COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 11 juillet 2002
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

puis de M. François Goulard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Examen pour avis du projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (M. Alain Joyandet, Rapporteur pour avis) (n° 36)

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- Examen de la proposition de résolution au nom de la Délégation pour l'Union européenne sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2003 (M. Gilles Carrez, Rapporteur)

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- Information relative à la Commission

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan, a procédé à l'examen pour avis, sur le rapport de M. Alain Joyandet, Rapporteur pour avis, des articles 1 à 5 du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (n° 36).

M. Alain Joyandet, Rapporteur pour avis, a indiqué que la présentation du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure traduisait le respect de l'un des engagements pris par le Président de la République au cours de la dernière campagne électorale. Ce projet de loi répond en effet à une triple urgence née, à la fois, d'une évolution très inquiétante de la délinquance dans notre pays, de l'attente impatiente de nos concitoyens comme des personnels des services de sécurité et de la nécessité de rétablir les capacités opérationnelles des forces.

En ce qui concerne la délinquance, pour la première fois, l'ensemble des crimes et délits a dépassé la barre des 4 millions en 2001, augmentant de plus de 16 % d'une année sur l'autre. De plus, ce sont les faits les plus sensibles qui connaissent l'évolution la plus préoccupante (vols avec violence, coups et blessures, dégradations et destructions de biens). Par ailleurs, on assiste à une augmentation du nombre des mineurs mis en cause (+ 14,6 % entre 1997 et 2001), les actes commis par ceux-ci représentant plus de 21 % de la délinquance globale et plus de 36 % de la délinquance de sécurité publique.

Cette dégradation fait que la question de la sécurité constitue l'une des préoccupations majeures, si ce n'est la première, de nos concitoyens. Il ne s'agit pas d'un fantasme mais d'une réalité incontestable. D'ailleurs, un rapport commandé par Mme Marie-Noëlle Lienemann à un magistrat à propos de la sécurité dans le logement social parlait à ce sujet d'une «  stupéfiante intelligence collective ».

La sécurité est un droit fondamental. C'est une condition de l'exercice des libertés et de la réduction des inégalités, car l'insécurité frappe d'abord les populations les plus défavorisées et les plus fragilisées.

Parallèlement, on ne saurait sous-estimer l'ampleur du malaise des policiers et gendarmes, comme l'ont démontré les mouvements de protestation qui ont éclaté à la fin de l'année dernière. Ce sont des mouvements d'autant plus remarquables que, pour la première fois dans l'histoire de la République, les gendarmes ont manifesté en cortège et en tenue.

Policiers et gendarmes, on le sait, dénoncent la vétusté de leurs locaux ou de leurs véhicules. La question de leur équipement individuel, notamment en gilets pare-balles, et le manque de moyens matériels font aussi partie de leurs préoccupations communes. Pour les gendarmes s'ajoute la question spécifique de la qualité du logement de fonction mis à leur disposition et à celle de leur famille.

Enfin, ce projet répond aussi à la nécessité de rétablir les capacités opérationnelles des forces de sécurité.

La mise en _uvre des 35 heures dans la police aurait entraîné la perte d'environ 6 200 postes de policiers en équivalent temps plein. Le budget pour 2002 n'a pris en compte ces effets que de manière très imparfaite. La création de 1 700 emplois et la décision de racheter 3 jours d'aménagement et de réduction du temps de travail a laissé subsister un « déficit » d'environ 4 000 postes de policiers. De plus, les crédits nécessaires à ce rachat n'ont été inscrits que pour les 9 premiers mois de l'année.

Pour la gendarmerie, la problématique est analogue. Si aucune mesure d'accompagnement n'avait été prise, la réduction du temps de travail aurait signifié la perte de près de 4 400 gendarmes dans les brigades départementales. Les crédits nécessaires au rachat des jours correspondant n'ont pas tous été inscrits au budget 2002. C'est le cas des décisions prises en février dernier, mais aussi de celui des décisions prises en novembre. Le coût de celles-ci a, en effet, été gagé par des réductions totalement artificielles dans les autres chapitres du budget de la gendarmerie.

Cela explique que le projet de loi prévoit 700 millions d'euros sur cinq ans au titre du « rebasage » du budget de la Gendarmerie, c'est-à-dire le rétablissement de la sincérité de ce budget.

Dès lors, ce projet de loi témoigne d'une volonté politique résolue et d'une démarche cohérente. La cohérence de la démarche s'exprime naturellement dans la simultanéïté de la présentation d'un projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice. Le Gouvernement tient ainsi solidement les deux bouts de la chaîne.

Les chiffres clés du projet de loi traduisent, pour leur part, cette volonté politique résolue.

Ce sont 13 500 emplois supplémentaires qui seront créés dans la police (6 500) et dans la gendarmerie (7 000). Il s'agit de vrais emplois, ni gendarmes adjoints volontaires ni adjoints de sécurité.

Pour la gendarmerie, ces créations d'emploi mettent un terme à la réduction du format de cette arme, suite à la loi de programmation militaire de 1996, qui prévoyait une diminution de 1 000 emplois de militaires d'active. Même si le Gouvernement précédent n'a pas totalement respecté cet objectif en procédant à une moindre diminution des emplois de sous-officiers, les effectifs d'active n'ont augmenté que de 0,6 % sur six ans. Au contraire, c'est une augmentation de près de 9 % des effectifs d'active de la Gendarmerie que le présent projet programme.

Pour la police, l'effort est, en termes relatifs, un peu plus faible, mais il n'en est pas moins conséquent. Si l'on ne tient pas compte des 2 162 créations autorisées en surnombre en 2002 et qui seront pérennisées par ailleurs, l'effort pour la police dépasse de près de 60 % celui qui a été consenti au cours des 5 dernières années (6 500 créations, au lieu de moins de 4 100).

Globalement, les crédits nécessaires pour l'exécution de cette programmation représentent 5,6 milliards d'euros. Cette enveloppe supplémentaire s'ajoute naturellement à la reconduction annuelle, pendant la période 2003-2007, des crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2002. Au total, ce sont donc près de 51 milliards d'euros qui seront budgétés au cours des 5 prochaines années, sans tenir compte des crédits qui seront nécessaires pour faire face à l'évolution spontanée des crédits de rémunérations. Si on compare ces 51 milliards d'euros aux dépenses effectivement constatées au cours des 5 dernières années (43,8 milliards d'euros consommés ou ouverts entre 1998 et 2002), l'effort prévu par le Gouvernement représente une augmentation d'au moins 7,2 milliards d'euros de plus, soit + 16,5 %.

Si l'on distingue selon la nature des dépenses, l'accroissement programmé est de + 12,7 % (+ 4,8 milliards d'euros, sans compter l'évolution spontanée des rémunérations) pour les dépenses de personnel et de + 40,8 % (+ 2,4 milliards d'euros) pour les dépenses d'équipement. En matière d'équipement, l'effort est particulièrement important pour la Gendarmerie : les dépenses augmenteront de 89 % sur 5 ans (près de 1,5 milliard), au lieu de 22,5 % pour la police (soit + 1 milliard).

Les grandes orientations de la politique de sécurité intérieure sont décrites dans l'annexe I. Cette annexe annonce le dépôt à l'automne d'un autre projet de loi, lequel comportera toutes les modifications législatives rendues nécessaires par la mise en _uvre de ces orientations.

La programmation des moyens détaillée en annexe II permet de connaître la destination des crédits programmés. Ils couvrent, en premier lieu, le coût des créations d'emplois qui correspondent aux grandes orientations suivantes : garantir la sécurité de proximité (6 800 emplois), renforcer les capacités d'investigation (1 400 emplois), renforcer la lutte contre la menace terroriste et la criminalité organisée (300 emplois), protéger plus efficacement les frontières (700 emplois), lutter contre l'insécurité routière (1 200 emplois) et renforcer les capacités d'administration, de formation et de contrôle (2 800, dont 2 000 dans la police).

Ce dernier point est essentiel car on sait que la police souffre d'une sous-administration chronique, comme l'avaient montré les travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) en 1999. Les 2 000 créations d'emplois prévues à ce titre dans la police réduiront ce mal endémique, en permettant de redéployer sur des postes opérationnels environ un millier de policiers actifs occupés aujourd'hui à des tâches qui ne sont pas les leurs. Il est d'ailleurs regrettable que le Gouvernement précédent n'ait pas contribué à résoudre ce problème en respectant l'objectif, figurant dans la précédente loi d'orientation et de programmation de 1995, de créer 5 000 emplois administratifs et techniques entre 1995 et 1999.

En deuxième lieu, les programmes d'équipement prévus bénéficieront d'une enveloppe supplémentaire de 2,2 milliards d'euros (soit 40 % du total). Ces programmes permettront une modernisation de la gestion immobilière (+ 850 millions), le déploiement et la mise en cohérence des systèmes de transmission (+ 225 millions), la modernisation des services et la meilleure utilisation des nouvelles technologies de l'information (+ 350 millions), la mise à niveau du parc automobile (+ 300 millions), l'adaptation de l'équipement et de la protection individuelle des personnels (+ 475 millions). En ce qui concerne le parc automobile, l'augmentation des crédits sera accompagnée d'innovations dans la gestion, qu'il s'agisse du recours accru à l'externalisation et de l'utilisation réciproque des ateliers de réparation de la Police et de la Gendarmerie ainsi que d'une déconcentration de la gestion de ces crédits.

Des crédits seront également consacrés, en troisième lieu, à un certain nombre de mesures catégorielles, afin d'améliorer les capacités d'action judiciaire des services, d'inciter davantage les personnels à rester en poste dans les zones les moins attractives, de reconnaître la pénibilité accrue des métiers de la sécurité intérieure et de renforcer l'encadrement supérieur des forces.

Enfin, en dernier lieu, 930 millions d'euros seront consacrés aux mesures urgentes prises pour rétablir la capacité opérationnelle des forces. Au-delà des 700 millions d'euros consacrés à la gendarmerie, il s'agit de 230 millions d'euros destinés à la police pour permettre, selon des modalités qui seront négociées à l'automne avec les organisations syndicales, le rachat de jours supplémentaires de réduction du temps de travail, afin de réduire le trou qu'a creusé cette mesure dans les effectifs.

L'article 3 du projet de loi met en place un certain nombre de dispositifs visant à assouplir et à moderniser les règles relatives à la construction et à la gestion immobilière de la police et de la gendarmerie. Il s'agit concrètement de diviser par 2 le délai moyen de construction d'un commissariat ou d'une caserne et de soutenir les collectivités territoriales qui sont prêtes à consentir un effort à condition que l'État en fasse également un de son côté. Dans ce cadre, la possibilité de cumuler subventions d'investissement et attributions du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) devrait être, dans un certain nombre de cas, de nature à mener à bien des programmes indispensables.

Enfin, l'article 5 met en place un mécanisme d'évaluation annuelle, permettant de mesurer les résultats obtenus par les services de sécurité intérieure et de les comparer aux moyens engagés.

Sur ce point, le rapporteur pour avis a annoncé qu'il présenterait un amendement procédant à une réécriture globale de cet article, afin de rapprocher cette évaluation des procédures, qui seront généralisées par la nouvelle loi organique, et prévoyant la remise au Parlement d'un rapport annuel sur l'exécution de la loi.

M. Daniel Garrigue s'est réjoui de ce que le projet de loi réponde très largement aux attentes de nos concitoyens et ouvre de nouvelles possibilités de convention avec les collectivités locales pour la construction des commissariats et des gendarmeries. Il serait souhaitable que l'État unifie sa politique immobilière en gérant de manière coordonnée les implantations dépendant du ministère de l'Intérieur et celles relevant du ministère de la Défense.

Considérant que la gestion centralisée des investissements immobiliers de l'Etat était facteur d'inefficacité, le Président Pierre Méhaignerie a plaidé en faveur d'une décentralisation au niveau des régions de la construction des commissariats et des gendarmeries.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis, a fait observer que le projet de loi va dans le sens d'une gestion immobilière plus souple et plus efficace, afin de faire passer de 7 à 3 ans le délai entre la décision de construction et l'inauguration du bâtiment, et de permettre la construction de 4.000 logements nouveaux et la rénovation de 3.500 logements existants.

M. Julien Dray a estimé indispensable de confier aux régions les opérations de construction, l'État gardant la responsabilité de l'affectation des effectifs. Il a regretté que le projet de loi ne contienne aucune disposition en ce sens, et se contente de prévoir une mise en cohérence des différents opérateurs. Le projet étend la possibilité de recourir aux marchés d'entreprise de travaux publics qui, parce qu'ils fusionnent maîtrise d'_uvre et maîtrise d'ouvrage, constituent une procédure d'attribution des marchés très contestée par les chambres régionales des comptes. Un transfert aux régions aurait été plus lisible, plus efficace et plus moral. Il est, par ailleurs, regrettable que le projet de loi n'ait pas retenu la proposition figurant dans le rapport rédigé par MM. Robert Pandraud et Christophe Caresche tendant à créer un observatoire chargé de chiffrer les objectifs d'activité de la police. Le projet de loi prévoit une évaluation qui, faute de précision sur la méthode, se limite à une pétition de principe. Si on ne peut que reconnaître la nécessité de renforcer les moyens de la sécurité, il convient de ne pas accorder trop de crédit aux effets d'annonce, les enveloppes budgétaires promises en 1993 par le ministre de l'Intérieur n'ayant pas donné, sur le terrain, les résultats escomptés.

Les propositions contenues dans les annexes au projet de loi soulèvent des problèmes importants, et leur examen aurait dû être précédé d'un débat approfondi. A titre d'exemple, le dispositif prévu en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants s'apparente à une pure pétition de principe, sauf à décider d'envoyer des CRS dans l'ensemble des concerts, regroupements, voire soirées privées, organisés sur tout le territoire. Le trafic de stupéfiants constitue, depuis longtemps, une véritable économie parallèle qui nécessite un traitement qui dépasse le seul volet sécuritaire et qui touche près de 7 millions de consommateurs. De même, il est dangereux de faire face à l'absentéisme scolaire en sanctionnant les familles. Ce phénomène touche souvent des mères seules chargées de plusieurs enfants, soumises à des horaires de travail peu compatibles avec leurs obligations familiales, et qui ont besoin d'aide plus que de sanction. De manière générale, le débat sur la sécurité mérite autre chose que des déclarations de principe.

M. Denis Merville a estimé qu'une décentralisation de la construction des gendarmeries pourrait mettre fin à l'inadaptation de certains bureaux et logements de gendarmes, trop souvent observée sur le terrain. L'externalisation de la réparation des véhicules est, sans conteste, une bonne solution. Par ailleurs, afin de limiter les récupérations, il serait souhaitable que les gendarmes soient formés dans des centres situés à proximité de leur lieu d'affectation.

En réponse aux différents intervenants, le Rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- dans la mesure où le projet de loi est un texte d'orientation et de programmation, il convient de ne pas placer la discussion sur un plan trop technique, mais plutôt de souligner tant le nouvel état d'esprit qui préside à cette réforme que les moyens historiques qui seront mis en _uvre ;

- s'agissant du rôle des collectivités locales en matière immobilière, le projet de loi va effectivement dans le sens d'une déconcentration des décisions en introduisant des éléments de souplesse nouveaux lesquels devraient permettre de parvenir à l'objectif de réduction par deux des délais de construction. Mais, si l'augmentation du pouvoir des régions pourrait être une solution intéressante et simple, ces dernières sont déjà très largement occupées à gérer les nouveaux moyens dont elles disposent désormais. Il faut, au demeurant, souligner que la mesure la plus intéressante en la matière est la possibilité offerte aux collectivités locales de construire des casernes et des gendarmeries pour le compte de l'État tout en récupérant une partie du FCTVA et en bénéficiant éventuellement de subventions pour la construction des bâtiments ;

- par ailleurs, cette déconcentration des décisions, ainsi que les aides supplémentaires qui sont envisagées, doivent s'accompagner de la nécessaire modernisation du logement des gendarmes, qui ne constitue en aucune manière un avantage, mais plutôt un droit légitime dans un contexte marqué par de nouvelles contraintes et de nouvelles menaces ;

- il serait déplacé, comme le fait M. Julien Dray, de reprocher d'ores et déjà au gouvernement ses initiatives intéressantes destinées à résoudre des problèmes que le précédent gouvernement n'a pas été en mesure de régler. En particulier, le volet immobilier du projet de loi comporte des garanties suffisantes en termes de transparence et de conditions de publicité. Il faut ainsi mettre en valeur le triptyque inédit que ce projet de loi introduit au travers de la combinaison des moyens supplémentaires, de l'exigence de résultats ou de gains de productivité et de l'évaluation ;

- l'évaluation anticipe en un sens sur les dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les exigences en ont été rappelées lors de l'audition du ministre de l'intérieur. Il s'agit à la fois de consolider le dispositif de comptabilité existant et de respecter les engagements en termes de publication des chiffres de la sécurité ;

- la question des gens du voyage est, de toute évidence, un sujet de préoccupation de premier ordre et des mesures sont désormais très attendues, notamment par les collectivités locales qui ont fait des efforts importants en termes de construction d'aires d'accueil et d'élaboration des schémas départementaux. Des mesures coercitives sont désormais nécessaires face aux comportements outranciers de certains nomades, dans la mesure où le droit actuel ne permet pas de répondre efficacement aux troubles causés par les gens du voyage et laisse les élus démunis. C'est pourquoi la solution aux atteintes répétées à la propriété individuelle passe probablement par une réponse visant les biens dont les gens du voyage sont eux-mêmes propriétaires, à commencer par leurs véhicules. Il s'agit ainsi d'introduire dans ce projet de loi la notion de sanction financière et de confiscation matérielle éventuelle. Toutefois, les réponses les plus adaptées et les plus urgentes devront être examinées et discutées à l'occasion de la loi que le gouvernement entend présenter au Parlement à l'automne prochain. Une discussion plus poussée sur la question des gens du voyage, qui concerne peut-être davantage la commission des lois, dépasse le cadre de l'examen pour avis d'une disposition annexée à un projet de loi d'orientation ;

- enfin, s'agissant de la police municipale, un travail sérieux doit avoir lieu lors de l'examen de la loi d'application prévu pour l'automne, et non dans le cadre du présent projet de loi.

Article premier : Orientations de la politique intérieure

La commission a examiné un amendement proposé par le Rapporteur pour avis visant à modifier l'annexe 1 au projet de loi, afin d'insérer, parmi les orientations visant à mettre en place un cadre juridique rénové, un renforcement des sanctions en matière d'occupation illégale d'une propriété privée dans le but notamment de faire face aux difficultés liées à l'accueil des gens du voyage.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que l'annexe avait une portée législative, même si la jurisprudence du Conseil d'État manifestait parfois des hésitations en la matière.

Évoquant également l'amendement suivant consacré aux rave parties, M. Laurent Hénart a craint que la commission ne prenne le risque de caricaturer ces prises de position en stigmatisant inutilement certaines catégories de la population, notamment les gens du voyage et la jeunesse. Ce risque est d'autant plus grand que, en matière d'accueil des gens du voyage, les actions de prévention n'ont pas été menées et que les collectivités locales sont loin d'être exemplaires dans la mise en place des capacités d'accueil, dans le cadre de la loi dite « Besson ». L'essentiel est de mieux garantir la propriété privée. Dès lors , il conviendrait de supprimer la référence explicite aux gens du voyage.

Le Rapporteur pour avis a fait observer qu'une solution aux problèmes posés par l'accueil des gens du voyage était attendue par toutes les collectivités locales, y compris celles qui avaient rempli leurs obligations dans le cadre des schémas départementaux d'accueil. Aujourd'hui, toutes sont juridiquement désarmées pour faire face à une arrivée inopinée, même lorsque les aires d'accueil aménagées sont vides. Seuls des mécanismes de sanctions financières, y compris l'éventuel confiscation des véhicules est de nature à faire évoluer le comportement des personnes concernées.

Faisant référence à son expérience de maire, M. Jean-Michel Fourgous a soutenu l'amendement jugeant la situation actuelle, qui va jusqu'à des menaces physiques, très difficile. Il a suggéré que le maire puisse introduire un référé, notamment lorsque le propriétaire est absent.

M. Jérôme Chartier a estimé que la crédibilité de la politique menée à l'égard des gens du voyage supposait la mise en _uvre effective des schémas départementaux d'accueil. La protection de la propriété doit également concerner les propriétés publiques et il faut aller au-delà de la possibilité d'introduire un référé qui se révèle souvent sans effet. La loi devrait donner aux maires la possibilité de faire procéder à l'expulsion immédiatement. Il faut enfin souligner qu'en pratique le référé est presque systématiquement accordé.

Comprenant les objections relatives au préalable de l'aménagement des aires d'accueil, M. Daniel Garrigue a insisté sur la nécessité de renforcer le pouvoir de sanctions et a estimé nécessaire de viser également la protection des propriétés publiques.

Estimant que la rédaction de l'amendement couvrait aussi bien les propriétés privées que les propriétés publiques, M. Jean-Jacques Descamps s'est déclaré favorable à son adoption, jugeant qu'il constituait un signe clair pour les maires confrontés à de grandes difficultés en raison de l'inadaptation des procédures de recours actuelles, notamment en raison de la lenteur de leur mise en _uvre. Il faut apporter à ce dossier des solutions fermes et humaines.

Le Rapporteur pour avis a indiqué que son amendement ne visait pas à stigmatiser les gens du voyage, dans la mesure où l'annexe 1 faisait déjà explicitement allusion à ce problème. Cet amendement vise seulement à compléter les orientations par une mention des sanctions matérielles et financières, et il reviendra au futur projet de loi d'application d'en déterminer les modalités pratiques.

La Commission a adopté l'amendement présenté par le Rapporteur pour avis, ainsi qu'un amendement présenté par M. Marc Le Fur modifiant également l'annexe 1 afin de réaffirmer la nécessité d'utiliser avec détermination les dispositions législatives relatives aux « rave parties ».

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article premier et de l'annexe I, ainsi modifiés.

Article 2 : Programmation des moyens de la sécurité intérieure

La Commission a adopté quatre amendements présentés par le rapporteur pour avis, les trois premiers de précision rédactionnelle, le quatrième modifiant en conséquence l'annexe II du projet de loi.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption de l'article 2 et de l'annexe 2 ainsi modifiés.

Article 3 : Assouplissement des règles relatives à la gestion immobilière

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 3 sans modification.

Article 4 : Prolongation d'activité de certains militaires de la Gendarmerie

La Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 4 sans modification.

Article 5 : Évaluation des résultats obtenus

La Commission a adopté un amendement présenté par le Rapporteur pour avis procédant à une réécriture intégrale de cet article, afin d'anticiper, dès 2003, pour les crédits de la sécurité intérieure, le lien entre procédure budgétaire et évaluation des performances organisé par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, d'une part et de prévoir la remise au Parlement d'un rapport d'exécution de la présente loi, d'autre part.

La Commission a alors émis un avis favorable à l'adoption de l'article 5, ainsi modifié.

Après l'article 5

La Commission a examiné deux amendements présentés par M. Daniel Garrigue, le premier permettant de reconnaître la qualité d'officier de police judiciaire aux chefs de police municipale remplissant certaines conditions, le second tendant à assurer une bonne coordination entre les polices municipales d'une part, et la police et la Gendarmerie nationales d'autre part.

M. Daniel Garrigue a fait observer que, alors que l'article 16 du code de procédure pénale ne prévoyait aucune restriction, ce sont de simples circulaires qui empêchent de reconnaître la qualité d'officier de police judiciaire aux chefs de police municipale. Cette situation est d'autant plus paradoxale que les polices municipales travaillent de plus en plus en coordination avec la police et la Gendarmerie. Ces deux amendements, qui entourent cette reconnaissance de garanties, constitueraient un signe bienvenu pour les polices municipales ignorées par le projet.

Jugeant que ces propositions étaient justifiées et répondaient à une véritable attente, le Rapporteur pour avis a néanmoins fait observer que la question des polices municipales excédait le cadre d'une loi d'orientation et de programmation et trouverait mieux sa place dans le futur projet de loi, annoncé par le Gouvernement. Par ailleurs, cette question relève plutôt de la compétence de la commission des lois et il serait donc prématuré et aventureux que la commission des finances procède à des réformes partielles.

Partageant le point de vue de M. Daniel Garrigue sur la nécessité d'adresser un signe aux policiers municipaux, M. Jean-Michel Fourgous a approuvé ces amendements tout en s'interrogeant sur l'exigence d'une ancienneté de trois ans pour se voir reconnaître la qualité d'officier de police judiciaire.

M. Laurent Hénart a jugé qu'il serait délicat d'introduire aujourd'hui les polices municipales dans le dispositif de sécurité alors que le rapprochement entre la police et la Gendarmerie n'en est qu'à ses prémisses.

M. Jean-Jacques Descamps s'est déclaré très réservé à l'égard de ces amendements, jugeant notamment que l'intervention d'une commission ad hoc pour apprécier les compétences des personnes concernées pourrait se révéler délicate. Il faut se donner le temps de la réflexion, le signal nécessaire étant, en ce domaine, moins urgent que celui concernant le problème des gens du voyage.

M. Philippe Rouault a estimé qu'il conviendrait qu'il soit précisé que cette reconnaissance de la qualité d'officier de police judiciaire soit faite à l'initiative du maire et que celui-ci conserve le pouvoir de mettre fin aux fonctions de l'intéressé. Il a présenté un sous-amendement en ce sens.

M. Marc Le Fur a soutenu les amendements, estimant que leur discussion en séance publique permettrait d'obtenir des réponses de la part du ministre.

Le Rapporteur pour avis a rappelé que tout commissaire conserve le droit de déposer des amendements à titre personnel et a déclaré qu'il s'opposerait aux amendements si ceux-ci n'étaient pas retirés.

Après que M. Daniel Garrigue eut annoncé qu'il maintenait ses amendements, la Commission a adopté le sous-amendement présenté par M. Philippe Rouault. Elle a ensuite rejeté le premier amendement, ainsi sous-amendé, ainsi que le second.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des articles premier à 5 du présent projet de loi, ainsi modifiés.

*

* *

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, la proposition de résolution (n° 27) de M. René André, Rapporteur au nom de la Délégation pour l'Union européenne, sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2003 (E 2030).

Le Rapporteur général a rappelé que l'examen de la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne offrait aux membres de la Commission des finances l'occasion de se prononcer une première fois sur la préparation du budget communautaire, l'Assemblée nationale se prononçant chaque année à deux reprises sur la préparation de ce budget. Au mois de juillet, elle adopte traditionnellement une résolution sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes (APB). Après que le Gouvernement a communiqué à l'Assemblée nationale l'avant-projet de budget, celui-ci est examiné par la Délégation pour l'Union européenne, qui peut prendre l'initiative d'une proposition de résolution, transmise ensuite à la Commission des finances, commission compétente au fond. Celle-ci examine la proposition de résolution et, le cas échéant, conclut à l'adoption d'une proposition de résolution. Le texte de la proposition de résolution adoptée par la Commission devient définitif si, à l'expiration d'un délai de huit jours francs suivant la distribution du rapport, aucune demande d'inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale n'a été présentée par le Gouvernement, le président d'un groupe, le président d'une commission permanente ou le président de la Délégation pour l'Union européenne. Le Rapporteur général a souligné que ces résolutions n'étaient pas juridiquement contraignantes pour le Gouvernement.

Il a ensuite rappelé que l'Assemblée nationale se prononçait une seconde fois sur la préparation du budget communautaire lors du vote de l'article du projet de loi de finances évaluant le montant du prélèvement sur les recettes de l'État au profit des Communautés européennes. Ce prélèvement a connu une forte progression, atteignant 16,87 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2002.

Abordant l'avant-projet de budget pour 2003, le Rapporteur général a insisté sur son enjeu : les choix budgétaires européens, par le biais de la contribution des États membres, ont un impact certain sur nos finances publiques ; par ailleurs, l'avant-projet de budget pour 2003 sera probablement le dernier avant l'élargissement de l'Union européenne.

Présentant les principaux éléments de cet avant-projet, le Rapporteur général a déploré le très faible niveau d'exécution des crédits d'engagement constaté en 2000 et 2001, exercices au terme desquels plus de dix milliards d'euros de crédits de paiement n'ont pas été dépensés.

Il s'est félicité, en conséquence, de ce que la Commission européenne accorde une attention particulière au « reste à liquider ». Souhaitant asseoir l'avant-projet de budget sur une analyse minutieuse des besoins et de la capacité d'absorption des crédits, la Commission européenne s'est en effet engagée à examiner 16.000 engagements dans le but d'éliminer le reste à liquider injustifié pour la fin 2003.

Le Rapporteur général a souligné l'importance du nouveau règlement financier des Communautés, adopté par le Conseil le 18 juin dernier. Ce nouveau règlement dote l'Union européenne d'un cadre budgétaire et comptable rénové. Désormais, le budget sera présenté par missions, chaque ligne, correspondant à une activité, étant assortie d'un objectif clair et des résultats obtenus. Par ailleurs, ce règlement permettra de mieux associer les Etats membres à la gestion partagée des dépenses communautaires, introduit de la flexibilité dans la gestion des crédits en cours d'exercice, institutionnalise le remboursement aux Etats membres du solde non utilisé lors de l'exercice budgétaire et renforce les contrôles sur l'exécution du budget.

Abordant la nécessité, pour la Commission européenne, de respecter une stricte discipline budgétaire, le Rapporteur général a estimé que les propositions de la Commission européenne témoignaient, certes, en première analyse, d'un souci certain de rigueur. Les crédits d'engagement s'élèveraient au total à 100,006 milliards d'euros, ce qui représente une progression modérée de 1,4% par rapport au budget rectifié pour 2002. Les crédits de paiement s'établiraient, pour leur part, à 98,217 milliards d'euros, ce qui représente la progression la plus faible de ces dernières années (+ 2,67%). En conséquence, les marges budgétaires seraient importantes : 2,308 milliards d'euros pour les crédits d'engagement et 4,72 milliards d'euros pour les crédits de paiement.

Au-delà de cette présentation globale, certaines réserves peuvent être cependant exprimées.

En ce qui concerne les dépenses agricoles, les besoins semblent sous-évalués. La faible croissance des crédits (+ 1,9%) ne prend pas la mesure de la dépression des marchés du lait et des produits laitiers et sous-estime la très grave perturbation du marché des céréales confronté à la concurrence des importations de blé de la mer Noire. Surtout, les prévisions d'évolution des marchés sont assises sur un taux de change qui semble aujourd'hui irréaliste, de 1 euro pour 0,88 dollar.

En ce qui concerne les actions structurelles, il est à craindre que la très forte croissance des crédits de paiement, fixée à 4,4%, augmente encore le montant des restes à liquider, les taux d'exécution demeurant très faibles.

Le Rapporteur général a enfin exprimé des réserves quant aux conditions dans lesquelles la Commission européenne a pris en compte, dans l'avant-projet de budget, la perspective de l'élargissement. Les crédits de paiement consacrés aux instruments de préadhésion augmenteraient de plus de 10%, alors que l'expérience des premières années de leur mise en _uvre révèle des difficultés très importantes d'absorption des fonds chez les pays candidats, notamment dans le domaine des transports et de la protection de l'environnement. S'agissant des prévisions de dépenses administratives relatives à la préparation de l'élargissement, le Rapporteur général a estimé excessive l'augmentation des crédits de la rubrique 5 : les dépenses d'administration augmenteraient de 5,2%, dépassant le plafond des perspectives financières à hauteur de 66 millions d'euros. Il convient donc de réaffirmer la volonté de la France d'introduire plus de rigueur dans le fonctionnement administratif des Communautés.

Après avoir salué la qualité du travail effectué par la Délégation pour l'Union européenne, le Rapporteur général a proposé à la Commission d'adopter la proposition de résolution compte tenu de six amendements rédactionnels ou de précision.

M. Pierre Hériaud a souligné l'insuffisante consommation des crédits ouverts en matière d'action structurelle. En Loire-Atlantique, seuls 17% des dossiers sont acceptés alors même que l'additivité des crédits nécessaires pour mettre en _uvre les actions structurelles requises ne pose pas de difficulté.

La Commission a ensuite examiné les amendements à l'article unique de la proposition de résolution.

La Commission a adopté six amendements présentés par le Rapporteur général, tendant :

- le premier, à demander que la diminution éventuelle des marges qui demeurent sous le plafond des perspectives financières soit consacrée à l'amélioration de la mise en _uvre des politiques communes.

- le deuxième, d'ordre rédactionnel ;

- le troisième, à demander au Gouvernement de veiller à la fixation d'un niveau de crédits de paiement tenant compte de l'exécution passée ;

- le quatrième, à souligner la nécessité de maîtriser les dépenses administratives relatives à la préparation de l'élargissement ;

- le cinquième, à demander au Gouvernement de veiller au respect des plafonds des dépenses administratives précitées par l'ensemble des institutions européennes, sans recours à l'instrument de flexibilité ;

- et le dernier, de précision.

La Commission a ensuite adopté l'article unique ainsi amendé de la proposition de résolution.

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La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a nommé M. Gilles Carrez, Rapporteur général, rapporteur sur la proposition de résolution (n° 27) de M. René André, au nom de la Délégation pour l'Union européenne, sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2002 (E 2030).

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