COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 14

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 10 décembre 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Yves Gleizes, délégué général pour l'armement, sur l'Europe de la défense

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Audition de M. Yves Gleizes, délégué général pour l'armement, sur l'Europe de la défense.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Yves Gleizes, délégué général pour l'armement, sur l'Europe de la défense.

M. Yves Gleizes, délégué général pour l'armement, a présenté les restructurations en cours des industries de défense, tant nationales qu'européennes, en soulignant l'importance de l'industrie d'armement au sein du paysage économique français. Celle-ci comprend environ 4 000 PME et PMI, ainsi qu'une dizaine de grands groupes industriels, et représente un chiffre d'affaires d'environ 14 milliards d'euros, dont 4,5 milliards d'euros réalisés à l'exportation. Acteur clef de la politique de défense française, dont elle contribue à assurer l'autonomie de décision et d'action, l'industrie de défense française représente quelque 170 000 emplois directs et participe au dynamisme de l'économie, notamment grâce aux secteurs de très haute technologie, tels que 1'aéronautique, l'espace et l'électronique.

L'Etat, qui assumait la gestion de la production d'un grand nombre d'armements, s'est progressivement désengagé de cette activité à partir des années 1970, par la transformation des anciens arsenaux d'Etat en entreprises. Cette évolution s'est traduite par la création de la société SNPE dans le domaine des poudres et explosifs, au cours des années 1970, puis, dans les années 1980, Giat Industries, intervenant dans les armements terrestres, est devenue une entreprise publique ; enfin, dans le secteur naval, DCN a été transformé en entreprise le 1er juin 2003. Parallèlement, l'Etat a progressivement réduit le niveau de ses participations dans le capital de plusieurs sociétés de défense, telles que le groupe Aérospatiale-Matra, désormais intégré dans EADS, et Thomson CSF, devenu Thales.

Ces évolutions traduisent la volonté de l'Etat de recentrer ses activités, compte tenu des contraintes nouvelles de compétitivité s'appliquant au secteur de l'armement, lesquelles résultent notamment de la réduction des budgets de défense et corrélativement, de la contraction des marchés d'armement depuis la fin de la guerre froide. L'évolution de l'engagement de l'Etat permet à l'industrie française d'être pleinement impliquée dans les restructurations industrielles nationales et européennes, ainsi que l'atteste la création de grands groupes tels qu'EADS ou Thales. Cette logique de rationalisation économique n'est pas propre à la France, mais s'observe également dans les autres Etats.

La volonté des Etats joue un rôle pivot dans ces évolutions. L'industrie de défense française, composante majeure de la politique de défense nationale, conditionne en effet l'autonomie de décision et d'action de la France et, partant, son rang sur la scène internationale. Cette approche a été complétée par les réflexions, engagées par la France et ses partenaires européens, sur la construction d'une Europe de la défense et de l'armement, destinée à unir leurs efforts dans ces domaines. La France a ainsi entrepris de distinguer les équipements militaires qui doivent relever uniquement d'une logique nationale, principalement dans le domaine de la dissuasion, de ceux qui peuvent faire l'objet de coopérations avec les Etats européens et de ceux qui, produits à grande échelle par de nombreux Etats, peuvent être acquis sur les marchés internationaux. La volonté d'adopter une logique européenne en matière d'armement s'est ainsi manifestée en 1997, par un appel des chefs d'Etat et de gouvernement allemand, français et britannique à la consolidation de leurs industries de défense. C'est à la suite de cet appel que l'entreprise EADS a été créée et que Thales a engagé une stratégie multidomestique, aujourd'hui couronnée de succès. Parallèlement, les Etats européens ont lancé de grands programmes d'armement structurants, à l'image de l'avion de transport A 400 M, ce programme renforçant considérablement la composante militaire d'Airbus.

En revanche, la participation d'Etats européens au programme américain d'avions de combat Joint Strike Fighter relève d'une logique opposée et illustre la volonté des Etats-Unis de fédérer au plan mondial l'industrie aéronautique autour de leurs groupes industriels. Elle met en exergue l'importance d'une approche coordonnée entre les pays européens ainsi que les limites d'une action isolée en ce domaine.

Outre la volonté des Etats, les logiques économiques et industrielles se révèlent déterminantes. La forte réduction des budgets de défense des pays européens a accentué le besoin pour l'industrie de rechercher des contrats à l'exportation afin d'équilibrer les plans de charge, ce qui s'est traduit par un fort accroissement de la concurrence internationale. Plusieurs groupes de défense, qui n'étaient guère présents sur les marchés à l'exportation jusqu'alors, ont ainsi été conduits à modifier leur stratégie. Ce renforcement de la concurrence a eu pour conséquence la recherche d'une compétitivité accrue par les entreprises et l'adoption de stratégies d'implantation locale, ainsi que l'illustre la démarche multidomestique mise en œuvre par Thales.

L'accroissement de la complexité des systèmes d'armes et l'approche par systèmes désormais requise par les concepts de défense ont conduit à l'émergence de groupes industriels à l'échelle européenne, puis mondiale, capables de maîtriser les technologies nécessaires, d'assumer les risques associés au rôle de maître d'oeuvre et de porter la responsabilité, notamment financière, de grands programmes.

Les restructurations industrielles se sont échelonnées dans le temps et ont progressivement concerné les différents secteurs de l'armement.

Le secteur aéronautique a connu d'importantes rationalisations, avec la constitution du groupe EADS, et semble désormais afficher une certaine stabilité. Airbus entend se développer dans le secteur militaire, grâce à l'entrée en vigueur du programme A 400 M et à ses offres dans le domaine des avions ravitailleurs, ce qui devrait lui permettre de lisser son activité grâce à la complémentarité des cycles aéronautiques civils et militaires. Dans le domaine des hélicoptères, l'Europe compte deux groupes industriels majeurs, Eurocopter et Agusta Westland, les perspectives de rapprochement de ces deux acteurs paraissant éloignées. Une telle concurrence s'observe également pour les avions de combat.

Le secteur spatial, caractérisé par des surcapacités industrielles, connaît actuellement d'importantes difficultés, liées principalement à la crise du secteur des télécommunications, qui a entraîné une réduction des commandes de satellites et corrélativement une baisse des débouchés d'Arianespace, dont les lancements commerciaux constituent l'essentiel de l'activité. En mai 2003, le conseil ministériel de l'Agence européenne de l'espace a rappelé toute l'importance que les Etats membres attachaient à la pérennité d'un accès autonome à l'espace. Il a également reconnu la maturité de l'industrie en lui confiant des responsabilités étendues, EADS devenant l'unique maître d'oeuvre du développement et de la production du lanceur Ariane 5. Cette réorganisation du secteur des lanceurs devrait également conduire, d'ici la fin 2004, à une évolution de l'actionnariat d'Arianespace, le CNES n'ayant plus vocation, dans ce nouveau contexte, à conserver une participation significative au capital de cette société. Parallèlement, la DGA encourage un rapprochement des deux principaux acteurs spatiaux, Alcatel Space et EADS Astrium, qui paraît préférable à un statu quo à l'issue incertaine, alors que ces entreprises ont dû mettre en œuvre des plans sociaux et des restructurations pour faire face à la crise actuelle.

Dans le secteur des missiles, la création de MBDA, filiale d'EADS, en décembre 2001, a constitué une étape décisive de la consolidation industrielle européenne. La passation par MBDA du marché de missiles FSAF (famille sol-air futur) en novembre dernier pour 3 milliards d'euros - qui renforce l'alliance entre la France et l'Italie sur ce programme - atteste le succès de la création de cette société, deuxième acteur mondial après l'américain Raytheon, de même que la réalisation en cours du missile de croisière Meteor, qui équipera l'Eurofighter, le Rafale et le Gripen.

Le secteur de la propulsion connaît également de nombreuses évolutions. Au plan national, une filiale commune, Héraklès, regroupant les activités de propulsion solide et de matériaux énergétiques de Snecma Moteurs et de SNPE, est en cours de constitution et devrait représenter le deuxième acteur mondial de propulsion solide, avec un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros. Au plan européen, le groupe français SNPE se rapproche du finlandais Patria et du suédois Saab afin de créer la société Eurenco, spécialisée dans le domaine des activités de poudres et d'explosifs militaires. Au plan mondial, Snecma, qui occupe le quatrième rang mondial dans le domaine de la propulsion aérobie, a vocation à conclure des alliances avec des acteurs européens. L'acquisition récente de l'allemand MTU et de l'italien Fiat Avio respectivement par le fonds d'investissement américain KKR et par le fonds américain Carlyle associé à Finmeccanica, retarde cependant la recomposition du paysage industriel européen des motoristes.

Le secteur naval s'avère encore très morcelé. Tandis que le groupe britannique BAe Systems constitue désormais un acteur intégré, comprenant aussi bien des chantiers navals que des activités d'électronique de défense, les entreprises françaises DCN et Thales envisagent de renforcer leur partenariat afin de constituer également un acteur naval global. En revanche, les industries navales italienne, allemande et espagnole comprennent pour l'essentiel des chantiers navals, qui nouent des alliances avec des entreprises d'électronique de défense, soit au niveau national, soit au niveau international. Une rationalisation du secteur naval européen apparaît ainsi souhaitable. Le changement de statut de DCN ouvre à cette société des perspectives de participation à ces mouvements. Au niveau européen, des négociations avaient été engagées entre le groupe naval allemand ThyssenKrupp et les français Thales et DCN lorsque le fonds américain One Equity Partner (OEP) avait manifesté son intention de revendre le groupe allemand HDW, leader mondial des sous-marins classiques, qu'il avait acquis en 2002. OEP s'est ensuite ravisé, mais il pourrait chercher à terme à se désengager du groupe allemand. Le rachat d'HDW par OEP a eu pour conséquence de sensibiliser le gouvernement allemand à l'intérêt de disposer d'une législation permettant de contrôler les investissements étrangers dans les groupes de défense nationaux.

L'industrie terrestre européenne reste également fortement cloisonnée, alors qu'elle fait l'objet d'une forte offensive des industriels américains, lesquels ont notamment racheté les entreprises espagnoles Santa Barbara et suisse Mowag. Des restructurations nationales ont cependant été mises en œuvre dans plusieurs pays européens, tels que le Royaume-Uni et l'Allemagne. La participation de Giat Industries à ces mouvements pourra être envisagée à l'issue du plan de restructuration en cours à l'horizon 2006. Enfin, le secteur électronique ne connaît pour l'instant que peu d'évolutions, sa configuration s'étant stabilisée autour de trois principaux acteurs, Thales, BAe Systems et EADS.

L'Etat joue un rôle fondamental vis-à-vis de l'industrie de défense et donc de ses évolutions.

En tant que client et régulateur, il oriente ce secteur d'activité afin de lui permettre de prendre part aux consolidations européennes et de préserver les intérêts de la France. L'Etat doit ainsi promouvoir les restructurations industrielles en Europe afin de favoriser l'émergence de groupes industriels. A cet égard, l'accord LoI (letter of intent), a été signé et ratifié par les six pays européens disposant d'une industrie d'armement significative (France, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie et Suède), afin de favoriser les rationalisations européennes des industries de défense et d'améliorer la fluidité du fonctionnement des marchés d'armement. L'accord LoI intervient dans six domaines distincts : harmonisation des besoins opérationnels, recherche et technologie, sécurité d'approvisionnement, procédures d'exportation, sécurité de l'information et traitement de l'information technique.

L'Etat intervient également pour consolider la base industrielle et technologique nationale de défense, en usant des divers moyens législatifs et réglementaires à sa disposition, tels que le recours à des golden shares et la procédure d'autorisation de prise de contrôle capitalistique des sociétés françaises.

Plus largement, une agence européenne de l'armement devrait être créée au cours de l'année 2004 et devrait se voir confier quatre missions principales : la définition des capacités opérationnelles ; la recherche et technologie de défense ; les programmes en coopération ; le développement de la base industrielle et technologique de défense et du marché de défense européens.

Le président Guy Teissier a insisté sur les enjeux de la construction de l'Europe de la défense, laquelle fait l'objet de dispositions importantes dans le projet de Constitution européenne. Toutefois, les vingt-cinq pays de la future Union européenne ont des intérêts parfois différents, liés à leur taille ou à leur tissu industriel. Existe-t-il chez les vingt-cinq pays membres un réel besoin de communautariser la définition et les procédures d'acquisition des équipements militaires ?

M. Yves Gleizes a reconnu que l'augmentation du nombre de membres de l'Union européenne aurait un impact sur le fonctionnement de l'agence européenne de l'armement. Six pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie et Suède) regroupés dans le cadre de la LoI disposent d'une industrie d'armement significative et se montrent en conséquence plus sensibles que d'autres au maintien de la base technologique et industrielle de défense de l'Europe. A l'inverse, d'autres Etats européens préfèrent retenir une approche fondée sur un accès indifférencié au marché européen ou américain sur la seule base des prix proposés. Les matériels américains qui bénéficient de séries plus importantes exercent ainsi souvent un fort pouvoir d'attraction amplifié par une gestion adaptée des tarifs pratiqués qui se conjugue avec des contreparties sous forme de sous-traitance de la part de l'industrie américaine.

C'est pourquoi l'agence européenne d'armement doit promouvoir la coopération entre tous les Etats en matière d'armement, en représentant un espace de réflexion sur les capacités opérationnelles de l'Europe et en fonctionnant selon le principe de la coopération structurée, les Etats qui le souhaitent pouvant s'engager sur un programme donné. Certains pays ne voient dans cette agence qu'un organe chargé de définir les capacités de l'Union, laissant les Etats libres d'acquérir ensuite les matériels en fonction des prix du marché. La France souhaite, de son côté, qu'au sein de l'agence, les Etats européens cherchent à acquérir en commun les équipements permettant de combler les lacunes opérationnelles qui ont été identifiées. Une action des parlementaires pour promouvoir la cohésion européenne dans ce domaine apparaît ainsi essentielle.

Rappelant que la DGA rendrait très prochainement au ministre ses conclusions sur le choix du mode de propulsion du second porte-avions, M. Charles Cova a souhaité que le Parlement soit informé de ces réflexions. Il a également demandé des précisions sur l'état d'avancement de la coopération franco-italienne sur le programme de frégates multimissions ainsi que sur les potentialités d'achat par l'Australie d'hélicoptères NH 90 et d'avions A 330.

M. Yves Gleizes a précisé que le lancement du programme de frégates multimissions devrait se concrétiser prochainement. L'objectif est de fabriquer pour les deux marines des bateaux très proches, chaque pays étant toutefois libre d'ajouter des équipements que l'autre partie ne souhaite pas acquérir. L'avancement des travaux est tel qu'une issue positive apparaît probable, l'objectif étant d'être prêt à notifier le marché dès le printemps 2004.

Les relations qu'entretient l'Australie avec la France, altérées à la suite de la reprise des essais nucléaires en 1995, se sont depuis lors améliorées. Ce pays anglo-saxon a déjà acheté l'hélicoptère de combat Tigre, de préférence à un produit américain. EADS, qui s'efforce de satisfaire du mieux possible son client, essaie désormais de mettre en avant la complémentarité entre les hélicoptères Tigre déjà acquis et les hélicoptères NH 90.

M. Yves Fromion a déploré le faible degré de concertation des armées française et espagnole pour la définition des spécifications de l'hélicoptère Tigre. La version HAD (hélicoptère d'appui-destruction) du Tigre est apparue à la demande de l'Espagne, en sus des deux versions d'origine : HAC (hélicoptère antichar) et HAP (hélicoptère d'appui-protection). L'armée de terre française s'étant désormais ralliée à la version HAD, ne pourrait-elle pas définir ses caractéristiques techniques en étroite collaboration avec l'armée de terre espagnole ? Il a ensuite souhaité connaître le degré de dépendance de l'industrie européenne par rapport à l'industrie américaine en matière de composants électroniques, notamment dans le secteur spatial.

M. Yves Gleizes a expliqué que la concertation entre les armées française et espagnole sur les spécificités techniques de l'hélicoptère Tigre devait s'adapter à la différence de calendrier. Ce n'est en effet que très récemment que l'Espagne a choisi d'acquérir l'hélicoptère européen. Les différences entre les versions qui seront utilisées par la France et l'Espagne ne doivent toutefois pas être surestimées.

En matière de défense, la DGA a pour objectif de rendre la France la moins dépendante possible, tout en conservant un souci de compétitivité économique. La DGA procède ainsi à d'importants investissements pour conserver les capacités de la France dans de nombreux secteurs. En revanche, la France reste dépendante des Etats-Unis dans certains secteurs, comme celui des composants de plateforme de satellite, en raison de l'étroitesse du marché européen.

M. Gérard Charasse a demandé si le secteur de la fabrication des munitions avait encore une place dans la construction d'une Europe de la défense, dominée à la fois par la recherche d'une plus grande compétitivité et la préservation de son indépendance. Il s'est interrogé en particulier sur l'avenir de la production de munitions de petit calibre en France, tout en soulignant l'exemple encourageant du partenariat engagé entre Manuhrin et une entreprise allemande, permettant de proposer des prix inférieurs de 30 à 40 % à ceux pratiqués par Giat Industries.

M. Yves Gleizes a indiqué que les contraintes budgétaires imposaient une approche adaptée. S'agissant plus particulièrement des munitions de petit calibre, la compétitivité des entreprises reste l'élément clef pour emporter les appels d'offre lancés par le service des programmes d'armement terrestre (SPART).

M. Gérard Charasse a précisé que Giat Industries pourrait laisser cette activité à des petites entreprises, qui peuvent pratiquer des prix inférieurs.

Après avoir souligné que les menaces et les équipements militaires nécessaires pour y répondre semblaient évoluer beaucoup plus vite que l'outil industriel français, M. Axel Poniatowski a demandé si les choix opérés en conséquence avaient été suffisamment rapides et si l'ampleur des décisions à prendre n'avait pas été sous-évaluée ; il serait sans doute souhaitable de privilégier les domaines d'excellence français que sont l'espace, l'aéronautique et les télécommunications. Par ailleurs, il a demandé si la stratégie multidomestique développée par certaines entreprises, telles que Thales, ne devait pas s'orienter davantage vers des pays moins développés, dans le cadre des grands contrats à l'export.

Soulignant la diversité des menaces, M. Yves Gleizes a rappelé les difficultés inhérentes à toute forme de prévision. Lors de leur intervention en Iraq, les Etats-Unis ont mis en avant l'importance du recueil et du traitement de l'information, dans le cadre du Network Centric Warfare. La DGA a pleinement pris en compte l'évolution de la menace terroriste, en développant des procédures et des matériels adaptés. Le premier rôle de la DGA consiste en effet à répondre aux besoins opérationnels exprimés par les états-majors. Des effets d'inertie sont indéniables, force étant néanmoins de constater les évolutions majeures intervenues au sein de l'industrie de défense française.

Si nombre de succès ont pu être enregistrés en Europe avec le choix du Tigre par l'Espagne ou le lancement du programme A 400 M, ils n'amenuisent pour autant pas l'interêt des industriels pour le grand export. Ce marché est cependant plus difficile, comme l'atteste l'échec du Rafale en Corée du Sud. L'accent mis sur le transfert de technologie induit dans le même temps une problématique nouvelle pour le contrôle des exportations.

M. Jean Michel a évoqué les ambitions de la future agence européenne de l'armement en matière de recherche et technologie : est-il prévu de mettre en commun les potentiels de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne ? Il a demandé s'il était envisagé de mettre en oeuvre la préférence communautaire pour les acquisitions d'équipements. Enfin, il a souhaité connaître le degré d'implication de la DGA dans la mise en place de la future agence.

M. Yves Gleizes a souligné le rôle moteur de la DGA dans la mise en place de la future agence, à l'instar du rôle crucial qu'elle a déjà assumé dans la création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR), mais aussi dans son fonctionnement, lors, par exemple, de la négociation du contrat A 400 M, géré par l'OCCAR. Elle souhaiterait doter l'agence de l'armement européenne de larges compétences, mais doit composer avec la vision d'autres Etats, qui souhaitent limiter son rôle. La recherche et technologie constitue un véritable enjeu, sujet de débats entre des philosophies différentes dont le Royaume Uni et la France forment les figures de proue : le Royaume-Uni concentre essentiellement ses efforts sur ses pôles d'excellence alors que la France cherche à couvrir un spectre plus large afin de conserver l'autonomie de décision et d'action correspondant aux ambitions de notre pays. Par ailleurs, la mise en œuvre d'une préférence communautaire pour les acquisitions d'armement répondrait au souhait de la DGA, mais pourrait se heurter aux réticences de certains Etats.

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