COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 1

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 1er octobre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2003 (n° 230)

 2

- Information relative à la commission

10

Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2003.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

Rappelant que, lors de la présentation du projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, elle avait indiqué que les trois objectifs prioritaires de la programmation étaient de rétablir la disponibilité des matériels, de moderniser les équipements et préparer l'avenir, et enfin de consolider la professionnalisation des forces armées, Mme Michèle Alliot-Marie a exposé que la première annuité de l'exécution d'une loi de programmation constituait toujours une épreuve de vérité. L'exécution de la précédente loi de programmation militaire s'est traduite par la perte d'environ une année de crédits d'équipement. En 2003, il s'agit de franchir une marche importante pour la remise à niveau du budget de la défense. Le projet de budget pour 2003 est la manifestation tangible de la volonté politique de redresser la situation de l'outil de défense de la France et il marque donc une rupture. Il rompt avec la décroissance des moyens mis à la disposition de la défense entre 1997 et 2002 : en 2003, le budget augmentera de 7,5 % hors pensions, les moyens consacrés aux crédits d'équipement augmentant de 11,2 % par rapport à 2002. Il rompt avec la pratique antérieure consistant à imputer au budget de la défense des dépenses récurrentes qui ne concernent en rien les armées, comme le financement du développement de la Polynésie française. Enfin, il rompt avec la faiblesse des moyens consacrés aux engagements européens et internationaux de la France.

Le budget de la défense en 2003 s'élèvera à 31,07 milliards d'euros dont 13,64 milliards d'euros de crédits d'équipements, 3,45 milliards d'euros pour le fonctionnement et 13,98 milliards d'euros pour les rémunérations et charges sociales ; s'y ajoutent 8,89 milliards d'euros transférés aux charges communes du budget de l'Etat pour les pensions. Le budget amorce de façon très nette la restauration de la capacité opérationnelle des armées. Ainsi, l'entretien des matériels bénéficiera d'une enveloppe de 2,6 milliards d'euros, montant qui va au-delà de l'annuité moyenne de 2,4 milliards d'euros prévue dans le projet de loi de programmation militaire. Pour la première fois depuis 1997, la barre des trois milliards d'euros d'autorisations de programme qui y sont consacrés est franchie. Fortes de cet effort financier, les structures d'entretien des matériels seront en mesure d'assurer un pilotage renforcé de cet entretien.

Le renouvellement des matériels se traduira de manière concrète. Le troisième avion de guet aérien Hawkeye sera livré à la marine. L'armée de terre recevra 45 chars Leclerc et ses deux premiers hélicoptères de combat Tigre. Le parc de véhicules de la gendarmerie sera renouvelé à hauteur de 3 000 véhicules et elle recevra 42 000 gilets pare-balles. L'armée de l'air recevra les premiers lots de missiles de croisière Scalp et 962 millions d'euros seront affectés au Rafale. La réalisation des frégates anti-aériennes Horizon est dotée de 346 millions d'euros en vue d'une mise en service en 2006. Le développement du missile M 51 bénéficiera de 561 millions d'euros. La construction des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération sera dotée de 302 millions d'euros. Sont également prévues, en 2003, la commande de 59 Rafale et la rénovation de 55 AMX 10 RC et de 70 canons automoteurs pour l'armée de terre.

Par-delà ces commandes, la préparation de l'avenir et la modernisation des forces doivent s'accompagner d'un effort soutenu de recherche. Les dépenses de la France dans ce domaine ont été distancées par celles du Royaume-Uni. Le maintien à niveau du potentiel technologique nécessaire pour les équipements futurs de la défense bénéficie d'un effort de recherche de 1,24 milliard d'euros, en hausse de 4,2 % par rapport à 2002.

L'armée professionnelle est aujourd'hui une réalité. Il convient désormais d'inscrire son fonctionnement dans la durée. À cette fin, la programmation militaire prévoit la création d'un fonds de consolidation de la professionnalisation regroupant le financement de mesures ciblées pour renforcer l'attractivité des armées, de façon à y maintenir des compétences particulières et recruter comme il convient dans certaines spécialités en concurrence avec le secteur privé. Dès 2003, 11 millions d'euros de ce fonds seront consacrés aux recrutements dans des spécialités critiques et 8 millions d'euros financeront des mesures d'aide au logement des personnels.

Des crédits supplémentaires de 36,8 millions d'euros ont été affectés à l'instruction et à l'entraînement des forces. Ainsi, pour la première fois depuis 1997, les crédits dévolus à l'activité des forces approcheront le milliard d'euros.

Une mesure nouvelle de 40 millions d'euros soutiendra les actions d'externalisation. L'externalisation a notamment l'avantage de décharger le personnel de la défense de ce qui ne relève pas de ses missions et de recentrer ses activités sur le cœur de son métier. Facteur de motivation du personnel, elle a cependant en regard l'inconvénient de son coût. Cette question doit donc faire l'objet d'une approche pragmatique, au cas par cas, et non idéologique.

Les crédits consacrés à l'environnement professionnel immédiat comme au cadre de vie et de travail des militaires font l'objet d'un effort significatif. Il s'agit en particulier des dépenses d'équipement individuel, d'infrastructure ou de munitions. Les crédits qui y sont consacrés s'élèvent à 2,6 milliards d'euros, en hausse de 13 % par rapport à 2002.

Une enveloppe de 303 millions d'euros, soit 24 % d'augmentation par rapport à la loi de finances pour 2002, permettra de résorber le déficit chronique des loyers de gendarmerie ; elle s'ajoute aux 182 millions d'euros qui correspondent à la construction de 1 235 unités-logements. L'état des casernements de la gendarmerie est en effet contrasté ; certains sont mal entretenus, mal conçus et ne permettent pas d'héberger dans des conditions convenables les personnels et leurs familles.

Les ajustements d'effectifs permettront d'améliorer les capacités des armées à participer aux missions de sécurité intérieure, ainsi qu'aux opérations extérieures. La création de 1 200 postes et le dégel de 700 autres au profit de la gendarmerie nationale permettront de se conformer, dès 2003, aux dispositions de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure.

Compte tenu des réductions d'effectifs et des sollicitations multiples de l'armée de terre en opérations extérieures ou sur le territoire national, 1 000 postes d'engagés seront créés par transformation d'emplois de volontaires. Ces effectifs renforceront les unités d'infanterie et de renseignement, ainsi que les unités spécialisées dans la protection contre la menace nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique.

Pour remédier à un sous-effectif chronique du service de santé, 200 postes de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées seront créés et 20 élèves médecins supplémentaires seront recrutés.

Pour ce qui concerne l'amélioration de la condition militaire, le plan annoncé en 2002 sera financé et mis en œuvre. Il s'agit en l'occurrence de mieux reconnaître les sujétions statutaires et certaines contraintes opérationnelles des militaires. Les mesures prévues par le projet de loi de finances pour 2003 concerneront plus particulièrement, d'une part, l'indemnité compensant le temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaire et, d'autre part, le complément spécial pour charges militaires de sécurité.

Un plan de reconnaissance professionnelle des personnels civils sera également mis en œuvre grâce à un abondement de 13,5 millions d'euros, soit un effort supérieur au total des mesures prises en faveur du personnel civil dans les budgets couvrant la période 1995-2001, qui s'élevait à 11,2 millions d'euros.

De surcroît, des mesures d'action sociale en faveur des conditions de vie du personnel civil et militaire seront engagées et financées à hauteur de 4,4 millions d'euros, afin plus particulièrement d'améliorer les conditions de logement, l'environnement familial comme la garde des jeunes enfants, ou encore l'adaptation des activités de loisirs proposées par l'institution de gestion sociale des armées (IGESA).

Le projet de loi de finances pour 2003 consacre ainsi aux armées un montant de ressources considérable. Il marque la détermination du Gouvernement à assurer la défense des Français tant sur le territoire national qu'à l'étranger, ainsi que celle des valeurs et des idéaux de la France. Il permettra également de marquer la considération de la Nation envers l'institution militaire, qui a accompli ces dernières années une transformation très importante.

Cependant, le ministère de la défense devra poursuivre la modernisation de son mode de gestion, afin de devenir un modèle et une référence pour la réforme de l'Etat. Ainsi, les expériences de partage de prestations de soutien entre les armées au niveau local seront élargies et accentuées. De même, un système de dématérialisation des procédures d'achat utilisant un portail Internet sera opérationnel au début de l'année 2003 pour simplifier et améliorer les relations avec les fournisseurs. Mais au-delà, le développement du contrôle de gestion et l'amélioration des circuits administratifs constituent de vastes et nouveaux chantiers, dont l'aboutissement est indispensable pour l'application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Le ministère de la défense devrait trouver dans les dispositions de cette loi organique des éléments supplémentaires pour améliorer encore sa gestion.

En définitive, le projet de loi de finances pour 2003 correspond pleinement aux engagements du projet de loi de programmation militaire présenté le 11 septembre 2002. Il représente un effort de la Nation à la hauteur des défis de sécurité qui lui sont lancés dans un contexte international troublé et marqué par la recrudescence du terrorisme.

Après avoir noté avec satisfaction la qualité du projet de budget de la défense pour 2003, le président Guy Teissier a estimé que les mesures annoncées permettront aux personnels de retrouver le moral. C'est grâce aux efforts qu'une Nation consacre à sa défense qu'elle peut vivre en paix, mais aussi faire partager cette paix, notamment en assurant des opérations de maintien de la paix hors de ses frontières.

Au-delà des nombreux aspects positifs que comporte le projet de loi de finances pour 2003, le président Guy Teissier a rappelé une injustice, certes marginale, mais persistante, qui touche les sous-officiers devenus lieutenants avant la création du grade de major en 1976 et qui perçoivent une pension inférieure à celle de leurs collègues devenus majors. Il serait souhaitable de mettre fin à cette situation, le coût d'une telle mesure, de l'ordre de 365 380 euros par an, apparaissant relativement faible, alors qu'un tel geste serait assurément apprécié par la communauté militaire.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que des négociations étaient en cours entre les ministères de la défense et des finances et qu'elle avait bon espoir que cette situation soit débloquée sous peu. Le cas échéant, il pourrait être envisagé de déposer un amendement au projet de loi de finances.

M. Jean-Michel Boucheron a reconnu qu'un tel budget était difficile à critiquer pour l'opposition : le projet de loi de finances pour 2003 est en effet largement conforme à la première annuité du projet de loi de programmation militaire et comporte des éléments très positifs. Il a cependant relevé l'évolution légèrement négative des crédits d'études entre la loi de finances initiale pour 2002 et le projet de loi de finances pour 2003 et a interrogé la ministre sur les livraisons à venir de missiles Scalp EG et les progrès en matière de ciblage, indispensable à l'emploi efficace de ce missile. Il a enfin demandé quelle était la nature de l'aide apportée par la France au gouvernement en place en Côte d'Ivoire. Il a conclu son intervention en indiquant que l'exécution fidèle d'un tel budget serait sans doute difficile dans un contexte budgétaire contraint.

Mme Michèle Alliot-Marie a d'abord répondu que les dispositions du projet de loi de finances pour 2003 en matière de défense faisaient l'objet d'un engagement du Président de la République. Les crédits d'études évoqués sont des crédits de paiement ; leur montant est donc la résultante du volume des programmes lancés. En ce qui concerne les missiles Scalp EG, soixante seront livrés en 2003 comme prévu.

La ministre a ensuite évoqué la situation actuelle de la Côte d'Ivoire. La France n'entend pas s'impliquer dans une affaire interne à un pays. En vertu d'accords existants, elle a fourni au gouvernement ivoirien un appui logistique, consistant en des véhicules, des radios et des munitions. Elle soutient et encourage les tentatives de médiation et la constitution d'une force d'interposition africaine. La situation est délicate, la géographie de la rébellion peut faire craindre une séparation en deux du pays et dans ce cas une possible extension du conflit aux pays voisins, en fonction de critères ethniques. La prudence dans les déclarations s'impose, afin notamment de ne pas mettre en danger les ressortissants français de Côte d'Ivoire, qu'ils soient en zone rebelle ou non : des manifestations nationalistes à Abidjan ont pu se transformer en manifestations antifrançaises.

Faisant valoir que l'application de la TVA aux prestations fournies par DCN après son changement de statut le 1er janvier 2003 allait renchérir les coûts d'équipement et de maintenance de la marine, M. Charles Cova a demandé si cette charge avait été budgétée dans le projet de loi de finances pour 2003 et si des garanties avaient été données à la marine sur la limitation des augmentations de coût. Il a aussi regretté qu'aucun emploi militaire ne soit créé en 2003 dans la marine alors que les besoins existent bel et bien.

Mme Michèle Alliot-Marie a tout d'abord indiqué que le changement de statut de DCN ne serait sans doute pas effectif au 1er janvier 2003, les procédures, notamment en matière sociale, étant longues et complexes. Elle a ensuite précisé que les sommes correspondant à la TVA sont très importantes et qu'une solution doit être trouvée pour arriver à la neutralité fiscale dont le principe est acquis. Enfin, elle a indiqué que les besoins en personnel de la marine n'avaient pas été jugés prioritaires, tandis que les besoins de l'armée de terre et du service de santé sont patents.

Saluant les nouvelles perspectives ouvertes par le projet de loi de programmation pour les années 2003-2008 et le respect des engagements pris par le Président de la République, M. Gilbert Meyer a néanmoins émis des craintes sur la consommation des crédits supplémentaires ainsi obtenus. En effet, la période couverte par la précédente loi de programmation a révélé qu'en dépit de la diminution des crédits consacrés à l'entretien, ceux-ci n'étaient pas totalement utilisés. Faisant valoir qu'il y avait là un problème de gestion, il a demandé si une solution avait été envisagée pour y remédier.

M. Gilbert Meyer a également déploré la confusion affectant la ventilation des crédits d'entretien du matériel entre le titre III et le titre V et demandé une individualisation de ces crédits. Il a enfin souhaité avoir des précisions sur l'engagement des 100 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires adoptés à cette fin en loi de finances rectificative.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que des efforts très importants avaient déjà été faits en matière de consommation des crédits d'équipement. En 2002, l'objectif est de parvenir à une consommation de la totalité des crédits, et donc pour la première fois depuis longtemps sans report disponible. Le taux de consommation est supérieur, au 15 septembre 2002, de 15 % à celui de l'an dernier à cette date.

En ce qui concerne l'entretien des matériels, des transferts de crédits ont en effet été opérés dans le passé, du titre V vers le titre III, sans doute du fait des sous-dotations du titre III. Ces transferts devraient cesser, à l'avenir, notamment du fait de l'importance des crédits inscrits au titre V.

Quant aux 100 millions d'euros passés en collectif budgétaire, ils n'ont aucunement été annulés. S'agissant de crédits de paiement, ils sont au contraire utilisés au fur et à mesure. Ces crédits, pour moitié déjà consommés, ont notamment permis de payer le service de maintenance aéronautique pour l'entretien des Hawkeye et des Mirage 2000. La Défense est une priorité affirmée par le Président de la République, que le ministère des finances doit prendre en compte.

M. René Galy-Dejean a lui aussi évoqué le risque de non-consommation des crédits dégagés. Rappelant que c'est en mettant en évidence la non-consommation partielle des crédits d'équipement du ministère de la défense que le ministère des finances appuyait son argumentation pour obtenir que des arbitrages les limitent, il a insisté sur la nécessité d'une action permanente et énergique pour éviter une sous-consommation. Il a ensuite demandé des précisions sur l'état d'avancement du programme de l'A 400 M, constatant les contraintes que font peser les sinistres de l'été sur une situation budgétaire déjà dégradée en Allemagne et les menaces des Britanniques de se désengager du programme en l'absence d'une décision allemande avant la fin de l'année.

Mme Michèle Alliot-Marie a réaffirmé son intention de faire en sorte que le ministère de la défense consomme la totalité de ses crédits d'équipement. Pour y aider, plusieurs types d'action vont être engagés. La fonction achat au sein du ministère va être améliorée grâce au recrutement, déjà en cours, de professionnels par la délégation générale pour l'armement. Des actions seront aussi conduites pour astreindre les entreprises à tenir leur calendrier, qu'il s'agisse de la mise à effet des clauses de pénalité ou du recours éventuel à d'autres prestataires.

S'agissant de l'A 400 M, la ministre a souligné que, lors de la réunion de Schwerin, le chancelier Schroeder avait confirmé la volonté de l'Allemagne d'acheter 73 A 400 M avant la fin de l'année. Si la situation financière de ce pays est aujourd'hui plus difficile, la décision allemande n'est pas remise en cause sur son principe ; seul le nombre de commandes pourrait diminuer. Il est vrai que les Britanniques suspendent leur participation au programme à la prise d'une décision par l'Allemagne avant la fin de l'année. Ce serait une erreur grave pour la construction de l'Europe de la défense de ne pas poursuivre ce programme, la voie serait alors ouverte à l'achat d'appareils américains.

Le président Guy Teissier a insisté sur la nécessité de mener une réflexion afin d'assurer le respect de la « chose votée », de sanctuariser les décisions budgétaires résultant de la volonté du législateur et d'éviter que la gestion courante, par le ministère des finances, puisse aller à son encontre. Il serait bon d'en arriver à une globalisation du budget de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie a approuvé l'idée de globalisation du budget de la défense, de nature à responsabiliser les armées qui seraient ainsi incitées à réaliser des économies en sachant qu'elles pourraient les redéployer. Cette démarche recueille l'approbation du ministre du budget. C'est du reste le sens des dispositions de la nouvelle loi organique sur les lois de finances.

M. Jérôme Rivière, citant le chiffre de 2,6 milliards d'euros de crédits d'entretien pour l'année 2003, a demandé si, au regard de l'état des matériels, la disponibilité technique opérationnelle (DTO) serait redevenue satisfaisante à la fin de l'année 2003.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que ce chiffre correspondait à un arbitrage destiné à améliorer sensiblement la disponibilité des matériels majeurs pour le bon niveau des entraînements, même si des prévisions précises sont difficiles à établir. Elle a fait part de son intention de mettre en place un suivi régulier des consommations des crédits.

M. Jean Michel a rappelé qu'il avait pu constater les années passées, au titre de ses fonctions de rapporteur pour avis des crédits d'équipement, que des crédits disponibles n'étaient en effet pas consommés. Il a fait observer que le ministère de la défense ne gérait pas ses crédits d'équipement de façon totalement autonome, puisque la passation des marchés nécessitait l'approbation du ministère des finances, décision qui n'était pas toujours prise avec célérité en fin d'exercice. Il a jugé choquant que le budget arrêté par le Gouvernement et le Président de la République, puis voté par le Parlement, ne soit pas entièrement respecté du fait de ce type d'intervention. Il a également regretté que le financement des opérations extérieures ne figure pas, même sous la forme d'une évaluation forfaitaire, dans le projet de loi de finances pour 2003.

Mme Michèle Alliot-Marie a admis la nécessité d'être vigilante face à cette situation de dépendance. Le comité de suivi du titre V se réunira tous les deux mois et examinera notamment les situations de blocage en matière de consommation des crédits. Il est vrai aussi que les marchés d'un montant supérieur à 15 millions d'euros sont renvoyés automatiquement par les contrôleurs financiers au ministère des finances, ce qui alourdit la procédure. Des solutions sont recherchées. La globalisation des crédits de la défense permettra là encore de mettre un terme à ces difficultés.

Pour ce qui concerne les opérations extérieures, le principe d'inscrire une provision forfaitaire en loi de finances initiale a été admis. Une mission commune de l'inspection générale des finances et du contrôle général des armées doit en définir, avant mars 2003, les bases. À ce jour, cependant, une partie des opérations extérieures conduite en 2002 est déjà financée, puisque plus de 300 millions d'euros ont été inscrits pour le financement des opérations extérieures dans le collectif voté par le Parlement en août 2002.

M. Jean Michel a demandé s'il était exact que, sur les 100 millions d'euros votés dans ce collectif budgétaire pour la disponibilité technique opérationnelle, 99 millions avaient été gelés dès le 12 août.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu qu'il n'y avait eu ni gel ni annulation et que sur les 100 millions d'euros en question, 50 avaient déjà été dépensés.

M. Jean-Claude Beaulieu a regretté que le projet de loi de finances initiale pour 2003 n'apporte aucune indication d'augmentation des crédits affectés aux réserves, alors même qu'il est nécessaire de les rendre plus attractives. Qu'en est-il notamment de la prime de fidélisation ?

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que, pour l'exercice 2003, les crédits relatifs à la réserve étaient la stricte reconduction de ceux de 2002. L'augmentation prévue par la loi de programmation militaire n'entrera en vigueur qu'au début de l'année 2004, une fois que le plan global de recrutement et de fidélisation aura été mis au point. Elle a souhaité sur ce point recourir à l'expertise du Parlement.

M. Yves Fromion a estimé que, du fait de leur rythme de consommation, les crédits consacrés aux réserves de la gendarmerie étaient actuellement insuffisants, ce qui pose des problèmes aux groupements de gendarmerie, le recours aux réservistes contribuant efficacement au soutien des brigades de gendarmerie. Abordant la question de la modernisation du missile Exocet au standard dit block 3, il a noté qu'un débat avait actuellement lieu entre la délégation générale pour l'armement et EADS-MdBA. Or, il s'agit d'un programme important pour l'entreprise en termes de plan de charge, d'autant plus qu'elle doit faire face à l'annulation des programmes ANF, Trigat et Trigan. La nouvelle version de l'Exocet est de surcroît susceptible de faire l'objet de contrats à l'exportation.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que la reconduction des crédits consacrés aux réserves n'interdisait pas un rééquilibrage en gestion de la répartition entre armées en fonction des besoins. En ce qui concerne l'Exocet block 3, une décision interviendra fin octobre. La marine n'a pas un besoin immédiat de ce type de matériel. Celui-ci peut toutefois être intéressant à l'exportation et pour la pérennisation de la filière Exocet. Les négociations portent actuellement sur la répartition des charges entre l'industriel et le ministère de la défense.

M. Alain Moyne-Bressand a souhaité savoir comment le projet de budget s'articulait avec l'édification d'une défense européenne. Il a également demandé quel était le pourcentage des entreprises françaises fournissant du matériel aux armées françaises.

Mme Michèle Alliot-Marie a estimé qu'il était difficile de fournir des éléments statistiques d'ensemble sur le nombre des entreprises strictement françaises fournissant les armées, dans la mesure où leur capital est le plus souvent composé également de participations étrangères.

La France a la volonté très ferme de créer une défense européenne. Chez la plupart de ses partenaires, il existe aussi une vraie attente et une volonté d'aller dans ce sens, afin de donner à l'Europe les capacités qui lui manquent et l'indépendance de décision. L'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la Grèce, qui consacre 5 % de son PNB à sa défense, partagent cette position, et le Royaume-Uni les rejoint parfois. Le dossier avance de plusieurs façons. Le processus ECAP, dans lequel la France dirige quatre groupes de travail portant sur des points sensibles, vise à déterminer les lacunes capacitaires, que les pays s'attachent ensuite à combler par des efforts budgétaires. La France s'est dotée d'éléments de commandement qui lui permettront de remplir la fonction de nation-cadre sur le plan européen, c'est-à-dire de conduire une opération tout en y associant ses partenaires. Les progrès de l'Europe de la défense doivent maintenant être mis en évidence et montrés. C'est pourquoi la volonté de l'Union européenne de prendre le relais militaire de l'OTAN en Macédoine est symbolique. Cette question restera en suspens jusqu'aux élections turques de novembre et dépendra ensuite d'un accord entre l'OTAN et l'Union européenne. Dans le cas où un accord ne pourrait pas être trouvé, il conviendra malgré tout que l'Union européenne trouve une solution pour assurer sa présence sur place, d'autant plus que l'OTAN a annoncé vouloir se retirer du pays en février.

Après avoir regretté que le projet de loi de finances pour 2003 ne prévoie pas de ligne budgétaire consacrée au financement des opérations extérieures, M. Pierre Lang a interrogé la ministre sur la prise en compte de la revalorisation des grilles indiciaires dans l'enveloppe des rémunérations et charges sociales du budget du ministère de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'il était usuel de porter en projet de loi de finances initiale une somme prévisionnelle, dont le montant est ajusté en fonction de l'évolution exacte de la masse salariale par la loi de finances rectificative de fin d'année.

Constatant des difficultés de recrutement de personnel spécialisé dans la métallurgie sur certains sites de DCN et notamment au sein de l'établissement de Brest, Mme Patricia Adam a demandé si la ministre envisageait de soutenir la création d'un centre de formation dans les métiers de la métallurgie à Brest.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné qu'il était indispensable de rester pragmatique et de prendre soin d'analyser au préalable dans quelle mesure les besoins ne sont pas couverts, afin d'envisager des solutions adaptées qui ne suscitent pas de faux espoirs.

M. Joël Hart a observé que certaines unités de l'armée de terre rencontrent des problèmes d'entretien des matériels qui relèvent le plus souvent de contraintes administratives et pèsent fortement sur le moral des personnels. Parfois même, les entreprises ayant conçu les matériels n'existent même plus. Il apparaît donc nécessaire d'instaurer un système de suivi des matériels par leurs fournisseurs à long terme. Le Parlement pourrait utilement contribuer au suivi de la mise en œuvre des dotations budgétaires consacrées à la maintenance.

Mme Michèle Alliot-Marie a reconnu que l'insuffisante disponibilité des matériels était à l'origine de la baisse du moral au sein des armées. C'est d'ailleurs ce qui a justifié qu'une action budgétaire rapide soit entreprise. Désormais, la mise à disposition de crédits conduit à une obligation de résultats, bien que les difficultés ne soient pas seulement d'ordre budgétaire. Si la mise en place de marchés de maintenance de longue durée, parallèlement à l'acquisition des matériels, peut paraître constituer une réponse appropriée, il faut que les entreprises concernées restent suffisamment longtemps en activité, ce qui n'est pas toujours le cas. Le ministère de la défense réalise actuellement des expériences visant à améliorer le suivi de l'entretien des matériels, mais leur généralisation ne pourra intervenir que si elles se révèlent probantes.

*

* *

Information relative à la commission

La commission a nommé M. Guy Teissier rapporteur pour le projet de loi (n° 187) relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

--____--


© Assemblée nationale