Version PDF

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 19

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 25 janvier 2006
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Accord avec la Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 2174) - M. Philippe Cochet, rapporteur

- Modification de la convention relative aux transports internationaux ferroviaires (n° 2561) - Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteure

Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les perspectives d'annulation de la dette des pays en développement (n° 2405)  M. Jacques Godfrain, rapporteur

- Informations relatives à la Commission

  


3

5

9
12

Accord avec la Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Philippe Cochet, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 2174).

Rappelant que l'image de la Colombie dans le monde demeurait associée à la violence endémique et au trafic de drogues, la Colombie étant de très loin le premier producteur mondial de cocaïne, M. Philippe Cochet, rapporteur, a tenu à rappeler que cette réalité n'était pourtant pas la seule : qui sait que la Colombie est aussi le pays qui renferme le deuxième écosystème le plus riche de la planète ? De même, on oublie souvent que la troisième économie d'Amérique du Sud est aussi l'une des plus diversifiées du continent.

Il a jugé que ces atouts de la Colombie ne pourraient pas être valorisés à leur juste mesure tant que ce pays n'aurait pas trouvé la paix civile. A cet égard, il a expliqué que la situation sécuritaire en Colombie s'était améliorée dans les années récentes et qu'un processus politique était en cours entre les autorités colombiennes et les mouvements de guérilla. La politique dite de sécurité démocratique lancée en 2002 par le Président Uribe a ainsi obtenu des résultats réels : recul de la violence, diminution du nombre d'homicides et d'enlèvements, renforcement de la sécurité des axes de communication et baisse des attaques contre les infrastructures. Par ailleurs, d'importants dirigeants des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC), dont Ricardo Palmera, ont été arrêtés puis extradés vers les Etats-Unis et une large offensive de l'armée de plus de 15 000 militaires, appelée « opération patriote » et lancée début 2004 dans le sud du pays, a permis de désorganiser quelque peu la guérilla des FARC. Le Président Uribe a exigé un cessez-le-feu unilatéral et l'arrêt des hostilités pour entamer toute négociation avec les guérillas. En juillet 2005, il a assoupli ses positions et laissé entrevoir la possibilité de rencontrer la guérilla des FARC, en vue d'un échange humanitaire à un an des élections présidentielles.

Le rapporteur a rappelé que les FARC détenaient environ 1600 otages, dont 58 politiques et militaires, depuis plus de 7 ans. Notamment, Mme Ingrid Bétancourt, enlevée le 23 février 2002, est détenue depuis bientôt 4 ans. Ajoutant qu'après de nombreux revirements, le 13 décembre dernier, une proposition de médiation présentée par la France, la Suisse et l'Espagne, qui permettait d'envisager un échange humanitaire de 58 otages des FARC contre 500 guérilleros emprisonnés, avait été acceptée par le Président Uribe, M. Philippe Cochet a indiqué qu'elle avait cependant été rejetée par les FARC, contestant la manœuvre électorale utilisée par le Président colombien.

Dans ce contexte en pleine évolution, le rapporteur a jugé important que les pays, dont la France, qui avaient proposé leur aide à la Colombie pour faire avancer les négociations en cours, disposent de tous les moyens nécessaires à une action efficace et utile. De longue date, la France entretient avec la Colombie une coopération étroite, notamment dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Alors que son implication politique dans la résolution du conflit entre les autorités colombiennes et les mouvements de guérilla est entière et que la France entretient des liens économiques étroits avec la Colombie, il est cependant nécessaire de conforter la coopération franco-colombienne en matière de sécurité intérieure.

M. Philippe Cochet a fait valoir que tel était l'objet de l'accord de coopération signé par la France avec la Colombie à Bogota, le 22 juillet 2003, adopté par le Sénat le 22 mars 2005, aujourd'hui soumis à l'approbation de l'Assemblée nationale.

Jusqu'alors, la collaboration entre les deux pays en matière de sécurité intérieure était fondée sur un accord général de coopération technique et scientifique conclu le 18 septembre 1963, complété par un accord signé le 30 août 1993, relatif au renforcement de la coopération dans les domaines spécifiques liés à la lutte contre l'offre et la demande des stupéfiants, la lutte contre le terrorisme et le renforcement de la lutte contre le crime organisé. Cet accord de 1993 prévoyait notamment de développer l'échange d'informations, la fourniture d'équipements et la formation technique dans les domaines du trafic des stupéfiants, du terrorisme et de la lutte contre le crime organisé.

Cependant, tant les autorités colombiennes que le Gouvernement français ont souhaité disposer d'un instrument juridique plus complet, traitant spécifiquement de la sécurité. Notamment, la France s'est engagée ces dernières années dans un renforcement des actions de coopération en vue de mieux traiter en amont les activités criminelles transnationales, qui ont une incidence sur sa sécurité intérieure.

La nécessité d'une telle coopération est évidente, alors que le trafic de stupéfiants à destination du continent européen s'accroît. Ainsi, sur une production mondiale de cocaïne estimée à près de 1.000 tonnes (650 à 700 tonnes produites en Colombie, 150 à 200 tonnes produites au Pérou et 60 tonnes en Bolivie), les experts internationaux estiment que la quantité de cocaïne importée d'Amérique latine à destination du marché européen ne cesse de croître et dépasserait actuellement 200 tonnes.

Pour répondre à ces défis, l'accord signé à Bogota le 22 juillet 2003, qui présente une rédaction proche des accords bilatéraux de même nature déjà conclus par la France, permet un renforcement des dispositifs de coopération dans les domaines de la lutte contre la criminalité internationale, le terrorisme, le trafic des stupéfiants, le trafic d'armes et le blanchiment d'actifs sont renforcés. Notamment, il organise, dans un cadre juridique précis, les échanges d'informations et la communication de données à caractère personnel entre les deux Parties. Ces dispositions permettront de faciliter les procédures en la matière et de traiter plus facilement les demandes dans un délai écourté.

Tout en reconnaissant que la route serait longue, qui permettrait à la société colombienne de vivre enfin en paix et de bénéficier des richesses de toutes natures que renferme ce pays, M. Philippe Cochet a estimé que la France pouvait cependant y contribuer, tout en améliorant sa propre sécurité intérieure et, pour ces raisons, a vivement recommandé l'adoption, par la Commission des affaires étrangères, du projet de loi qui était soumis à son examen.

Revenant sur les propos du rapporteur concernant la richesse de l'écosystème colombien, qu'il a attribuée à la proximité du Brésil, pays frontalier de la Colombie et premier écosystème du monde, le Président Edouard Balladur a souligné l'importance du problème de la culture de la coca dans des milieux ruraux où elle représentait bien souvent une source de revenus majeure, en Colombie comme en Bolivie, par exemple. Dans cette perspective, il a souhaité que la capacité du Gouvernement colombien à mettre en œuvre le type d'accords qu'il avait signé avec la France soit la plus forte possible.

Rappelant que 70 % de la population mondiale était composée d'agriculteurs, M. Philippe Cochet, rapporteur, a souligné la nécessité de leur donner accès à des types d'agriculture leur permettant d'avoir un niveau de vie correct tout en ne se prêtant pas à des trafics illégaux : là réside l'enjeu clé pour la Colombie.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2174).

Protocole portant modification de la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Chantal Robin-Rodrigo, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole portant modification de la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980 (ensemble une annexe) (n° 2561).

Mme Chantal Robin Rodrigo, Rapporteure, a indiqué que le protocole soumis à l'Assemblée avait été signé à Vilnius le 3 juin 1999 ; il vise à modifier la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980, dite COTIF, afin de tenir compte des évolutions récentes de la politique ferroviaire européenne.

La première convention internationale sur le transport de marchandises par chemins de fer date de 1890. Elle visait à réduire les obstacles techniques et juridiques existant en cas de dépassement des frontières. L'activité essentielle des membres de la convention se limitait à une succession de conférences diplomatiques internationales conçues sur le même modèle que celles de l'Union postale ou de l'Union télégraphique. Ces conférences, connues sous l'appellation d'Union de Berne, adoptèrent une série de conventions de durée limitée définissant le régime des contrats de transport ferroviaire internationaux, tant pour les voyageurs que pour les marchandises.

En 1956 a été créé un comité administratif constitué de représentants des Etats membres. Cette évolution constitua une première étape vers la mise en place d'une véritable organisation intergouvernementale. Celle-ci est intervenue en 1980 avec la convention de Berne, qui a mis en place une nouvelle structure internationale : l'Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF), qui a officiellement vu le jour le 1er mai 1985.

L'OTIF comprend aujourd'hui 42 membres répartis en Europe, en Afrique du Nord et au Proche-Orient. La plupart des Etats issus de l'Union soviétique (en dehors de la Lituanie, de la Lettonie et de l'Ukraine) ne sont pas membres de l'OTIF en raison des spécificités du droit ferroviaire applicable dans ces pays, qui demeure marqué par le droit hérité de l'époque soviétique. En outre, la qualité de membre de l'Irak et du Liban a actuellement été suspendue, le trafic international ferroviaire avec ces Etats étant interrompu en raison de leur situation.

Le droit uniforme mis en place par l'Organisation s'applique à environ 240 000 kms de lignes de chemin de fer, ainsi qu'à plusieurs milliers de kms de lignes routières et de voies navigables. Il s'applique tant au transport international de voyageurs que de marchandises.

Depuis l'adoption de la COTIF en 1980, le droit communautaire applicable en matière ferroviaire a profondément évolué : la directive 91/440 sur les transports ferroviaires a en effet posé le principe de l'indépendance de gestion des entreprises ferroviaires, ce qui implique un statut non étatique pour les entreprises ferroviaires et une organisation de leurs activités selon une logique commerciale. Cette directive a également entraîné la séparation entre la gestion de l'infrastructure ferroviaire et l'exploitation des services de transport : elle impose à ce titre le paiement d'une redevance uniforme à l'ensemble des transporteurs utilisant ces infrastructures. Son objet est de faciliter l'interopérabilité des différents réseaux ferroviaires et de permettre aux sociétés d'utiliser les réseaux des différents Etats membres.

Ces évolutions du droit ferroviaire au niveau communautaire ont conduit les organes de l'OTIF à proposer de nouvelles règles tenant compte de ces réformes. Cette révision est opérée par le protocole de Vilnius.

Le protocole élargit les activités de l'OTIF. Celle-ci doit à terme jouer un rôle comparable à celui de l'Organisation maritime internationale ou de l'Organisation de l'aviation civile internationale.

Le protocole a en outre modifié le fonctionnement de l'Organisation. Il a tout d'abord introduit l'anglais comme langue de travail aux côtés de l'allemand et du français. Il a ensuite créé deux nouvelles commissions : l'une, chargée de la facilitation ferroviaire, étudie les questions relatives au trafic ferroviaire transfrontière, l'autre, composée d'experts techniques, adopte les règles relatives au matériel ferroviaire.

La nouvelle Convention résultant du protocole permet l'adhésion des organisations régionales. Cette mesure permettra à la Communauté européenne d'adhérer à l'OTIF et d'y représenter les Etats membres. Dans les matières relevant de sa compétence exclusive, le droit de vote sera exercé par la Communauté, représentée par la Commission. Dans, les autres cas, le droit de vote demeurera exercé par les Etats membres. La Communauté disposera de 23 voix sur 43, soit la majorité absolue : elle sera ainsi en mesure de s'opposer aux décisions contraires aux règles ou aux intérêts de l'Union.

Outre ces modifications relatives aux objectifs et au fonctionnement de l'OTIF, le protocole a modifié les différents appendices à la Convention, notamment pour les mettre en conformité avec la directive 91/440 sur les transports ferroviaires prévoyant la séparation entre la gestion des infrastructures et celle des transports. Les modifications de la COTIF ne tiennent toutefois pas compte des évolutions du droit communautaire intervenues depuis l'adoption des trois paquets ferroviaires entre 2001 et 2004. Il n'y a cependant pas de risques de conflits de normes, dans la mesure où le droit communautaire prime et qu'il est possible de formuler des réserves sur l'application de certaines des règles définies par la COTIF.

Chaque Etat membre peut à tout moment déclarer qu'il n'appliquera pas certain des appendices à la Convention. Par ailleurs, le texte institue le plus souvent un socle de normes minimales et il laisse aux contractants la possibilité d'y déroger.

Pour entrer en vigueur le protocole doit avoir été ratifié par 27 des Etats membres à l'époque de la signature. 26 Etats ont à ce jour procédé à la ratification du protocole, son approbation par la France lui permettra donc de prendre effet.

La Rapporteure a indiqué qu'elle souscrivait à l'objectif de développement des réseaux ferroviaires européens et qu'elle considérait, à ce titre, que l'OTIF et la Convention révisée par le protocole de Vilnius constituaient des outils utiles. L'Union européenne ne doit toutefois pas aller trop loin dans la voie de la libéralisation des chemins de fer en remettant en cause les grands principes du service public, auxquels nos concitoyens sont particulièrement attachés : continuité et qualité du service, notamment en matière de sécurité, égalité de traitement des usagers, politique tarifaire juste, rôle des transports ferroviaires en matière d'aménagement du territoire.

La généralisation de la concurrence et de la dérégulation aurait en effet pour conséquence de concentrer l'offre sur les segments les plus rentables des différents réseaux et remettrait en cause la desserte des territoires les plus défavorisés. Elle pourrait en outre poser des problèmes de sécurité comme en atteste l'expérience britannique de privatisation des chemins de fer. L'OTIF doit donc être avant tout un instrument de développement international du transport ferroviaire, plutôt que le fer de lance de la remise en cause des principes du service public.

Pour ces raisons, et sous ces réserves, la Rapporteure a proposé à la Commission d'adopter le présent projet de loi.

M. Jean-Paul Bacquet a estimé que le protocole constituait un texte d'une grande technicité. Il a déclaré que l'harmonisation des normes en matière de transport ferroviaire était indispensable, car les différences d'écartement des voies entre les pays et les différents systèmes d'alimentation électrique constituent des handicaps pour le développement du transport ferroviaire international.

Le Président Édouard Balladur a souhaité savoir pour quelles raisons certains Etats d'Afrique du Nord ou du Proche Orient étaient membres de l'Organisation, alors même que leur réseau ferré n'avait pas de continuité territoriale avec le réseau européen. Il a ensuite relevé que l'anglais accédait au statut de langue de travail de l'Organisation et jugé que cela aurait pu donner lieu à quelques garanties quant au maintien de l'usage du français. La Commission européenne va-t-elle pour sa part représenter les Etats de l'Union européenne de manière systématique ou les Etats garderont-ils voix au chapitre au sein de l'OTIF ? Enfin, s'il ne faut pas libéraliser à l'excès les transports ferroviaires, en quoi l'OTIF peut-elle, par ses compétences, exercer une influence en la matière ?

M. Christian Philip a précisé qu'en l'état actuel des traités, l'Union européenne ne disposait pas de compétence exclusive dans le domaine des transports. Cependant, compte tenu de l'existence de nombreux textes communautaires en matière de transports ferroviaires, la Commission a vocation à parler pour les Etats membres sur ces questions, à condition que la Communauté européenne soit membre de l'OTIF.

En réponse aux différents intervenants, la Rapporteure a apporté les précisions suivantes :

-  l'objectif du protocole de Vilnius, qui constitue effectivement un texte d'une grande technicité, est de favoriser l'harmonisation des pratiques et des normes en matière de transport ferroviaire dans les différents Etats membres de l'OTIF ; il doit permettre de réduire les surcoûts engendrés par les différences de réglementation entre Etats ; il doit également harmoniser les conditions de définition du montant des redevances pour usage des infrastructures ferroviaires dans les différents Etats membres de l'Organisation ; en tout état de cause, pour la France, ces règles sont avant tout définies par l'Union européenne, dont le droit prime sur celui de la COTIF ;

-  la continuité territoriale avec le réseau continental européen ne constitue pas un critère pour l'appartenance à l'OTIF ; ainsi la Grande Bretagne en fait partie ; les pays d'Afrique du Nord ou du Proche Orient ont pour leur part rejoint l'Organisation après la décolonisation en raison de l'existence de réseaux paneuropéens historiques, comme le Berlin-Bagdad, ou de réseaux développés par les anciennes puissances coloniales, dont la France ;

-  le fait que l'allemand et le français soient les langues de travail de l'OTIF s'explique par la localisation historique de l'Organisation en Suisse ; l'admission des nouveaux Etats membres de l'Union européenne en son sein a rendu nécessaire l'ajout de l'anglais comme langue de travail ;

-  les craintes formulées en matière de libéralisation du transport ferroviaire proviennent avant tout des décisions de l'Union européenne à travers les différents paquets ferroviaires ; l'OTIF peut également jouer un rôle en la matière en généralisant l'application de ces règles dans les Etats tiers ;

-  la Communauté européenne doit devenir membre de l'OTIF à compter de l'entrée en vigueur du protocole de Vilnius, car ce dernier modifie la convention de base pour permettre l'adhésion d'organisations régionales ; en l'absence de compétence exclusive de l'Union dans le domaine des transports, les Etats membres conserveront leur droit de vote au sein de l'Organisation ;

-  compte tenu de l'expérience britannique en matière de privatisation des chemins de fer, il est indispensable que l'Union européenne ne remette pas en cause les principes du service public ferroviaire ; la rentabilité ne doit pas s'opposer à l'entretien des réseaux, à la sécurité des voyageurs et à l'égalité de traitement des usagers ; l'Union européenne doit veiller au respect de ces principes.

Le Président Édouard Balladur a conclu en estimant que le partage des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres était d'une grande complexité et qu'il était indispensable de simplifier et de clarifier la situation juridique.

La Rapporteure a estimé que cette complexité de la construction européenne posait effectivement problème et qu'elle était incompréhensible pour les citoyens.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2561).

Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les perspectives d'annulation de la dette des pays en développement

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Godfrain, la proposition de résolution n° 2405 de M. Georges Hage et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'état de la dette des pays en développement à l'égard de la France, sur les conséquences pour le développement de ces pays, sur les perspectives d'annulation de la dette.

M. Jacques Godfrain a observé que plusieurs questions posées par les parlementaires signataires de cette proposition rejoignaient des interrogations dont il avait lui-même fait état auprès du Gouvernement et des administrations concernées, en sa qualité de rapporteur pour avis sur le budget de la coopération et du développement et, depuis l'an passé, sur la mission interministérielle « aide publique au développement ».

Le Gouvernement a fait des efforts pour améliorer les informations délivrées dans les réponses au questionnaire budgétaire ainsi que dans le « jaune » consacré à la politique d'aide au développement. Mais, comme le constatent les auteurs de la proposition de résolution, des zones d'ombre demeurent. Elles sont dues plus à la complexité même du sujet qu'à une sorte de volonté de cacher les choses. De ce point de vue, le Rapporteur a indiqué ne pas partager certains développements contenus dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution qui fait peu de cas des efforts réels de la France depuis près de cinq ans pour aider les pays en développement. On peut toujours demander que les choses aillent plus vite et que l'aide au développement soit plus massive. Mais il n'est pas juste de regarder toujours avec le seul œil critique les efforts réels qui sont faits.

Il convient à cet égard de rappeler quelques chiffres. En mars 2002, le Président de la République a pris un engagement ferme lors de la conférence internationale de Monterrey, celui de donner une impulsion nouvelle à l'aide publique au développement engagée par la France. En 2002, l'aide publique au développement était de 0,31 % du RNB, elle est aujourd'hui de 0,44 % du RNB soit 7,4 milliards d'euros. La France se situe ainsi juste derrière les Etats-Unis et le Japon en volume d'aide et au premier rang au sein du G8 si l'on prend en compte le rapport entre l'aide et le RNB. L'engagement de la France va donc bien au-delà des objectifs européens qui prévoient un niveau moyen de l'aide des Etats membres de 0,39 % du RNB en 2006.

Concernant la dette, on a observé avec justesse que l'accroissement de l'aide au développement en France a été dû en grande partie, ces dernières années, à des annulations de dette importantes. Certains s'inquiètent de l'avenir de l'aide publique au développement lorsque nous n'aurons plus de dettes à annuler. D'autres s'interrogent sur l'impact réel et concret des annulations de dette sur la baisse de la pauvreté dans les pays bénéficiaires. On peut partager ces interrogations, dont M. Jacques Godfrain a rappelé qu'il s'était fait l'écho dans ses avis budgétaires.

Sur le premier point, on constate qu'en dépit des demandes répétées des membres de la Commission des Affaires étrangères, l'administration n'est pas en mesure d'indiquer clairement quel est le stock actuel de dettes que nous pourrions annuler dans les années qui viennent. Aucun échéancier n'est disponible et, de ce point de vue, nous naviguons largement à vue. Ce n'est pas satisfaisant. Il faut le dire clairement.

Mais il faut aussi concéder que la question est complexe. Une partie des dettes est comptabilisée au titre de l'aide publique au développement, l'autre non, sans que les critères de distinction soient d'une grande clarté. De plus, les annulations de dette peuvent être imputées ou non sur le budget de l'Etat selon les cas. Enfin, les montants de ces annulations varient d'une année à l'autre de manière souvent peu prévisible. Les annulations de dette qui font l'objet d'une dépense budgétaire représentaient 14 % de l'ensemble des annulations en 2004, 11 % en 2005 et, en prévision, 9 % en 2006. Les annulations restantes qui en constituent l'essentiel, ne grèvent pas, elles, le budget de l'Etat. Elles sont réparties entre les annulations dites « COFACE » dont la part ne cesse de s'accroître (40 % en 2004 et 80 % en prévision pour 2006) et les annulations portées aux découverts du Trésor (46 % en 2004).

Finalement, les annulations de dette qui ont été intégrées dans l'aide publique au développement représentaient 1,84 milliard d'euros en 2003, 1,41 milliard d'euros en 2004, 2,8 milliards en 2005 (en prévision) et - toujours en prévision - 1,93 milliard d'euros en 2006. Ces annulations représentaient 13 % de notre aide au développement en 2003 ; ce chiffre atteindrait 35 % en 2005.

Si l'on a quelques difficultés à obtenir des informations parfaitement claires concernant le montant global des dettes encore dues par les pays en développement à l'égard de la France, on connaît mieux les mécanismes et les procédures qui permettent de réduire ces dettes, que ce soit les dispositifs du Club de Paris, l'initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE) lancée à Lyon en 1996 ou les C2D (contrats de désendettement et de développement). Ces C2D vont d'ailleurs faire l'objet d'une réforme décidée par le Comité interministériel de la coopération internationale et le développement (CICID) du 18 mai dernier afin de renforcer le dispositif et le rendre plus efficace.

La question de la dette touche beaucoup l'opinion mondiale et a fait l'objet d'une campagne active de la part d'ONG ; elle a suscité également une forte attention de la part des pays les plus riches et de l'ONU. La réduction importante - 55 milliards de dollars de dette dont 366 millions de dollars assumés par la France d'ici 2015 - décidée lors du Sommet du G8 de Gleneagles en juillet dernier le montre.

Mais on peut s'interroger sur l'impact de ces réductions. Même si d'aucuns en contestent le résultat, certaines études ont montré que les montants financiers ainsi dégagés grâce aux annulations de dette avaient un impact direct et positif sur le développement des pays bénéficiaires. Le système français des C2D qui conditionne, en quelque sorte, les annulations au réemploi des fonds à des fins de développement, est un exemple de l'intérêt de ces allègements de dette dans la lutte contre la pauvreté.

Des interrogations demeurent cependant. En 1980, le total de dettes des pays en développement était de 560 milliards de dollars. Il atteignait, fin 2001, 2450 milliards de dollars. On peut se demander si les annulations de dette sont à la hauteur des enjeux, s'il est possible financièrement pour les Etats les plus riches d'aller plus loin, si finalement les pays du Sud ne s'endettent pas pour rembourser leurs dettes.

M. Jacques Godfrain a déclaré que, si bon nombre de questions présentées par les auteurs de la proposition de résolution méritaient donc d'être étudiées, il n'était pas favorable à la création d'une commission d'enquête.

La proposition de création de commission d'enquête remplit certes les trois conditions imposées par le Règlement de l'Assemblée nationale. Elle détermine avec suffisamment de précisions les faits qui donneraient lieu à enquête. Le Garde des Sceaux a confirmé qu'aucune poursuite judiciaire n'était en cours pour des faits susceptibles de se rattacher à l'objet de la proposition de résolution. Enfin, notre Assemblée n'a mené à ce jour ni mission d'information ni commission d'enquête sur les faits qui motivent la présente proposition de résolution. Cela ne signifie pas cependant que son adoption serait la solution la plus pertinente pour deux raisons.

La constitution d'une telle commission d'enquête imposerait la mise en place d'une structure très lourde (convocations, serment, procès-verbaux ...) ; ces travaux seraient de plus strictement limités dans le temps pour une durée de 6 mois, ce qui n'est pas en l'occurrence la procédure la mieux adaptée. Surtout on sait que la constitution d'une telle commission renvoie à l'idée d'une investigation destinée à comprendre les raisons d'un mauvais fonctionnement de mécanismes publics ayant entraîné des conséquences dommageables. Ce n'est évidemment pas le cas. Le Parlement doit être informé afin d'évaluer ensuite les effets de notre politique d'aide au développement. Ce travail de clarification doit être accompli avec détermination mais de manière proportionnée.

On pourrait proposer de créer une mission d'information au sein de la Commission des Affaires étrangères ; c'est une solution classique. Le Rapporteur a indiqué cependant qu'il envisageait de consacrer son prochain avis budgétaire à la question de la dette des pays du Sud, si la Commission entendait le désigner à nouveau rapporteur pour avis sur la mission « aide publique au développement » pour le projet de loi de finances pour 2007. C'est pourquoi il a souhaité suggérer une solution un peu innovante. Il a proposé d'organiser une série d'auditions sur le sujet de la dette afin de préparer cet avis budgétaire et d'ouvrir ces auditions à tous les députés qui le souhaitaient et, pourquoi pas, aux membres d'autres commissions comme celle des finances. De la sorte, cette étude pourrait s'articuler de manière judicieuse avec l'avis rendu par la Commission des Affaires étrangères sur l'aide publique au développement, où elle a pleinement sa place ; il semble en effet difficile d'un point de vue rationnel de dissocier les deux.

En conclusion, le Rapporteur a proposé de rejeter la proposition de résolution tendant à la constitution d'une commission d'enquête, moyennant l'engagement pris d'étudier de manière approfondie la question de la dette des pays du Sud dans le cadre de la prochaine loi de finances.

M. Jacques Remiller a souhaité que soient précisées les conditions dans lesquelles les députés pouvaient engager des investigations.

M. Jacques Godfrain, Rapporteur, a rappelé que l'on pouvait constituer une commission d'enquête, une mission d'information mais que les rapporteurs budgétaires avaient également des pouvoirs d'investigations permettant d'éclairer les travaux de l'Assemblée. Il a ajouté que, selon lui, la création d'une commission d'enquête était une procédure trop rigide et trop solennelle pour mener ce travail d'information sur la dette des pays en développement.

Après avoir déclaré qu'il n'était pas surpris par la proposition du Rapporteur de s'engager dans un travail d'investigation sur ce sujet, puisque depuis plusieurs années M. Godfrain met en évidence, dans ses avis budgétaires, les zones d'ombre qui demeurent concernant la situation de nos créances vis-à-vis des pays du Sud, M. Jean-Paul Bacquet a considéré qu'il s'agissait là d'une excellente démarche, à laquelle mériteraient d'être associés les sénateurs, qui se sont déjà très sérieusement intéressés à ce dossier.

Le Président Edouard Balladur a insisté sur les difficultés que rencontraient les parlementaires pour obtenir des informations claires sur la dette des pays en développement à l'égard de la France. Il a rappelé qu'il avait interrogé le Ministre de l'Economie et des Finances l'an passé sans obtenir de réponse convaincante. La suggestion du Rapporteur est bienvenue et il importera d'associer les membres de la Commission des finances aux auditions menées par M. Godfrain. Ce travail devrait avoir finalement pour objet de déterminer quelle est la situation actuelle de nos créances en précisant clairement les montants et les pays concernés. Il devrait également permettre de mesurer l'impact des variations des annulations de dette sur le budget de l'Etat ainsi que les conséquences éventuelles d'une annulation totale de cette dette.

M. Jacques Godfrain, Rapporteur, a conclu en rappelant qu'en tant que membre du conseil de surveillance de l'Agence française de développement, il n'obtenait pas toutes les réponses à ses questions sur ce sujet, le caractère flou des informations délivrées ayant été d'ailleurs souligné lors d'un récent audit de l'Agence. Il a engagé ses collègues à se pencher sur les mécanismes actuels d'annulations de dette employés par la France qui conditionnent ces allègements à la mise en œuvre dans les pays bénéficiaires d'investissements sociaux ou productifs destinés à améliorer le sort des populations locales.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a rejeté la proposition de résolution (n° 2405).

*

* *

Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 25 janvier 2006 :

M. André Schneider, rapporteur sur la proposition de résolution n° 2679 de M. Jacques Myard tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation de la langue française au sein de l'Union européenne et dans le reste du monde ;

M. Roland Blum, rapporteur sur le projet de loi n° 2785 autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire ;

Mme Martine Aurillac, rapporteure sur le projet de loi n° 2788 autorisant l'approbation du protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la convention ;

M. Jean Glavany, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales (n° 2803).

____

· Colombie

· Transports ferroviaires

· Pays en développement


© Assemblée nationale