COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 8 octobre 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093)


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- Examen de l'avis budgétaire air (M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis)

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Audition du général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2004.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Richard Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093).

Le général Richard Wolsztynski a exposé que, dans un contexte international marqué par la suprématie militaire américaine pour la gestion des crises, l'armée de l'air poursuivait la modernisation de ses équipements et de son organisation, en l'inscrivant dans un cadre européen et en renforçant ses capacités d'autonomie de décision et d'action.

L'importance de l'opération Artémis-Mamba en République Démocratique du Congo a conduit l'armée de l'air à mettre en place un dispositif opérationnel interarmées et multinational global et cohérent ; cette organisation a été saluée par l'ensemble de la communauté internationale. Pour l'armée de l'air, de telles opérations confirment la pertinence du concept de structure de base projetée, déjà éprouvé lors des opérations d'Afghanistan avec la base aérienne de Manas. Elles permettent de concrétiser les efforts menés pour consolider l'aptitude des Européens à planifier et à conduire des opérations, si nécessaire sans le soutien des Américains et sans l'aide de l'OTAN.

Pour répondre aux nouvelles exigences opérationnelles issues du contexte international, l'armée de l'air poursuit sa politique volontariste en matière d'équipement ; celle-ci doit concilier le maintien en condition opérationnelle et la préparation de l'avenir, soit un « grand écart » entre l'amélioration des capacités existantes et le renouvellement ou l'évolution simultanés des équipements.

L'armée de l'air entend aussi développer une politique globale de gestion de ses ressources humaines. Celles-ci constituent le capital le plus déterminant de son processus de modernisation. Les équipements ne valant que par la valeur des hommes qui les emploient, une attention particulière doit être accordée aux personnels.

La politique du personnel doit privilégier trois volets : le recrutement, l'attractivité des métiers de l'armée de l'air, la formation des cadres d'active et de réserve. Il convient de pérenniser la qualité du recrutement. Cela passe par une politique de communication claire et simple en adéquation avec la réalité du terrain, mais aussi par la consolidation de l'attractivité des métiers de l'armée de l'air. Dans un contexte marqué par de profondes mutations sociales, celle-ci doit garantir à ses personnels, qu'ils soient civils ou militaires, un cadre de vie, des conditions de travail et des profils de carrière propices à leur épanouissement au service du pays. Cette attractivité doit tenir compte de l'environnement des implantations de l'armée de l'air ; l'attractivité régionale est un élément de choix non négligeable pour les personnels.

La politique globale des ressources humaines comprend par nature une place consacrée à la réserve, dont l'emploi est aujourd'hui plus qu'hier une nécessité pour l'armée de l'air. La première expérience de formation initiale des réserves est très prometteuse.

Cette politique doit aussi fixer précisément les axes d'effort pour la formation, qui doit être ouverte sur l'extérieur et de dimension internationale et européenne. L'outil de formation de l'armée de l'air française est reconnu pour sa qualité ; nombre de pays amis se tournent vers elle pour la formation de leurs aviateurs. Dans le domaine de l'entraînement, dont les crédits augmentent légèrement, il convient de privilégier le déroulement d'exercices régionaux afin d'élever le niveau opérationnel des personnels, le plus souvent engagés dans des opérations interarmées et multinationales. L'exercice « Croix du sud » en Amérique du Sud est un bon exemple de ce qu'il faut développer.

Le projet de budget 2004, notamment son titre III, soutient les volets de cette politique. Les crédits de fonctionnement permettent aussi de couvrir les différents besoins de l'armée de l'air et la sensible revalorisation des actions d'externalisation. En revanche, il convient d'être attentif au budget des rémunérations et charges sociales, qui est construit sur la base d'un sous-effectif dont la réalité devra être suivie avec beaucoup d'attention. Le titre III devrait cependant permettre de continuer les actions visant à poursuivre la consolidation de la professionnalisation.

Pour assurer ses missions et protéger nos intérêts vitaux, l'armée de l'air poursuivra la modernisation de la composante aéroportée de la dissuasion avec la mise en service en 2008 du missile « air-sol moyenne portée amélioré » (ASMP-A) au sein d'un escadron Rafale.

S'agissant de la projection de puissance, la mise en service opérationnel du premier escadron Rafale sera effective en 2006 ; elle sera suivie en 2008 par celle d'un deuxième escadron. La cohérence opérationnelle globale de l'arme aérienne s'en trouvera accrue. Avec, en outre, l'amélioration des capacités de combat des Mirage 2000 D par l'installation de nouveaux armements (missiles de croisière Apache et Scalp, dont 110 seront livrés sur 450 commandés), l'armée de l'air française sera parmi les seules à disposer d'une palette complète d'armements de frappe dans la profondeur.

Complémentaires des vecteurs de combat pilotés, les drones de combat (Unmanned Combat Aircraft ou UCAV) pourraient constituer un apport opérationnel intéressant. À cette fin, un important démonstrateur est proposé à la fin de la période couverte par la loi de programmation militaire 2003-2008.

Les orientations décidées par la loi de programmation militaire pour diminuer le plus rapidement possible le déficit capacitaire en matière de capacité de projection des forces doivent être mises en oeuvre. Si tout repose sur l'A 400 M, qui correspond le mieux au besoin exprimé, son arrivée tardive par rapport à la fin de vie opérationnelle des Cl60 Transall impose d'étudier les différentes options permettant de maintenir dans les années à venir le niveau capacitaire actuel. Si le recours aux moyens de nos alliés européens pourra permettre de pallier certaines difficultés capacitaires conjoncturelles, il convient, pour garantir une autonomie nationale et, à terme, européenne, de maintenir au premier rang des priorités l'acquisition de deux avions de transport à très long rayon d'action ainsi que de deux CASA 235. Ce besoin de projection est essentiel pour maintenir au plus haut niveau la réactivité de l'arme aérienne et soutenir des actions qui le plus souvent s'inscrivent dans la durée.

Les actions de recherche et de sauvetage au combat des équipages et le soutien au profit des forces spéciales seront significativement améliorés avec l'arrivée des hélicoptères Cougar Resco.

S'agissant de l'autonomie de décision et d'action, les capacités de surveillance et de renseignement seront renforcées. Elles s'articuleront autour des satellites, des avions et des drones, qui concourent à fournir non seulement l'indispensable autonomie stratégique, mais aussi les indicateurs dont la France a besoin pour adapter les mesures de protection.

Pour les avions et les drones, les engagements annoncés seront respectés. L'arrivée du système intérimaire de drone MALE (moyenne altitude longue endurance) en 2004, succédant au Hunter, contribuera à améliorer très significativement les performances des systèmes destinés au recueil de l'information. L'armée de l'air recevra aussi des pods de reconnaissance de nouvelle génération, selon un calendrier conforme aux prévisions de la loi de programmation militaire.

Le maillage de l'ensemble de ces capteurs améliorera la capacité de réaction de l'arme aérienne, amenée à traiter des objectifs dans un environnement politico-militaire de plus en plus complexe. Il conviendra cependant de préciser leurs conditions d'intégration et de coordination dans la circulation aérienne. L'intégration des drones, expérimentée pour la première fois à l'occasion du sommet du G8 d'Evian, devra être réalisée.

S'agissant du commandement et de la conduite des opérations aériennes, l'armée de l'air consolidera ses capacités en poursuivant la modernisation de ses moyens. Les conditions d'engagement de la France ont montré que les opérations se déroulent de plus en plus en coopération internationale, avec des échanges d'informations de plus en plus denses à tous les niveaux. Le principe d'une exécution décentralisée et d'un commandement centralisé reste valide ; il se fonde sur un dispositif parfaitement interopérable avec les structures alliées. Notre autonomie dans les domaines de l'appréciation de situation et du commandement et de la conduite des opérations militaires renforce notre aptitude à agir dans des contextes très divers d'opérations européennes, transatlantiques ou au sein de coalitions ad hoc.

Pour ce qui concerne la disponibilité opérationnelle, les résultats sont encourageants et démontrent la pertinence des actions engagées, il y a maintenant plus de deux ans, avec la création de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD). Le redressement progressif de la disponibilité des matériels doit conduire à poursuivre les efforts engagés par cette structure.

Particularité de l'armée de l'air, ses équipements participent à la fois à l'entraînement et à la réalisation des missions opérationnelles. Cette spécificité a un coût mieux maîtrisé aujourd'hui grâce à un suivi technico-opérationnel optimisé. L'armée de l'air continuera à consentir un effort financier important en consacrant au maintien en condition opérationnelle 25 % de son titre V, soit une augmentation d'environ 100 millions d'euros par rapport à 2003.

En disposant d'une ressource humaine motivée et bien formée servant des équipements modernes et disponibles, l'armée de l'air, à partir d'un réseau de bases aériennes rationnel et cohérent, offre des modes d'action à la fois très variés au service de la sécurité intérieure et démontrant toute leur pertinence dans l'exécution des opérations extérieures.

L'intégration de l'armée de l'air dans l'ère des réseaux est un défi organisationnel, technique et humain. La mise en place d'un pôle opérationnel en 2003, avec l'entrée en service d'un état-major opérationnel air, structuré selon le modèle de ceux de l'OTAN, en liaison avec le centre de planification et de conduite des opérations interarmées, s'inscrit dans ce schéma.

L'organisation de l'armée de l'air s'articulera autour de trois autres pôles : forces, personnel et soutien. Cette organisation contribuera à la cohérence d'ensemble des structures de commandement, laquelle devrait elle-même permettre de favoriser une éventuelle décentralisation géographique des structures. Le réseau des bases aériennes est en effet aussi un facteur clé de la cohérence globale de l'armée de l'air. En tenant compte des leçons du passé, une réflexion approfondie est menée pour en améliorer l'efficacité et soulève de naturelles interrogations sur la pérennité de certaines de nos implantations. Cette réflexion conduira à proposer un ajustement mesuré du nombre de bases aériennes intégrées dans ce réseau. Cet ajustement pourrait être effectif dans les années 2010.

A l'amélioration de l'efficacité de ce réseau, doit être associé un processus de modernisation des infrastructures. Ce processus sera poursuivi en 2004, avec un volume de crédits stable par rapport à 2003. Il permettra d'améliorer sensiblement l'environnement dans lequel sont placés les personnels, qui conditionne pour une large part l'efficacité opérationnelle des unités de l'armée de l'air.

Le projet de budget 2004 permet donc à l'armée de l'air de poursuivre son processus de modernisation. Il importe désormais de maîtriser le « grand écart » entre activité opérationnelle et préparation de l'avenir, en assurant un suivi rigoureux de l'exécution budgétaire, dans le respect des objectifs fixés par la loi de programmation militaire.

Le président Guy Teissier a souhaité savoir si la qualité du recrutement des militaires du rang se maintenait ; il s'est notamment inquiété des éventuels problèmes de discipline. Soulignant ensuite que, l'armée de l'air étant une arme de techniciens, l'attractivité du secteur civil était forte pour les sous-officiers, il a demandé si des mesures étaient envisagées pour faire face au risque de déficit de compétences.

Le général Richard Wolsztynski a répondu que la qualité des ressources humaines était la première priorité de l'armée de l'air. Aujourd'hui, celle-ci ne rencontre globalement pas de problème de recrutement. Il convient toutefois d'être vigilant, dans la mesure où des pays ayant une armée professionnalisée depuis longtemps, comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, ont pu voir leur situation évoluer très rapidement de façon inquiétante. Dans certaines spécialités de sous-officiers, telles que celles de contrôleur aérien, d'informaticien ou de pompier, des difficultés ponctuelles commencent à se manifester. L'impact important de la campagne publicitaire réalisée dernièrement est cependant rassurant. S'agissant des militaires du rang, si la politique de recrutement visait au départ le bassin d'emplois local, on s'achemine désormais vers un recrutement géographique plus diversifié. Il est vrai néanmoins que quelques difficultés ont pu être observées, notamment en matière d'absentéisme, les armées n'échappant pas aux effets généraux de l'évolution de la société. Cependant, les filtres de recrutement fonctionnent bien et la qualité des personnels n'engendre pas d'inquiétude. En vue de pallier les effets de l'attractivité du secteur civil sur certaines spécialités de sous-officiers, il conviendrait de réfléchir à un système de convention ou de partenariat, un peu à l'image de ce qui se pratique avec Air France pour les pilotes. Les tensions sur les spécialités sont en effet cycliques ; des dispositifs permettant un meilleur lissage pourraient s'analyser comme relevant du lien armée-nation.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis des crédits de l'air, a demandé des précisions sur les relations entre les projets de drones d'observation (MALE) et de drones de combat (UCAV). Leurs fondements sont-ils différents ou y a-t-il, au contraire, une continuité entre eux pour la recherche et le développement ? En ce qui concerne ensuite la flotte logistique et de ravitaillement en vol, une proposition d'EADS de fournir en leasing des A 330, susceptibles d'acquérir ultérieurement la capacité de ravitaillement en vol, pour remplacer les deux DC 8 qui vont être retirés du service, paraît intéressante d'un point de vue financier. Qu'en est-il exactement ?

Le général Richard Wolsztynski a répondu que les drones avaient désormais 25 ans d'existence et d'utilisation opérationnelle. Parmi les premières utilisations, il faut souligner celle des Israéliens dans la vallée de la Bekaa, pour sonder les défenses aériennes syriennes sans mettre en danger leurs pilotes. À l'origine, il s'agissait donc de systèmes consommables, simples et peu coûteux : abattre un drone ne doit pas pouvoir être considéré comme une victoire aérienne. Depuis lors, même si les coûts ont sensiblement augmenté, les drones ont toujours pour mission de compléter l'action des appareils pilotés là où l'homme atteint ses limites, comme pour les longues périodes de surveillance. Un drone peut rester en vol plus de 24 heures ; pendant ce temps, au sol, trois personnes se seront relayées pour le diriger ; sur ce point, pour des raisons de qualification et de droit, ces personnels doivent être des pilotes. Si certains drones ont pu recevoir des armements légers, il est peu probable que l'on puisse aller beaucoup plus loin. L'UCAV est un concept différent, qui se rapproche davantage de celui de l'avion piloté. Il rencontre les mêmes problèmes de partage de masse entre emport d'armements et de carburant, et de rayon d'action du fait de sa permanence à l'air limitée. La seule différence est l'absence de pilote à bord. Si le drone complète l'avion de combat, l'UCAV le remplace. On peut considérer que, lorsqu'un UCAV sera abattu, compte tenu de son coût et de sa sophistication, il s'agira d'une victoire aérienne. Le débat est ouvert sur le mode d'utilisation de ce nouvel outil et le démonstrateur à venir présente donc un grand intérêt. La réflexion sur ces questions en est au même point aux Etats-Unis qu'en France.

Les avions ravitailleurs dont disposent les armées de l'air ne permettent pas, en général, d'emporter également des charges logistiques. L'utilisation en tant que ravitailleurs d'appareils à long rayon d'action construits d'abord pour être des avions de transport change cette donnée. Le concept de multi rôle tanker transport (MRTT), d'avions capables à la fois de ravitailler et d'être utilisés en version cargo pour la projection, est désormais admis partout. Deux types d'appareils aptes à la capacité MRTT sont aujourd'hui proposés sur le marché : le Boeing 767 et l'Airbus A330, qui constitue la réponse d'EADS à un appel d'offres récemment lancé par le Royaume-Uni. Les Britanniques ont en effet un besoin urgent de renouvellement de leur flotte de ravitailleurs, lequel est moins pressant pour la flotte française. Le choix final des Britanniques sera suivi avec attention, car il pourrait permettre de dégager une véritable solution européenne, susceptible d'intéresser également d'autres pays hors d'Europe. On peut noter que l'Allemagne semble davantage intéressée par une version MRTT de ses A 310. En revanche, le choix est très large pour les simples avions de transport à très long rayon d'action. Une approche commune entre les différents pays européens devra être élaborée. L'idée d'un transport aérien militaire européen progresse ; la structure de coordination mise en place à Eindhoven va connaître prochainement un passage du statut de coordinateur à celui de centre. Ce centre est désormais l'ébauche d'un commandement européen du transport aérien militaire.

M. Jean-Michel Boucheron a demandé à quel horizon les besoins de financement d'un programme de drones allaient commencer à peser sur le budget de l'armée de l'air. Il a également souhaité savoir quel était le degré de maîtrise par l'armée de l'air des systèmes de transfert de données, notamment dans le domaine spatial, et si cette maîtrise était considérée comme satisfaisante.

Le général Richard Wolsztynski a répondu que les besoins de financement d'un programme de drones devraient concerner la période couverte par la prochaine loi de programmation militaire, c'est-à-dire les années 2008 à 2015. C'est, en effet, entre 2012 et 2015 qu'est envisagé l'aboutissement du projet européen de drone MALE. Le Royaume-Uni préférant coopérer dans ce domaine avec les Etats-Unis, les projets français sont les seuls en cours en Europe. Nos alliés s'intéressent donc à nos travaux. L'Allemagne, l'Italie et la Suède sont très intéressées par une coopération avec la France dans ce domaine. Les Pays-Bas, qui avaient constitué une équipe pour suivre le programme Hunter, l'ont affectée au programme Eagle.

La maîtrise des transferts de données conditionne l'autonomie des capacités d'action militaire d'un pays. Il s'agit donc d'un sujet extrêmement sensible. L'armée de l'air a beaucoup progressé dans ce domaine, même si de nombreux efforts restent à accomplir. Les derniers conflits ont montré que seule une maîtrise totale, en temps réel, de la chaîne de l'information permet à une armée de mener à bien ses missions sans dépendre de ses alliés. En dehors de l'US Air Force, l'armée de l'air française est aujourd'hui la seule à posséder, à son échelle, une cohérence opérationnelle globale qui lui assure une parfaite autonomie. L'aspect spatial de cette question représente un défi à relever, mais n'est pas le plus onéreux.

M. Yves Fromion a souhaité obtenir des précisions sur l'implication de l'armée de l'air dans la protection du sommet du G8 organisé à Evian les 2 et 3 juin 2003.

Le général Richard Wolsztynski a souligné le caractère exemplaire de la couverture aérienne du sommet du G8. Un premier contact technique avec l'armée de l'air suisse a été pris à l'automne 2002. En janvier 2003, les deux armées ont pu proposer un projet concret et commun à leurs ministres de la défense respectifs. Un accord entre les ministres français et helvétique a permis la signature, par chacun d'eux, d'un arrangement technique. Celui-ci a autorisé les deux armées de l'air à s'affranchir des frontières et à travailler en mutualisant leurs moyens. C'est ainsi que des Mirage 2000 français ont été temporairement basés en Suisse de manière à raccourcir les délais d'intervention.

En raison de la proximité géographique de leur pays, les armées de l'air allemande et italienne ont également été associées, selon les règles définies entre Français et Suisses. C'est ainsi que des chasseurs allemands ont été accueillis sur la base aérienne de Colmar. Quatre armées de l'air et une centaine d'appareils - hélicoptères, avions et drones - ont été mobilisés pour assurer la protection de cette réunion internationale.

L'ensemble du dispositif était piloté à partir du centre de conduite des opérations aériennes déjà utilisé en Asie centrale. Les autorités civiles et militaires chargées de veiller au bon déroulement de la manifestation, en l'occurrence le préfet et le général commandant la défense aérienne et les opérations aériennes, y étaient installées. Elles disposaient, en temps réel, des images prises en vol par le drone.

L'objectif aujourd'hui recherché est d'instaurer entre les armées de l'air européennes une coopération permanente selon le modèle qui a fonctionné à Evian. Le trajet des appareils commerciaux détournés à l'origine des événements du 11 septembre 2001, appliqué à la géographie de l'Europe, leur aurait fait franchir les limites de plusieurs espaces aériens. Un texte organisant la coordination européenne des processus décisionnels politiques, en cas d'événement de cette nature, est en cours de préparation.

M. Charles Cova a observé que la Marine nationale notait une amélioration tangible de l'entretien de la flotte aéronavale due à l'action de la SIMMAD, à la seule exception près de l'atelier industriel de l'aéronautique de Cuers. Il a ensuite demandé quelle part de l'activité de l'armée de l'air était accomplie au profit du service public.

Le général Richard Wolsztynski a réaffirmé la nécessité de continuer à soutenir l'action de la SIMMAD. La résorption par celle-ci des problèmes logistiques, notamment lors de la passation des marchés, a permis une amélioration de douze points de la disponibilité des matériels. Il reste, en revanche, des problèmes techniques, récurrents pour certains matériels, qu'il sera plus difficile de résoudre.

Le réseau des bases aériennes constitue en lui-même un élément du service public ; ces bases sont des structures de soutien ouvertes, qui peuvent être mises à disposition en cas de besoin, en cas d'accident grave ou de catastrophe, ou encore, au profit de services de l'Etat, une compagnie de CRS par exemple. Par ailleurs, l'armée de l'air a contribué au dispositif Vigipirate et à la lutte contre les incendies de forêt cet été. Elle est également intervenue lors des sauvetages par hélicoptères des victimes des inondations dans le Sud-Est ou lors des pollutions marines. Enfin, il ne faut pas oublier que la première des missions de service public de l'armée de l'air est d'assurer la maîtrise de la souveraineté aérienne. Enfin, les bases aériennes ont un rôle important dans l'aménagement du territoire. Ces bases, qui sont très vastes, sont dotées d'une autonomie en énergie et d'un réseau d'eau ; dans le cas où l'une d'entre elles serait amenée à redéployer certaines des unités qui y sont implantées, elle pourrait alors accueillir des organismes variés au service de la Nation.

Loi de finances pour 2004 : air (avis)

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Louis Bernard, les crédits de l'armée de l'air pour 2004.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis, a salué la qualité de la gestion courante de l'armée de l'air : l'attribution de dotations de fonctionnement adéquates n'a en effet pas obéré la réflexion de l'armée de l'air sur son organisation et sa gestion.

Il s'est ensuite félicité de ce que la progression des crédits d'équipement renvoie au passé les interrogations sur l'équipement futur de l'armée de l'air : 39 Rafale sont déjà commandés ; les autorisations de programme pour les prochaines commandes sont déjà en place. La France continuera à disposer d'une des plus fortes capacités dans le domaine de la projection de puissance, domaine clé pour l'intervention dans les crises ouvertes. Le programme expérimental de drones permet de garantir l'évolution des capacités de renseignement stratégique et tactique au niveau souhaité ; il permet aussi le maintien au meilleur niveau des capacités nationales dans le domaine de l'élaboration et de la construction d'avions de combat, pour la génération d'appareils qui suivra le Rafale. Quant à la flotte de transport tactique, le lancement du programme A 400 M permet de tracer avec soulagement des perspectives d'évolution très claires et très satisfaisantes.

Le rapporteur pour avis a ensuite évoqué la flotte de transport logistique et de ravitaillement en vol. Les choix qui vont être faits pour le remplacement des DC8 auront des conséquences importantes pour le remplacement futur des ravitailleurs de l'armée de l'air. En effet, des solutions de remplacement économiques des avions de transport logistique et, plus tard, des ravitailleurs par des appareils capables d'assurer les deux fonctions existent. L'industriel qui saura proposer à l'armée de l'air un dossier technique et financier novateur et convaincant pourra trouver en elle un partenaire de référence, notamment dans le cercle de l'Europe de la défense, pour l'appareil qu'il aura élaboré. Le dossier est de moindre ampleur que celui de l'A 400 M, mais il a lui aussi un double enjeu militaire et industriel pour la France et l'Europe. Le Parlement ne peut donc que s'y intéresser de près.

En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des appareils, les progrès très importants accomplis depuis 2002 ne doivent pas laisser penser qu'on puisse relâcher l'effort. La réorganisation des procédures par la SIMMAD a sans doute produit aujourd'hui l'essentiel de ses effets ; les gains futurs sont attendus des armées elles-mêmes et des industriels ; s'agissant des armées, la création envisagée d'un pôle « soutien » par l'armée de l'air montre quelle pourrait être une voie d'organisation possible. L'effort concerne ensuite les flux financiers. Tout relâchement dans l'attribution des fonds nécessaires aura, à échéance d'un ou deux ans, les mêmes effets que ceux qui ont pu être repérés en 2002. L'action de sanctuarisation financière du maintien en condition opérationnelle doit être poursuivie dans la durée. La commission de la défense doit y veiller.

Le président Guy Teissier l'ayant interrogé sur l'urgence des besoins en ravitailleurs, M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis, a répondu que l'armée de l'air avait besoin de renouveler cette année non pas sa flotte d'avions ravitailleurs, mais une partie de sa flotte de transport logistique, les deux DC8. Cependant, l'insuffisance de la flotte logistique, mais aussi la nécessité de renouveler rapidement l'avionique des ravitailleurs avant la fin de leur vie, préalablement au remplacement des ravitailleurs eux-mêmes après 2015, ainsi que la hausse des coûts d'entretien des ravitailleurs au fur et à mesure de leur vieillissement, amènent à considérer d'un œil neuf une solution constituée par des appareils de transport logistiques transformables en appareils MRTT, par rapport à l'achat d'appareils logistiques non transformables. Dans ce cadre, EADS propose à l'armée de l'air une offre de leasing pour une flotte de dix appareils MRTT dont les deux premiers seraient livrés en configuration de transport ultérieurement transformable en configuration MRTT. Le projet est bien sûr à relier à l'offre faite par EADS au ministère de la défense britannique. Le choix européen serait un signe positif pour l'industrie européenne et l'Europe de la défense.

M. René Galy-Dejean, se réjouissant de l'accroissement du budget d'équipement de la défense, et notamment de l'armée de l'air, a demandé si cette forte augmentation aboutissait à doter largement celle-ci, ou si, au contraire, les budgets 2003 et 2004 permettaient seulement de retrouver un niveau de crédits à peine normal.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis, a répondu que le volume des crédits de l'armée de l'air et, plus largement, de la défense ne faisait que traduire une cohérence budgétaire restaurée. Le montant du titre III est la stricte expression financière de la professionnalisation décidée en 1996. L'évolution du titre V traduit seulement la fin de son utilisation comme variable d'ajustement du budget de l'Etat et la restauration de sa fonction de budget d'investissement. Or, le budget d'équipement de la défense a une influence considérable sur la création d'emplois, dans les grandes entreprises et les PME, et sur la balance du commerce extérieur, puisqu'il est à l'origine de 4 millions d'euros de recettes en devises par an.

M. Yves Fromion a précisé que l'accroissement des opérations extérieures ne pouvait également que peser sur les besoins tant en rémunérations qu'en crédits d'équipement, car ces opérations impliquent des rechanges et un renouvellement accru des matériels.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'air pour 2004.

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