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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

COMPTE RENDU N° 47

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 20 juin 2006
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

SOMMAIRE

 

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- Ratification du Traité relatif à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne (n° 3110) - M. Hervé de Charette, Rapporteur

- Informations relatives à la Commission

  

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Traité relatif à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Hervé de Charette, le projet de loi (n° 3110) autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.

M. Hervé de Charette, Rapporteur, a constaté que ce nouvel élargissement de l'Union européenne - le sixième depuis 1957 - n'intervenait pas dans un contexte très favorable. Le rejet de la Constitution européenne ou la question de l'entrée de la Turquie dans l'Union ne créent pas un climat propice à l'arrivée de deux nouveaux pays qui représentent trente millions d'habitants et semblent pour nos compatriotes peut-être un peu lointains.

Estimant que l'on ne pouvait faire pâtir la Bulgarie et la Roumanie de cette ambiance morose, il a considéré que l'on devait leur permettre à de rejoindre l'Union dans les meilleurs délais. Il a jugé que plusieurs raisons militaient pour l'adoption du projet de loi autorisant la ratification du traité d'adhésion.

La première raison est que l'élargissement de 2004 et celui de 2007 constituent un seul et même processus, celui de la réconciliation de l'Europe, qui aura une portée historique que les Européens de l'ouest ne mesurent sans doute pas pleinement. Il faut envisager l'élargissement de 2004 et celui de 2007 comme un tout finalement indissociable.

Il faut rappeler que la Communauté Européenne s'est ouverte en 1973 à l'Irlande, au Royaume-Uni et au Danemark à l'initiative de la France. C'est également notre pays qui a milité pour l'adhésion de la Grèce en 1981. En revanche, on peut dire qu'en 1986, l'intégration de l'Espagne et du Portugal s'est déroulée en dépit de certaines réticences françaises. Puis vinrent la Suède, à l'Autriche et à la Finlande en 1995 et les dix États d'Europe centrale, orientale et méditerranéenne en 2004.

L'accueil des pays d'Europe centrale et orientale s'est déroulé selon un processus long et laborieux. Tout a débuté lors du Conseil européen de Copenhague en 1993 à l'occasion duquel a été posé le principe de l'élargissement de l'Union à ces pays. C'est également lors de cette réunion qu'ont été fixées les conditions de cet élargissement. Ce sont les fameux critères de Copenhague qui imposent aux futurs adhérents le respect des règles de l'Etat de droit, notamment des droits de l'homme et des minorités, la mise en place d'institutions stables et d'une économie de marché viable. Les pays candidats doivent aussi être capables d'assumer toutes les obligations afférentes à la qualité de membre de l'Union et souscrire aux objectifs de celle-ci. Parmi ces critères figuraient également celui de la capacité d'absorption de l'Union européenne, qui revêt aujourd'hui une importance particulière dans l'appréciation de l'opportunité d'élargir ou non l'ensemble européen.

M. Hervé de Charette, Rapporteur, a également rappelé que douze États avaient déposé leur candidature en 1995, parmi lesquels la Roumanie puis la Bulgarie. C'est en 1997, à Luxembourg, qu'a véritablement été lancé le processus d'élargissement et ce, malgré l'échec de la réforme des institutions européennes lors du Conseil européen d'Amsterdam en juin 1997, alors même qu'une telle réforme était considérée comme le préalable à l'ouverture de l'Union.

L'ouverture des négociations s'est passée en deux temps. Six pays ont engagé les pourparlers avec les États membres de l'Union en mars 1998 (Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie). Puis six autres ont bénéficié de l'ouverture des négociations en février 2000 (la Bulgarie, la Roumanie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie et Malte). C'est lors du Conseil européen de Laeken des 14 et 15 décembre 2001 qu'un sort particulier a été fait à la Bulgarie et à la Roumanie. La décision a été prise de mener à bien d'ici fin 2002 les négociations avec les dix États qui, finalement, ont intégré l'Union européenne en 2004. Pour la Bulgarie et la Roumanie, l'échéance a été fixée à 2007 à l'occasion du Conseil européen de Copenhague qui s'est tenu en décembre 2002. Les négociations avec ces deux États ayant été closes le 14 décembre 2004, le traité d'adhésion a été signé à Luxembourg le 25 avril 2005, après que la Commission européenne puis le Parlement européen ont exprimé leur avis favorable, respectivement en février et avril de cette même année.

Face à la candidature de la Bulgarie et de la Roumanie, on se trouve finalement devant une situation très claire : il s'agit d'achever le cycle ouvert en 1993 à Copenhague. Il faut insister sur ce fait précis afin de ne pas perturber le débat sur leur entrée dans l'Union par celui sur l'adhésion éventuelle des pays des Balkans occidentaux, de la Turquie ou même de l'Ukraine.

M. Hervé de Charette, Rapporteur, a ajouté que refuser l'entrée de ces deux pays ne résoudrait pas le problème actuel de l'Union, insistant sur le fait que la position prise aujourd'hui par le Parlement français ne préjugerait pas de celle qu'il adopterait sur les futurs élargissements. Nous avons donné notre parole à la Roumanie et à la Bulgarie et, pour l'heure, à aucun autre pays.

Il a considéré ensuite que les deux pays candidats avaient fourni des efforts considérables. Alors que le processus entamé en 1993 aurait pu être bâclé après l'entrée des dix nouveaux États membres en 2004, on doit constater que cela n'a aucunement été le cas. Les négociations entre les deux candidats et les autres pays membres avaient pour objet de les aider à introduire de la meilleure façon les règles européennes dans leur droit interne. On peut d'ailleurs estimer qu'il ne s'agit pas là de négociations à proprement parler, mais plutôt du contrôle de l'application correcte par la Roumanie et la Bulgarie de l'ensemble des dispositions contenues dans les trente et un chapitres de négociations.

La clôture de ces pourparlers en 2004 n'a nullement signifié la fin du processus puisque, aux termes du traité d'adhésion, il a été convenu que la Commission européenne continuerait à suivre les efforts d'adaptation des deux candidats. Celle-ci a adopté une méthode très rigoureuse en classant les chapitres en trois catégories.

- La première est constituée de ceux pour lesquels les candidats sont prêts ou presque prêts.

- La deuxième catégorie regroupe les domaines où la Roumanie et /ou la Bulgarie n'ont pas accompli tous les efforts nécessaires, ce qui impose une vigilance particulière de la part de l'Union et une plus grande mobilisation des pays candidats.

- Enfin, dans la troisième catégorie, la Commission européenne a fait la liste de tous les secteurs extrêmement préoccupants.

Forte de cette méthode, la Commission européenne a rendu son premier rapport le 25 octobre 2005. Elle a procédé alors à un triple constat. La Roumanie et la Bulgarie remplissaient les critères politiques et économiques principaux d'adhésion à l'Union. En revanche, plusieurs domaines relevaient de la catégorie pour laquelle une vigilance accrue était nécessaire : la lutte contre le blanchiment des capitaux, la pêche, l'environnement, la politique sociale, la passation des marchés publics, les services financiers... La Commission européenne a exprimé enfin ses graves préoccupations concernant plusieurs secteurs comme le piratage, la contrefaçon, l'insuffisance des mécanismes de gestion de la politique agricole, la sécurité vétérinaire, le contrôle aux frontières extérieures de l'Union européenne, qui est un sujet clé, la corruption et la gestion des fonds européens. La Commission s'est également inquiétée du caractère insuffisant de la lutte contre la criminalité organisée en Bulgarie. Dans ce rapport de 2005, il est apparu que la Commission portait un jugement sensiblement plus sévère à l'égard de la Roumanie que vis-à-vis de la Bulgarie.

Ces conclusions ont suscité une grande émotion dans ces deux pays, mais aussi une réelle mobilisation, si bien que chacun s'attendait à ce que le rapport annoncé par la Commission pour mai 2006 soit clairement favorable à une adhésion dès le 1er janvier 2007. C'était d'ailleurs le constat qu'avaient fait le Rapporteur et ses trois collègues - Mme Geneviève Colot, MM. Jean-Pierre Dufau et Philippe Folliot - lors de la mission qu'ils ont effectué en Roumanie, au nom de l'Assemblée nationale, en janvier 2006.

M. Hervé de Charette, Rapporteur, a constaté que le rapport rendu par la Commission européenne le 16 mai 2006 n'était pas aussi favorable qu'on pouvait l'attendre. Ce document reconnaît les efforts accomplis par les deux pays mais évoque aussi les dernières carences dans leur préparation à l'adhésion.

Il faut tout d'abord constater qu'en Roumanie la lutte contre la corruption a été tout à fait significative. Les membres de la mission parlementaire conduite par le Rapporteur ont été impressionnés à Bucarest par la mobilisation énergique des autorités publiques, que ce soit la ministre de la justice, Mme Monica Macovel, ou M. Daniel Morar, procureur, chef de la Direction nationale anti-corruption. Un satisfecit a également été décerné aux candidats pour les réformes de la justice et de l'administration, ainsi que pour les améliorations apportées au sort des minorités.

Néanmoins, plusieurs secteurs suscitent encore l'extrême préoccupation de la Commission européenne. Il s'agit pour la Bulgarie d'établir un système intégré de gestion et de contrôle adéquat dans l'agriculture, de mettre en place des installations d'équarrissage et de traitement conformément à l'acquis sur les EST (encéphalopathies spongiformes transmissibles) et les sous-produits animaux, d'apporter des preuves plus concrètes de résultats en matière d'investigation et de poursuite des réseaux de criminalité organisée, de mettre en œuvre plus efficacement et plus rationnellement une législation contre la fraude et la corruption, de renforcer l'application des dispositions contre le blanchiment de capitaux et, enfin, de consolider le contrôle financier en vue de l'utilisation future des fonds structurels et de cohésion.

Quant à la Roumanie, quatre secteurs suscitent les inquiétudes de la Commission : l'agrément d'organismes payeurs entièrement opérationnels pour gérer les paiements directs effectués aux exploitants et aux opérateurs au titre de la politique agricole commune ; l'établissement d'un système intégré de gestion et de contrôle adéquat dans l'agriculture ; la mise en place d'installations d'équarrissage et de traitement conformément à l'acquis sur l'EST et les sous-produits animaux ; dans l'administration fiscale, les systèmes informatiques pouvant fonctionner en liaison avec ceux du reste de l'Union pour permettre une perception correcte de la TVA dans le marché intérieur de l'Union européenne.

Aux vues de ce constat, la Commission européenne a indiqué qu'elle remettrait un nouveau rapport au début de l'automne 2006. La Commission a également évoqué les moyens dont l'Union disposerait après l'adhésion pour s'assurer que la Bulgarie et la Roumanie respecteraient au mieux leurs obligations européennes.

M. Hervé de Charette, Rapporteur, a estimé qu'aujourd'hui trois attitudes étaient possibles.

La première consisterait à se déclarer insatisfait de l'état de préparation des deux candidats pour refuser de ratifier le traité d'adhésion qui ne pourrait, dès lors, entrer en vigueur.

La deuxième possibilité serait de le ratifier pour faire ensuite usage de la clause de report d'une année que contient ce traité. Il faut insister sur le fait que la mise en œuvre de cette clause suppose au préalable l'entrée en vigueur du traité d'adhésion, mais aussi que la Commission propose sa mise en œuvre et que l'unanimité des États membres se prononce dans ce sens. On précisera toutefois que ce report peut être voté à la majorité qualifiée des États membres, pour la Roumanie uniquement, si des manquements graves sont constatés dans les domaines de la concurrence ou de la justice et des affaires intérieures (JAI). On observe que l'introduction de cette règle particulière pour la Roumanie est l'écho de l'appréciation faite, au début du processus, sur le degré respectif de préparation de la Roumanie et de la Bulgarie. Cette appréciation est aujourd'hui exactement inverse.

La troisième attitude qui peut être adoptée, pour l'heure, consisterait à ratifier le traité et à faire jouer les clauses de sauvegarde qu'il prévoit. D'une durée de trois ans, elles portent sur les questions fiscales, de sécurité vétérinaire, sur la justice ou les conditions de paiements des fonds européens au titre de la politique agricole commune ou de la politique régionale.

M. Hervé de Charette, Rapporteur, a conclu que la Commission européenne et les États membres avaient fait preuve d'une très grande vigilance lors du processus d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. On aurait apprécié qu'ils en fassent de même lors des négociations avec les dix États entrés en 2004. En tout état de cause, reporter à 2008 l'adhésion de ces deux pays n'aurait guère de sens.

Il a ensuite présenté les conséquences de ce nouvel élargissement. L'entrée de ces deux pays aura au moins un triple impact sur l'Union : institutionnel, économique et financier, géopolitique.

La Roumanie et la Bulgarie disposeront d'un Commissaire chacun, ce qui va obliger le Président de la Commission à réorganiser le collège. Le Parlement européen accueillera 18 députés bulgares et 35 roumains jusqu'en 2009, puis 17 et 33 à compter de 2009. Au Conseil, la Roumanie disposera de 14 voix et la Bulgarie de 10 voix sur un total de 345. Pour mémoire la France en dispose de 29 comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie. Ces deux pays seront représentés aussi dans les autres instances communautaires : Cour de justice, Cour des comptes, Banque centrale européenne...

L'impact économique sur l'Union est difficile à évaluer. Il faut simplement noter que la Bulgarie et la Roumanie bénéficient d'une croissance annuelle en moyenne supérieure de 3 % par rapport aux membres de l'Union à 25. D'un point de vue budgétaire, la question de l'intégration de ces deux pays est réglée depuis 2004. Pour la période 2007-2009, ils bénéficieront de 16 milliards d'euros, dont près des trois quarts pour la Roumanie. 5,4 milliards d'euros seront versés au titre de la PAC, 8,2 milliards au titre de la politique régionale et 1,3 milliard pour les politiques internes et les aides transitoires.

D'un point de vue géopolitique, les Balkans constituent la principale préoccupation de la Bulgarie ; elle se fera sans nul doute leur avocate dans l'Union européenne. La Roumanie, quant à elle, entend jouer un rôle dans la région de la Mer Noire. On constate aussi que ces deux pays ont un fort tropisme pro-américain ce qui peut être préoccupant à certains égards.

Après avoir rappelé que l'entrée de ces deux pays était bien le terme du processus ouvert en 1993 à Copenhague et qu'il fallait ensuite marquer une pause dans l'élargissement de l'Europe, M. Hervé de Charette, Rapporteur, a proposé d'adopter le projet de loi n° 3110 autorisant la ratification du traité d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.

Le Président Edouard Balladur a rappelé que notre parole a été donnée à la Bulgarie et à la Roumanie et qu'il fallait l'honorer. Il a jugé néanmoins qu'il n'était plus possible de poursuivre l'élargissement sans procéder préalablement à une réforme des institutions, sans quoi l'Union européenne se dirigerait vers un blocage complet. Il faut donc affirmer l'impossibilité de tout élargissement supplémentaire, en raison de l'inadéquation des institutions européennes à une telle ouverture de l'Union. L'Union ne pourra plus fonctionner avec la règle de l'unanimité à 27 pays et plus, et l'extension de la prise de décision à la majorité qualifiée nécessite que le poids respectif des pays au sein des institutions de l'Union soit revu.

M. François Rochebloine a tout d'abord constaté que la France et les Pays-Bas étaient les deux pays qui n'avaient pas encore procédé à la ratification du traité relatif à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, tout comme ils sont les deux pays qui ont rejeté le traité constitutionnel.

A cet égard, le Président Edouard Balladur a fait observer que cela n'était pas incohérent.

M. François Rochebloine a ensuite rappelé qu'il s'était rendu en Roumanie et en Bulgarie en 2005 pour une mission de la Commission des Affaires étrangères et qu'il avait pu constater combien ils étaient attentifs à l'attitude de la France s'agissant de leur adhésion à l'Union. Il s'est inquiété de savoir ce qu'il adviendrait si les Pays-Bas refusaient de ratifier le traité relatif à leur adhésion, en craignant que cela constitue une catastrophe pour l'Union européenne et pour la France.

Le Président Edouard Balladur a précisé que, en raison de la règle de l'unanimité, ce traité supposait que tout le monde soit d'accord pour entrer en vigueur.

M. Jean-Claude Lefort a souhaité souligner qu'il n'y avait pas eu de représentant du Groupe des député-e-s Communistes et Républicains dans la délégation qui s'était rendue dans ces deux pays, et que, plus généralement, il n'y a pas de représentant de ce même groupe depuis quatre ans dans les délégations qui se rendent à l'étranger.

Le Président Edouard Balladur a rappelé à M. Jean-Claude Lefort que M. Pierre Goldberg devait faire partie de la délégation qui s'est rendue en janvier 2006 à Bucarest mais qu'il s'était désisté avant le départ et qu'aucun remplaçant n'avait pu lui être trouvé par son groupe.

M. Jean-Claude Lefort a ensuite indiqué que le Groupe des député-e-s Communistes et Républicains avait déposé une exception d'irrecevabilité et une question préalable pour mettre en évidence le caractère de la procédure suivie. Le Conseil européen qui s'est réuni à Bruxelles les 15 et 16 juin 2006 souhaite que la Bulgarie et la Roumanie rejoignent l'Union européenne au 1er janvier 2007 si les conditions sont réunies. Or le traité d'adhésion confère à la Commission européenne, un organe qui n'est pas strictement politique, le pouvoir de juger de l'opportunité de reporter ou non l'adhésion au 1er janvier 2008. C'est un cas de figure incroyable, sans précédent, en matière de ratification d'accords internationaux. Les parlements nationaux sont en fait appelés à se prononcer sur une adhésion hypothétique à une date hypothétique.

Le Président Edouard Balladur a fait observer qu'après tout, c'était à certains égards une situation comparable à la situation dans laquelle se trouve la France qui a modifié sa Constitution pour rendre possible la ratification du traité constitutionnel européen, ce qu'elle n'a d'ailleurs pas fait in fine. Notre Constitution ainsi amendée par le Congrès du Parlement fait référence à un traité européen qui n'entrera sans doute pas en vigueur.

M. Roland Blum a relayé les inquiétudes de certains syndicalistes agricoles français craignant une concurrence accrue de la part des agriculteurs de ces deux pays. Ces craintes sont-elles justifiées ?

Sur ce sujet, M. François Guillaume a indiqué que, dans un premier temps, les populations qui disposent du pouvoir d'achat le plus élevé dans ces pays pouvaient être intéressées par des produits agroalimentaires distribués par des supermarchés français ou étrangers implantés sur place, cela n'étant cependant pas le cas de l'essentiel de la population qui se contente de la production locale. Par ailleurs, les matières premières agricoles nécessaires à la constitution de produits agroalimentaires sont incontestablement moins chères dans ces pays. Dès lors les entreprises agroalimentaires de l'Europe occidentale s'y fournissent en lait ou en caséine, par exemple. Il a ajouté que les règles imposées en France, notamment en matière de quotas laitiers, n'était d'ailleurs pas appliquées dans les dix pays qui venaient de rejoindre l'Union, ce qui constitue une menace importante.

En réponse aux questions des membres de la Commission, M. Hervé de Charette, Rapporteur, a fourni les précisions suivantes :

- Actuellement dix-sept pays ont ratifié le traité d'adhésion. Parmi ceux qui ne l'ont pas encore fait figurent, outre la France, la Belgique, le Danemark, l'Allemagne, l'Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Finlande. Aucun signe émanant de ces pays ne laisse supposer qu'ils ne ratifieront pas ce traité.

- La question soulevée par M. Jean-Claude Lefort est importante puisque, effectivement, le fait de devoir ratifier un traité avant de connaître avec certitude sa date d'entrée en vigueur est une particularité européenne. Nous sommes dans un domaine européen qui est à mi-chemin entre le droit international et le droit interne. Que la clause de report soit mise en œuvre à l'initiative de la Commission européenne est conforme à l'esprit du système communautaire qui fait de cette institution la gardienne de l'intérêt général européen. L'application des autres clauses de sauvegarde s'inscrit plus encore dans cette logique européenne puisqu'elle sera postérieure à l'adhésion des deux candidats.

- La question de la concurrence des agriculteurs de ces deux pays a été posée plus largement pour l'ensemble des candidats de l'Europe centrale et orientale. Concernant la Roumanie et la Bulgarie, on constate que leurs exploitations agricoles de très petites tailles sont incapables de concurrencer les nôtres. On peut supposer que l'adhésion de ces deux pays conduira, en raison de leur croissance économique forte, à une augmentation de leur demande en produits agricoles dont bénéficieront nos producteurs. On a pu craindre que les nouveaux membres absorbent une trop grande part des fonds de la PAC. Ces inquiétudes ont été dissipées lors de la négociation d'adhésion puisque a été prévu un mécanisme, imposé par la France, permettant une entrée progressive dans le système d'aide agricole de l'Union.

Après que M. Jean-Claude Lefort eut indiqué que ces motions n'avaient été déposées que pour attirer l'attention des parlementaires sur le caractère incongru de la procédure européenne concernant la fixation définitive de la date d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, la Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Alain Bocquet et les membres du groupe des député-e-s Communistes et Républicains.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3110).

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Informations relatives à la Commission

Ont été nommés, le mardi 20 juin 2006 :

- M. Jean-Paul Bacquet, Rapporteur sur le projet de loi n° 3119 autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Corée ;

- M. André Schneider, Rapporteur sur le projet de loi n° 3120 autorisant l'approbation de l'accord cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne sur la coopération sanitaire transfrontalière ;

- M. Jean-Jacques Guillet, Rapporteur sur le projet de loi n° 3156 autorisant l'approbation du protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique (ensemble neuf annexes).

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