COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
COMPTE RENDU N° 23
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mardi 21 février 2006
(Séance de 11 heures 30)
Présidence de M. Edouard Balladur, Président,
puis de M. Roland Blum, Vice-Président
SOMMAIRE
Nomination des rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2007
· Première partie du projet de loi de finances
(article relatif à l'évaluation du prélèvement communautaire)
- Affaires européennes M. Roland Blum
· Deuxième partie du projet de loi de finances
A. Dépenses civiles
- Action extérieure de l'Etat :
· action de la France en Europe et dans le monde
· Français à l'étranger et étrangers en France M. Hervé de Charette
- Action extérieure de l'Etat :
· rayonnement culturel et scientifique
· audiovisuel extérieur M. François Rochebloine
- Aide publique au développement M. Jacques Godfrain
- Développement des entreprises M. Jean-Paul Bacquet
- Ecologie et développement durable M. Jean-Jacques Guillet
B. Dépenses militaires
- Défense M. Paul Quilès
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Approbation du protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme
La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Martine Aurillac, le projet de loi n° 2788 autorisant l'approbation du protocole n° 14 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de la convention.
Mme Martine Aurillac, Rapporteure, a rappelé que la Cour européenne des Droits de l'Homme, qui n'est pas une institution communautaire, veille depuis sa création, en 1950, au respect de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales par les quarante-six Etats membres du Conseil de l'Europe, qui sont tous parties à cette convention. Elle protège ainsi les droits et libertés fondamentales de 800 millions d'Européens.
Entre 1994 et 2004, cette compétence a été élargie à treize Etats et 240 millions de personnes supplémentaires. Cet élargissement, ajouté à l'augmentation du nombre de requêtes relatives aux Etats qui étaient déjà parties à la Convention avant 1994, a conduit à une croissance très forte du nombre de plaintes déposées auprès de la Cour : plus de 10 000 requêtes lui ont été soumises en 1994, 34 500 en 2002, 43 500 en 2005. Malgré l'importante réforme opérée fin 1998 par le protocole n° 11, qui a véritablement fondé la Cour telle qu'elle existe aujourd'hui, la Cour ne parvient pas à traiter l'ensemble de ces plaintes dans un délai raisonnable.
Fin 2005, plus de 60 000 plaintes étaient pendantes devant la Cour, dont 16 500 devant une Chambre, c'est-à-dire devant la formation qui peut les déclarer recevables et les juger au fond. En fait, plus de 95 % des requêtes sont déclarées irrecevables et 60 % des décisions au fond portent sur des affaires répétitives, sur le principe desquelles la Cour s'est déjà prononcée.
Il était donc devenu urgent de revoir la procédure de filtrage des requêtes et de réduire le délai de traitement des affaires. Une réflexion a été lancée en novembre 2000 et a abouti, le 13 mai 2004, à la signature du protocole n° 14 amendant la Convention. Ce Protocole vise principalement à corriger les lourdeurs du fonctionnement actuel de la Cour afin de lui permettre de respecter des délais raisonnables de traitement des requêtes et de donner aux quarante-six juges les moyens de se concentrer sur les affaires réellement intéressantes au regard des objectifs de la Convention.
Tout d'abord, les capacités de filtrage de la Cour seront renforcées et les affaires répétitives seront traitées plus rapidement. Alors que, actuellement, seul un comité de trois juges peut déclarer une requête irrecevable, lorsque son caractère irrecevable est évident, le Protocole crée une formation de juge unique qui pourra juger de l'irrecevabilité d'une plainte. Le juge unique ne pourra pas juger d'une requête contre l'Etat au titre duquel il a été élu et il sera déchargé de sa fonction de rapporteur par un membre du greffe. Grâce au juge unique, les requêtes évidemment irrecevables pourront être traitées beaucoup plus rapidement.
Pour accélérer le traitement des affaires répétitives, c'est-à-dire qui font « l'objet d'une jurisprudence bien établie de la Cour », le comité de trois juges pourra désormais non seulement les déclarer recevables (ce que seule une chambre de sept juges peut faire actuellement) mais aussi se prononcer sur le fond. Il aura le droit, mais pas l'obligation, d'inviter le juge élu au titre de l'Etat concerné par l'affaire à siéger en son sein. Ainsi, seules les affaires véritablement nouvelles seront soumises à une chambre de sept juges.
Parallèlement, le Protocole crée un nouveau motif d'irrecevabilité : la faible importance du préjudice. Actuellement, une requête est déclarée recevable si elle remplit les conditions suivantes :
- les voies de recours internes doivent être épuisées et la requête présentée dans la forme requise et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive ;
- la requête ne doit pas être « essentiellement la même » qu'une requête déjà examinée par la Cour ou soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement, à moins que la nouvelle requête ne contienne des faits nouveaux ;
- elle ne doit être ni incompatible avec les dispositions de la Convention et de ses protocoles, ni manifestement mal fondée ou abusive.
Le nouveau motif d'irrecevabilité sera l'absence d'un « préjudice important » subi par le requérant. Mais il est prévu deux cas dans lesquels la requête pourra être déclarée recevable, même en l'absence d'un préjudice important :
- si le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses protocoles exige d'examiner la requête au fond, c'est-à-dire si elle soulève des questions sérieuses d'application ou d'interprétation de la Convention ou si elle pose des questions importantes relatives au droit national ;
- si l'affaire n'a pas été dûment examinée par un tribunal interne, au nom du principe de subsidiarité.
Par mesure de prudence, le nouveau critère de recevabilité ne pourra, pendant une durée de deux ans, être mis en œuvre que par les Chambres et la Grande Chambre. Cette disposition permettra à ces formations plus solennelles de développer une jurisprudence relative à l'interprétation de ce nouveau critère de recevabilité, avant qu'il puisse être appliqué par les formations de juge unique ou par les comités.
En outre, les règlements amiables seront favorisés et la surveillance de l'exécution des arrêts sera améliorée. La Cour ne doit aujourd'hui aider les parties à trouver un règlement à l'amiable que lorsque la requête a été déclarée recevable ; elle pourra dans l'avenir le faire avant même de s'être prononcée sur sa recevabilité.
Par ailleurs, de nouveaux droits seront ouverts au Comité des Ministres pour veiller à l'exécution des arrêts : sous réserve d'un vote à la majorité des deux tiers de ses membres, il pourra saisir la Cour d'une éventuelle difficulté d'interprétation relative à l'un de ses arrêts et, surtout, lui demander de se prononcer sur le refus d'un Etat d'exécuter l'un de ses arrêts. La Cour ne pourra pas lui infliger de sanctions, même financières, mais un tel recours en manquement, effectué devant la Grande Chambre, devrait exercer une pression politique suffisante sur l'Etat pour qu'il exécute l'arrêt initial de la Cour. Cette seconde procédure ne sera certainement utilisée par le Comité des Ministres que dans des situations exceptionnelles, l'immense majorité des arrêts étant exécutée, même si c'est parfois avec retard lorsque des mesures législatives doivent être prises. Elle apparaît mieux adaptée à l'objectif final (l'exécution de l'arrêt) que la mesure ultime actuellement à la disposition du Comité des Ministres et qui consiste, en application de l'article 8 du Statut du Conseil de l'Europe, à suspendre le droit de vote d'un Etat au Conseil des Ministres, voire à l'exclure de l'organisation. En effet, un Etat en infraction avec la Convention et qui refuse de mettre un terme à cette situation doit, plus que tout autre, rester soumis à la discipline du Conseil de l'Europe.
Enfin, le Protocole réalise plusieurs améliorations ponctuelles, parmi lesquelles la plus importante porte sur le mandat des juges. Il ne sera plus de six ans renouvelable, mais de neuf ans non renouvelable, afin de renforcer leur indépendance et leur impartialité, et les juges ad hoc (appelés à siéger dans une affaire concernant leur Etat à la place du juge élu, lorsque celui-ci est empêché) ne seront plus désignés par un Etat pour chaque affaire mais par le président de la Cour parmi plusieurs noms figurant sur une liste pré-établie.
Afin de faire face à une surcharge de travail, le Comité des Ministres aura la possibilité, par une décision unanime et pour une durée déterminée, de réduire de sept à cinq le nombre de juges par chambre. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe aura le droit de présenter ses observations écrites ou de prendre part aux audiences dans toute affaire devant une Chambre ou la Grande Chambre, sans avoir à y être invité par le président de la Cour. Il est aussi prévu que l'Union européenne puisse adhérer à la Convention, même si elle n'en a pas aujourd'hui la compétence - celle-ci devait lui être donnée par le Traité constitutionnel - et si son adhésion effective nécessitera d'autres modifications de la Convention, et donc la signature et la ratification d'un nouvel accord. Il faut d'ailleurs mentionner le fait que, bien qu'elle n'y soit pas partie, la Cour de justice des Communautés européennes s'estime d'ores et déjà liée par la Convention et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Le protocole n° 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales offre ainsi des solutions équilibrées au problème de la surcharge de la Cour européenne des droits de l'homme en renforçant ses capacités de filtrage, assurant un traitement plus rapide aux affaires répétitives et grâce à la création d'un nouveau motif d'irrecevabilité, entouré de garde-fous. Il favorise aussi les règlements amiables et améliore le mécanisme de surveillance de l'exécution des arrêts. Il renforce également l'indépendance des juges.
Toutes ces réformes sont indispensables à la pérennité du fonctionnement de la Cour, dont le rôle, unanimement salué, est encore plus fondamental dans une Europe qui s'étend jusqu'en Azerbaïdjan et où la défense des droits de l'homme est un combat jamais achevé. Mme Martine Aurillac a vivement souhaité que l'ensemble des Etats du Conseil de l'Europe signe - seule la Russie fait à ce jour exception - et ratifie sans tarder le protocole n° 14 - ce qui a d'ores et déjà été effectué par vingt-sept des quarante-cinq signataires -, car cette unanimité conditionne son entrée en vigueur.
Le Président Edouard Balladur a demandé combien la Cour européenne des Droits de l'Homme comptait de juges, et combien d'entre eux étaient français.
Mme Martine Aurillac a précisé que la Cour comptait autant de juges que d'Etats parties à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, chacun d'entre eux étant nommé au titre de l'un de ces Etats, et que donc l'un d'eux était français.
Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2788).
Accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Roland Blum, le projet de loi n° 2785 autorisant l'approbation d'accords internationaux sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire.
Après avoir rappelé qu'il y a vingt ans, dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, était survenu l'accident nucléaire sans précédent à ce jour de Tchernobyl en Ukraine, M. Roland Blum, Rapporteur, a indiqué que le droit international de la responsabilité civile nucléaire était composé de deux systèmes qui coexistent.
D'une part, le système de Paris/Bruxelles sous l'égide de l'OCDE, l'Organisation pour la Coopération et le développement en Europe, est constitué de la Convention de Paris de 1960, amendée en 1964 et en 1982, et de la Convention complémentaire de Bruxelles de 1963, elle aussi amendée en 1964 et en 1982. La Convention de Paris prévoit un régime spécial de responsabilité et de réparation pour les dommages nucléaires en garantissant que lorsqu'un accident nucléaire survient dans un pays, une indemnisation adéquate sera fournie aux victimes, aussi bien du pays de l'accident que des pays voisins. La Convention complémentaire de Bruxelles a été établie aux fins de mobiliser des moyens supplémentaires de réparation pour le cas où la réparation disponible sur la base de la Convention de Paris s'avérerait insuffisante.
D'autre part, le système de Vienne sous l'égide de l'AIEA, l'Agence internationale pour l'énergie atomique, est constitué de la Convention de Vienne de 1963 et du Protocole de signature facultative concernant le règlement obligatoire des différends de 1963, la Convention de Vienne ayant fait l'objet de deux modifications en 1997. Ce régime établit des normes minimales pour assurer la protection financière contre les dommages résultant de certaines utilisations de l'énergie atomique à des fins pacifiques et vise à contribuer au développement de relations amicales entre les nations.
Enfin, un protocole commun relatif à l'application de la Convention de Vienne et de la Convention de Paris a été adopté en 1988. Il fait le lien ente les deux conventions, les réunissant en un régime étendu de responsabilité. Ainsi, les Parties au Protocole commun sont considérées comme Parties aux deux Conventions et une règle de procédure est établie pour déterminer laquelle des deux conventions s'applique à l'exclusion de l'autre concernant un même cas de figure.
Les Parties contractantes à la Convention de Paris ayant constaté que les protocoles d'amendement de la Convention de Vienne adoptés en 1997 pouvaient avoir un impact significatif sur les Etats de la Convention de Paris qui sont également Parties au Protocole commun relatif à l'application de la Convention de Vienne et de la Convention de Paris ont décidé d'entreprendre la révision de leur propre convention, suivis ensuite par les Parties contractantes à la Convention de Bruxelles. S'il s'agissait d'harmoniser les stipulations des Conventions de Paris, de Bruxelles et de Vienne, l'objectif était également d'augmenter les moyens de réparation afin d'indemniser un plus grand nombre de victimes sur la base d'une définition par ailleurs élargie du dommage.
Les modifications les plus notables de la Convention de Paris sont l'augmentation du montant de la responsabilité de l'exploitant nucléaire qui est porté à un nouveau minimum de 700 millions d'euros. Une définition détaillée et élargie du « dommage nucléaire » permet de couvrir non plus seulement les dommages aux personnes, le décès et les dommages aux biens, mais également le dommage immatériel, le coût des mesures de restauration d'un environnement dégradé, le manque à gagner résultant d'une dégradation de l'environnement, le coût des mesures de sauvegarde, tous ces éléments étant susceptibles d'être substantiels en cas d'accident nucléaire majeur. De même le champ d'application géographique est élargi.
Le changement majeur concernant la Convention complémentaire de Bruxelles consiste en l'augmentation substantielle des trois tranches de réparation prévues à l'article 3.
En conclusion, le Rapporteur a souligné que les deux protocoles, qui font l'objet respectivement de l'article 1 et de l'article 2 du présent projet de loi, garantissent que, dans l'éventualité d'un accident nucléaire, un montant d'indemnisation plus important sera disponible pour indemniser un plus grand nombre de victimes souffrant de dommages plus divers. Ils assurent également que le régime de Paris/Bruxelles reste compatible avec la Convention de Vienne et les protocoles qui s'y rattachent. C'est pourquoi, au vu de ces observations, le Rapporteur a recommandé l'adoption du présent projet de loi.
M. Axel Poniatowski a souhaité savoir à qui exactement les stipulations des deux nouveaux protocoles étaient applicables et quelles indemnités pouvaient être versées.
M. Roland Blum a répondu que, selon le régime actuel, pour que la Convention s'applique, un accident nucléaire doit survenir sur le territoire d'une Partie contractante et les dommages doivent être subis également sur le territoire d'une Partie contractante. Dorénavant, la Convention révisée s'appliquera aux dommages nucléaires subis sur tout territoire ou zone maritime d'une Partie contractante ou d'une Partie non contractante dès lors que cette dernière est Partie à la Convention de Vienne et au Protocole commun, ou qu'elle n'a pas d'installation nucléaire sur son territoire ou dans sa zone maritime, ou encore qu'elle a établi une législation qui offre des avantages équivalents sur une base de réciprocité et qui se fonde sur des principes identiques à ceux de la Convention de Paris.
S'agissant du système d'indemnisation, la première tranche, couverte par la garantie financière de l'exploitant ou, à défaut, par des fonds publics alloués par « l'Etat de l'installation », correspond au montant minimum de responsabilité en vertu de la Convention de Paris. Elle est portée à 700 millions d'euros. La deuxième tranche reste alimentée par des fonds publics alloués par l'Etat de l'installation nucléaire mais est portée à un montant de 500 millions d'euros. La troisième tranche est qualifiée d'internationale car alimentée par des fonds publics alloués par toutes les Parties contractantes ; elle est basée à 35 % sur le produit intérieur brut et à 65 % sur la capacité nucléaire installée. Elle est portée à 300 millions d'euros. Ainsi, la réparation totale disponible aux termes du régime révisé de Paris/Bruxelles s'élèvera à 1,5 milliard d'euros, alors que jusqu'à présent elle s'élevait à 300 millions de droits de tirage spéciaux du FMI, soit environ 350 millions d'euros.
La Commission est passée ensuite à l'examen des articles.
Article premier : Approbation du protocole du 12 février 2004 modifiant la convention du 29 juillet 1960
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article 2 : Approbation du protocole du 12 février 2004 modifiant la convention du 31 janvier 1963
La Commission a adopté cet article sans modification.
Puis, la Commission a adopté sans modification l'ensemble du projet de loi (n° 2785).
Convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bruno Bourg-Broc, le projet de loi n° 2605 autorisant l'approbation de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
M. Bruno Bourg-Broc, rapporteur, a tout d'abord indiqué que la convention dont l'Assemblée était saisie avait été adoptée par l'UNESCO le 17 octobre 2003. Il s'agit d'un nouvel instrument international qui complète les quatre textes internationaux conclus dans le cadre de l'UNESCO qui visent à protéger le patrimoine culturel : la convention de l'UNESCO pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé du 14 mai 1954 ; la convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriétés illicites des biens culturels du 14 novembre 1970 ; la convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972 ; la convention sur le patrimoine culturel subaquatique du 2 novembre 2001.
Les pillages d'œuvres d'art et la destruction de chefs d'œuvre du patrimoine historique constatés durant la seconde guerre mondiale, ainsi que le développement du pillage des sites archéologiques ont motivé l'adoption de ces différentes conventions internationales. Celles-ci sont fort utiles et, malheureusement, la période contemporaine continue d'en souligner l'utilité : les destructions opérées à Dubrovnik et à Sarajevo lors de la guerre en ex-Yougoslavie, la destruction des statues de Bouddha de Bamiyan en 2001 ou plus récemment le scandale des acquisitions frauduleuses du département d'archéologie du musée américain du Getty en attestent.
Le dispositif existant protège avant tout le patrimoine bâti. De nombreux Etats, principalement africains et océaniens, ont demandé qu'un instrument international spécifique soit mis en place pour protéger le patrimoine culturel immatériel. Un tel instrument entre bien dans la sphère de compétence de l'UNESCO, puisque celle-ci a vocation à protéger le patrimoine quelle que soit sa nature. Cette demande est d'autant plus légitime que les biens culturels figurant au titre de la convention de 1972 sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO se trouvent pour plus du tiers d'entre eux concentrés dans dix Etats, dont cinq se trouvent en Europe occidentale (dans l'ordre : l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne, la France et la Grande Bretagne). La France, avec 30 biens inscrits, se trouve pour sa part au cinquième rang (le Havre reconstruit par Auguste Perret a été inscrit sur la liste en 2005). En revanche, quatorze pays africains, dix asiatiques et dix océaniens n'ont aucun bien figurant sur la liste. L'adoption de la convention par l'UNESCO en 2003 répond à cette lacune : 120 pays ont voté pour, aucun n'a voté contre et 8 se sont abstenus.
La convention vise à protéger les traditions et expressions orales, les arts du spectacle, les rites, les pratiques sociales, les savoir-faire de l'artisanat traditionnel, mais aussi les langues en tant que facteur indispensable à la transmission du patrimoine culturel immatériel. Elle invite les Etats parties à élaborer des inventaires nationaux de biens à protéger et leur demande de les mettre en valeur et de prendre toutes les mesures nécessaires à leur sauvegarde.
La convention sera gérée par une assemblée générale des Etats parties et par un comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Ce comité aura la charge de sélectionner et de mettre en œuvre des projets de sauvegarde ; il constituera une liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. Un fonds du patrimoine culturel immatériel sera mis en place et sera financé soit sur la base d'une contribution obligatoire représentant 1 % de la contribution obligatoire de l'Etat concerné à l'UNESCO, soit sur la base d'une contribution volontaire. Il serait souhaitable que le plus grand nombre d'Etats possibles optent pour le régime de la contribution obligatoire.
La France a été particulièrement vigilante au cours de la négociation sur la portée de la notion de « communauté » figurant dans la convention. Celle-ci n'oblige pas les Etats parties à donner à ces communautés un statut juridique : elle est donc compatible avec les principes constitutionnels d'indivisibilité du peuple français et d'égalité devant la loi.
Compte tenu de l'engagement de la France en faveur de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée par l'UNESCO l'an dernier, il est essentiel qu'elle soit en mesure de ratifier rapidement ce nouvel instrument. Il vise en effet à reconnaître la spécificité des différentes cultures et identités dans un contexte marqué par la standardisation des goûts et des pratiques du fait de la mondialisation. La convention compte aujourd'hui 32 Etats parties et elle doit entrer en vigueur en avril prochain. Il est essentiel que la France puisse ratifier ce texte avant son entrée en vigueur. De même, il faudrait que la France puisse ratifier dans les meilleurs délais la convention sur la diversité culturelle, alors même que la prochaine journée internationale de la Francophonie doit se tenir le 20 mars prochain.
Le Rapporteur a conclu en recommandant à la Commission d'adopter le projet de loi.
M. Jean-Claude Guibal a fait part de son intérêt pour ce texte qu'il a jugé séduisant et vertueux dans son inspiration. Toutefois, quels sont les moyens concrets mis en œuvre pour protéger le patrimoine culturel immatériel ? Les caractéristiques de ce patrimoine ne s'opposent-elles pas à toute protection efficace ? Dispose-t-on d'exemples de biens pouvant entrer dans le champ d'application de la convention ?
Le Rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :
- la protection apportée par la convention résulte à la fois de l'inscription sur la liste des biens par le comité qu'elle institue et par l'engagement de moyens, soit directement par les Etats, soit par le fonds institué par la Convention et qui sera alimenté par les Etats parties ;
- les mesures de sauvegarde peuvent être la réalisation d'enregistrements audiovisuels ou de disques par exemple ;
- de nombreux pays de tradition orale, notamment africains, pourront bénéficier des mesures de protection mises en œuvre par la convention ;
- en France les « géants du Nord » ont d'ores et déjà été inscrits sur la liste du patrimoine culturel mondial immatériel ; l'école équestre du cadre noir ou les polyphonies corses pourraient les y rejoindre ultérieurement.
M. Roland Blum, Vice-Président, a informé la Commission que le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles devait être examiné par le Conseil des ministres le 22 mars prochain.
Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2605)
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· Budget 2007
· Droits de l'homme
· Patrimoine culturel immatériel
· Energie nucléaire
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