COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 31

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 juillet 2004
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Philippe Camus, président exécutif d'EADS

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- Examen, pour avis, du projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de modernisation de la sécurité civile -n° 1680 (M. Eric Diard, rapporteur pour avis)


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Audition de M. Philippe Camus, président exécutif d'EADS.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Philippe Camus, président exécutif d'EADS.

M. Philippe Camus a souligné que le groupe EADS se trouvait, quatre ans presque jour pour jour après sa création, le 10 juillet 2000, à une période charnière de son histoire. Après les interrogations qui ont accompagné la fusion d'Aérospatiale-Matra avec DASA et CASA, le succès d'EADS apparaît aujourd'hui avéré. L'opération a pu paraître compliquée, mais c'est justement la complexité de certaines solutions retenues qui a garanti la réussite du projet, car il fallait intégrer des intérêts nationaux parfois différents.

Aujourd'hui, EADS constitue le deuxième groupe aéronautique mondial par le chiffre d'affaires et ses activités connaissent une forte croissance. Son carnet de commandes, de l'ordre de 180 milliards d'euros à la fin de l'année 2003, le place au premier rang mondial. Après avoir assuré le développement de sa filiale Airbus dans le domaine aéronautique civil, le groupe a cherché à acquérir un bon positionnement dans le secteur de la défense : en 2000, son carnet de commandes militaires s'élevait à 14 milliards d'euros et son chiffre d'affaires à 5 milliards d'euros ; en 2003, ils s'établissaient respectivement à 46 milliards d'euros et 7 milliards d'euros. En 2004, le carnet de commandes militaires devrait approcher 50 milliards d'euros, tandis que le chiffre d'affaires pourrait atteindre 10 milliards d'euros dans les prochaines années. Cette évolution positive n'a pas seulement été quantitative, mais également qualitative, puisqu'EADS s'est attaché à s'ouvrir à de nouveaux métiers et de nouveaux marchés, notamment dans le domaine des avions militaires dérivés des avions commerciaux, pour le ravitaillement et le transport de troupes.

Le groupe a engrangé des succès dans l'aéronautique civile, avec notamment la réussite commerciale de l'A 380, le développement des hélicoptères, l'octroi à EADS de la maîtrise d'œuvre d'Ariane V une fois celle-ci qualifiée et la commande de trente lanceurs intervenue il y a un peu plus d'un mois. En même temps, EADS a, dans les activités de défense, contribué au lancement de grands programmes européens tels que l'A 400 M ou le missile Meteor et simplifié les succès des hélicoptères Tigre et NH 90. Dans le domaine de l'espace militaire, il est devenu le fournisseur du système de télécommunications militaires du Royaume-Uni par l'intermédiaire de modes de financement innovants ; ce schéma pourrait d'ailleurs être utilement transposé dans d'autres pays européens, avec des économies budgétaires à la clé.

Désormais, la direction d'EADS a pour ambition de conforter ce succès. Pour ce faire, elle s'est assigné quatre priorités.

En premier lieu, il apparaît nécessaire de consolider le modèle qui a permis à EADS d'acquérir son statut actuel, en renforçant la position d'Airbus sur le marché aéronautique civil et en développant les activités de défense, afin d'équilibrer les cycles économiques de l'entreprise.

En deuxième lieu, il est indispensable d'assurer la croissance du groupe. Actuellement, EADS réalise un chiffre d'affaires cumulé de 30 milliards d'euros, derrière Boeing, dont le chiffre d'affaires global avoisine 42 milliards d'euros. Pour atteindre ses objectifs, EADS doit renforcer sa présence sur deux zones, l'Asie et les Etats-Unis. L'Asie sera la principale zone de croissance du marché aéronautique civil pour les quinze années à venir. La stratégie d'EADS s'appuie sur une localisation de certaines activités sur place, notamment dans le domaine des achats et de la sous-traitance . Il est essentiel de préciser qu'il ne s'agit pas de délocaliser des capacités industrielles, mais d'accompagner le développement commercial de l'entreprise selon une logique « gagnant-gagnant » pour l'Europe et l'Asie. Pour ce qui concerne la défense, EADS ne peut se désintéresser du marché américain, qui demeurera pendant longtemps encore le premier marché mondial. Si les industriels européens ont du mal à percer aux Etats-Unis, la réciproque n'est pas vérifiée. Il faut rompre avec cette logique en mettant en avant les compétences et les produits d'EADS ainsi que sa capacité à contribuer au développement de l'économie locale, afin de conquérir une position compétitive. Les faits confortent ce raisonnement puisque, après avoir inauguré une usine d'assemblage d'hélicoptères dans le Mississipi en 2003, EADS a récemment enregistré des commandes destinées à des applications de sécurité civile, notamment auprès des coast guards. Ce modèle pourrait être élargi à d'autres activités de défense.

En troisième lieu, il apparaît essentiel de préparer l'avenir et de pérenniser les compétences technologiques du groupe. Pour cette raison, EADS investit chaque année 16 % de son chiffre d'affaires, soit environ 5 milliards d'euros, dans des activités de recherche et développement (R & D) ; la moitié est financée par des contrats d'études, majoritairement sur financements publics, et le reste par autofinancement. Il s'agit là d'un effort d'investissement deux fois plus important que celui consenti par les concurrents américains d'EADS. Cette caractéristique est importante, car elle constitue la clé de son positionnement mondial et est indispensable pour préserver les parts de marché acquises. Cependant, cette orientation ne peut être efficace que si elle bénéficie d'un accompagnement public favorable. Or, aux Etats-Unis, le budget d'équipement militaire est quasiment trois fois plus important que celui de l'ensemble des pays européens et ce coefficient atteint même 4 à 5 pour les budgets de R & D. Parallèlement, les Etats-Unis accordent un soutien politique fort à leurs industriels et mènent une politique commerciale vigoureuse, ce qui n'est pas le cas de l'Union européenne, dont le poids politique s'avère bien moindre que le poids économique. Au surplus, l'évolution des taux de change entre l'euro et le dollar s'est traduite par un renchérissement de 30 % des coûts d'EADS en deux ans, qu'il est difficile de compenser.

Le marché de la défense se transforme profondément, en raison de l'évolution des spécifications formulées par les armées et de l'expérience tirée des conflits récents. La quatrième priorité est donc d'adapter l'offre en développant des systèmes de plus en plus intégrés, interopérables et reposant sur des réseaux d'information complexes.

EADS dispose d'un fort potentiel et sa création constitue une réussite. Toutefois, il doit relever de nouveaux défis.

En ce qui concerne la France, les orientations engagées par la loi de programmation militaire étaient nécessaires au regard des évolutions du contexte international. L'exécution globalement respectée de cette loi est satisfaisante, même si certains points peuvent être approfondis, notamment au sujet des financements innovants, lesquels permettent d'alléger la charge budgétaire, et de l'accroissement de l'effort de recherche et développement, tout particulièrement s'agissant de l'espace militaire, encore trop faiblement doté. La France a ainsi pu prendre des initiatives en matière de grands programmes et occuper une position forte au niveau européen.

Le président Guy Teissier a demandé s'il était envisageable qu'Astrium se joigne au nouveau pôle constitué par le rapprochement entre Alcatel Space et les activités spatiales de Finmeccanica, afin de pouvoir faire face à la concurrence des grands groupes américains.

M. Philippe Camus a souligné que ce rapprochement n'avait pas été une surprise pour EADS, qui avait été également en négociation avec Finmeccanica. C'est tout à fait volontairement qu'EADS ne s'est pas joint à cette opération. Lors de la création d'EADS, la situation de l'industrie spatiale européenne était difficile, en raison de la faiblesse des budgets, des surcapacités dans le domaine des satellites civils et de la forte concurrence de nouveaux acteurs sur le marché des lanceurs. Il a donc été nécessaire d'effectuer tout d'abord un profond travail de réorganisation industrielle du secteur spatial à l'intérieur du groupe afin de créer un « EADS spatial », en supprimant les doublons existants et en spécialisant les sites de production. Dans le domaine des lanceurs, il a fallu clarifier le partage des responsabilités et des tâches, devenu extrêmement complexe du fait de l'application de la clause du juste retour sur investissement. La conduite de cette rationalisation constituait un objectif prioritaire. La constitution à l'avenir d'une société unique pour les satellites en Europe ne conduirait pas à l'émergence d'un monopole, les marchés étant largement ouverts à la concurrence - comme en témoigne, en Allemagne, la proposition associant des plates-formes russes et des charges utiles américaines d'occasion pour répondre au marché de satellites militaires -, et la fusion des acteurs européens aura plutôt tendance à renforcer la position des compétiteurs non européens. Les encouragements de certains à un tel processus sont davantage motivés par la nécessité de faire face à la pénurie budgétaire en matière spatiale. Or, il convient de ne pas perdre de vue les conséquences industrielles d'un tel rapprochement, risquant de désorganiser profondément les entreprises concernées, ainsi que ses conséquences sociales, qui résulteraient de la fermeture inévitable de sites. Si un rapprochement avec Alcatel Space et Alenia n'est donc pas une priorité pour EADS, cela n'empêche toutefois pas l'organisation de coopérations au cas par cas, auxquelles EADS est tout à fait disposé, à l'image du programme Pléiades du centre national d'études spatiales (CNES), pour lequel EADS et Alcatel Space se sont associés.

Le président Guy Teissier a demandé si le rapprochement historique entre Dassault aviation et EADS dans les programmes de démonstrateur de drones EuroMALE et d'UCAV (unmanned combat aerial vehicle) préfigure une réorganisation du secteur aéronautique militaire européen.

M. Philippe Camus a estimé que ce partenariat représente un pas dans la bonne direction. En juin 2003, la France a décidé de lancer un programme de démonstrateur UCAV afin de jouer un rôle d'entraînement en Europe. Dassault aviation a souhaité la participation d'EADS en raison des compétences de ce dernier, notamment dans les matériaux composites. EADS intervient quant à lui dans les drones de reconnaissance et fournit à l'armée française un système intérimaire, fondé sur des technologies israéliennes. Après accord du ministère de la défense et au terme de négociations entre industriels, il a été décidé qu'EADS participerait au programme UCAV sous maîtrise d'œuvre de Dassault Aviation et qu'inversement, ce dernier participerait au programme EuroMALE sous maîtrise d'œuvre d'EADS.

Ces programmes sont destinés à associer d'autres industriels français, en particulier Thales et Sagem, mais aussi européens : la Suède, les Pays-Bas et l'Espagne se sont montrés intéressés. L'Allemagne a aujourd'hui d'autres priorités et n'a pas manifesté sa volonté de prendre part à ce programme, mais sa position pourrait évoluer. Ce projet constitue une étape très importante dans la convergence entre industriels européens : même s'il ne sera sans doute pas lancé de programme d'avion de combat sans pilote en Europe avant quinze ans, les industriels de ce secteur se sont désormais mis d'accord pour travailler ensemble et constituer des équipes pour fabriquer un démonstrateur.

M. Bernard Deflesselles a demandé quelles sont les attentes d'EADS envers l'agence européenne de défense qui vient d'être créée. Il a ensuite souhaité connaître le sentiment de M. Philippe Camus sur les acquisitions de sociétés européennes travaillant dans le secteur de la défense réalisées par certains fonds de pension américains. Enfin, il a souligné que les Etats-Unis respectent rarement leurs engagements contractés dans le cadre de leurs exportations de matériels, en matière de compensations industrielles et de transferts de technologies : cette attitude américaine ne constituera t-elle pas à terme un avantage concurrentiel pour l'Europe ?

M. Philippe Camus a répondu que l'industrie européenne de la défense souhaite effectivement une intégration européenne en matière d'acquisition d'équipements et d'activités de recherche. Ce souhait, a priori paradoxal de la part d'une industrie, de n'avoir qu'un seul client est justifié par la volonté de disposer de conditions comparables à celles dont bénéficie l'industrie de défense américaine. L'unique client de celle-ci lui permet en effet de bénéficier d'effets de série très importants et donc d'exporter ses produits dans des conditions très compétitives.

La création d'une agence européenne de l'armement est un événement très positif. Les industriels ont néanmoins exprimé une certaine déception, dans la mesure où il n'est pas aujourd'hui acquis que cette agence ait véritablement les moyens d'accomplir toutes les missions qui lui ont été confiées, c'est-à-dire engager des programmes d'équipement communs et développer des activités de recherche. L'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) n'est pas rattachée à l'agence ; à ce jour, celle-ci ne dispose pas des moyens nécessaires pour lancer des programmes à l'image de l'A 400 M ou de l'hélicoptère NH 90.

Le caractère peu coordonné des réactions en Europe face aux prises de contrôle de sociétés de défense européennes par des groupes américains est préoccupant. Les Etats-Unis bénéfient de dispositions législatives, telles que l'Exon Florio amendment, qui permettent aux pouvoirs publics d'interdire l'achat d'entreprises américaines par des non résidents. Si certains Etats de l'Union européenne ont adopté des réglementations dans ce domaine, celles-ci ne sont pas harmonisées. Il est donc indispensable qu'une approche commune soit instaurée. Au sein de l'Europe, une entreprise de défense qui établit un partenariat avec une autre court en effet le risque de la voir rachetée par un concurrent américain et d'en subir les conséquences. Toutefois, les questions relatives au contrôle des entreprises travaillant dans les secteurs stratégiques ne font nullement l'objet d'un consensus parmi les pays européens.

EADS a eu vent de certaines déceptions en Pologne après la commande d'avions F 16 ou de réactions d'agacement au Royaume-Uni à propos du partage des tâches au sein du programme F 35. Pour sa part, EADS s'attache à tenir les promesses qu'il fait et estime que cette attitude participe à son crédit.

M. Jean Michel a demandé si la nécessaire harmonisation des législations européennes en matière de prises de contrôle des entreprises sensibles ne pourrait pas être confiée à l'agence européenne de défense. Il a évoqué aussi la possibilité pour celle-ci de constituer un fonds d'investissement qui permettrait, à l'image des Etats-Unis, de garder sous contrôle européen des entreprises de ce type. Jugeant souhaitable que l'industrie européenne s'implante sur le marché militaire américain, il a demandé quels obstacles se dresseraient face à une telle démarche, laquelle pourrait prendre la forme d'accords avec des entreprises américaines, voire d'acquisition de certaines d'entre elles.

M. Philippe Camus a répondu n'avoir aucune objection sur le principe de la dévolution à l'agence européenne de défense d'un pouvoir d'harmonisation de la législation sur les prises de contrôle des entreprises. En revanche, il convient de rester prudent à l'égard de cette solution, l'agence risquant de ne pas avoir les moyens d'assumer une telle tâche, qui recouvre des enjeux politiques considérables et supposerait de disposer d'une excellente connaissance des technologies et des enjeux. Il faudrait enfin pouvoir concevoir des solutions de remplacement.

Pénétrer le marché militaire américain apparaît indispensable. La seule méthode efficace est sans doute de s'appuyer sur la qualité de ses produits et de ses compétences, tout en réalisant des implantations sur le territoire américain. Airbus a ainsi montré sa capacité à l'emporter sur Boeing dans des marchés d'avions militaires. Des avions ravitailleurs dérivés de l'A 310 ont été commandés par l'Allemagne et le Canada, tandis que des appareils dérivés de l'A 330 ont été choisis par l'Australie et devraient l'être par le Royaume-Uni. Ce dernier contrat, représentant un montant total d'environ 20 milliards d'euros sur vingt-sept années, est en cours de négociation après que les Britanniques ont écarté Boeing de la compétition ; il recouvre la fourniture de prestations de ravitaillement dans le cadre d'un partenariat public-privé et son montage s'avère complexe. Si les négociations actuelles sont ponctuées de quelques péripéties, il convient d'être confiant sur la conclusion de ce contrat par EADS.

Ce type de démarche apparaît beaucoup plus pertinent que celle consistant à racheter des entreprises américaines. La barrière technologique établie par les Etats-Unis lors de telles opérations est telle que, pour autant qu'elles soient effectivement de premier plan, les technologies ainsi acquises ne seraient pas intégrables dans des équipements fabriqués en Europe et les technologies mises au point en Europe ne seraient pas employables pour valoriser les équipements produits par l'entreprise acquise aux Etats-Unis.

M. Jean-Louis Bernard a souligné que la loi de programmation militaire ne donnait sans doute pas des moyens suffisants aux programmes spatiaux ; alors qu'il existe des chefs d'état-major pour l'armée de terre, l'armée de l'air et la marine, ne serait-il pas souhaitable que, de même, soit désigné un haut responsable dans le domaine spatial ? S'agissant des regroupements réalisés dans ce secteur, se pose la question de l'avenir de l'industrie des lanceurs, alors que les coûts de lancement proposés par la Russie et les Etats-Unis sont particulièrement concurrentiels. Si le produit Ariane IV est intervenu dans un marché porteur, Ariane V se trouve dans une situation moins favorable. Le succès de l'essai prochain, en octobre, du lanceur Ariane V de dix tonnes revêt une importance considérable : conditionne-t-il l'avenir d'Arianespace ? Enfin, peut-on envisager une forme de privatisation du domaine spatial, des industriels, tels que EADS, proposant des prestations de fourniture de données ?

M. Philippe Camus a répondu qu'il serait effectivement souhaitable de définir pour le secteur spatial un responsable spécifique, à l'image de l'organisation retenue aux Etats-Unis. La ministre de la défense a affiché sa volonté de consentir des efforts importants en matière spatiale et a confié à l'ambassadeur François Bujon de l'Estang une mission sur le développement de l'espace militaire, ce qui permettra de disposer des éléments nécessaires pour engager une réflexion sur ce thème. La réussite du lancement en octobre prochain d'Ariane V de dix tonnes apparaît particulièrement importante, d'autant plus que les hypothèses d'EADS en matière de coûts et de nombre annuel de lancements sont fondées sur l'utilisation d'un lanceur de dix tonnes. Des études détaillées sont menées de façon permanente sur les difficultés techniques qui peuvent survenir. La responsabilité de cette tâche, à laquelle le centre national d'études spatiales (CNES) participe largement, est, actuellement, assumée par l'agence spatiale européenne. La maîtrise d'oeuvre de ce programme ne sera transférée à EADS qu'après la validation d'Ariane V, mais le groupe contribue largement aux travaux en cours.

La voie de la privatisation de l'espace mérite d'être explorée. Après le succès obtenu au Royaume-Uni dans le domaine des télécommunications militaires, EADS a été retenu, en s'associant avec Alcatel Space, par l'OTAN pour louer des capacités de satellites de télécommunications en orbite. Cette formule apparaît intéressante et pourrait être mise en oeuvre par d'autres pays européens, lesquels manifestent des besoins communs en matière de télécommunications. De surcroît, elle permettrait de réaliser des économies budgétaires non négligeables. Au-delà du secteur spatial, elle pourrait d'ailleurs être utilisée dans le domaine des avions ravitailleurs, par la fourniture par l'industriel de prestations définies. Son application requiert toutefois la publication des ordonnances relatives aux partenariats public-privé.

M. Jean-Yves Hugon a souhaité savoir si, dans le cadre de la construction de l'Europe de la défense, l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux Etats aurait des incidences sur l'activité d'EADS.

M. Philippe Camus a indiqué que tel ne serait pas nécessairement le cas à court terme, compte tenu du poids relativement faible à ce jour des activités de défense dans ces nouveaux Etats membres. Toutefois, le développement d'EADS dans ces derniers se fera sans doute progressivement, dans le cadre de coopérations industrielles où chacun des acteurs retirera un avantage. Si, dans certains secteurs économiques, les groupes manifestent un grand intérêt pour ces nouveaux pays en raison de leurs coûts de main-d'œuvre peu élevés, les priorités de l'industrie de défense s'avèrent quelque peu différentes. Pour autant, EADS est déjà implanté en Pologne et, plus généralement, fournit des hélicoptères à certains des nouveaux Etats membres. De plus, la surveillance de la frontière orientale de l'Europe revient désormais à ces Etats, ce qui se traduira pour ces derniers par des besoins importants en matière d'hélicoptères, de systèmes d'information, de drones et de capacités spatiales.

Les activités d'EADS dans le secteur naval s'avèrent importantes et représentent un chiffre d'affaires annuel d'environ un milliard d'euros. Le groupe réalise notamment des missiles destinés aux bâtiments de surface et aux sous-marins et des systèmes de commandement. Le programme de missile M 51 se déroule d'ailleurs dans des conditions satisfaisantes ; il serait souhaitable d'assurer le maintien des compétences du groupe dans ce domaine en envisageant le lancement d'un nouveau programme. En tout état de cause, EADS souhaite prendre une part active aux regroupements qui s'annoncent dans l'industrie navale européenne, compte tenu de ses compétences importantes dans ce domaine.

Modernisation sécurité civile (avis).

La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Eric Diard, le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, de modernisation de la sécurité civile (n° 1680).

M. Eric Diard, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, déposé sur le bureau du Sénat le 25 février 2004, ne comportait pas, à l'origine, de mesure spécifique pour les personnels à statut militaire. C'est au cours de l'examen en séance publique, du 15 au 17 juin, que le Sénat a introduit, par voie d'amendements, des dispositions relatives aux personnels à statut militaire, principalement les marins-pompiers de Marseille, ce qui explique qu'à l'Assemblée nationale, la commission de la défense nationale ait décidé de se saisir pour avis de ce projet de loi.

Le rapporteur pour avis a souligné que le bataillon des marins-pompiers de Marseille, créé à la suite du dramatique incendie des Nouvelles Galeries, le 28 octobre 1938, s'était vu, depuis lors, confier des missions dépassant le cadre strict de la commune : protection contre les incendies de l'aéroport international Marseille-Marignane ; sécurité des installations portuaires de Fos-sur-mer, Lavera et Port-de-Bouc. Le bataillon des marins-pompiers de Marseille a vu, depuis sa création, son activité augmenter ; l'année 2003 a marqué une hausse significative de l'activité opérationnelle avec plus de 118 000 sorties, cet accroissement étant principalement dû aux incendies.

Le bataillon est placé sous une double chaîne de commandement, à la fois militaire et civile : formation militaire, il constitue une unité de la région maritime Méditerranée, mais il agit aussi dans le cadre des pouvoirs de police du maire et c'est la ville de Marseille qui assure son financement. Le ministre de l'intérieur est également susceptible de faire appel aux marins-pompiers de Marseille ; à ce titre, cette unité est intégrée dans le dispositif national de défense et de sécurité civile.

Le Sénat, qui a souhaité tenir compte de la spécificité de l'organisation des secours dans le département des Bouches-du-Rhône, a adopté deux amendements prévoyant que, dans ce département, le règlement opérationnel, arrêté par le préfet, ainsi que le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques comporteraient trois volets : un volet propre au périmètre d'intervention du bataillon de marins-pompiers de Marseille, un volet propre au reste du département et un volet commun au bataillon des marins-pompiers et au service départemental d'incendie et de secours. A l'initiative de sa commission des lois, le Sénat a prévu d'associer aux travaux de la conférence nationale des services départementaux d'incendie et de secours, pour les questions qui les concernent, le maire de Marseille et le commandant du bataillon des marins-pompiers de Marseille. Il a également adopté deux amendements dont l'objet est de préciser les dispositions du code général des collectivités territoriales qui fixent les missions du bataillon. Le Sénat a décidé de rendre la commune de Marseille éligible aux subventions du fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours, créé par la loi de finances pour 2003. Il a également adopté deux amendements d'origine parlementaire clarifiant le financement du bataillon des marins-pompiers de Marseille.

L'un des apports essentiels du projet de loi, dans la rédaction issue des travaux du Sénat, concerne la protection sociale des sapeurs-pompiers et des marins-pompiers. Les sapeurs-pompiers volontaires ayant servi de nombreuses années bénéficieront d'un avantage de retraite nouveau, qui ne sera assujetti à aucun impôt ni prélèvement fiscal et se substituera à l'actuelle allocation de vétérance. Par ailleurs, le Sénat a également réparé une injustice ancienne à l'égard des marins-pompiers de Marseille en adoptant un amendement, présenté par le Gouvernement, qui modifie le code des pensions civiles et militaires de retraite et aligne le régime des marins-pompiers sur celui des sapeurs-pompiers parisiens. Le vote de cette disposition, qui répond à une demande récurrente, permettra aux marins-pompiers de Marseille de bénéficier, comme leurs homologues parisiens, d'un supplément de retraite équivalant à 0,5 % de la solde de base par année effectuée, sous réserve de conditions d'ancienneté. En réponse à une question au Gouvernement posée le 22 juin dernier par le président Guy Teissier, la ministre de la défense a indiqué que les bénéficiaires de cette mesure seraient les personnels en activité à la date de parution du décret d'application, qui devrait être promulgué, a-t-elle assuré, dès que la loi sera votée.

Après l'exposé du rapporteur pour avis, M. Jean-Claude Viollet a regretté que la saisine de la commission de la défense n'ait pas un objet plus large : il aurait été intéressant d'analyser le projet de loi par rapport au concept de défense globale, en se référant à l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense. Il s'est déclaré réservé sur le volet civil, regrettant notamment que le Sénat ait supprimé la composante départementale de la réserve de sécurité civile, qui apparaît plus que jamais indispensable. Ayant relevé les améliorations apportées au statut des pompiers militaires, il a estimé que la situation respective des pompiers à statut civil et à statut militaire doit être traitée selon les mêmes principes que celle des gendarmes par rapport aux policiers : il ne saurait y avoir d'inégalité, mais les personnels militaires, qui subissent des contraintes spécifiques, doivent bénéficier de contreparties. Enfin, M. Jean-Claude Viollet a regretté que la commission des lois de l'Assemblée nationale, saisie au fond du projet de loi, ait modifié la composition de la conférence nationale des services d'incendie et de secours pour en écarter les parlementaires.

Tout en reconnaissant la pertinence de certaines de ces analyses, le président Guy Teissier a rappelé que la commission de la défense n'est réglementairement saisie que pour les aspects du projet de loi qui relèvent de sa compétence et que les questions évoquées peuvent donner lieu au dépôt d'amendements en séance.

M. Dominique Caillaud a indiqué que le projet de loi représente un progrès par rapport au concept de défense globale. Insistant sur la nécessité d'une implantation locale de volontaires, il a rappelé que la suspension du service national rendait nécessaire l'existence de forces de sécurité civile d'appoint dans le cas où surviendrait une catastrophe de grande ampleur. En renforçant le lien entre l'armée et la sécurité civile, le projet va dans le bon sens. Puis, il a regretté l'amendement de la commission des lois sur la composition de la conférence nationale des services d'incendie et de secours.

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

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