Version PDF

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 43

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 juin 2006
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

page

- Conventions avec les Etats-Unis d'Amérique tendant à prévenir l'évasion fiscale et à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions (n° 2755) et en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 2756) - Mme Geneviève Colot, rapporteure

- Charte européenne de l'autonomie locale (n° 2802) - M. Marc Reymann, rapporteur

- Informations relatives à la Commission

  


3
5
7

Conventions fiscales avec les Etats-Unis

La Commission a examiné, sur le rapport de Mme Geneviève Colot, le projet de loi n° 2755 autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la République française et les Etats-Unis d'Amérique tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les successions et sur les donations, et le projet de loi n° 2756 autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Mme Geneviève Colot a indiqué que la France était liée aux Etats-Unis par deux conventions fiscales tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale :

- la convention du 31 août 1994 en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- la convention du 24 novembre 1978 en matière d'impôt sur les successions et sur les donations.

Elle a ajouté qu'un avenant modifiant la convention du 31 août 1994 ainsi qu'un avenant modifiant la convention du 24 novembre 1978 avaient été signés le 8 décembre 2004. Ces deux avenants ont été rendus nécessaires par certaines difficultés d'application en matière de pensions et de « partnerships » et dues à l'adoption par les Etats-Unis de la législation « TAMRA » (Technical and Miscellanous Revenue Act) de 1988 pour ce qui concerne la convention de 1978 relative aux successions.

La Rapporteure a apporté des précisions sur les modifications apportées par les avenants.

S'agissant des pensions, la convention de 1994 prévoyait, conformément au modèle de l'OCDE, un principe d'imposition des retraites privées dans l'Etat de résidence. Toutefois, la France avait souhaité introduire une exception concernant les pensions versées en application de la législation sur la sécurité sociale qui n'étaient imposables que dans l'Etat de la source. Les deux Etats n'ayant pas la même conception du champ d'application couvert par la législation sur la sécurité sociale, l'application de ces dispositions a été source d'ambiguïtés. Des problèmes sont apparus plus spécifiquement en ce qui concerne les pensions versées à des Français résidents des Etats-Unis au titre des régimes complémentaires à caractère obligatoire, les Etats-Unis ne les considérant pas comme relevant de la législation sur la sécurité sociale. Se pose également le problème de la possibilité pour des Français résidents des Etats-Unis de déduire de leur revenu imposable américain les cotisations qu'ils versent à un régime de retraite français. La rédaction de la convention actuelle implique en effet une analogie des régimes de retraite des deux Etats. Les cotisations payées aux Etats-Unis à la social security américaine n'étant pas déductibles, celles payées par les Français expatriés aux Etats-Unis à un régime de protection français relevant de la législation sur la sécurité sociale ne le sont pas non plus.

L'avenant pose le principe de l'imposition exclusive de l'ensemble des pensions dans l'Etat d'origine, réglant le problème des régimes complémentaires obligatoires, et confirme la déductibilité des cotisations versées à des régimes de retraite français.

En matière de « partnerships », la Rapporteure a indiqué que l'avenant à la convention du 31 août 1994 avait pour principal objectif de régler les difficultés inhérentes aux spécificités des législations des deux Etats en matière de sociétés de personnes (« partnerships » du côté américain), difficultés liées à des conceptions juridiques et fiscales très différentes de ces entités. En effet, les Etats-Unis appliquent une règle de transparence totale à ces partnerships (les associés sont réputés percevoir ou réaliser en lieu et place de l'entité les revenus que celle-ci réalise ou perçoit) alors que la France connaît un régime intermédiaire dit de translucidité, dans lequel la société de personnes est le sujet fiscal mais ce sont ses associés qui sont redevables de l'impôt.

Elle a d'autre part précisé que l'avenant à la convention en matière de succession modifiait la disposition relative à l'élimination de la double imposition en substituant à la méthode de l'exonération avec prise en compte du revenu pour la progressivité de l'impôt celle de l'imputation d'un crédit d'impôt égal à l'impôt français ce qui revient au même. L'impact financier est donc neutre pour la France.

S'agissant de l'avenant à la convention fiscale de 1978 en matière de succession et de donation, Mme Geneviève Colot a indiqué qu'il avait pour objet de permettre aux citoyens français de bénéficier à nouveau de certaines dispositions favorables dont ils ne bénéficiaient plus depuis l'adoption de la législation TAMRA.

En effet, la convention fiscale entre la France et les Etats-Unis du 24 novembre 1978 ne pouvait pas faire obstacle à ces modifications, dès lors que les Etats-Unis ont fait prévaloir la législation TAMRA sur les dispositions conventionnelles en application du principe américain du « treaty overriding » qui veut que les dispositions d'une loi nouvelle prévalent sur celles d'un accord international qui lui est antérieur.

Dans ces conditions, seule la négociation d'un avenant à la convention permettait de restaurer, pour l'essentiel, les avantages dont bénéficiaient les Français résidant aux Etats-Unis.

La Rapporteure a estimé que l'incidence financière de ces deux avenants serait probablement neutre.

Toutefois, pour les Etats-Unis, la portée rétroactive à 1988 de l'octroi des avantages en matière de succession et de donation au conjoint survivant français pourra avoir un impact financier mais qui est difficilement mesurable à ce jour.

Par ailleurs, l'avenant à la convention en matière de revenu remplace le principe de l'imposition à la résidence des pensions privées par un principe d'imposition à la source : les Etats-Unis pourront imposer les pensions de source américaine servies à leurs citoyens résidant en France et inversement.

Mme Geneviève Colot a indiqué que le Sénat des Etats-Unis avait émis le 30 mars dernier un vote favorable à la ratification des avenants aux deux conventions fiscales. L'intervention de la Chambre des Représentants n'étant pas nécessaire en matière d'approbation des accords internationaux, elle a précisé que ces deux textes seraient donc maintenant transmis au Président des Etats-Unis pour signature des documents de ratification. Après notification de cette ratification aux autorités françaises, la procédure pourra être considérée comme achevée du côté américain. Du côté français, il appartient donc désormais au Parlement d'adopter les deux projets de loi qui lui sont soumis afin d'autoriser le gouvernement à ratifier ces deux avenants.

Conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a successivement adopté le projet de loi (n° 2755) et le projet de loi (n° 2756).

Charte européenne de l'autonomie locale

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Marc Reymann, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la charte européenne de l'autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985 (n° 2802).

M. Marc Reymann, Rapporteur, a rappelé que le Sénat n'avait adopté que le 17 janvier 2006 le projet de loi autorisant l'approbation de la Charte européenne de l'autonomie locale adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985. Ce délai de vingt ans entre sa signature et le dépôt du projet de loi autorisant sa ratification a été la conséquence de plusieurs difficultés juridiques.

Certaines des stipulations de la Charte avaient en effet été considérées par le Conseil d'Etat comme incompatibles avec plusieurs des principes d'organisation des collectivités locales françaises. Depuis lors, le processus de décentralisation s'est poursuivi et les points d'incompatibilité avec la Charte se sont considérablement réduits, permettant d'envisager de ratifier la Charte sous la seule réserve de quelques déclarations interprétatives.

La Charte européenne de l'autonomie locale est le premier instrument juridique multilatéral qui définit et protège les principes de l'autonomie locale. A ce jour, quarante-trois Etats sur les quarante-six membres du Conseil de l'Europe ont signé cette Charte. Les trois pays non signataires ont de très petits territoires dans lesquels la notion de collectivité locale n'a guère lieu de s'appliquer : Andorre, Monaco et Saint-Marin. Parmi les signataires, seuls deux ne l'ont pas ratifiée : la Serbie-Monténégro, qui n'a signé la Charte qu'en juin 2005, et la France, qui faisait pourtant partie des Etats ayant signé la Charte dès le 15 octobre 1985. La Charte est entrée en vigueur le 1er septembre 1988, après sa ratification par quatre signataires.

L'autonomie locale, telle que protégée par la Charte, ne se définit pas comme « le droit de se gouverner par ses propres lois », sens premier du terme, qui renvoie notamment à la délégation de capacité législative, mais plutôt comme le principe de « libre administration des collectivités locales », affirmé par l'article 72 de la Constitution française. La Charte énumère les principes généraux nécessaires au respect de l'autonomie locale ainsi définie.

Figurent principalement :

- le fondement légal ou constitutionnel de l'autonomie locale ;

- le type des compétences et les pouvoirs des collectivités locales ;

- la nécessité de l'adéquation de leur organisation et de leurs moyens administratifs aux missions qu'elles doivent remplir ;

- des garanties sur les conditions d'exercice de leurs responsabilités par les élus locaux (statut, compensation financière, règles d'incompatibilité) ;

- une conception du contrôle administratif qui interdit le contrôle en opportunité ;

- des garanties quant aux ressources des collectivités locales (niveau suffisant, ressources propres, péréquation financière, principe des subventions globales...) ;

- la liberté d'association des collectivités locales.

D'une manière générale, la France respecte ces principes au moins depuis les premières lois de décentralisation, mais, en 1991, le Conseil d'Etat a soulevé plusieurs difficultés de compatibilité entre le droit français alors en vigueur et les stipulations de la Charte.

D'une part, il a estimé que l'ambiguïté de certaines des stipulations de la Charte pouvait être source de revendications politiques et de contentieux. Il visait le 4ème paragraphe de l'article 4 sur l'octroi de compétences « pleines et entières » aux collectivités locales, le 6ème paragraphe du même article prévoyant la consultation des collectivités locales avant toute décision sur des questions les concernant directement, le 2ème paragraphe de l'article 7 imposant « la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli » alors que les indemnités versées en France aux élus, quand elles existent, sont forfaitaires, le premier alinéa de l'article 9 sur les « ressources propres suffisantes » et l'article 10 garantissant le droit d'association des collectivités locales.

D'autre part, il a considéré que plusieurs dispositions incompatibles avec le droit national étaient de nature à lier la compétence du législateur pour fixer le régime des collectivités territoriales. Posaient ainsi des problèmes de compatibilité avec l'article 3 de la Charte l'irresponsabilité des exécutifs devant les assemblées délibérantes et la possibilité de recourir au suffrage universel indirect.

Le droit national régissant l'organisation et les compétences des collectivités locales a connu des évolutions importantes depuis 2002. La loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002 a marqué une nouvelle étape dans le processus de décentralisation ; la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a inséré dans la Constitution la disposition selon laquelle l'organisation de la République est décentralisée. La loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales a consolidé l'organisation décentralisée de la République et accrû l'autonomie des collectivités locales et la loi organique du 29 juillet 2004 a défini les ressources propres des collectivités locales.

Plusieurs des revendications politiques susceptibles d'être induites par l'adoption de la Charte étaient ainsi satisfaites. Consulté sur un nouveau projet de loi visant à autoriser la ratification de la Charte, le Conseil d'Etat a formulé un avis défavorable mais ne reposant plus que sur trois points. Le Gouvernement a décidé de lancer la procédure parlementaire d'autorisation de la ratification de la Charte en formulant des déclarations permettant de lever ces dernières difficultés.

Elles devraient être les suivantes :

- la première précise le champ d'application de la Charte : il englobe toutes les catégories de collectivités locales visées par la Constitution, et donc pas les établissements publics de coopération intercommunale qui ne sont pas des collectivités territoriales au sens de la Constitution ;

- la seconde devrait viser la question de l'irresponsabilité des exécutifs locaux et être rédigée en ces termes : « La République française considère que les dispositions de l'article 3§2 doivent être interprétées comme réservant aux Etats la faculté d'instituer la responsabilité, devant l'organe délibérant d'une collectivité territoriale, de l'organe exécutif dont elle est dotée. » ;

- la troisième déclaration permettra de préserver la gratuité des fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal et le caractère forfaitaire des autres indemnités, en écartant l'application de la disposition de la Charte qui est incompatible avec ces pratiques.

Les principales difficultés qui s'opposaient à la ratification par la France de la Charte européenne de l'autonomie locale ayant été levées par la poursuite du processus de décentralisation, aucun obstacle n'empêche plus notre pays de devenir partie à cet accord international. Cette ratification aura pour effet de parachever et de consolider l'organisation décentralisée de la République.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2802).

En conclusion de cette séance, le Président Edouard Balladur a rappelé qu'à la demande de plusieurs membres de la Commission, il avait écrit au Gouvernement afin que soit organisé, en séance publique, un débat consacré au Proche-Orient.

Il a annoncé que le Ministre des Affaires étrangères venait de se déclarer favorable à la tenue de ce débat. Aussi, le Président Edouard Balladur a-t-il souhaité que cette séance puisse avoir lieu avant la fin de la session ordinaire, à une date qui permettra une participation la plus large possible.

Il a ensuite indiqué qu'il avait reçu de M. Philippe Errera, entendu par la Commission le 31 mai dernier sur le programme nucléaire iranien, une lettre d'excuses visant à dissiper tout malentendu et précisant notamment que le jugement porté par M. Julia « n'était en rien inspiré par des préoccupations étrangères à l'intérêt de notre pays ».

*

*       *

Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mercredi 7 juin 2006 :

- M. Hervé de Charette, rapporteur pour le projet de loi n° 3110 autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne ;

- M. Jean-Claude Guibal, rapporteur pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion à la convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires (ensemble quatre annexes et deux appendices), adoptée à Londres le 5 octobre 2001 (n° 3086) ;

- Mme Martine Aurillac, rapporteure pour le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'assistance administrative mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République azerbaïdjanaise pour la prévention, la recherche, la constatation et la sanction des infractions douanières (n° 3087).

______

· Etats-Unis

· Charte européenne


© Assemblée nationale