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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 38

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 17 mai 2006
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Hind Khoury, Déléguée générale de Palestine en France

- Informations relatives à la Commission

  

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Audition de Mme Hind Khoury, Déléguée générale de Palestine en France

Le Président Edouard Balladur a remercié Mme la Déléguée générale de Palestine en France d'avoir répondu à l'invitation de la Commission, et souligné combien difficile était sa mission à un moment où la situation dans les territoires palestiniens est préoccupante à bien des égards.

Après avoir remercié le Président Édouard Balladur, Mme Hind Khoury, déléguée générale de Palestine en France, s'est dit très honorée d'être reçue par la Commission pour évoquer la question de la Palestine.

Après plus d'un demi-siècle de conflit, plus de douze ans de processus de paix, les Palestiniens demeurent sous occupation, expulsés et réfugiés, leur vie quotidienne insupportable et leurs aspirations à l'indépendance bafouées. Ils attendent toujours l'application des 88 résolutions de l'ONU qui les concernent, la proclamation de leur État indépendant et la reconnaissance de leurs droits légitimes.

Et curieusement, on assiste aujourd'hui à une inversion du droit et des valeurs universelles. Les Palestiniens se retrouvent pénalisés pour leur choix démocratique issu d'un processus transparent, dans un contexte bien spécifique : la poursuite de l'occupation et l'absence de toute perspective de paix.

Car l'actuel gouvernement palestinien est plutôt le produit que la cause de la situation que l'on vit aujourd'hui. Face au sabotage du processus de paix par Israël, l'Autorité nationale palestinienne s'est retrouvée dans une impasse. Entre occupation et crises, elle devait gérer l'ingérable sur le terrain.

Une multitude de mesures ont été prises par Israël pour étouffer toute vie normale dans les territoires, tant sur le plan humain qu'économique et politique : le mur, les bouclages, les confiscations de terres, les assassinats extra-judiciaires et les bombardements contre les civils au quotidien, les obstacles à la libre circulation des hommes et des biens, tout cela aboutit à des conditions de vie explosives.

A cela s'ajoutent des sanctions et des pressions économiques internationales, où un tiers de la population qui dépend des salaires de l'Autorité nationale palestinienne voit ses revenus coupés. Les deux autres tiers vivent en dessous du seuil de pauvreté et le taux de chômage avoisine les 60 % dans certaines régions.

Dans ce contexte, il est urgent de débloquer les aides de l'Union européenne, ainsi que les taxes dues aux Palestiniens et retenues par Israël. Il faut surtout accélérer la mise en place du mécanisme qui permettrait d'acheminer les salaires aux fonctionnaires, y compris ceux des appareils de sécurité, afin d'éviter une crise économique et humanitaire grave, mais aussi pour éviter de voir les territoires sombrer dans le chaos.

Il convient de rappeler que le prétexte de l'absence de partenaire palestinien pour la paix est antérieur à la victoire électorale du Hamas. Cette rhétorique détourne de l'essentiel, qui est l'occupation. Le peuple palestinien, qui a tant souffert de cette occupation depuis des décennies, ainsi que l'ensemble des forces politiques, toutes tendances confondues, ont intérêt mais aussi la ferme volonté de retrouver la paix. Le leadership palestinien est représenté par le président de l'Autorité nationale palestinienne et de l'OLP, signataire de tous les accords, M. Mahmoud Abbas, qui a la volonté et le mandat pour arriver à la résolution du conflit en l'espace d'un an. Il a d'ailleurs demandé que l'on donne le temps et la chance au Hamas d'intégrer le processus politique.

On ne peut pas s'attendre à ce qu'un mouvement, quel qu'il soit, change d'orientation du jour au lendemain. Le président Mahmoud Abbas œuvre pour que le programme du Hamas se rapproche du sien. Il faut l'aider afin d'attirer ce mouvement vers la modération, et rouvrir les discussions de paix pour le peuple palestinien et l'ensemble de la région.

Le vrai problème est qu'Israël ne veut appliquer ni le droit international ni les résolutions de l'ONU. D'ailleurs, les accords conclus entre Palestiniens et Israéliens sous les auspices de la communauté internationale ont tous reçu le même sort : une fin de non-recevoir.

Alors que les Palestiniens ont reconnu Israël depuis 1988, et ont consenti à vivre sur 22 % de la Palestine historique, Israël entend s'accaparer la moitié de la Cisjordanie, en construisant le mur dans les profondeurs des territoires palestiniens. Il entend définir unilatéralement ses frontières en annexant le pourtour de Jérusalem-Est occupée et la vallée du Jourdain, coupant ainsi la Cisjordanie en deux parties et la privant de toute continuité entre ses villes, ainsi qu'avec Gaza. Israël a l'intention d'achever la construction du mur d'ici deux ans, empêchant ainsi la création d'un État palestinien viable.

Les mesures unilatérales et les bantoustans n'apporteront pas la paix dans la région. Ils procureront peut-être des périodes d'accalmie, mais le conflit ne sera pas résolu tant que les vrais problèmes persisteront. Cette politique ne se substituera jamais à l'exigence d'une vie digne et humaine pour le peuple palestinien, ni au respect de leurs droits légitimes garantis par le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Le démantèlement programmé du processus de paix, la destruction systématique des institutions et infrastructures palestiniennes ainsi que le risque d'un réel effondrement de l'Autorité nationale palestinienne constituent de vraies menaces non seulement pour les Palestiniens et les Israéliens, mais aussi pour l'équilibre et la stabilité de la région, et par conséquent pour la paix dans le monde.

Du fait du rapport de forces disproportionné en sa faveur, Israël, en tant que force occupante, a, à elle seule, la possibilité d'infléchir la situation si elle le souhaite. Et la communauté internationale a un rôle et une responsabilité à laquelle elle ne peut pas se dérober.

La sécurité et la lutte contre le terrorisme sont devenues des priorités autour desquelles s'ordonnent les règles du système mondial. Mais l'occupation, l'injustice et la ségrégation, la négation de l'autre et de ses droits les plus fondamentaux, les violations de tous les droits de l'homme, de l'enfant, et de tout le droit international, toutes ces pratiques infligées à tout un peuple depuis près de soixante ans, et qui persistent, ramèneront-elles la paix et la sécurité ? Et pour qui ? Où et quand en a-t-on vu des exemples dans le monde ? Est-ce trop demander, pour les Palestiniens, que la simple application du droit ?

Les députés français peuvent aider à ramener Israël vers la paix, et à ne pas pousser les Palestiniens au désespoir.

La France, acteur important sur la scène internationale, et qui joue un rôle moteur dans la politique étrangère européenne, a toujours maintenu une position équilibrée vis-à-vis du problème palestinien. Elle doit défendre fermement les valeurs de justice et de liberté, les valeurs universelles qui sont celles de sa République, et au respect desquelles tous les citoyens du monde ont droit. Cela est un préalable si l'on veut éviter la polarisation entre les deux parties du monde. Car pour arriver à une paix globale, il faut préserver la sécurité régionale et promouvoir le développement économique.

Cela ne sera possible que si Israël met fin à l'occupation des territoires palestiniens, et que le peuple palestinien retrouve tous ses droits légitimes, garantis par le droit international et les résolutions des hautes instances internationales.

Les Palestiniens demandent à la France de soutenir leur démarche et celle des pays de la région pour aller vers la résolution du conflit. Le président Mahmoud Abbas appelle au retour à la table des négociations et à l'organisation d'une conférence internationale pour la paix, avec les partenaires des Palestiniens, et qui traitera de toutes les questions relatives au statut final. Car seul un accord sur la base du droit international et les accords conclus sur le principe de deux États amèneront une paix juste et durable dans la région.

Le Président Edouard Balladur a rappelé que, depuis de longues années, la France avait adopté une position équilibrée. Elle défend à la fois le droit des Palestiniens à un État viable et le droit d'Israël à l'existence et à la sécurité. C'est la raison pour laquelle elle a appuyé les accords passés entre Itzhak Rabin et Yasser Arafat. À cette époque, les autorités palestiniennes avaient bien marqué, et elles l'avaient fait depuis plusieurs années, leur reconnaissance du droit à l'existence d'Israël.

La situation actuelle est très complexe. D'une part, l'Autorité palestinienne et les Palestiniens ont besoin de l'aide de l'Union européenne, afin d'assurer une organisation minimale des services publics et la satisfaction des besoins essentiels de la population. D'autre part, les élections ont amené au gouvernement un mouvement politique qui n'a pas encore renoncé à la violence ni formellement reconnu le droit à l'existence d'Israël.

Après avoir suspendu son aide, l'Union européenne cherche à présent les moyens de faire parvenir un minimum d'aide au peuple palestinien, par des procédures diverses d'acheminement et de gestion des fonds dont les modalités sont en cours de discussion.

Si l'on peut considérer qu'il n'est pas réaliste de demander à un mouvement politique d'effectuer rapidement un changement radical de ses orientations, le réalisme consiste aussi à tenir compte du fait que le peuple palestinien souffre cruellement de la situation actuelle. Dans ces conditions, peut-on considérer comme vraisemblable une évolution du Hamas vers la reconnaissance d'Israël et la renonciation à la violence ?

Mme Hind Khoury a déclaré que le gouvernement dirigé par le Hamas devait reconnaître Israël et renoncer à la violence. Ces conditions ont été rappelées par le président Mahmoud Abbas dans le discours qu'il a tenu devant le Conseil législatif palestinien. L'Autorité palestinienne existe en vertu des accords d'Oslo. Elle doit donc satisfaire ces conditions. Cela étant, la situation est critique. L'arrivée du Hamas à la tête du gouvernement était tout à fait inattendue. Le président Mahmoud Abbas est très soucieux de maintenir le calme intérieur. Il est attaché à ce que le Hamas participe au processus démocratique, car il est très important que toutes les formations politiques souscrivent aux accords internationaux, dans la perspective de la création d'un État palestinien dans les frontières de 1967. Il a demandé que l'on accorde un peu de temps au Hamas pour qu'il adapte son programme. Il est raisonnable de lui donner trois mois pour le faire.

Quoi qu'il en soit, la situation économique et humanitaire dans les territoires palestiniens est désastreuse. Elle se double d'une impasse politique, dont il importe de sortir le plus rapidement possible. Une intervention de la communauté internationale est nécessaire pour retrouver le chemin de la paix.

M. Didier Julia a estimé que les populations palestiniennes étaient victimes d'une situation inéquitable. Les pays occidentaux se disent favorables à la démocratie. Toute démocratie est assise sur des élections au suffrage universel. Mais lorsque le résultat de ces élections ne leur convient pas, ces mêmes puissances occidentales, en tout cas les États-Unis, rêvent de coup d'État, de changement de gouvernement. Une telle attitude procède d'une méconnaissance des mentalités locales. Il n'est pas de bonne politique d'humilier les populations palestiniennes avant de les reconnaître. On n'a jamais demandé à un général israélien devenu Premier ministre de déclarer qu'il renonce à l'usage des armes et qu'il reconnaisse un État palestinien avant de reconnaître sa légitimité à exercer ses fonctions.

M. Julia a dit avoir demandé au Président Jacques Chirac, lorsque celui-ci s'est rendu en Égypte, d'être attentif à la situation des populations palestiniennes. Le peuple le plus pauvre d'Orient ne doit pas être poussé au désespoir. Il a rappelé que le Président de la République avait d'abord pensé faire transiter les fonds de l'Union européenne par des ONG. Puis une autre idée a été avancée consistant à faire passer les fonds par la Banque mondiale, présidée par M. Paul Wolfowitz, lequel n'a rien d'un diplomate et se déclare opposé à cette idée. Par quel biais les fonds de l'Union européenne pourraient-ils parvenir à l'administration palestinienne, dès lors qu'il ne serait pas possible de passer par la Banque mondiale ?

Le Président Edouard Balladur a précisé que les discussions en cours semblent également écarter l'idée que ces fonds puissent passer par le gouvernement palestinien.

M. Didier Julia a considéré que ce problème, ainsi posé, relevait de la quadrature du cercle. Le gouvernement palestinien est issu des urnes. Il est étrange de renoncer à toutes les valeurs démocratiques de l'Occident pour imposer de telles contraintes. Beaucoup de députés ont du mal à le supporter.

Ce qui se passe en Palestine ne concerne pas la seule Palestine. La situation a un écho en Syrie, en Irak, en Iran. La France doit réussir à imposer aux autorités européennes une position plus objective, car le risque est que la Russie et la Chine interviennent dans le débat, comme elles le font dans celui qui porte sur la question nucléaire iranienne.

Après s'être associé aux propos du Président Édouard Balladur et de son collègue Didier Julia, M. Jacques Myard a estimé que la suspension de l'aide européenne était une faute stratégique. Le Hamas agit dans une logique de guerre religieuse. Plus la population palestinienne souffrira, plus il recrutera. Tomber dans ce piège n'aboutira qu'à une aggravation de la situation, au profit des extrêmes.

On pouvait penser, au début de la crise, qu'il n'y avait pas de lien entre les événements affectant le Proche-Orient et ceux du Moyen-Orient. Or, ce lien est aujourd'hui établi par les Iraniens eux-mêmes, qui ont instrumentalisé le Hamas. Il a demandé à Mme la Déléguée générale quel lien elle établissait entre ces deux crises, qui aboutissent à une crise d'ensemble touchant à la fois le Proche-Orient et le Moyen-Orient ?

Le Président Edouard Balladur a considéré que l'Iran utilisait davantage le Hamas que celui-ci ne l'utilise.

Remarquant que Mme la Déléguée générale comptait beaucoup sur les initiatives de la communauté internationale, de l'Europe et de la France, M. François Loncle a souligné que la communauté internationale n'existait pas, et que le rôle de l'Europe était de plus en plus faible au sein du Quartette, si tant est qu'elle y ait jamais eu une réelle influence. Quant à l'influence de la France au sein de l'Union européenne, elle est bien moindre que ce qu'elle était à l'époque des accords d'Oslo.

Après les dernières élections à la Knesset, qu'est-ce que Mme la Déléguée générale attend réellement du nouveau gouvernement israélien ? Formule-t-elle des espoirs, et quelles initiatives le gouvernement palestinien pourrait-il prendre pour engager un dialogue avec lui ?

Mme Hind Khoury a apporté les éléments de réponse suivants :

- S'il est nécessaire que le Hamas reconnaisse Israël et renonce à la violence, il est humiliant de le soumettre à des conditions en l'espace d'un mois. Les Palestiniens ont choisi la voie de la paix en acceptant de vivre dans 22 % de la Palestine historique. Un travail politique avec les pays arabes, en particulier l'Égypte, la Jordanie et l'Arabie saoudite, peut aboutir à ce que le Hamas accepte l'initiative arabe pour la paix, laquelle s'inscrit dans le cadre de la feuille de route. Tout le monde, y compris Israël, serait gagnant. Les 23 et 24 mai prochains se tiendront dans les territoires des réunions importantes de « dialogue national ». Le Hamas doit prendre les responsabilités qui incombent à un mouvement qui n'est plus dans l'opposition mais participe à un gouvernement. La conférence internationale que proposent les pays arabes est d'autant plus importante qu'elle aurait pour but d'aboutir à une paix dans toute la région, et pas seulement entre Israéliens et Palestiniens.

- Il est très regrettable que l'aide de l'Union européenne ait été suspendue. D'un point de vue stratégique, cette décision renforce les éléments les plus fondamentalistes au sein du Hamas. Les mécanismes envisagés, qu'il s'agisse de passer par les ONG ou par la Banque mondiale, seront caractérisés par leur lenteur et ne pourront que difficilement aboutir à une gestion efficace des fonds. Il n'est même pas sûr que l'Europe ait décidé de les débloquer d'ici le mois de juin. À cela s'ajoute que le mécanisme finalement retenu devra être accepté par les Israéliens et les Américains. Pourtant, il serait possible de verser directement les salaires. La volonté politique fait défaut.

Le Président Edouard Balladur a demandé si la solution du problème ne supposerait pas que soit modifiée la structure actuelle de l'Autorité palestinienne, et notamment la répartition des compétences entre le gouvernement et le président.

Mme Hind Khoury a rappelé la position du président de l'Autorité palestinienne, qui a dit ne pas avoir l'intention de créer un autre ministère des finances. Le ministère actuel fonctionne très bien. Le fait que le Hamas soit inscrit sur la liste des organisations terroristes est un problème. Il convient d'utiliser les institutions démocratiques qui existent, et à la création desquelles l'Europe a beaucoup contribué.

En réponse aux autres questions, Mme la Déléguée générale a apporté les éléments de réponse suivants :

- Il existe, à n'en pas douter, des liens entre l'évolution du Moyen-Orient et celle du Proche-Orient. La politique du président Mahmoud Abbas vise à tirer le Hamas dans le sens de la modération et de l'islam démocratique. Les Frères musulmans sont de plus en plus forts dans l'ensemble de la région. Tout le monde bénéficierait d'une évolution de ce mouvement vers la modération, par exemple sur le modèle de la Turquie. Mais si les Palestiniens sont dos au mur, si une solution politique au conflit n'est pas rapidement mise en œuvre, le Hamas ira dans le sens de positions plus fondamentalistes, encouragées par l'Iran. C'est ce qu'il faut éviter.

- Il faut espérer que la communauté internationale agisse dans le sens de la paix. Il n'y a pas d'autre moyen de progresser vers la perspective d'une paix fondée sur deux États, faute de quoi l'on assisterait à un retour à la situation qui prévalait dans les années 1960 et 1970. Tout serait à recommencer.

- La composition du nouveau gouvernement israélien constitue une petite fenêtre d'espoir. Il comprend des ministres travaillistes. Le ministère de la défense n'est pas dirigé par des militaires. Mais il importe de reprendre très rapidement, avant un an, les négociations avec le président Mahmoud Abbas, faute de quoi Israël poursuivra dans la voie d'une politique unilatérale, ce qui ne pourrait que rendre plus lointaine la perspective de la paix. Il importe que cette fenêtre soit mise à profit, ce qui implique que tout le monde y travaille : la communauté internationale, la France, les députés français, les députés travaillistes israéliens, les partis de gauche, et même le parti Kadima, qui compte des éléments plus modérés que d'autres.

M. Michel Destot a estimé qu'il était important de savoir quelle était l'autorité réelle du président Mahmoud Abbas, notamment auprès de la population palestinienne. Peut-on considérer que ses déclarations engagent le peuple palestinien, que ce soit dans le cadre des discussions bilatérales avec Israël ou sur le plan international ?

D'autre part, le soutien de la France peut s'envisager sous de nombreuses formes, au plan économique ou politique. Compte tenu de la complexité de la situation, la poursuite d'actions décentralisées mises en œuvre par les collectivités locales peut-elle constituer un réel soutien ? La ville de Grenoble est ainsi jumelée avec la ville israélienne de Rehovot et avec le district de Bethléem. Les relations qui ont été nouées au fil des années avec les villes palestiniennes et israéliennes sont-elles de nature à aider au rapprochement, et faut-il les poursuivre quelles que soient les difficultés rencontrées ?

M. Guy Lengagne a souhaité bon courage à Mme la Déléguée générale dont la tâche n'est pas facile, depuis la victoire du Hamas alors qu'elle-même dépend du Président Mahmoud Abbas.

Il s'est à nouveau étonné qu'un certain nombre de pays puissent à la fois considérer le Hamas comme une organisation terroriste et envoyer des observateurs lors de la tenue des élections, montrant ainsi qu'ils étaient prêts à reconnaître l'éventuelle victoire du Hamas.

Le démantèlement de toute l'administration palestinienne aboutit à une contradiction. Comment demander aux Palestiniens de faire cesser la violence si l'on ne paie plus la police ? Le dernier attentat a été organisé par le Djihad islamique, qui n'est pas un ami du Hamas.

L'instrumentalisation du Hamas par l'Iran est préoccupante dès l'instant où l'on plonge les Palestiniens dans une situation extrêmement difficile.

Il a rappelé que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avait récemment décidé à l'unanimité qu'une délégation de parlementaires israéliens serait régulièrement invitée en même temps qu'une délégation de parlementaires palestiniens mais ces derniers ont éprouvé des difficultés à obtenir les visas leur permettant de se rendre en France.

Il semble que la politique de M. Ehud Olmert consiste à tout faire pour détruire l'administration palestinienne, de façon à pouvoir arguer de l'absence d'interlocuteur, ce qui permettrait à Israël de déterminer unilatéralement les limites respectives des territoires israélien et palestinien.

M. Amir Peretz, chef du parti travailliste, est un homme modéré, qui était favorable à des négociations. Quel rôle peut-il jouer au sein du gouvernement israélien ?

D'autre part, est-il possible que le Hamas amorce, sous réserve que l'on discute des limites d'Israël, un mouvement vers la reconnaissance de ce pays ?

Le Président Edouard Balladur a souligné que les attentats ont commencé avant que les forces de police palestiniennes cessent d'être payées. D'autre part, du côté israélien, la tentation de l'unilatéralisme remonte à plusieurs années. Elle est apparue à partir de l'échec du processus d'Oslo.

Mme Hind Khoury a apporté les éléments de réponse suivants :

- Le président Mahmoud Abbas a été élu au début de l'année 2005 sur un programme de paix. Au début de l'année 2006, c'est le même peuple, un peuple aussi attaché à la paix qu'il l'était un an plus tôt, qui a donné la victoire au Hamas. Dans une situation dramatique qui ne peut mener qu'à la violence, si des signes positifs apparaissent de la part d'Israël et de la communauté internationale et permettent de penser que l'on s'engage sérieusement dans la voie de la paix, le peuple sera plus favorable au président Mahmoud Abbas qu'au Hamas. Quoi qu'il en soit, d'un point de vue juridique, c'est sans contestation possible le président Abbas, en tant que Président de l'OLP et de l'Autorité nationale palestinienne qui, dans les négociations, peut engager l'Autorité palestinienne. Il a suggéré, dans le cas où une résolution pourrait être proposée aux Palestiniens, qu'elle soit soumise à un référendum.

- Les Palestiniens attendent le soutien de la France, aussi bien économique que politique. Le jumelage entre collectivités locales est une bonne chose et il est important de poursuivre les liens qu'elles ont noués. Ceux-ci apportent aux Palestiniens un soutien psychologique, et davantage encore économique. Il est important de renforcer la société civile à travers les autorités locales. Car ce sont elles, en cas d'effondrement de l'autorité centrale, qui soutiendraient la société.

- La position de l'Europe sur les élections en Palestine est étonnante. Alors que l'Union européenne est attachée aux valeurs démocratiques, elle ne reconnaît pas un gouvernement issu des urnes. Le Hamas a arrêté la violence depuis l'accord qu'il a signé au Caire avec le président Mahmoud Abbas, et ce alors que la violence israélienne n'a pas cessé. Des femmes et des enfants sont assassinés presque quotidiennement. Les incursions de l'armée israélienne dans les villes et les camps palestiniens sont constantes. Le mur est également une violence, les check-points sont une violence. Ne pouvoir ni rendre visite à ses parents hospitalisés ni se rendre à son travail, c'est subir une violence. Il n'est pas très logique de demander aux occupés d'assurer la sécurité de l'occupant. En outre, les colons israéliens n'ont pas arrêté leurs actions contre les Palestiniens. Dans une telle situation, il y aura toujours des éléments fondamentalistes et extrémistes des deux côtés, que l'on ne peut pas arrêter. Le président Mahmoud Abbas a demandé que soient renforcées les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne. Mais sans moyens, comment peuvent-elles faire plus que ce qu'elles ont déjà fait ? Elles font leur travail de prévention ; elles font beaucoup, puisque elles cherchent et trouvent des extrémistes qui s'apprêtent à commettre des attentats en Israël.

- La décision du Conseil de l'Europe évoquée par M. Guy Lengagne n'a pas été mise en œuvre. Celle de 2002 relative aux sanctions économiques contre Israël ne l'avait pas été non plus. Il est bon d'inviter les délégations palestiniennes à israéliennes à s'exprimer devant le Conseil de l'Europe. Un visa devrait être accordé à une personne qui a été élue par le peuple. Cela dit, la Suède et la Norvège ont déjà permis à des délégués du Hamas de venir participer à des conférences. Il est donc permis de penser que le problème des visas trouvera prochainement une solution.

- La politique de M. Ehud Olmert penche du côté de l'unilatéralisme. Israël qui s'est orientée de plus en plus dans ce sens après la mort de M. Rabin, négocie avec les États-Unis et l'Europe, mais pas avec les Palestiniens. Le président Mahmoud Abbas est un homme de paix, mais n'est pas un partenaire de paix pour Israël, dont le but est de faire échec à sa politique. Le Hamas est mis en avant pour justifier cet unilatéralisme, qui n'aboutira ni à la paix ni à une diminution de la violence. C'est pourquoi l'intervention de l'Europe est très importante pour avancer dans la voie de la paix.

- Le démantèlement de l'Autorité palestinienne rendrait la situation plus dramatique encore. Le niveau de chômage est très élevé, et les deux tiers de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Dans ces conditions, si les fonctionnaires ne sont pas payés, les Palestiniens vivront une situation de faillite totale. L'Europe doit s'interroger sur la politique qu'elle mène.

Le Président Edouard Balladur a remercié Mme la Déléguée générale d'avoir défendu les intérêts de son pays en fonction de principes auxquels tous sont attachés, le maintien de la paix, le respect des droits de l'homme et des droits des nations. Les députés français ne ménageront pas leurs efforts pour faire en sorte qu'une solution humaine soit apportée aux problèmes que traversent les Palestiniens. Mais un effort doit également être fait du côté palestinien pour permettre un rapprochement entre les uns et les autres.

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Le Président Edouard Balladur a rappelé qu'à la demande de plusieurs membres de la Commission, il avait écrit au Président de l'Assemblée nationale et au Ministre délégué aux relations avec le Parlement afin que soit organisé, en séance publique, un débat consacré au Proche-Orient. En réponse, le Ministre délégué aux relations avec le Parlement a indiqué que l'ordre du jour ne permettait pas la tenue d'un tel débat avant la prochaine interruption des travaux de l'Assemblée nationale. Le Ministre a également considéré que l'organisation de ce débat s'avérait délicate alors qu'était engagé un processus diplomatique au Proche-Orient. Dès lors, il a invité la Commission des Affaires étrangères à examiner ces questions en son sein.

Après avoir observé que la Commission était maîtresse de son ordre du jour, le Président Edouard Balladur a fait connaître son intention de maintenir sa demande initiale, jugeant la réponse faite par le Ministre surprenante. Il a observé que si l'on considérait, en effet, que tout débat en séance publique sur les questions internationales était impossible dès lors que des négociations étaient en cours, le Parlement ne pourrait de facto plus se saisir de ces problèmes. Il a insisté sur le fait qu'il s'agissait pour les députés d'être informés de la situation actuelle au Proche-Orient et non de s'exprimer par un vote.

Faisant part de son soutien à la démarche engagée par le Président de la Commission, M. Guy Lengagne a estimé qu'il était de la responsabilité des députés de se saisir de telles questions.

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Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 17 mai 2006 :

- M. Guy Lengagne, rapporteur sur le projet de loi n° 3039 autorisant l'adhésion au protocole relatif à la convention internationale de Torremolinos sur la sécurité des navires de pêche ;

- M. Jacques Remiller, rapporteur sur le projet de loi n° 3080 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la construction d'un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane française et l'Etat de l'Amapa.

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● Proche-Orient

● Palestine


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