COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 40

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 mai 2003
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les opérations extérieures

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- Informations relatives à la commission

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Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les opérations extérieures.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les opérations extérieures.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que les armées françaises engageaient régulièrement en opération extérieure 13 000 militaires ; l'affectation en opération extérieure durant quatre mois, c'est donc 50 000 militaires environ qui sont affectés à ce titre chaque année. La France participe à vingt-trois opérations extérieures sur trois continents et chaque opération importante mobilise entre 3 000 et 4 000 militaires.

Les opérations sont conduites dans plusieurs cadres juridiques et sous plusieurs types de commandement. Sous commandement national, la France conduit en Afrique des opérations de sécurisation de ressortissants français et d'autres Etats ; c'est le cas en Côte d'Ivoire et en République centrafricaine. Elle conduit aussi des opérations dans le cadre d'accords de défense, comme au Cameroun. D'autres opérations sont conduites sous le commandement de l'ONU : c'est le cas de la MINUK au Kosovo, de la FINUL au Liban ou de la MINURSO au Sahara occidental. La France travaille aussi sous le commandement de l'OTAN, comme en Bosnie-Herzégovine ou au Kosovo. L'Union européenne est en charge pour la première fois d'une opération, l'opération Concordia en Macédoine. Enfin, des opérations sont conduites sous commandement ad hoc, comme en Asie centrale.

Le coût prévisible des opérations extérieures n'a pas encore été établi pour 2003. Les éléments passés indiquent cependant une progression : en 2001, les opérations extérieures ont coûté au budget de la France 526 millions d'euros, 678 millions d'euros en 2002 et, pour les quatre premiers mois de 2003, 214 millions d'euros. La prévision pour l'ensemble de l'année 2003 est celle d'un coût supérieur à 2002.

La question du financement des opérations extérieures est une question récurrente. Le rapport rendu conjointement par l'inspection des finances et le contrôle général des armées fait apparaître que le ministère de la défense se montre très raisonnable dans ses estimations de coûts ; il n'est même pas exclu que les coûts réels soient légèrement sous-estimés. Sur les bases de ce rapport, un prochain conseil de défense pourrait décider des conditions dans lesquelles le coût des opérations extérieures en cours pourrait être provisionné dès la loi de finances initiale, comme le prévoit la loi de programmation ; le financement en loi de finances rectificative serait alors limité aux opérations lancées en cours d'année.

Pour la conduite des opérations extérieures, le ministère de la défense met en exergue la réactivité. L'opération Licorne en Côte d'Ivoire est très caractéristique de cette volonté : grâce aux forces prépositionnées, l'opération a pu être mise sur pied sur le terrain en quelques jours. L'accent est mis aussi sur la réversibilité : il convient de prévoir que toute opération doit un jour avoir une fin. En Macédoine, l'objectif est de pouvoir mettre fin à la mission actuelle après six mois, l'ordre public étant alors confié aux autorités locales ; cela n'exclut pas que les forces puissent être employées à d'autres tâches.

Au premier rang des principales opérations extérieures, figurent les opérations dans les Balkans. La situation sur le théâtre s'est considérablement améliorée, ce qui montre l'efficacité du dispositif.

En Bosnie-Herzégovine, le défi actuel est l'installation d'un Etat de droit par l'ONU et la force de police internationale, la force militaire n'ayant désormais plus pour rôle que de soutenir ce dispositif. L'Union européenne a pris toute sa place en Bosnie-Herzégovine. La force de police est une force de police de l'Union européenne et, sur le plan militaire, l'Union européenne devrait prendre le relais de l'OTAN à la mi-2004. La Macédoine aura servi de terrain d'expérimentation. Cette évolution, qui se fera dans le cadre d'une réduction globale du dispositif militaire, sera très symbolique de la construction de la défense européenne. Dans cette optique, la France conserve en Bosnie-Herzégovine un dispositif important, rendu nécessaire aussi par la perspective qu'elle prenne le commandement de cette force.

Au Kosovo, la situation s'est globalement améliorée, mais des tensions demeurent. Le maintien d'un dispositif international, même restructuré, s'impose. Avec 2 800 militaires, la France y occupe une place importante. Elle assurera le commandement de la KFOR à compter d'octobre 2004.

En Macédoine, la présence préventive de la force internationale a permis d'éviter une crise. 400 militaires internationaux dont 200 Français participent actuellement à l'opération Concordia. Même si la situation reste fragile, les autorités locales paraissent confiantes et souhaitent que des opérations de coopération succèdent à l'opération militaire qui doit s'achever le 30 septembre.

La portée de l'opération qui se déroule en Afghanistan est importante. La situation du pays est très préoccupante ; le Gouvernement éprouve des difficultés à établir son autorité sur l'ensemble du pays. Il faut éviter à la fois une dégradation de la situation de la sécurité et le rejet de la présence militaire internationale par la population. Les récents attentats perpétrés à l'encontre de militaires de la force internationale et d'organisations non gouvernementales sont, à cet égard, inquiétants. Les forces françaises comptent 500 militaires, regroupés autour de l'aéroport international. Ce contingent entretient de bons rapports avec la population et contribue à former, en collaboration avec les Américains, l'armée afghane. Trois bataillons ont déjà été instruits par nos forces, tandis que l'accent est désormais mis sur la formation des officiers et sous-officiers. Cette mission doit se poursuivre jusqu'en juin 2004.

En Afrique, l'opération Licorne mobilise 3 000 soldats en Côte d'Ivoire. La situation connaît une nette amélioration, notamment dans l'ouest du pays, soumis jusqu'ici à la présence d'éléments venus du Libéria et à l'action de bandes de délinquants incontrôlés. Depuis deux jours, une opération pour la reprise du contrôle de l'ouest de la Côte d'Ivoire a été lancée. La ville de Danane a été atteinte. Bien que le processus de paix découlant de l'accord de Marcoussis connaisse des avancées, des questions restent en suspens. Ainsi, le ministre de la défense n'a pas encore été nommé. Les velléités guerrières restent vives et il serait dangereux, aujourd'hui, de désengager les forces françaises, car leur soutien est crucial pour les forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI) et la force d'interposition africaine.

La situation est beaucoup moins difficile en République centrafricaine. La France y a déployé 200 militaires, destinés à assurer le soutien du contingent de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC), qui compte 380 soldats, principalement gabonais, congolais et tchadiens. Les autorités locales ont souhaité que les forces françaises contribuent à la formation de l'armée centrafricaine ; en l'absence de reconnaissance internationale du gouvernement en place, aucune suite n'a, pour l'instant, été donnée à cette demande.

S'agissant de la République démocratique du Congo, et plus précisément de l'Ituri, en proie à des conflits ethniques, la France a été saisie d'une demande du secrétaire général des Nations Unies pour assurer le relais d'ici au mois de septembre des 700 Uruguayens présents dans cette région, avant une relève par le Bangladesh en 2004. Les massacres ont fait déjà trois cents morts et d'autres sont à redouter. Plusieurs conditions cumulatives sont mises en avant par la France pour pouvoir répondre favorablement à cette demande. L'intervention devra se faire sous mandat de l'ONU. Elle devra avoir lieu en coopération internationale ; elle pourrait se faire dans un cadre européen, la Belgique, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni ayant donné leur accord de principe pour y participer ; le Canada et l'Afrique du Sud se sont aussi déclarés disponibles. Autre condition, cette intervention devra avoir l'aval du Rwanda et de la République démocratique du Congo elle-même. Enfin, la mission, ses contours géographiques et sa durée doivent être clairement définis. L'opération en République démocratique du Congo ne sera pas dénuée de risques militaires : la force devra faire face à des groupes très bien équipés, notamment en missiles sol-air et en blindés. Les conditions d'organisation de cette intervention seront difficiles.

Le président Guy Teissier a souhaité avoir des précisions sur la nature de la mission des forces françaises en Afghanistan et sa durée.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que le mandat donné par l'ONU en Afghanistan consistait à sécuriser Kaboul en vue de la mise en place des institutions afghanes et à former l'armée afghane. La présence de nos forces devrait être reconduite à cet effet jusqu'en juin 2004. L'opération en Afghanistan ne peut cependant se limiter à un volet militaire. Le gouvernement afghan doit travailler à limiter l'autonomie que se sont octroyée certaines régions. La relance de l'économie est indispensable ; la culture du pavot constitue désormais 20 % de l'économie nationale, cette situation résultant essentiellement de la non-réalisation des programmes agricoles annoncés par l'ONU.

Le président Guy Teissier a souhaité savoir si des forces étaient engagées en dehors de Kaboul pour la pacification du reste du pays.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que des forces américaines étaient présentes en dehors de la capitale, notamment au sein « d'équipes régionales de pacification », composées à parité de membres d'organisations non gouvernementales, d'administrateurs et de militaires. La France éprouve des réticences envers ce mélange des fonctions, comme du reste les ONG elles-mêmes.

M. Gérard Charasse a souhaité savoir si des réponses claires avaient déjà été données par les pays voisins concernés par une éventuelle intervention en République démocratique du Congo. Il a également demandé des précisions sur le nombre de soldats qui seraient nécessaires dans une région aussi instable.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que la demande portait sur 1 400 hommes, dont 700 Français. Elle a souligné qu'il était primordial de recueillir l'accord des pays directement concernés, Rwanda et République démocratique du Congo.

M. Gilbert Le Bris a évoqué l'évolution prévisible des opérations extérieures : vont-elles continuer à se développer ? Leur caractère sera-t-il de plus en plus multinational ?

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que la stabilité du monde, dont découle pour une part la sécurité extérieure de notre pays, suppose que des opérations extérieures soient conduites de façon régulière. Cependant, toutes les opérations ne nécessitent pas de nombreux militaires ni beaucoup d'équipements. Les effectifs affectés en opérations extérieures n'ont donc pas nécessairement vocation à croître.

Le président Guy Teissier a demandé des précisions sur le calendrier de la mise en place de l'opération projetée en République démocratique du Congo.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué que la mise en place de l'opération n'était plus assujettie qu'à une résolution de l'ONU et à l'accord avec les autres pays africains, notamment les pays riverains. Sur ces bases, elle pourrait être lancée rapidement.

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Informations relatives à la commission

· La commission a procédé à la nomination de ses rapporteurs pour avis pour le projet de loi de finances pour 2004.

Ont été nommés :

- pour les crédits de la défense :

· Dissuasion nucléaire : M. Antoine Carré

· Espace, communications et renseignement : M. Yves Fromion

· Marine : M. Charles Cova

· Air : M. Jean-Louis Bernard

· Gendarmerie : M. Philippe Folliot

· Services communs (délégation générale pour l'armement, service de santé, service des essences) : M. Jean-Yves Le Drian

· Crédits d'équipement : M. François Cornut-Gentille

· Forces terrestres : M. Joël Hart

· Titre III et personnels civils et militaires d'active et de réserve : M. Pierre Lang

- pour les crédits des affaires étrangères : M. François Lamy

● La commission a nommé M. François Calvet rapporteur pour avis pour le projet de loi portant réforme des retraites (n° 885).

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