COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 8

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 octobre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n°187) et sur le projet de loi de finances pour 2003 (n° 230)



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- Examen de l'avis budgétaire gendarmerie (M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis)

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Audition de M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 et le projet de loi de finances pour 2003.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n°187) et sur le projet de loi de finances pour 2003 (n° 230).

M. Pierre Mutz a souligné que le projet de loi de finances pour 2003, fidèle aux engagements pris par le Gouvernement pour la lutte contre la délinquance, prévoyait une augmentation globale des crédits de 8,4 % par rapport à 2002, avec une enveloppe totale fixée à 4 256 millions d'euros. Par delà l'importance des moyens budgétaires consentis, la nouveauté réside dans la logique de programmation dans laquelle s'inscrit ce projet de budget, faisant suite à la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI). Celle-ci fixe un cadre cohérent pour le développement des forces de sécurité sur cinq ans. La gendarmerie y est traitée à parité avec la police nationale et bénéficie d'une provision de 2,88 milliards d'euros pour recruter 7 000 personnels, acquérir les équipements indispensables et réaliser les programmes nécessaires à leur entretien. Le projet de loi de programmation militaire 2003-2008 a repris les effectifs créés par la LOPSI et prévoit que les crédits d'équipement supplémentaires de la LOPSI s'ajoutent à ceux du projet de loi de programmation militaire. Cette combinaison place la gendarmerie dans une position favorable et vise à doter le pays d'un outil de sécurité publique à la mesure des besoins. Le projet de loi de programmation militaire conforte le caractère militaire de la gendarmerie et son rôle éminent dans la politique de défense, notamment à l'extérieur de nos frontières.

La bonne articulation entre la LOPSI et le projet de loi de programmation militaire est un élément décisif qui conditionne le volume des moyens accordés à l'institution pour mener à bien sa rénovation. Ce dispositif garantit aux armées l'intégrité de leur budget et écarte le risque que l'équipement de la gendarmerie se fasse au détriment des autres composantes de la défense.

En ce qui concerne la part prise par l'institution dans la fonction projection, en application des décisions des Conseils européens, un contingent de 600 militaires de la gendarmerie peut être engagé à l'extérieur de nos frontières. Ils assument des missions traditionnelles de prévôté, mais s'impliquent également dans tous les aspects du maintien de la paix. La gendarmerie participe ainsi à l'émergence de pratiques démocratiques dans des Etats qui profitent de son modèle de police à statut militaire. Cette expertise est également appréciée par les forces européennes qui choisissent de s'entraîner au centre national d'instruction de Saint-Astier.

La gendarmerie a engagé un programme ambitieux d'emploi de sa réserve opérationnelle. Les volontaires motivés par le service public de sécurité doivent pouvoir être accueillis dans des conditions matérielles et opérationnelles répondant à leurs aspirations. Le projet de loi de programmation militaire soutient de manière significative cette initiative, avec une dotation de près de 86 millions d'euros sur la période pour l'ensemble des forces armées, afin d'accroître notamment l'attractivité.

Les 3 177 millions d'euros constants mobilisés pour la programmation des équipements de la gendarmerie permettent d'envisager un effort sans précédent. Ils autorisent la revalorisation du parc immobilier, l'accroissement des capacités d'action aériennes, avec le renouvellement du parc d'hélicoptères, le renouvellement du parc des véhicules terrestres et la modernisation des moyens informatiques et de télécommunications.

Le projet de loi de programmation militaire prévoit la construction et la réhabilitation de 10 690 unités-logements sur six ans, soit un effort incontestablement supérieur à ceux consentis jusqu'ici. Ce programme traduit concrètement la volonté conjointe des ministres ayant la tutelle de la gendarmerie de donner la priorité aux infrastructures. Les moyens aériens programmés correspondent à la livraison de 14 hélicoptères de sauvetage et d'intervention sur la période et à la commande de 15 hélicoptères de surveillance et d'intervention à partir de 2006. Leur capacité d'utilisation de jour comme de nuit sera un atout majeur dans la lutte contre la délinquance. Le renouvellement du parc de véhicules terrestres répond à la nécessité du maintien de la mobilité de l'arme. Les télécommunications et l'informatique trouvent leur juste place dans l'effort budgétaire, ces outils conditionnant à la fois la modernisation des structures et la performance des personnels.

Le projet de budget pour 2003 prévoit 3 834,2 millions d'euros pour le titre III, ce qui correspond à une hausse de 6,6 %. L'effectif global pour 2003 est de 99 179 militaires et civils, soit 1 045 postes supplémentaires. 155 postes sont transférés vers d'autres sections. Au total, l'évolution du nombre de postes budgétaires permet la création nette de 47 postes d'officiers de gendarmerie, 21 postes d'officiers du corps technique et administratif, 1 057 postes de sous-officiers de gendarmerie et 63 postes de sous-officiers des corps techniques et administratifs.

Le projet de loi de programmation militaire consacre une part importante de sa réflexion et de ses moyens à l'amélioration de la condition militaire. Pour la gendarmerie, cette ambition passe par le maintien d'une dualité équitable avec le personnel de la police nationale. Le projet de budget pour 2003 prévoit, au titre des mesures catégorielles, l'harmonisation de l'indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP) à hauteur de 24 % pour tous les sous-officiers. Les discussions avec le ministère de la défense pour l'extension de l'ISSP aux officiers et son intégration progressive dans les pensions de retraite dès 50 ans se poursuivent. Une attention toute particulière est également accordée aux repas de service au profit des militaires des corps de soutien, à l'augmentation de la prime OPJ et à l'augmentation du contingent des primes de qualification. Il s'agit là d'engagements ministériels qui correspondent à des mesures d'équité. Leur respect est nécessaire pour que ne soit pas brouillé le message favorable que constitue la progression d'ensemble des crédits. Le projet de budget pour 2003 prévoit l'extension en année pleine du dispositif indemnitaire décidé le 8 décembre 2001, pour 3,9 millions d'euros.

Le rebasage des dotations du titre III constitue un point décisif et permet de trouver une solution aux problèmes récurrents du paiement des loyers et du fonctionnement courant. Le rebasage de 59,4 millions d'euros intégré au budget 2003 permet de couvrir les frais de location engagés par la gendarmerie, notamment à l'égard des collectivités locales. Par ailleurs, 22,4 millions d'euros sont attribués au fonctionnement courant au titre de ce rebasage, afin de rétablir la disponibilité des unités.

La convergence de la LOPSI et du projet de loi de programmation militaire permet, dès le projet de loi de finances pour 2003, de procéder à des acquisitions significatives. Les titres V et VI s'élèvent à 527 millions d'euros en autorisations de programme, dont 182 millions d'euros au titre de la LOPSI, et à 422 millions d'euros en crédits de paiement, dont 94 millions d'euros au titre de la LOPSI. Ces sommes correspondent à des augmentations respectives de 53 % et 27 %. Elles permettent la commande de six véhicules blindés à roue de la gendarmerie (VBRG), 3 620 véhicules de brigade et de police de la route et 42 000 gilets pare-balles à port discret. Ils autoriseront également la livraison de trois hélicoptères EC 145, 3 000 véhicules de brigade et de police de la route et 42 000 gilets pare-balles à port discret.

Un effort important est consenti dans le domaine de l'infrastructure, ce sujet revêtant une importance stratégique, car l'immobilier constitue un authentique système d'armes pour la gendarmerie. Le logement par nécessité absolue de service place le gendarme au plus près du citoyen, pour garantir une intervention rapide et un accueil de qualité. En 2003, ce sont 317 unités-logements, trois unités de formation et sept unités spécifiques qui seront réalisées. Dans le même temps, 61,8 millions d'euros seront investis dans un vaste programme de réhabilitation, tandis que 29,1 millions d'euros seront destinés à la maintenance.

En définitive, si la gendarmerie obtient d'ici la fin de l'année les crédits nécessaires pour boucler sa gestion 2002 (136 millions d'euros au titre V et environ 55 millions d'euros au titre III), le volume et la structure du budget 2003 changent de nature. La gendarmerie dispose désormais des ressources financières et humaines pour engager une lutte déterminée contre la délinquance.

Le projet de budget correspond à la logique présente dans la LOPSI, cette dernière ayant défini trois réformes indispensables pour libérer les énergies au sein de l'institution : la communauté de brigade, une nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles et le redéploiement des forces de sécurité.

La communauté de brigade est un nouveau mode d'organisation qui adapte le maillage territorial de la gendarmerie dans un souci de plus grande proximité. Le seul impératif reste l'efficacité et la pertinence de l'articulation du maillage, avec le souci constant d'une adhésion des acteurs locaux et de la population concernée. Il convient de ne pas se méprendre sur l'objectif poursuivi : il ne s'agit pas de gagner à toute force des personnels supplémentaires ou de réaliser des économies d'échelles, des créations d'unités pouvant même être envisagées lorsqu'elles sont nécessaires. La rationalisation n'est pas le rationnement. Ce qui est recherché, c'est la définition d'un schéma plus souple, plus réactif, plus moderne, qui réponde aux exigences des populations et ne dissipe pas inutilement les moyens et les énergies.

Le même pragmatisme guide la nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles. Leur emploi doit être valorisé par une organisation moins jacobine. Deux idées président au changement : la déconcentration vers les régions et un emploi tourné vers la sécurité publique. C'est au préfet de zone que revient naturellement l'appréciation de l'engagement le plus opportun des forces de gendarmerie mobile pour renforcer la gendarmerie départementale.

Pour adapter l'organisation territoriale, il est nécessaire de clarifier les zones de compétence respectives de la police et de la gendarmerie nationales. Tel est l'objectif des redéploiements. L'étude au cas par cas, sans dogmatisme, doit permettre de réaliser les ajustements nécessaires dans la concertation et sans préjudice pour les intérêts locaux. Pour réaliser une meilleure complémentarité, il s'agit tout d'abord de mettre en conformité le dispositif territorial avec les dispositions législatives et réglementaires, ce qui implique de revoir les protocoles d'accords passés en métropole avant la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995. Il convient ensuite d'étudier les échanges territoriaux proposés par les échelons locaux, avec le souci constant de préserver l'équilibre des responsabilités entre les deux forces au regard de la population concernée. Les suppressions d'unités constitueront l'exception et rien ne sera décidé sans une large concertation et sans l'adhésion de toutes les parties prenantes.

Le projet de budget donne à la gendarmerie les équipements et les moyens de fonctionnement nécessaires à une force de sécurité moderne. Cet effort financier sans précédent dans l'histoire récente se conjugue avec des réformes de structures qui doivent aboutir à une efficacité décuplée. Les conditions sont réunies pour que l'institution intègre avec succès la culture de résultat. Actuellement, sans personnels ni crédits supplémentaires, la progression de la délinquance dans les zones de gendarmerie a été enrayée puisque ce taux est passé de 19,5 % l'an dernier à 3,45 % à la fin du mois d'octobre 2002.

Le président Guy Teissier a demandé si la préservation d'une possibilité de recrutement commun des officiers de gendarmerie et de l'armée de terre par l'intermédiaire de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr-Coëtquidan n'était pas indispensable pour assurer le maintien du statut militaire de la gendarmerie.

M. Pierre Mutz a fait part de son accord avec cette analyse, tout en notant qu'il est possible de réfléchir aux modalités de maintien de ce tronc commun, qu'il s'agisse du nombre de postes offerts ou du moment du choix dans le cursus de formation à l'ESM. Si l'on veut que la gendarmerie reste sous statut militaire et notamment que ses futurs chefs ne soient pas tous d'origine purement civile, cette filière doit être préservée. D'ailleurs, les très bons résultats du premier concours universitaire d'accès à l'école des officiers de la gendarmerie nationale montrent que le risque existe de voir cette catégorie de recrutement prédominer. Pour 37 reçus sur 490 candidats ayant concouru, 32 sont des juristes disposant au moins d'une maîtrise, les autres se répartissant entre un reçu issu d'un IEP, un économiste, un scientifique et deux littéraires, dont un normalien. Les épreuves actuelles favorisent les candidats juristes, au détriment des candidats issus de formations scientifiques, lesquelles répondent cependant à un véritable besoin de l'arme. Enfin, onze femmes ont été reçues, ce qui confirme le taux de succès de ces dernières dans les concours ouverts aux diplômés des universités.

M. Charles Cova a souhaité savoir comment se déroulait la coopération entre la gendarmerie maritime et les services des préfets maritimes. Pourquoi la gendarmerie départementale a-t-elle créé des brigades nautiques dont les compétences (et parfois les investissements, à l'image de l'acquisition de vedettes côtières) « doublonnent » pour partie avec celles de la gendarmerie maritime ? Ne serait-il pas préférable de conférer aux préfets maritimes l'autorité de décision sur les investissements des différents services chargés de l'action de l'Etat en mer ? M. Charles Cova a également demandé si l'augmentation de l'effectif de généraux de gendarmerie de 32 à 40 pouvait être confirmée.

M. Pierre Mutz a répondu que la gendarmerie avait ressenti le besoin de maintenir des unités dotées de moyens leur permettant de patrouiller dans les fleuves et en zone côtière, notamment dans la bande des 300 mètres. Cette tâche est parfaitement complémentaire de celle de l'action de l'Etat en mer placée sous l'autorité des préfets maritimes.

La proportion de généraux de gendarmerie, rapportée aux effectifs globaux, est très faible. Il serait donc souhaitable d'augmenter le nombre de généraux de gendarmerie pour répondre aux besoins. Il convient aussi d'offrir aux officiers de gendarmerie des perspectives de carrière cohérentes avec celles qu'offre, notamment, l'armée de terre.

M. François Calvet a relevé les difficultés de la délégation générale pour l'armement (DGA) à recruter des responsables chargés des achats et à faire coïncider caractéristiques techniques et délais souhaités par les armées. Quelle action la gendarmerie mène t-elle, dans son domaine, pour aider la DGA à surmonter ces difficultés ?

M. Pierre Mutz a répondu que la gendarmerie faisait peu appel à la DGA. Il s'agit principalement de marchés informatiques pointus, de l'achat d'armes ou de ses hélicoptères, en étroite liaison avec la sécurité civile. Ce devrait être également le cas de ses véhicules blindés à roues qui vont être renouvelés prochainement et la gendarmerie travaille à une solution aussi économique que possible. D'une façon générale, la gendarmerie fait en sorte pour la passation des marchés qui la concernent que la DGA dispose de cahiers des charges très précis. Elle porte aussi un soin particulier à l'examen des matériels lors de leur réception, de façon à éviter des difficultés postérieures. Pour le reste, la gendarmerie recourt à l'union des groupements d'achats publics (UGAP), notamment pour ses marchés d'automobiles, et passe nombre de ses marchés directement.

Tout en se réjouissant de la qualité du budget présenté et des 7 000 postes ouverts dans la gendarmerie, M. Jean-Louis Léonard s'est interrogé sur la prise en charge de la formation des personnels recrutés. La direction générale de la gendarmerie nationale a-t-elle mis en place une nouvelle politique de formation pour faire face à cet enjeu important, notamment en développant de nouvelles méthodes et de nouvelles structures ?

M. Pierre Mutz a répondu que la création des 7 000 emplois avait été calibrée, en particulier, de façon à éviter précisément que le nombre de gendarmes à former dépasse la capacité d'accueil des écoles. Le recrutement représentera environ 3 000 élèves par an, ce qui assurera le renouvellement des effectifs ainsi que la réalisation des 7 000 emplois supplémentaires en six ans. La formation, dont la durée avait été légèrement réduite pour tenir compte des recrutements supplémentaires, va revenir à une durée d'un an. La qualité des formations est satisfaisante et le niveau des ressources humaines de très bon niveau. La gendarmerie souhaite installer le commandement des écoles à Rochefort, où elle dispose d'installations de qualité. Tel n'est pas toujours le cas des installations léguées par d'autres armées à l'occasion de la réduction de leur format. La gendarmerie se doit de reprendre des infrastructures d'une qualité suffisante et dont l'implantation corresponde à ses propres besoins. Elle cherche ainsi une implantation pour créer une école dans le sud-est de la France.

M. Yves Fromion a exprimé sa satisfaction de voir que le directeur général de la gendarmerie nationale était favorable au retour de la formation des officiers de gendarmerie à l'école de Saint-Cyr-Coëtquidan. Il est par ailleurs remarquable d'avoir donné aux responsables des brigades la consigne de rendre compte aux maires des événements qui surviennent dans leur commune. Il est regrettable que les crédits consacrés à l'utilisation des réservistes soient insuffisants et régulièrement épuisés dès le troisième trimestre. En raison de son excellent maillage territorial et sa capacité de surveillance, la gendarmerie doit constituer l'élément central d'une défense territoriale en cas de forte menace terroriste.

M. Pierre Mutz a souligné les avantages pour la gendarmerie de disposer de réservistes recrutés localement, attachés aux brigades territoriales et qui constituent un élément important du lien entre la Nation et ses armées. Ils sont d'une grande utilité lors de catastrophes naturelles ou en cas de grave crise ; au jour le jour, ils constituent une aide précieuse lors de manifestations sportives ou culturelles d'envergure.

En 2002, la gendarmerie compte 10 526 réservistes, employés en moyenne 12 jours par an. Le budget prévu pour leur emploi représente 16,2 millions d'euros et ne sera malheureusement pas augmenté en 2003. C'est d'autant plus regrettable que les réserves de la gendarmerie sont attractives.

M. Richard Mallié a demandé si le paiement des astreintes des gendarmes avait été retardé. S'inquiétant du grand nombre de logements devant être construits ou rénovés dans les années à venir, il a demandé si le génie serait capable de faire face à cet important chantier.

M. Pierre Mutz a répondu que les gendarmes ne percevaient pas de rémunération pour leurs astreintes. En revanche, depuis l'instauration du TAOPM et du TAOPC, la compensation de l'ARTT est réalisée soit par une indemnisation forfaitaire de 85 euros par journée sur la base de 15 jours pour les unités opérationnelles de la gendarmerie départementale et mobile, soit par du temps libre supplémentaire pour les autres unités. La capacité de réaliser un nombre important de logements est un souci qui conduira la gendarmerie à essayer d'obtenir le concours des collectivités locales et à travailler en liaison étroite avec le génie, qui devra fournir un effort particulier. Pour l'entretien locatif, il sera fait appel à l'externalisation dans la mesure du possible.

Abordant la question du redécoupage des zones de police et de gendarmerie, M. Axel Poniatowski a demandé si les éventuels changements se feraient à effectifs constants. La sécurité n'étant pas encore satisfaisante la nuit dans la grande couronne parisienne, des mesures de réorganisation permettraient-elles d'augmenter les effectifs de gendarmes de service de nuit, pour l'instant moins nombreux sur le terrain que les policiers ?

M. Pierre Mutz a indiqué que le maintien des brigades de gendarmerie en zone de police nationale ne se justifiait pas et que les effectifs de gendarmerie en zone de gendarmerie nationale pourraient être augmentés par le transfert des personnels qui y sont actuellement affectés. Toutefois, le redécoupage ne pourra se faire à effectifs égaux : le statut militaire rend les gendarmes disponibles 24 heures sur 24, ce qui n'est pas le cas des fonctionnaires de police. Les effectifs dégagés permettront en partie de renforcer les brigades, même si celles-ci devront aussi mieux travailler ensemble grâce aux communautés de brigades. Pour l'essentiel, ils contribueront au renforcement ou à la création de pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), en vue d'intervenir dans les intervalles et de compléter ainsi l'action des brigades, en particulier de nuit, qui est un objectif recherché. Enfin, la nouvelle doctrine d'emploi de la gendarmerie permettra à ses escadrons de renforcer l'action des brigades territoriales.

Se félicitant de la diminution du niveau de la criminalité dans les zones de gendarmerie, M. Jean-Yves Hugon a proposé que la commission adresse ses félicitations à l'ensemble des personnels de la gendarmerie à l'origine de ce résultat satisfaisant. Le délabrement des infrastructures est préoccupant. Les difficultés de gestion du parc immobilier relèvent le plus souvent de la multiplicité des intermédiaires. Quel est le sentiment du directeur général de la gendarmerie nationale sur la proposition du Conseil général de l'Indre de prendre à sa charge la gestion des logements des brigades du département ?

M. Pierre Mutz a estimé que les personnels de la gendarmerie seront très certainement sensibles aux encouragements de la Représentation nationale. L'initiative prise par le Conseil général de l'Indre est excellente.

Après avoir convenu que les dispositions du projet de loi de finances pour 2003 et du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 en faveur de la gendarmerie étaient satisfaisantes, sous réserve toutefois que les crédits prévus soient effectivement engagés, M. Gilbert Le Bris a souhaité savoir si les niveaux d'entraînement inscrits dans le rapport annexé du projet de loi de programmation militaire pourront être atteints sans difficultés particulières. Quel est le niveau actuel de l'entraînement ?

M. Pierre Mutz a souligné que l'objectif d'entraînement de la gendarmerie mobile, qui se situera autour de trente jours par an, est nécessaire et devra être tenu, malgré les pressions qui s'exercent inévitablement sur l'utilisation de cette ressource. En revanche, l'objectif d'entraînement des gendarmes territoriaux, de quinze jours par an, est plus ambitieux, car, compte tenu de la répartition géographique des brigades et de la mobilisation des effectifs, les personnels ne parviennent actuellement à s'entraîner que dix jours par an, ce qui est insuffisant. Mais il s'agit d'objectifs sur la durée de la loi de programmation militaire.

M. Bernard Deflesselles a demandé quel était le moral des personnels de la gendarmerie, notamment après la présentation des projets de lois de programmation militaire 2003-2008 et de finances pour 2003.

M. Pierre Mutz a indiqué qu'il avait rencontré près de 3 000 gendarmes depuis sa prise de fonction et qu'il avait pu mesurer leurs qualités ainsi que leur confiance dans l'avenir. Les gendarmes ont pris conscience que les manifestations de fin 2001 avaient brouillé leur image auprès de la population et ils s'attachent désormais à fournir le service attendu d'eux. Mais, si le moral est bon, ils attendent que les moyens promis leur soient attribués. Dans l'ensemble, la situation budgétaire de la gendarmerie n'appelle qu'une seule inquiétude, relative à la fin de la gestion 2002, en raison de l'insuffisance des crédits de l'exercice budgétaire en cours. Il serait dommage qu'il faille imputer sur les crédits ouverts pour 2003 des dépenses de l'exercice 2002, alors même que le moral s'améliore.

Le président Guy Teissier a annoncé qu'il réservait son prochain déplacement à la gendarmerie et qu'il aurait ainsi l'occasion de vérifier in situ le constat du directeur général de la gendarmerie nationale sur le moral des personnels.

Loi de finances pour 2003 : gendarmerie (avis).

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Philippe Folliot, les crédits de la gendarmerie pour 2003.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis, a relevé que le projet de budget de la gendarmerie pour 2003 s'inscrivait dans la droite ligne de la LOPSI, qui prévoit une remise à niveau d'ensemble pour la gendarmerie. Le présent projet se devait donc de respecter cette ambitieuse programmation : ainsi, avec 4 256,4 millions d'euros de crédits de paiement proposés au total, c'est une augmentation nécessaire et attendue de 8,4 % qui est prévue par rapport à 2002, soit une progression sans précédent.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, un important rebasage des dotations du titre III pour 2003 au titre de la LOPSI est prévu : il représente 128,7 millions d'euros et doit permettre à la gendarmerie de disposer des moyens nécessaires en matière de rémunérations et charges sociales, de loyers et de fonctionnement des formations. Par ailleurs, près de 1 200 postes de militaires sont créés, tandis que 700  postes de gendarmes adjoints volontaires seront dégelés. En ce qui concerne les rémunérations, l'application du dispositif indemnitaire arrêté en décembre 2001 suit son cours.

Si l'on fait abstraction des rémunérations, les crédits du titre III consacrés au fonctionnement des unités de gendarmerie progressent de 13,7 %. Cette augmentation résulte notamment de la croissance de 24,4 % des crédits consacrés au paiement des loyers. Cette dotation fait suite aux 68 millions d'euros ouverts par la loi de finances rectificative du 6 août dernier, afin de permettre à la gendarmerie d'honorer l'ensemble de ses dettes relatives à ses locations immobilières.

Un effort significatif est prévu en matière d'équipement, avec une augmentation de 55,2 % des autorisations de programme et de 28,5 % des crédits de paiement. Ce budget d'investissement va permettre d'assurer, au titre du renouvellement, l'acquisition de nombreux matériels, dont 3 230 véhicules destinés aux brigades, 160 véhicules de liaison, 3 330 gilets pare-balles à port apparent et 5 800 postes bureautiques pour les unités. Par ailleurs, en 2003, dans le cadre de la LOPSI, seront achetés 21 000 pistolets automatiques de nouvelle génération, 42 000 gilets pare-balles à port discret et plus de 350 véhicules spécialisés destinés aux escadrons de gendarmerie mobile. Il est prévu de lancer le projet de mise en réseau des unités opérationnelles, en les dotant rapidement d'un ordinateur spécialisé équipé d'un accès internet.

L'effort est particulièrement sensible s'agissant de l'immobilier, puisque les crédits des titres V et VI qui y sont consacrés augmentent de 39,5 % pour les autorisations de programme et de 46,7 % pour les crédits de paiement. C'est d'autant plus nécessaire que l'état du parc immobilier de la gendarmerie est un sujet de réelle préoccupation. Si les crédits prévus pour 2003 sont en nette hausse, l'ampleur du problème impose qu'un objectif ambitieux de réhabilitation soit fixé, assorti d'un plan pluriannuel sur cinq ans. Il faut en effet impérativement que l'effort budgétaire soit soutenu et régulier. Toutes proportions gardées, c'est une forme de « plan Marshall » qu'il faut mettre en place. Pour que les crédits soient plus facilement utilisés, il conviendra également d'utiliser pleinement les dérogations prévues par la LOPSI et de réfléchir aux modalités d'une déconcentration accrue des procédures.

Par delà ces aspects budgétaires, pleinement satisfaisants, la crise qu'a connue la gendarmerie l'an dernier invite à une réflexion sur son statut, son rôle et son évolution.

Depuis la suspension du service national, la gendarmerie est, pour de larges portions du territoire national et de la population, la seule institution militaire avec laquelle des liens soient tissés. Sa mission traditionnelle de sécurité publique et son maillage territorial constituent des atouts, mais, pour en tirer pleinement parti, des évolutions sont nécessaires, notamment au moyen de la mise en œuvre des communautés de brigades, mais aussi avec le recentrage sur les missions fondamentales qui sont confiées à l'arme.

La politique de création des communautés de brigade doit éviter à tout prix le centralisme et l'uniformité. Elle ne peut réussir que dans la mesure où les réorganisations tiendront compte des réalités locales et seront véritablement menées en concertation étroite avec les représentants des collectivités territoriales concernées. Sur ce point, la circulaire du 26 septembre dernier, signée par les ministres de la défense et de l'intérieur, est rassurante. Cette réforme implique un dialogue soutenu, les élus locaux devant faire également preuve d'initiative et de compréhension.

En ce qui concerne le recentrage sur les activités régaliennes, outre les réflexions en cours sur les transfèrements judiciaires engagées dans le cadre de la LOPSI, une action doit également être menée en vue de mettre fin à l'accumulation des tâches assurées par la gendarmerie, alors qu'elles ne sont pas véritablement de son ressort. Cela va de la notification de jugements à l'établissement de procurations électorales, en passant par diverses enquêtes qui devraient normalement être diligentées par d'autres administrations, lesquelles disposent d'ailleurs des personnels et des moyens juridiques adéquats pour cela.

La gendarmerie doit également développer son rôle dans la consolidation du lien armée-Nation. Cela implique bien entendu que son caractère pleinement militaire soit garanti et reconnu. La crise de décembre 2001 a révélé un malaise profond, dont les causes sont multiples. La place très particulière de la gendarmerie dans les armées du fait de sa mission de sécurité suscite des ambiguïtés et parfois des inquiétudes pour l'avenir. Les ministres en charge de la tutelle de la gendarmerie ont clairement indiqué que la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure ne remettait pas en cause le statut militaire de l'arme. Ce maintien du statut implique aussi de la part des personnels le respect scrupuleux des contraintes qui y sont attachées, faute de quoi les évolutions futures pourraient prendre un tour imprévisible et sans doute non souhaité.

La réaffirmation du caractère militaire de l'arme implique que soit rétablie la possibilité d'un recrutement des officiers commun à la gendarmerie et à l'armée de terre. À partir de 2005, la possibilité de recruter à la sortie des écoles militaires des trois armées s'éteindra et le recrutement des officiers de gendarmerie sera très nettement distingué de celui des autres armées. Cette séparation n'est pas souhaitable et il conviendra de maintenir des modalités de recrutement commun, au moins avec l'armée de terre, garantes de la cohésion de l'encadrement militaire.

Par ailleurs, en raison de ses missions de sécurité intérieure, la gendarmerie dispose d'une capacité à maîtriser des situations de crises qui ne nécessitent pas le recours à des moyens militaires de combat classiques. Dans le cadre des opérations extérieures de maintien de la paix, son apport peut être déterminant pour éviter l'escalade des crises vers des conflits ouverts. L'expérience du Kosovo est à cet égard riche d'enseignements.

Enfin, l'accroissement du potentiel réel des réserves est une nécessité. D'une part, elles ont vocation à maintenir un lien armée-Nation étroit. D'autre part, et surtout, elles sont indispensables pour faire face à des crises intérieures ou à des événements particuliers impliquant une montée en puissance de la gendarmerie et un effort dans la durée. Le projet de loi de programmation militaire fixe un objectif de 32 000 personnes pour la réserve opérationnelle en 2008, ce qui paraît raisonnable compte tenu de l'état actuel des réserves. L'essentiel est de disposer des crédits suffisants pour équiper et entraîner ces personnels, dont la volonté de servir est réelle, plutôt que d'afficher des effectifs théoriques plus importants, mais ne correspondant pas à la réalité opérationnelle.

Le moral des gendarmes s'est rétabli, mais leur attente est très forte. Il faudra donc veiller à ce que les crédits suivent la programmation et que les réorganisations en cours permettent de mieux remplir les missions.

M. Richard Mallié s'est étonné qu'il soit question de retirer aux gendarmes la responsabilité d'établir les procurations électorales, étant donné qu'ils sont en leur qualité d'officiers de police judiciaire les mieux à même de remplir cette fonction dans les petites localités.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis, a fait valoir que la présence au sein de la réserve opérationnelle d'anciens gendarmes officiers de police judiciaire pourrait permettre de suppléer ponctuellement les gendarmes en activité pour la délivrance de procurations électorales. De manière plus générale, l'accumulation des travaux administratifs qui sont confiés aux gendarmes les rend moins disponibles pour remplir leurs missions sur le terrain, ce qui est contradictoire avec l'ambition d'améliorer la sécurité, notamment dans les zones périurbaines.

M. Yves Fromion a insisté sur le problème que constitue la charge de travail administratif des gendarmes et dont le traitement des procurations électorales constitue une illustration. Les gendarmes accomplissent souvent des tâches administratives qui pourraient être assumées par d'autres administrations. Il y a donc lieu de réfléchir à la simplification de ce type de contraintes, d'autant plus qu'il s'agit là d'une revendication fortement manifestée dans les brigades.

M. Robert Pandraud a fait valoir qu'il y avait des équilibres à tenir, que les gendarmes avaient traditionnellement un rôle d'agents d'information générale du pouvoir central et de prévention, notamment à travers leurs tournées et que nuisaient à ces fonctions non seulement l'augmentation des tâches administratives, mais aussi celle des tâches de répression, le temps passé à traiter les plaintes et à traquer les délinquants prenant une dimension trop importante.

Le président Guy Teissier a approuvé ces propos, soulignant notamment les confusions qui avaient pu naître des changements de régime de l'enregistrement des procurations électorales par la gendarmerie.

M. Yves Fromion a souligné qu'il était indispensable que les gendarmes soient employés d'abord sur le terrain, à nouer des contacts, à prendre des renseignements, à développer une présence dissuasive et non pas à des tâches sédentaires dans les brigades. C'est d'autant plus nécessaire qu'aujourd'hui les jeunes gendarmes, à l'instar de leurs compatriotes, sont majoritairement de jeunes citadins et qu'ils sont à leurs débuts mal à l'aise dans le monde rural où ils devront pourtant exercer l'essentiel de leur activité.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la gendarmerie pour 2003, les commissaires socialistes s'abstenant.

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