COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 34

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 avril 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur les enseignements tirés des opérations postérieures au 11 septembre 2001


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Audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur les enseignements tirés des opérations postérieures au 11 septembre 2001.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air et le général Patrice Klein, sous-chef « opérations-logistique » à l'état-major de l'armée de l'air, sur les enseignements tirés des opérations postérieures au 11 septembre 2001.

Le général Richard Wolsztynski a précisé qu'il s'agissait de présenter à la commission les conclusions du premier retour d'expérience des mesures mises en place par l'armée de l'air après les attentats du 11 septembre 2001. Le renforcement du dispositif de sécurité aérienne se poursuit et si, en Asie centrale, l'essentiel du dispositif français a été rapatrié, le dispositif international, certes allégé, est en place pour longtemps.

Le général Patrice Klein a indiqué qu'il présenterait les conséquences des attentats du 11 septembre 2001 sur le seul dispositif de l'armée de l'air, à l'exclusion des conséquences sur les autres armées et sur les relations internationales.

L'attaque terroriste du 11 septembre 2001 peut être caractérisée comme une frappe de niveau stratégique. Elle a touché des objectifs symboliques, elle a causé des dommages massifs, elle a eu des conséquences fortes sur les relations internationales. Cet acte s'analyse comme un contournement : contournement des prévisions, des systèmes de prévention, des dispositifs de renseignement et enfin des idées prévalentes au sein des pays occidentaux, qui refusaient la possibilité d'un tel acte alors même qu'un avertissement avait été donné avec l'affaire de l'appareil d'Air France détourné par le GIA algérien. Cette crise a aussi projeté les armées françaises dans une crise mondiale, au caractère multiforme, pour laquelle un engagement devenait désormais possible bien au-delà des zones classiques d'action. Enfin, elle a suscité un rapprochement entre la défense nationale et la société sur la base du développement de la confiance de la société envers les forces armées pour la protéger de ce type d'événements.

La prévention et le traitement de ce type de crise imposent des qualités et des capacités de réactivité et d'adaptation. Elles imposent aussi aux armées une organisation réactive leur permettant de mettre en œuvre ces capacités sur la durée. Des efforts d'adaptation ont donc été faits par les armées. La création du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) par l'état-major des armées et son pendant dans l'armée de l'air, l'état-major opérationnel air (EMO-Air) constituent certaines des réponses qui ont été apportées. Le développement de la culture de travail en réseaux, afin de permettre une circulation de l'information extrêmement rapide, est une autre réponse.

Les efforts ont porté à la fois sur la protection des populations et sur la capacité de réaction extérieure ; la France a voulu montrer sa solidarité avec les Etats-Unis en participant aux opérations à l'étranger. La première étape pour la protection des populations est la mise en état de vigilance du dispositif de sécurité aérienne. Ce dispositif est apte à monter en puissance en quelques heures lorsque les risques se font plus précis. Enfin, l'action engagée pour contrer un événement se joue extrêmement rapidement : il ne se passe que quelques minutes entre le traitement de l'information, l'engagement de la réaction et enfin la prise de la décision relative à l'objectif. Cela impose que la chaîne de responsabilité, qui remonte au décideur politique, soit très claire et verticale, tandis qu'une approche interministérielle très développée est désormais mise en place pour la prévention, la remontée des informations et in fine l'anticipation si possible des actions.

La vigilance repose d'abord sur le réseau radar. Son interconnexion avec les réseaux des autres pays d'Europe, déjà en service, est indispensable. Les questions de sûreté aérienne, qui relèvent directement de la souveraineté nationale, demandent donc pour leur gestion cohérente une coopération forte avec les alliés, en particulier voisins de nos frontières. Cette indispensable coopération transfrontalière progresse.

Le réseau de radars militaires est le seul qui permette de traiter des éléments non coopératifs, car le réseau des radars civils ne peut identifier que les éléments qui veulent bien répondre. La couverture du territoire par le réseau de radars militaires fixes peut être complétée en tant que de besoin par l'utilisation de moyens mobiles, comme les avions Awacs. Des dispositifs de protection supplémentaires au sol peuvent aussi être installés si nécessaire, comme c'est le cas sur le site de La Hague. Ces moyens mobiles disponibles permettent ainsi de compléter en tant que de besoin le réseau maillé de radars fixes et de porter l'effort sur une zone donnée si nécessaire.

Pour les interceptions, le dispositif de l'armée de l'air en alerte a été considérablement renforcé. Avant le 11 septembre 2001, il était constitué simplement de deux permanences opérationnelles d'appareils de défense aérienne. Après le 11 septembre, il est passé à six permanences opérationnelles et à la mise en alerte de ravitailleurs en vol, ainsi que d'hélicoptères et de moyens sol-air pour la protection des points sensibles, tandis que le contrôle de la défense aérienne était renforcé. Aujourd'hui, ce dispositif, s'il a été partiellement allégé, reste beaucoup plus fourni qu'avant le 11 septembre. Il faut noter que ces six permanences opérationnelles représentent l'équivalent de l'emploi permanent d'un escadron de défense aérienne.

Un effort d'accroissement de la coopération avec les services du contrôle aérien civil est également accompli depuis plusieurs années. L'armée de l'air souhaiterait implanter directement des contrôleurs militaires au sein des centres régionaux du contrôle civil. Ces contrôleurs, qui se borneraient à leurs tâches militaires, seraient cependant en situation d'effectuer dans les meilleures conditions la liaison avec le contrôle civil. L'armée de l'air souhaite que les réticences envers ce nouveau dispositif, sans doute de nature culturelle et liées au passé, puissent être surmontées.

Le nombre de modules sol-air est actuellement limité par le mode de travail adopté ; il s'agit d'un mode de décision centralisée, remontant directement au décideur politique. L'accroissement éventuel du nombre de modules à déployer imposerait de travailler en mode décentralisé ; cela suppose que l'autorité qui déciderait de la frappe soit elle-même une autorité déléguée.

Les attentats ont également fait apparaître la nécessité de développer la protection nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique. L'approche adoptée est triple : interarmées, interministérielle et internationale, notamment dans le cadre de l'OTAN et de la construction européenne. L'armée de l'air dispose aujourd'hui de sept bases capables de déployer des moyens de protection et de lutte dans ce domaine, en appui à la sécurité civile. Ces moyens sont en partie projetables et aérotransportables.

Le deuxième axe de l'effort concerne la dimension étrangère de la sécurité. Le déploiement des forces françaises en Afghanistan a été réalisé hors des zones d'influence traditionnelles de la France, ce qui constituait une difficulté supplémentaire. Des points d'appui ont dû être définis et leur dispersion en zone sud et nord a accru la complexité de l'opération. Les forces ont dû faire face à des contraintes géographiques et climatologiques particulières : le relief afghan est très accidenté, avec des montagnes culminant à 7 500 mètres, et l'amplitude des températures est extrêmement forte, s'échelonnant de - 20°C en hiver à 45°C en été. Les forces ont dû s'adapter à ces conditions. De plus, l'absence d'accès maritime dans cette zone a rendu nécessaire un déploiement à distance des forces à partir de bases arrière situées entre 5 500 à 6 000 kilomètres des zones d'opération, impliquant le survol de nombreux Etats et donc le traitement de questions diplomatiques.

Pour participer à l'action, il a tout d'abord fallu s'insérer dans les organes de commandement. Ces derniers étaient très diversifiés lors de l'opération en Afghanistan : ils comprenaient le centre stratégique américain basé à Tampa, en Floride, un état-major de composante air en Arabie Saoudite ainsi que des échelons de coordination intermédiaires situés à Ankara, à Doha et à Eindhoven. En revanche, l'absence d'un commandement interarmées de théâtre distinct de celui de Tampa a entraîné certaines difficultés de coopération sur le terrain entre les forces aériennes et terrestres. Ce n'est qu'après les difficultés rencontrées de ce fait au début de l'opération Anaconda qu'un niveau interarmées a été mis en place par la coalition à Bagram. Par ailleurs, la cellule de coordination du transport militaire aérien européen d'Eindhoven a été utilisée et cet organe nouveau s'est révélé très utile pour améliorer la coordination des flux de soutien. Les officiers français insérés dans les organes de commandement se sont avérés qualifiés et capables de s'adapter aux différentes situations, parmi lesquelles l'utilisation par les Américains de moyens de transmission de l'information qui n'étaient pas traditionnellement utilisés par l'OTAN. La valeur opérationnelle du plan d'entraînement de l'armée de l'air française et celle des échanges internationaux ont ainsi été démontrées.

L'opération a aussi montré qu'une force aérienne devait être capable de se déployer dans des délais très courts, de l'ordre de trois à quatre jours. L'armée de l'air a réussi cette épreuve. Cette capacité correspond aux concepts militaires développés lors du sommet de l'OTAN de novembre 2002 à Prague : la mise en place d'unités de HRF (High Readiness Force) et la création d'une NRF (Nato Response Force). L'armée de l'air française peut donc faire valoir cette capacité. A celle-ci s'ajoute la capacité de mettre en place un centre de commandement de composante, dont la France est seule en Europe à disposer avec la Royal Air Force ; celle-ci doit pouvoir être valorisée pour la mise en valeur des compétences de défense de l'Union européenne.

En ce qui concerne la recherche de renseignement, dès octobre 2001, un avion C-160 Gabriel de recherche de l'information d'origine électromagnétique a été déployé à partir des Emirats Arabes Unis afin de collecter des informations sur l'Afghanistan et de remettre à jour les banques de données utilisées par les pilotes. Une dizaine d'opérations a été menée et, grâce à certaines d'entre elles, des sources d'émission d'Al Qaida ont été détectées. Néanmoins, les talibans agissaient beaucoup en s'appuyant sur les communications satellitaires ; l'effort pour intercepter de telles communications doit donc être renforcé. Des avions Mirage IV ont réalisé des missions de photographie du territoire afghan. La première mission opérationnelle, d'une durée de 6 heures 30, a eu lieu trois jours seulement après leur déploiement. Ces missions ont conféré aux forces françaises une autonomie d'appréciation de la situation. Les Mirage IV ont un grand intérêt à la fois stratégique, permettant de connaître la situation sur le terrain et de préciser les menaces, et tactique, puisqu'ils fournissent des éléments pour préparer des raids ou aider à la planification de l'action des forces terrestres. Ils devront malheureusement être retirés du service en 2005.

La cohérence de la chaîne de renseignement impose que les photographies soient communiquées dans de brefs délais au commandement à Paris afin d'être exploitées et présentées aux décideurs. Cette réduction des délais est donc un impératif. Le délai d'acheminement a été fortement réduit au fil des missions au Kosovo, puis en Afghanistan ; il est passé de neuf à deux heures au cours de cette seule opération. Pour l'avenir, les évolutions à base de technologie numérique devraient rendre possible la transmission des photographies en vol.

Les drones de moyenne et haute altitude ont été utilisés de façon massive. Ils se sont montrés très utiles, permettant d'assurer la permanence sur zone et de vérifier les zones cibles. Le programme de drones français est ainsi pleinement validé. Les forces françaises devraient être équipées du système intérimaire de drone (SIDM) en 2004 et un drone plus évolué devrait entrer en service à l'horizon 2008-2009.

Les actions de défense aérienne ont été pour l'essentiel menées par les forces américaines. Cette mission est essentielle pour assurer la liberté d'action des forces. Le problème de l'identification des cibles est aussi un sujet majeur, car il s'agit d'éviter des tirs fratricides. Cette dernière mission implique un investissement technologique très important, car il faut instaurer un véritable dialogue technique dans le traitement de l'information et la faire circuler dans des délais très brefs. La qualité des capacités d'identification et d'information est essentielle pour les actions en coalition, car elle permet l'interopérabilité des différentes forces engagées. Le système automatisé de transmission de données tactique, dit liaison 16, qui équipera les Mirage 2000-5 et les Rafale, est un programme essentiel.

Les premières frappes au sol ont eu lieu trois jours seulement après la mise en place du dispositif ; un peu moins d'un millier de missions a été réalisé. Le relief tourmenté et la taille réduite des cibles ont rendu ces missions particulièrement difficiles. Il fallait s'assurer des objectifs, bien les identifier et s'assurer de l'absence de dommages collatéraux. En cas de doute sur la cible, l'information devait remonter au centre de commandement d'Al Khardj, voire jusqu'à Paris pour l'exercice du contrôle national sur la validation de certaines frappes.

Dans ce type de campagne, plusieurs phases se succèdent. En premier lieu, les missiles de croisière traitent les cibles à haut risque ou à haute valeur politique ou militaire ; des dossiers d'objectifs sont préparés, soumis aux autorités décisionnelles et traités par les forces aériennes en tant que frappes dites à temps. Enfin, une fois ce type d'objectifs en partie détruits, l'aviation apporte plus particulièrement son appui aux forces terrestres et effectue en liaison avec elles des frappes d'opportunité.

Le déroulement des missions offensives a montré le caractère adapté des vecteurs aériens français, le caractère essentiel de la circulation de l'information et l'importance des moyens d'appui opérationnels. Sur ce point, en raison de l'étendue du territoire, de la longueur des missions et du faible nombre de points de déroutement, l'utilisation des avions ravitailleurs a été primordiale. De plus, il a fallu mettre au point en liaison avec le peloton de gendarmerie de haute montagne des techniques spécifiques de recherche et de sauvetage en montagne d'équipages qui auraient pu s'éjecter au-dessus de cette chaîne de type himalayen.

Les opérations ont révélé aussi le caractère essentiel de l'interopérabilité technique, véritable facteur d'intégration des forces par la nation-cadre. La spécificité du système de cryptage américain, qui n'équipait d'ailleurs pas la totalité des forces des Etats-Unis, a pu empêcher par moment certains de nos avions de mener à terme certaines de leurs missions. Ce point mérite attention, mais il convient d'en mesurer les limites. Enfin, l'excellence du Mirage 2000 D, servi par des équipages bien entraînés, a été mise en évidence.

Cette opération a aussi montré le caractère indispensable de la capacité de projection de forces. L'atterrissage à Mazar-i-sharif des appareils transportant les premières forces terrestres, par exemple, s'est fait de nuit, sans balisage, sur une piste rendue partiellement inutilisable par les bombardements et à peine sécurisée. L'utilisation de ce terrain a permis le déploiement rapide des forces terrestres.

Dans des conditions aussi difficiles, le déploiement initial ne peut se faire que grâce aux moyens militaires d'Etat. Ce n'est que par la suite que l'armée de l'air a pu s'appuyer sur des appareils affrétés pour le soutien des forces. Sur ce point, au-delà du comblement de nos faiblesses capacitaires en moyens de transport, tactique et stratégique, bien identifiées, il existe une place pour un marché civil de complément. La mise en commun au niveau européen de quelques Antonov 124 serait aussi une bonne solution, avec une exploitation commune, sous l'égide de la cellule de coordination d'Eindhoven.

Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes, le SCCOA, est l'organe fédérateur de l'organisation opérationnelle. Il s'agit d'un réseau qui permet la triple maîtrise de l'environnement, de la connaissance et du temps. Cette maîtrise est indispensable à toute action militaire. Ce réseau permet de gérer l'utilisation de l'espace aérien, programmer les missions et conduire les opérations. Sa progression est considérable. En 1991, lors de la première guerre du Golfe, 48 heures étaient nécessaires à la programmation et à la circulation de l'information entre le théâtre d'opération et les autorités décisionnelles. En 1999, au Kosovo, ce délai était tombé à une heure. Au cours de la campagne d'Afghanistan, le délai moyen était de quinze à vingt minutes entre la demande d'information et d'action d'un avion armé sur un objectif et le moment où il y était répondu. Ce réseau constitue le cœur opérationnel et donne toute la cohérence à l'ensemble.

Les opérations en Afghanistan ont aussi validé le concept de base aérienne de théâtre, en continuité avec l'organisation des bases aériennes de départ. Outil opérationnel majeur, les bases aériennes de théâtre sont également devenues un vecteur diplomatique non négligeable, tant vis-à-vis de nos alliés, qui n'ont pas tous cette capacité de projection, que des autorités locales, en l'occurrence tadjikes et kirghizes.

Quel bilan de l'opération Héraclès l'armée de l'air peut-elle faire ? En dix mois, l'activité a été égale à l'activité annuelle d'un escadron, avec 100 équipages sur le théâtre, 3 000 membres du personnel air engagés, soit l'équivalent de deux bases aériennes complètes, et 6 000 heures de vol. Cette opération a pu s'appuyer sur une disponibilité très élevée des moyens, de l'ordre de 90 %. Il a fallu gérer huit sorties pour six avions par jour.

Plusieurs efforts doivent cependant être accomplis. Il faut améliorer la coordination avec l'échelon diplomatique et résoudre le problème d'interopérabilité avec les moyens américains échappant aux normes de l'OTAN. Nos capacités restent également insuffisantes dans certains domaines : les communications satellitaires, dans l'attente du programme Syracuse III, et le transport sur longue distance et le ravitaillement en vol, pour lesquels un programme innovant, le programme multi-rôle tanker transport (MRTT) est en cours de développement. Le développement, en cours, des armements de précision et des réflexions sur les conséquences de l'emploi d'armes NRBC sur le théâtre d'opérations sont aussi indispensables. Une réorganisation interne de l'armée de l'air autour des quatre pôles personnel, soutien, défense et opérationnel a été engagée pour répondre au souci de rationalité et de plus grande réactivité. Enfin, il est apparu lors des opérations en Afghanistan que, compte tenu de la relève du personnel et du renouvellement des matériels, il convenait, pour maintenir l'équivalent d'un escadron en opération extérieure, d'en engager effectivement trois. En réalité, ces efforts confirment les choix effectués pour le futur par la loi de programmation militaire.

Le bilan de l'opération Héraclès reste très largement positif : la France a tenu son rang, les capacités d'adaptation et de réactivité de l'arme aérienne, sa complémentarité avec les autres forces ont été confirmées. Au niveau européen, l'armée de l'air a ouvert la voie en favorisant l'implantation à Manas d'une force néerlandaise, danoise et norvégienne. Enfin, un appui important a été fourni à l'action diplomatique dans la région à travers les actions civilo-militaires et les relations créées par nos forces avec la société locale.

S'interrogeant sur l'absence de mention de la base aérienne de Mont-Agel dans le dispositif de sûreté aérienne présenté à la commission, M. Jérôme Rivière a souligné que, dans les neuf mois qui ont suivi le 11 septembre, 70 vols avaient décollé de la base d'Orange pour identifier des aéronefs présentant potentiellement une menace. Il a souhaité savoir si des exercices étaient organisés afin de déterminer les capacités de réaction réelles en vue d'abattre si nécessaire un aéronef menaçant.

Tout en précisant que la carte projetée n'était pas exhaustive, le général Richard Wolsztynski a répondu que les Etats européens avaient des modes de fonctionnement très différents en matière de sûreté aérienne. En France, les délais de réponse ont été réduits au plus court, le Premier ministre, détenteur de l'autorisation de tir, étant mis au plus vite en contact direct avec la haute autorité de défense aérienne, elle-même en contact avec le pilote militaire, sans intermédiaire avec les autres autorités de la hiérarchie militaire, celles-ci ne disposant pas de pouvoir décisionnel. L'intervention en conditions réelles est permanente et démontre que la chaîne française fonctionne bien ; la prise en charge du vol Toulouse-Paris où des fumées avaient été détectées en cabine en est un exemple. Le mode de fonctionnement français a suscité un grand intérêt auprès de nos partenaires européens dont plusieurs, après être venus l'examiner, apparaissent susceptibles de l'adopter.

M. Bernard Deflesselles a souhaité connaître le délai de réaction de la chaîne de commandement.

Le général Richard Wolsztynski a répondu que ce délai était de l'ordre de quelques minutes, voire de dizaines de secondes. Si la menace naît au sein du territoire français, la détection primaire s'effectue par radar après le décollage de l'appareil suspect. Si la menace vient de l'extérieur du territoire national, une chaîne de coordination est mise en place avec nos partenaires, à l'initiative de ceux-ci, en quelques minutes. A partir du décollage d'un avion, on peut évaluer à moins de dix minutes l'intervention sur objectif. Certes, on peut dire que le côté dissuasif de l'intervention en vol d'un appareil militaire est diminué lorsqu'un intrus est déjà à bord d'un avion ; il reste qu'il est impossible de déterminer l'issue des événements, la réaction des passagers notamment étant imprévisible.

Tout en jugeant que la commission pouvait s'estimer rassurée sur la capacité de réaction de l'armée de l'air, effective dès le soir du 11 septembre 2001, M. Jean-Louis Bernard a regretté qu'une certaine modestie de la communication de l'armée de l'air vis-à-vis de l'opinion publique empêche celle-ci de prendre conscience de la qualité et de la réactivité du système de veille mis en place. Rappelant ensuite les lacunes affectant notre force de projection dans l'attente de l'arrivée de l'A 400 M, il a souhaité connaître les perspectives à l'exportation de ce programme, l'Australie, la Norvège, la Suède et le Canada paraissant désormais intéressés par cet appareil.

Le général Richard Wolsztynski a indiqué que l'A 400 M répondait à un vrai besoin et qu'il n'aurait donc aucune difficulté à s'exporter. Il importe aujourd'hui que le programme soit enclenché au plus vite et ne prenne plus de retard. Le choix du motoriste, entre deux consortiums américain et européen, n'est pas encore arrêté.

M. Philippe Folliot a souhaité savoir si les processus développés par l'armée de l'air étaient les mêmes dans l'aéronavale et à quel niveau se faisait la coordination.

Le général Richard Wolstzynski a répondu que les processus étaient effectivement les mêmes. Le porte-avions apporte normalement une autonomie sur zone ; cependant, l'éloignement par rapport à la mer du champ d'intervention des Super-Etendard en Afghanistan rendait nécessaire l'utilisation d'appareils ravitailleurs, qui ne peuvent être accueillis sur le porte-avions. Une complémentarité très forte existe donc entre l'armée de l'air et la force aéronavale. Le porte-avions est intégré dans le réseau des opérations aériennes. La programmation et la planification se font de manière centralisée. Pendant l'opération Héraclès, le centre opérationnel était celui d'Al Khajr en Arabie Saoudite.

M. Pierre Lang s'est étonné que des cartes puissent faire apparaître une lacune dans la couverture radar de basse altitude au niveau du centre-est de la France.

Le général Richard Wolstzynski a répondu qu'aucun pays ne disposait de détection primaire complète en basse altitude ; en cas d'indices d'alerte, des Awacs et des radars mobiles sont déployés si nécessaire.

Faisant remarquer que le centre du commissariat à l'énergie atomique de Cadarache pouvait constituer une formidable cible pour une attaque aérienne surprise, le président Guy Teissier s'est interrogé sur sa protection.

Le général Richard Wolsztynski a répondu que ce centre faisait effectivement partie d'une liste de points sensibles à protéger en priorité.

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