cette chaîne d'information qui devrait voir réellement le jour avant le terme de 2006. Aucune procédure juridique particulière n'a été diligentée pour choisir TF1 comme seul partenaire privé de ce projet alors même que d'autres groupes auraient pu s'y associer.

Les crédits de la francophonie relèvent, pour ce qui concerne leur aspect multilatéral, de la mission interministérielle « Aide publique au développement ». Ils sont reconduits pour un montant de 58,4 millions d'euros dont 45,2 millions pour le Fonds multilatéral unique (FMU) et 11,94 millions d'euros pour l'Agence internationale de la Francophonie (AIF). Ils représentent deux tiers des moyens d'action de la francophonie institutionnelle.

En conclusion, le Président Edouard Balladur a estimé que la défense de la langue française supposait que les moyens budgétaires nécessaires soient mis en œuvre, en particulier pour l'enseignement du français à l'étranger. Or on constate une stagnation des crédits ce qui n'est pas satisfaisant. Enfin, les documents budgétaires annexés au projet de loi de finances pour 2006 manquant singulièrement de clarté, il a indiqué qu'il allait saisir le Premier ministre de cette question, afin notamment d'obtenir des précisions sur la structure de la future chaîne française d'information internationale.

Article 52 : Etat B - Mission « Action extérieure de l'Etat »

La Commission a été saisie d'un amendement de M. François Rochebloine, rapporteur pour avis, visant à créer au sein de la mission « action extérieure de l'Etat », un programme spécifique dévolu à l'audiovisuel extérieur. Il a indiqué que cet amendement visait à donner une meilleure lisibilité au secteur audiovisuel extérieur et qu'il permettait de répondre aux préoccupations de la Cour des comptes sur l'absence de pilotage stratégique de ce secteur. Il a indiqué, qu'à terme, ce programme devait avoir pour vocation de regrouper l'intégralité des crédits dévolus à ce secteur.

M. Jacques Myard s'est interrogé sur le sens de cet amendement et sur ses conséquences pratiques.

M. Richard Cazenave, rapporteur pour avis, a fait observer que le Président de la Commission des Finances avait fait part de son opposition à cet amendement. Il a estimé qu'il était prématuré d'adopter un tel amendement, alors même que la chaîne d'information internationale n'avait pas encore vu le jour. Il serait préférable d'attendre pour avoir une meilleure visibilité en la matière et de reprendre ce débat dans la prochaine loi de finances.

Le Président Edouard Balladur a estimé que ce débat montrait que la présentation des documents budgétaires était confuse et qu'il était indispensable d'obtenir des éclaircissements du Gouvernement sur le financement de l'audiovisuel extérieur, cette démarche ne faisant par ailleurs pas obstacle à l'adoption de cet amendement.

M. François Rochebloine, rapporteur pour avis, a indiqué que cet amendement ne remettait pas en cause les crédits de la chaîne d'information internationale, car ceux-ci sont inscrits dans la mission « médias » qui a été adoptée en séance publique lundi 7 novembre 2005. Il n'y a aucune raison de différer le vote de cet amendement, dont l'objet est d'améliorer la lisibilité de la politique menée en matière d'audiovisuel extérieur.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement présenté par MM. Richard Cazenave et François Rochebloine, rapporteurs pour avis.

M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis, a indiqué que l'amendement visait simplement à modifier le programme de rattachement de l'action « Service public d'enseignement à l'étranger ». Le rattachement de l'AEFE au programme « Français à l'étranger et étrangers en France » est contestable alors que plus de la moitié des enfants scolarisés ne sont pas français et que le réseau de l'AEFE joue un rôle essentiel dans la diffusion de la langue et de la culture françaises. L'avenir de la culture française dépend notamment de l'élargissement du réseau des lycées français et de son adaptation à l'importante demande émanant de parents étrangers. L'AEFE est un outil essentiel pour attirer des étudiants étrangers dans l'enseignement supérieur français.

M. Jacques Myard s'est interrogé sur le montant des crédits encore affecté au programme « Français à l'étranger et étrangers en France » après le transfert de la dotation de l'AEFE.

M. Richard Cazenave, Rapporteur pour avis, a expliqué que l'affectation de la subvention de l'AEFE au programme « Rayonnement culturel et scientifique » réduira les crédits de son programme d'origine à 300 millions d'euros, ce qui ne remet pas en cause son existence.

La Commission a adopté l'amendement des Rapporteurs pour avis.

Conformément aux conclusions des deux Rapporteurs pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » pour 2006 ainsi modifiés.

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● Action extérieure de l'Etat (budget)

● Rayonnement culturel et scientifique (budget)


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