COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 27 juin 2002
(Séance de 10 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Alain Lambert, ministre délégué au Budget, sur l'audit des finances publiques

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan, a procédé à l'audition de M. Alain Lambert, ministre délégué au Budget, sur l'audit des finances publiques.

Après avoir remercié M. Alain Lambert d'être venu très rapidement présenter l'audit sur les finances publiques, avant même sa diffusion publique, le Président Pierre Méhaignerie a précisé que MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse, les deux magistrats choisis pour effectuer cet audit pourraient, si les députés le demandent, être éventuellement auditionnés ultérieurement.

M. Augustin Bonrepaux ainsi que M. Henri Emmanuelli se sont étonnés de ce qu'aucun document n'ait été distribué, préalablement aux députés. M. Henri Emmanuelli a estimé qu'il est exceptionnel d'entendre un ministre sans document, sauf à croire qu'il s'agit d'une situation urgente ou grave, ou d'une gesticulation. Précisant qu'il ne disposait lui non plus d'aucun dossier, le Président Pierre Méhaignerie a estimé, au contraire, qu'une audition immédiate du ministre était nettement préférable et permettait d'éviter que les députés aient le regret de prendre connaissance des résultats de l'audit par la presse.

M. Alain Lambert, ministre délégué au Budget, a indiqué que l'audit demandé par le Premier ministre avait pour objet de procéder à une analyse des écarts entre les évaluations arrêtées lors de l'élaboration de la loi de finances initiale pour 2002 et les estimations aujourd'hui disponibles. L'objectif de cet audit consiste à dresser un constat indiscutable de la situation des finances publiques, afin de mieux juger l'action future du Gouvernement. Cependant, cet audit ne prend pas en compte les décisions annoncées par le Gouvernement, et en particulier la baisse de l'impôt sur le revenu.

Après avoir rendu hommage à l'expérience et à l'impartialité de MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse, le Ministre a précisé que l'analyse des engagements du précédent gouvernement se fonde sur trois documents : la loi de finances initiale pour 2002, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 et le programme de stabilité 2002-2005. Le déficit initial, fixé à 1,4 % du PIB en septembre 2001, a été porté à 1,85 % en mars. La fourchette du déficit retenue par l'audit, à raison de l'incertitude sur le produit de l'impôt sur les sociétés, se situe entre 2,3 et 2,6% du PIB. Par prudence, le haut de la fourchette (2,6%) sera retenu comme chiffre de référence. L'écart est donc de 1,2 point de PIB avec le chiffre annoncé en loi de finances et de 0,8 point de PIB avec celui communiqué en mars, soit un écart de plus de 15 milliards d'euros avec les prévisions de l'automne dernier, ce qui correspond par exemple à plus du quart du produit de l'impôt sur le revenu.

La dégradation la plus forte est indéniablement celle qui concerne l'État. Le besoin de financement de l'État pourrait atteindre 3,2% du PIB, soit 0,8% de plus que la prévision de la loi de finances initiale. La dégradation pourrait alors s'élever à 14,2 milliards d'euros, ce qui donnerait un déficit supérieur de près de 50% aux prévisions établies par le précédent gouvernement. Exprimé en euros courants, le déficit de l'État avoisinerait 45 milliards d'euros, soit davantage que le niveau auquel le précédent gouvernement l'avait trouvé en 1997, où ce chiffre était de 40 milliards d'euros.

Quatre facteurs peuvent être avancés pour justifier ces écarts considérables, dont un seul joue dans le sens de l'amélioration : 

- une moins value de 5,4 milliards d'euros subie par les recettes fiscales nettes par rapport à la loi de finances initiale, ce qui apparaît cohérent avec les hypothèses actuelles de croissance économique que le gouvernement précédent avait refusé d'ajuster ;

- la fixation des recettes non fiscales en loi de finances initiale à un niveau irréaliste de 35,2 milliards d'euros. La perte anticipée s'élève donc à - 0,9 milliard d'euros sur le dividende EDF et à près de 1 milliard d'euros sur les dividendes d'autres entreprises publiques ;

- un dérapage considérable enregistré sur les dépenses, de l'ordre de 7,4 milliards d'euros, dont 5 milliards au titre du budget général. Plusieurs causes permettent d'expliquer cette dérive : certains engagements antérieurs à la loi de finances initiale pour 2002 n'ont pas été payés, notamment des remboursements aux organismes sociaux pour des dépenses dont ils ont fait l'avance (RMI, allocation adulte handicapé, Aide médicale, couverture maladie universelle, etc.) et les arriérés de loyers de la gendarmerie nationale ; plusieurs dépenses ont en outre été sous-évaluées en loi de finances initiale, 1 milliard d'euros manquant notamment dans le domaine social, empêchant l'État d'honorer ses engagements de l'année en cours ;

- le prélèvement au profit de la Communauté européenne, en revanche, devrait être inférieur aux prévisions de 1,9 milliard d'euros, du fait d'une restitution d'excédents de gestion.

De ce fait, les doutes émis par la précédente opposition sur la sincérité du budget étaient malheureusement fondés, dans la mesure où les recettes fiscales ont été surévaluées et les recettes non fiscales ainsi que les dépenses ont évolué très défavorablement. Au demeurant, le dérapage des dépenses sociales de l'État s'élève à près de 2,5 milliards d'euros.

Les comptes sociaux, appréciés hors fonds de réserve pour les retraites, passent d'un excédent prévu de 0,1 % du PIB à un déficit proche de 0,1 % du PIB. Trois facteurs expliquent cette dérive :

- l'objectif de progression des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) était de 3,8 % alors que cette progression pourrait en réalité atteindre 6 %, soit un écart de 2,9 milliards d'euros par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale ;

- la croissance de la masse salariale en 2002 sera probablement nettement moins forte que prévue, ce qui se traduira par une diminution des recettes sociales et une hausse des prestations chômage, d'où une dégradation globale par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale évaluée à 2,9 milliards d'euros par l'audit ;

- enfin, dès le mois de janvier 2002, le rapport de M. François Monier a mis en évidence un surcroît des recettes sociales en 2001, par rapport aux prévisions utilisées pour la loi de financement de la sécurité sociale 2000 : les recettes sociales 2002 bénéficieront donc d'un effet positif de 3,7 milliards d'euros.

MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse ont insisté sur l'extrême complexité des relations entre l'État et la sécurité sociale, ce qui nuit au contrôle démocratique des comptes. Le Gouvernement souhaite donc simplifier et clarifier ces comptes.

Les secteurs des collectivités locales et des « organismes divers d'administration centrale » apporteront un excédent de 0,7 % du PIB, contre 0,9 % dans la prévision associée à la loi de finances initiale pour 2002.

Au total, l'État a donc besoin d'un financement de 3,2 % du PIB ; les administrations sociales connaissent un léger déséquilibre de 0,1 % du PIB, tandis que les autres composantes dégagent une capacité de financement positive de 0,7 % du PIB. Deux tiers de la dégradation du déficit 2002 sont liés à la dérive des dépenses, alors qu'un tiers seulement est dû à de moindres recettes, qui auraient pu être prévues dès l'automne.

Ainsi, après cinq années de forte croissance, le déficit des administrations publiques est resté quasiment stable : il était de 38 milliards d'euros en 1997 ; il sera de 35,4 milliards d'euros en 2002. En outre, les dépenses d'investissements sont passées de 12 % du total des dépenses en 1997 à 10 % en 2002, tandis que le stock de la dette publique s'est accru de 160 milliards d'euros, soit 2.710 euros par Français. Cette situation dégradée aurait pu être évitée. A titre d'exemple, l'écart par rapport aux objectifs d'évolution des dépenses maladie a conduit à une dégradation de 0,75 % du PIB au cours de la précédente législature et le coût des aides liées aux 35 heures s'élève à 0,5 % du PIB. Sans ces deux éléments, le déficit public serait donc de l'ordre de 1 % du PIB, beaucoup plus proche de l'équilibre que du seuil de 3 %.

Face à cette situation, il convient de donner un nouveau souffle à l'économie en passant un nouveau contrat avec les Français. Ces derniers doivent toujours avoir à l'esprit que les comptes publics sont leurs comptes et qu'une gestion rigoureuse est indispensable pour leur rendre une liberté de choix. Il est urgent de mettre un terme au processus de rigidification des comptes publics et d'augmentation inutile des dépenses publiques.

Il faut retrouver des marges de man_uvre pour financer les dépenses nécessaires aux Français et alléger les impôts. Les dépenses de fonction publique ont connu une continuelle ascension, liée à la création de 70.000 emplois publics depuis dix ans, dont la moitié sur la seule période 1999-2001. Le service apporté à nos concitoyens n'en a pas pour autant été substantiellement amélioré.

La charge de la dette n'a cessé de croître sous l'effet des déficits accumulés. Le total des dépenses lié à la dette et à la fonction publique atteint 58 % du budget de l'État, contre 51 % en 1990. Les dépenses hors dettes et hors fonction publique sont donc passées de 49 % à 42 % du budget de l'État depuis 1990. Près de 20 milliards d'euros auraient pu être rendus aux Français  sous forme d'investissement, de sécurité ou de défense, ou sous forme d'allégement d'impôts. Si la progression des dépenses de l'État continue, la liberté d'action de tout gouvernement disparaîtra purement et simplement à la prochaine génération. Pour engager le redémarrage de l'économie, le Gouvernement va honorer son engagement de baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu.

A plus long terme, la gestion des finances publiques doit être renouvelée. Il ne faut pas oublier que la dépense publique est un prélèvement sur le produit du travail des Français d'aujourd'hui et que le financement d'un déficit par l'emprunt pèse sur les générations futures. La priorité est donc de garantir la bonne utilisation de la dépense publique, qui passe par trois objectifs : transparence, performance, et préparation de l'avenir.

Les finances publiques doivent rester sous le contrôle permanent des citoyens et la loi organique du 1er août 2001, qui a fait l'objet d'un large consensus, constitue un outil précieux pour y parvenir. Le Gouvernement travaillera en étroite collaboration avec les commissions des finances pour simplifier le système financier public et rendre son fonctionnement plus transparent. L'accent doit être mis sur le fait qu'un bon budget n'est pas toujours un budget qui augmente, mais qu'un bon budget, c'est un budget qui permet de faire aussi bien avec moins, ou de faire mieux avec la même somme. La loi organique permettra de redéployer les crédits et de mieux apprécier les résultats atteints. Préparer l'avenir implique de tenir compte de la transition démographique qui s'annonce dans les prochaines décennies. Le Conseil d'orientation des retraites a estimé que l'accroissement des dépenses de retraite et des dépenses liées à la dépendance devrait à terme représenter 6 % du PIB. Les moyens de financer ces dépenses doivent être dégagés sans pour autant augmenter les impôts.

Pour donner un premier signe fort de sa volonté de renforcer la transparence et de préparer l'avenir, le Gouvernement va présenter un collectif budgétaire, soumis au Conseil des ministres le 10 juillet. Il traduira les résultats de l'audit, en recettes et en dépenses, afin de solder la gestion du Gouvernement précédent. Des crédits importants devront être ouverts pour rembourser les dettes de l'État qui n'ont pas été honorées et pour financer les dépenses obligatoires de l'année, les ouvertures dans le domaine social représenteront 2,5 milliards d'euros. La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu coûtera aussi 2,5 milliards d'euros.

Au-delà du collectif budgétaire, le Gouvernement poursuivra la double mission qui lui a été confiée par les Français : alléger le niveau des prélèvements obligatoires pour revenir au moins au niveau de la moyenne européenne en la matière et rendre à l'État les marges de man_uvre qui lui permettront de financer la sécurité, la protection sociale et les retraites, sans en faire supporter le poids aux générations futures par un endettement supplémentaire.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a tout d'abord remercié le ministre de venir faire la présentation des résultats de l'audit sur les finances publiques dès le lendemain de la remise de ce rapport. Cela constitue une marque de considération et de confiance à l'égard de l'Assemblée nationale. Le fait que le Gouvernement ait fait appel aux magistrats qui ont conduit l'audit de 1997 est un gage d'objectivité. Sur le fond, la comparaison des rapports de 1997 et 2002 permet de constater que la croissance n'a pas permis le redressement des comptes publics.

Les évaluations de recettes fiscales ont été faites à partir d'une prévision de croissance de 2,5 % pour l'année 2002, alors que les évaluations de recettes en 2001 étaient elles-mêmes surestimées. Il convient d'établir sur une base plus réaliste les perspectives d'évolution des recettes fiscales au cours des prochains mois et de disposer d'un bilan de la maîtrise des dépenses au cours du premier semestre 2002. Par ailleurs, il convient de s'interroger sur la pertinence du Pacte de stabilité et de croissance, notamment après le Conseil européen de Séville : les objectifs en sont-ils toujours adéquats et le processus de surveillance doit-il être modifié ?

Après s'être félicité de la venue rapide du ministre, M. Didier Migaud a regretté le ton très polémique de l'intervention de celui-ci, laquelle ne correspond pas aux conclusions, beaucoup plus modérées, de l'audit. En fait, la situation des finances publiques s'avère meilleure qu'en 1997, le déficit étant moins élevé et le niveau d'endettement du pays proportionnellement inférieur.

Les promesses électorales du Président de la République s'expliquent mal, car il avait une parfaite connaissance de la situation des comptes publics, notamment au travers des situations transmises chaque semaine par le ministère de l'économie et des finances. Les baisses d'impôt proposées durant la campagne électorale, notamment celle - inefficace et injuste - de l'impôt sur le revenu qui pourrait s'ajouter à celle figurant dans la loi de finances pour 2002, auront pour conséquence de dégrader davantage le déficit. Il est souhaitable que le Gouvernement précise sa politique de maîtrise des dépenses, compte tenu notamment de l'évolution des dépenses militaires et fournisse un tableau comparatif des deux rapports d'audit, tableau qui mettait en évidence l'évolution positive de la situation financière de l'État.

M. Charles de Courson a tout d'abord rappelé qu'il avait indiqué en séance publique le 16 octobre 2001, que le projet de loi de finances pour 2002, comme d'ailleurs le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que certains avaient qualifié de « mensonge d'État », constituait plutôt un mensonge assez grossier et que M. Migaud ne l'avait pas suivi sur cette analyse, laquelle s'avère pourtant aujourd'hui parfaitement exacte. Le déficit des finances publiques s'élève à 6 % du PIB en 1993, 3,3 % du PIB, hors soulte France Télécom, en 1997 et aujourd'hui, il est évalué à 2,6% du PIB. Ainsi, alors que le gouvernement d'avant 1997 avait réussi à réduire le déficit public de 3 points en période de faible croissance, le gouvernement sortant n'a, pour sa part, réduit le déficit public que de 0,7 point de PIB, dans un contexte de croissance économique forte. Le déficit présenté ne prend pas en compte les charges que représentent les entreprises publiques déficitaires comme Réseau Ferré de France (RFF) ou Charbonnages de France. En conséquence, il conviendrait de comptabiliser 3 à 6 milliards d'euros de déficit supplémentaire. Enfin, il convient de s'interroger sur le respect par la France de ses engagements européens. Il apparaît difficile d'atteindre l'objectif prévu pour 2004 d'un déficit s'élevant à 0,5 % du PIB. A partir du déficit annoncé aujourd'hui, la réalisation de cet objectif nécessiterait en effet de faire des économies de l'ordre d'un point de PIB - soit 15 milliards d'euros - par an ! Ces perspectives confortent le groupe UDF dans son combat constant contre la dérive de la dépense publique.

M. François Goulard a félicité le ministre pour la clarté de son propos et la vigueur de son ton qui témoignent d'une résolution claire. Il a souligné l'urgence qu'il y avait à alléger le poids de la dette publique dans la perspective du « choc des retraites », en raison del'inaction du gouvernement précédent dans ce domaine. La situation des finances publiques n'interdit pas, cependant, d'augmenter ponctuellement les dépenses dans des domaines prioritaires comme la défense ou la sécurité. Notre pays dispose de services publics plus onéreux que ceux d'autres pays, en particulier chez nos voisins européens, alors que leur qualité n'est pas meilleure, ce qui est paradoxal. Il est impératif de lutter contre le gaspillage et de mieux gérer l'État, notamment en utilisant les outils fournis par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et en renforçant la coopération entre le ministère et la commission des finances de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Brard a observé que, par un ton digne d'une campagne électorale, le ministre préparait l'opinion à la purge. Il a rappelé à M. Goulard que, si les services publics français étaient plus onéreux, ils étaient, contrairement à ce qu'il avait laissé entendre, également plus sûrs et plus efficaces que dans bien d'autres pays.

Il convient de souligner la baisse d'un  million du nombre des chômeurs lors de la dernière législature, à laquelle il n'a pas été fait allusion. Le Gouvernement compte-t-il poursuivre dans cette voie de baisse du chômage ou s'enfermer dans une réduction stérile des déficits ? Par ailleurs, le choix de réduction de l'impôt sur le revenu - réduction injuste s'il en est - n'est pas pertinent : il faut au contraire réhabiliter l'impôt, mais l'impôt juste, c'est-à-dire celui payé par les plus riches. La réduction envisagée correspond à des fantasmes idéologiques qui risquent d'aggraver les difficultés des plus modestes. Loin de permettre un nouveau souffle pour les Français, cette décision leur « coupe le souffle ».

M. Marc Laffineur a remercié le ministre d'exposer ainsi ce qui est une photographie de la situation actuelle, photographie qui confirme que le budget présenté à l'automne n'était pas sincère et qu'il était fondé sur une véritable tromperie, tant au niveau du taux de croissance qu'à celui du taux d'évolution des dépenses. Est-il, en outre, possible de procéder à une évaluation du coût des décisions des dépenses prises après le vote du budget, en particulier sur les dépenses de santé et le passage aux 35 heures dans les hôpitaux et les cliniques ?

M. Georges Tron a d'abord souligné que l'audit confirme la situation extrêmement dégradée des comptes publics, en particulier ceux de l'État. Par ailleurs, entre septembre et décembre 2002, le ministre des finances de l'époque a engagé près de 9 milliards d'euros de nouvelles dépenses sur cinq ans, dont certaines étaient d'ailleurs tout-à-fait justifiées. Le nouveau Gouvernement se devant de tenir la parole de l'État, comment compte-t-il répondre à cette situation, léguée par la gestion de M. Laurent Fabius ? Il y a manifestement eu volonté de tromper le Parlement, et la Commission des Finances n'a pas eu les moyens d'assumer sa mission de contrôle. Comment le Gouvernement compte-t-il anticiper l'application de la nouvelle loi organique, seule à même de permettre ce contrôle ?

M. Augustin Bonrepaux s'est lui aussi déclaré surpris du ton du ministre, soulignant que la Commission était habituée à plus de modération. Il s'agissait manifestement d'une tentative visant à caricaturer l'exercice précédent. L'écart entre le contenu de l'audit et la présentation qu'en a faite le ministre révèle la dimension partiale de cette présentation. En tant que président de la Commission des Finances du Sénat, M. Alain Lambert était parfaitement au courant de la situation des finances publiques, ce qui n'a pas empêché des promesses inconsidérées d'être faites. Pourquoi baisser l'impôt sur le revenu si ce n'est pour donner de l'oxygène uniquement à une certaine catégorie de Français, les plus riches ?

M. Alain Lambert a apporté les éléments de réponse suivants :

- il convient d'observer que la dégradation des recettes fiscales nettes semble devoir se stabiliser, malgré le ralentissement de la croissance économique. En revanche, les recettes non fiscales, qui, comme chacun sait, ne sont pas renouvelables, paraissent avoir été clairement surestimées, sauf à prévoir des prélèvements obligatoires supplémentaires plus ou moins brutaux - s'agissant de la maîtrise des dépenses, des mesures conservatoires seront rapidement prises, notamment en évitant de consommer les crédits reportés, et en procédant au gel de certaines dépenses. En ce qui concerne le respect du pacte de stabilité, et plus généralement des engagements pris avec nos partenaires communautaires, l'objectif que le Gouvernement s'est fixé pour 2002 consiste à ce que le besoin de financement public global ne soit pas dégradé par rapport au niveau constaté par les auteurs de l'audit. Par ailleurs, vis-à-vis de nos partenaires européens, à l'égard desquels il importe de se montrer sincères et loyaux, nos engagements de retour à l'équilibre supposent néanmoins une croissance soutenue, qu'on peut situer à environ 3% en 2003 et 2004 ;

- les tableaux comparatifs demandés peuvent aisément être dressés : la comparaison la plus pertinente semble devoir être faite avec l'année 1993 plutôt qu'avec l'année 1997, compte tenu des cinq années de croissance économique soutenue dont a bénéficié le précédent Gouvernement. Ainsi, le besoin de financement de l'État estimé par l'audit à 3,2% pour 2002, doit-il être autant comparé aux 4,8% de 1993 qu'aux 3,6% de 1997, ces chiffres appliqués à l'ensemble des administrations étant respectivement de 6 %, 3 % et 2,6 %. Il faut conserver à l'esprit l'incidence financière incontournable du supplément de dette publique, de l'ordre de 150 milliards d'euros, constaté par rapport à 1997 ;

- les dépenses publiques nouvelles qui vont prochainement être proposées par le Gouvernement, résultent de la volonté exprimée par le vote des Français : le Président de la République et le Premier ministre entendent en effet mener une politique différente de celle de la précédente majorité, et le ministre délégué au Budget et à la réforme budgétaire a accepté le mandat qu'ils lui ont confié, sans réserve d'inventaire sur la réalité de l'héritage ;

- les dépenses relatives à RFF sont bien comptabilisées dans un compte d'affectation spéciale, mais ils est vrai que le précédent ministre de l'économie, M. Laurent Fabius, a retardé l'intégration de Charbonnages de France dans le périmètre pris en compte pour calculer le besoin de financement public ;

- l'engagement de M. de Charles de Courson à soutenir une politique ferme de réduction des dépenses publiques doit être salué ;

- la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, dans un esprit pluraliste, conforme à celui qui avait présidé à la réforme de l'ordonnance de 1959 est une nécessité ;

- il semble préférable de chercher à substituer des emplois privés à des emplois publics alors que la logique mise en avant par M. Jean-Pierre Brard, aboutit directement à l'effet inverse ;

- le budget adopté pour 2002 ne paraît pas constituer un exemple de sincérité budgétaire ;

- le coût de la mise en _uvre de la réduction du temps de travail dans les cliniques n'a pas encore été chiffré avec certitude ;

Enfin, le Ministre a tenu à assurer à M. Augustin Bonrepaux que, quelle qu'ait pu être la perception par ce dernier de la tonalité de son propre discours, celui-ci pouvait être assuré que rien n'entâcherait la qualité de la relation démocratique et républicaine qu'il entendait conserver avec la nouvelle opposition.

Le Président Pierre Méhaignerie a ensuite remercié le ministre et les intervenants, et a rappelé que la prochaine réunion de la commission, exclusivement consacrée à la nomination des rapporteurs spéciaux, aurait lieu mercredi prochain 3 juillet, à l'issue du discours de politique générale du Premier ministre.

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