COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 12

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 17 septembre 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Philippe Auberger, Président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et de M. Daniel Lebègue, directeur général.

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé à l'audition de M. Philippe Auberger, Président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et de M. Daniel Lebègue, directeur général.

En préalable, le Président Pierre Méhaignerie a incité les rapporteurs spéciaux à demander à ce que les réponses soient fournies dans des délais compatibles avec les dates d'examen en commission, lesquelles sont désormais connues. Il a également rappelé qu'un document du ministère des finances relatif aux opérations de gel de crédits était disponible. Contrairement à ce que la presse a pu indiquer, ce document n'a rien de secret puisqu'il a été transmis à la Commission en application de l'article 14-III de la loi organique du 1er août 2002. Deux projets de décrets d'annulation, l'un destiné à annuler le trop-perçu sur fonds de concours, de 8 millions d'euros, l'autre destiné à rembourser à l'Union européenne des notes de débit de 743.000 euros, également transmis en application de l'article 14 de la loi organique, sont disponibles au secrétariat de la Commission.

M. Philippe Auberger, Président de la Commission de surveillance, a observé qu'il s'agissait pour lui d'un exercice périlleux puisqu'il venait de prendre la présidence de la Commission de surveillance et qu'il lui était difficile d'analyser de ce fait, l'ensemble des résultats pour 2001.

Les missions de service public et d'intérêt général de la Caisse des dépôts et consignations, premier volet d'activité de celle-ci, ont été redéfinies par la loi sur les nouvelles régulations économiques de mai 2001. La première mission consiste à gérer des fonds sous protection particulière avec garantie de l'État, la deuxième mission est d'être un prêteur public et la troisième d'être un investisseur public. À cela s'ajoutent les missions particulières que sont la gestion du Fonds de réserve des retraites, des fonds structurels européens conformément au Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) de juillet 2001 et la campagne d'accès au numérique à haut débit des collectivités locales.

L'année 2001 a été une année de ralentissement économique général consécutif aux événements du 11 septembre. Elle a vu l'éclatement de la bulle spéculative des télécommunications et la baisse des valeurs cotées. Le résultat net consolidé de la Caisse des dépôts et consignations a pourtant été en progression de 5 % par rapport à 2000 ; il s'établit à 1,357 milliards d'euros.

En ce qui concerne les ressources, elles sont d'abord constituées par la gestion financière des fonds d'épargne réglementés. Il s'agit d'abord de la centralisation de la gestion d'une large part des dépôts d'épargne placés sur les livrets exonérés d'impôts : livret A, livret bleu, CODEVI ou livret d'épargne populaire. Ce flux d'épargne centralisée a été en augmentation de 3,6 milliards d'euros en 2001 alors qu'il avait enregistré une baisse de 2,9 milliards d'euros en 2000. Cette augmentation est due à une forte épargne liquide des ménages, valeur refuge bien rémunérée à 3 % net d'impôt alors que le CAC 40 a enregistré une baisse de 22 %. L'encours total était de 198,96 milliards d'euros, fin 2000.

Ces fonds sont utilisés sous forme de prêts mais 107 milliards d'euros sont consacrés à en assurer la liquidité, la sécurité et la rentabilité : 101,5 milliards d'euros sous forme de produits de taux et 5,5 milliards d'euros sous forme de portefeuilles d'actions. Le respect des normes prudentielles est au c_ur de la mission de la Commission de surveillance.

La deuxième ressource provient de l'activité bancaire réglementée, constituée par les fonds des notaires, des administrateurs et mandataires judiciaires dont l'encours moyen est de 30,7 milliards d'euros, en augmentation de 13 % par rapport à 2000.

Enfin, la gestion sous mandat des caisses de retraites publiques concerne 46 fonds dont la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), l'IRCANTEC ou le fonds des ouvriers titulaires de l'État. Ces caisses représentent globalement 12,3 milliards d'euros de cotisations et 11,4 milliards d'euros de prestations.

En ce qui concerne les prêts, l'habitat social induit un flux de 4,3 milliards d'euros en 2001, soit à peine moins qu'en 2000, dont 1 milliard d'euros de prêts à la ville et au renouvellement urbain, soit une augmentation de 25 %. Les prêts au logement destinés à des populations fragiles sont en augmentation (+ 73 %) tandis que les prêts classiques reculent. Des nouvelles catégories de prêts visent à développer la sécurité des infrastructures collectives de transport et les prestations à l'environnement ainsi que les infrastructures de télécommunications à haut débit qui représentent une enveloppe de 1,52 milliard d'euros.

L'investissement public s'adresse aux collectivités locales dans les domaines sociaux et économiques où les opérateurs privés sont peu présents. Il représente 425 millions d'euros sur fonds propres en 2001 consacrés principalement au renouvellement urbain, domaine dans lequel 300 projets sont à l'étude dont 150 sont opérationnels. Ces opérations peuvent générer des effets d'entraînement.

Le développement durable du territoire représente 36 millions d'euros. Il consiste dans des projets de développement économique adossés aux volets territoriaux des contrats de plan État-régions. Le financement des PME et de l'innovation s'opère par une intervention sur fonds propres et la mise en place de fonds de garantie à hauteur de 181 millions d'euros en 2001. Les prêts aux très petites entreprises et à l'économie sociale représentent, quant à eux, 22,3 millions d'euros. L'investissement au profit du développement numérique des territoires atteint 37 millions d'euros en 2001. En juillet 2001, le CIADT a mandaté la Caisse des dépôts et consignations pour développer le projet d'accès au numérique à haut débit des collectivités locales. 228 millions d'euros ont été consacrés à ce projet permettant la création de 400 cyberbases et de portails professionnels d'information et de services pour les acteurs territoriaux.

La Caisse des dépôts et consignations a été un gros contributeur au budget de l'État en 2002 par la garantie des fonds d'épargne (2,9 milliards d'euros), par les dividendes du groupe (450 millions d'euros) et par la contribution à l'impôt sur les sociétés (304 millions d'euros). Les frais de collecte représentent 4,51 % des prêts à taux réduit dont le taux moyen est de 4,72 %. Les placements effectués bénéficient donc d'un taux d'intérêt bas et, comme par ailleurs les plus-values sur les actions ne seront pas identiques au niveau qu'elles avaient atteint précédemment, il est improbable que la contribution au budget de l'État soit maintenue à son niveau antérieur.

M. Daniel Lebègue, directeur général, a rappelé qu'entre 1993, date des premiers comptes consolidés du groupe et 2001, la taille du bilan a été multipliée par deux, le produit net bancaire et le résultat net ont plus que doublé, les fonds propres ont augmenté de 60 % et les effectifs de 50 %. A partir de 1998, la dynamique de développement s'est amplifiée et l'objectif annuel de plus de 10 % de rentabilité, fixé par la direction, a été tenu avec des taux compris entre 10 et 12 % de 1998 à 2001. En 2001, le résultat net consolidé, hors éléments exceptionnels, a augmenté de 5 % pour s'établir à 1,357 milliard d'euros. Il convient de rappeler que des éléments exceptionnels sont intervenus en 1999 et en 2000, constitués par les grandes OPA et OPE de l'époque, faisant passer le résultat net, y compris les éléments exceptionnels, à près de 2 milliards d'euros. Toutefois, en 2002, la Caisse devra provisionner ses portefeuilles d'actions. Néanmoins, l'état des résultats consolidés du groupe révèle une dynamique économique et financière particulièrement forte. Ainsi, il y a cinq ans, l'investisseur financier Caisse des dépôts réalisait deux tiers des résultats du groupe, alors qu'en 2001, il n'en représente qu'un peu moins de la moitié. Cette situation s'explique par le fait que les filiales concurrentielles ont nettement amélioré leurs performances, au-delà même de la moyenne du marché. Ainsi, la Caisse Nationale de Prévoyance connaît aujourd'hui la meilleure performance européenne, ce dont il convient d'être particulièrement fiers s'agissant d'un établissement qui, depuis 1816, n'a jamais rien demandé à l'État.

En ce qui concerne la contribution des filiales par pôle au résultat net consolidé, trois grands groupes doivent être distingués : les filiales bancaires (investissement et marché) regroupées dans CDC-Ixis et fournissant la moitié du résultat net de toutes les filiales du groupe ; la Caisse nationale de prévoyance (CNP), qui améliore sa rentabilité ; la C3D, enfin, constituée par l'ensemble des filiales tournées vers le développement des territoires au niveau local, qui fournit des résultats positifs après avoir été longtemps déficitaire.

Au total, le bilan consolidé, après l'intégration d'Eulia, s'établit à 328 milliards d'euros, hors encours des fonds d'épargne (200 milliards d'euros) qui fait l'objet d'un bilan séparé. En effet, la Caisse des dépôts et consignations considère qu'elle n'est pas propriétaire des fonds d'épargne, malgré la position de la Cour des comptes sur ce point. En 2001, suite à l'agrément fiscal accordé par l'État, la Caisse a versé à l'État un dividende exceptionnel de 457 millions d'euros au titre de la constitution d'Eulia. Tout en estimant qu'il n'y avait pas de plus-value, la Commission de surveillance a entériné le versement de ce dividende.

En définitive, le nouveau périmètre économique du groupe se structure autour de l'établissement public Caisse de dépôts et consignations, qui porte l'ensemble des missions publiques du groupe et qui constitue l'actionnaire de référence des trois ensembles de métiers concurrentiels, assurance, banque d'investissement, métiers de services et de l'immobilier. Du reste, la Caisse des dépôts détient une participation de 35 % dans la Caisse nationale des caisses d'épargne. Cette structuration fait donc de la Caisse des dépôts et consignations un groupe dual. Au regard du droit français et européen de la concurrence, la Caisse des dépôts et consignations veille à préserver la « muraille de Chine » que représente cette séparation entre l'établissement public et les activités concurrentielles.

Cinq axes prioritaires se dégagent du projet stratégique du groupe, qui suivent tous le « fil rouge » du développement durable : consolider les missions publiques d'intérêt général, développer dans la rentabilité les métiers concurrentiels du groupe, renforcer les partenariats en France (dans le cadre d'Eulia notamment) et en Europe, moderniser le management et les dispositifs de pilotage du groupe, qui doivent permettre de placer le client au centre des préoccupations, et stimuler le processus d'innovation technologique.

Eulia consiste à mettre en commun les intérêts du groupe Caisse des dépôts et du groupe Caisse d'épargne dans les métiers concurrentiels. Eulia reste ainsi très distincte de l'établissement public. Les objectifs industriels et stratégiques visent à tirer parti des synergies entre deux groupes totalement complémentaires (banque de gros et banque de détail), à développer de nouvelles lignes d'activités et de produits, et à favoriser le développement national et international. Il s'agit, en particulier, de faire émerger un nouvel acteur financier multi-métiers et multi-clients de dimension européenne. Loin d'être renfermée sur elle-même, Eulia est ainsi ouverte à d'autres partenaires. Elle sera donc une compagnie financière commune gérée selon le principe de l'équilibre et de la parité. Au 30 juin 2002, 54 % des chantiers de synergie et de développement sont déjà en phase de mise en _uvre ou sont partiellement prêts. Les chantiers en phase d'étude concernent notamment la structuration et la stratégie immobilière, l'épargne salariale, la santé individuelle, les sociétés d'économie mixte/HLM et les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

EULIA a développé un partenariat avec San Paolo IMI qui est le troisième groupe bancaire italien, ainsi que le deuxième assureur-vie de ce pays par le biais d'une participation capitalistique croisée entre le groupe CDC et San Paolo IMI, certes, modeste mais qui a vocation à augmenter rapidement. Par ailleurs, des accords-cadres de partenariat-métiers, signés au premier semestre 2002, ont permis de réaliser 14 millions d'euros de synergies au 30 juin 2002. La même démarche a été entreprise avec la Bayeurische Landesbank, sixième banque allemande par la taille de son bilan.

Concernant les axes prioritaires de développement des métiers concurrentiels, CDC IXIS a pour ambition, au cours des prochaines années, de développer des synergies avec les caisses d'épargne dans le cadre d'EULIA, d'acquérir la dimension européenne au travers de partenariat stratégique et de consolider ses métiers de services bancaires et de titres.

Pour CNP-assurances, l'objectif est double : il s'agit d'élargir sa gamme de produits dans tout le champ de l'assurance aux personnes et de la prévoyance et de développer des nouvelles capacités de distribution en Europe. Enfin pour C3D, l'ambition est de poursuivre l'amélioration de la gestion des parcs de logements sociaux et intermédiaires de la SCIC, de développer les métiers de service à l'immobilier, de rechercher la taille européenne pour Transdev dans le cadre du partenariat avec la RATP, d'accompagner le développement du pôle tourisme et loisirs notamment, en ce qui concerne les sports d'hiver. Par ailleurs, la Caisse recherche un partenaire industriel pour le pôle ingénierie.

La Caisse doit, en outre, accompagner au plan financier la nouvelle étape de la décentralisation, que celle-ci concerne le logement social ou la politique de la ville. Le livre blanc élaboré par la Caisse sur la réforme du logement social s'inscrit parfaitement dans cette logique de décentralisation. On peut se réjouir de la politique de démolition et de reconstruction que le Gouvernement entend mener. Un autre objectif est de contribuer à l'évolution des régimes de retraite ; la Caisse gère déjà la retraite d'un Français sur sept, et elle est prête à faire davantage : peut-être par exemple peut-elle gérer la retraite des fonctionnaires de l'État dont la gestion actuelle est « dispersée et artisanale ». Le troisième objectif est de favoriser une nouvelle forme de partenariat public/privé, le quatrième est de développer la gestion sous mandat et un cinquième est de promouvoir l'investissement socialement responsable, la Caisse se voulant à ce titre pionnière et exemplaire.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, après avoir remercié les orateurs pour leur exposé, a souhaité poser quatre questions et formuler une observation concernant le projet de loi de finances pour 2003. Quelles conséquences a eu pour l'activité du groupe le retournement des marchés boursiers, en particulier sur la perspective de cotation de CDC IXIS ? Dans quelle mesure la Caisse est-elle prête à s'associer à la nouvelle étape de décentralisation qui s'annonce ? Quelles sont les perspectives financières de la CNRACL ? Quel rôle la Caisse pourrait-elle jouer vis-à-vis de France Télécom ? S'agissant du projet de loi de finances 2003, il semble y avoir une contradiction entre les propos de M. Philippe Auberger précisant que l'État ne pourrait obtenir de la Caisse autant qu'en 2002 au titre du prélèvement sur fonds d'épargne et ceux de M. Daniel Lebègue soulignant l'importance de la contribution de la Caisse à l'État sur les vingt dernières années. Même si cette contribution n'atteint pas le niveau de 2002, elle sera néanmoins nécessaire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2003.

M. Daniel Lebègue a souligné que les conséquences du retournement des marchés boursiers sont très significatives, puisque des provisions importantes ont été effectuées pour le premier semestre 2002. Elles atteignent 600 millions d'euros sur le portefeuille propre de la Caisse, investisseur public ; elles concernent en particulier Vivendi Universal, même si la Caisse ne détient que 1% de ce groupe. Pour les fonds d'épargne, le total des provisions est d'un montant identique, pour la CDC IXIS il est de 100 millions d'euros et pour la CNP de 600 millions d'euros. Au total, l'ensemble de ces sommes représente donc près de 2 milliards d'euros. Il a été possible de limiter la baisse des résultats grâce aux réserves accumulées depuis quatre ans, mais le résultat net consolidé sera cependant en baisse.

M. Philippe Auberger a précisé que sur les fonds d'épargne les résultats du premier semestre 2002 seront inférieurs à ceux du premier semestre 2001 et que cette tendance devrait se confirmer pour le reste de l'année 2002.

Concernant la décentralisation, M. Daniel Lebègue a estimé que c'est au Gouvernement et au Parlement de fixer les règles du jeu. Néanmoins, si un mouvement de régionalisation et de territorialisation de la politique de la ville et du logement social devait s'engager, la Caisse pourrait prendre l'engagement qu'au niveau opérationnel et technique elle saura décentraliser ses propres procédures pour accompagner ce mouvement.

Le compte technique de la CNRACL est en déficit après compensation et surcompensation d'un montant de 150 à 200 millions d'euros. La Caisse n'assure donc ses obligations qu'en empruntant auprès des banques et cette situation doit s'aggraver dans les années à venir.

EULIA a des relations commerciales importantes avec la Poste ; elle est donc prête à l'accompagner dans ses évolutions, en particulier celles de ses services financiers. Néanmoins, ce point suscite de nombreuses passions tant au niveau de la place de Paris qu'au sein des personnels concernés. S'agissant de France Télécom, l'État n'a pour l'instant rien demandé à la Caisse, il n'y a donc pas de raison pour qu'elle intervienne. Néanmoins, si dans le cadre d'une action collective de place et dans des conditions de sécurité satisfaisantes une intervention était requise, la Caisse serait évidemment prête à regarder les schémas proposés.

M. Jean-Pierre Brard a souligné les qualités de fin technicien et de fidèle serviteur de l'État de M. Daniel Lebègue. Ces qualités ont permis qu'un groupe public soit géré efficacement. Ce constat devrait servir d'exemple. La Caisse a t'elle participé à un tour de table sur l'avenir de Vivendi-Environnement, peut-elle estimer les transferts de dettes et surtout les transferts de déficits de Vivendi Universal vers Vivendi-Environnement ? Ayant considéré que la Caisse n'avait pas de raisons particulières d'intervenir dans le sauvetage de France Télécom, il a demandé si elle avait l'intention de financer le Futuroscope. Par ailleurs, quel est l'état de réflexion sur la vente de la CNP ?

M. Daniel Garrigue s'est félicité de la santé financière de la Caisse. Mais il faut faire part des inquiétudes des élus locaux sur l'état des relations qu'elle entretient avec les collectivités locales. La situation de la Caisse paraît en effet singulièrement confortable au regard de celle de certaines collectivités qui doivent emprunter. Cette situation confortable, due notamment aux rémunérations versées par les filiales, suscite des incompréhensions. Les contrats qui lient la Caisse aux collectivités locales sont alors d'autant plus difficiles à négocier qu'il n'y a parfois pas de concurrence. C'est pourquoi il serait sans doute nécessaire de procéder à une remise à plat des relations entre la Caisse et les collectivités locales.

M. Michel Bouvard a posé des questions relatives à l'équilibre des comptes de la CNRACL, hors compensation et surcompensation, au rôle de la Caisse dans la mobilisation des crédits provenant des fonds structurels communautaires, au développement de la politique de la Caisse en faveur des investissements sociaux, notamment en faveur des transports collectifs, et enfin aux perspectives des partenariats européens, en dehors de ceux qui existent avec les groupes San Paolo IMI et Bayerische Landesbank, par exemple au Royaume-Uni.

M. Jean-Pierre Balligand a rappelé que, malgré un contexte économique et financier défavorable, les résultats de la Caisse, en 2001, ont été convenables. Rétrospectivement, on peut donc s'interroger sur la position de ceux qui considéraient, il y a deux ou trois ans, que la part des actions dans le portefeuille de la Caisse était insuffisante ou qui critiquaient la prudence de la gestion de la CNP. Cette prudence, due au statut et à la gestion de la Caisse, est, au contraire, très bénéfique. Il faut se féliciter que la Commission de surveillance, organisme sui generis, qui n'est pas présidée par le ministre de l'économie et des finances mais par un représentant de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, ait pour mission de veiller à l'utilisation de l'épargne populaire, défiscalisée, à des fins d'intérêt général. Il convient de rappeler que dans cet esprit, à l'initiative de M. Jean-Pierre Delalande, a été arrêté le principe d'un ratio plafonnant les prélèvements sur la Caisse. Il s'agit en effet de garantir l'épargne. C'est à cette fin qu'une intervention de la Caisse dans le financement d'Eurodisney 2 avait, par exemple, été jugée aventureuse, par le passé. Ce principe a toujours primé par rapport à des investissements hasardeux. Il faut s'en féliciter.

Le rôle de la Caisse dans le financement des PME-PMI est devenu d'autant plus primordial qu'aujourd'hui le soutien du système bancaire paraît déficient. Mais, s'il est heureux que la Caisse participe à de nombreux tours de table, il est essentiel que le long terme soit privilégié. En aucun cas, l'établissement ne doit être mis en difficulté par des ponctions sauvages qui nuiraient à ses missions.

M. Charles de Courson, ayant constaté que les interventions de la Caisse dans le domaine concurrentiel ne cessaient de prendre de l'importance, a demandé quelle pourrait être l'incidence de la privatisation éventuelle des trois grandes filiales de la Caisse sur ses missions de service public.

M. Didier Migaud a demandé quelle était l'évaluation du prélèvement sur la Caisse prévue pour 2003 et quelle serait l'attitude du président de la commission de surveillance en cas de prélèvement massif.

M. Henri Emmanuelli, après avoir rappelé qu'il n'était pas un thuriféraire de l'orthodoxie, a souligné l'importance du respect des règles prudentielles relatives à l'épargne.

Il a indiqué ne pas voir, quant à lui, de difficultés dans les relations entre les collectivités locales et la Caisse. Aussi, une remise à plat de ces relations ne paraît pas nécessaire. Si les collectivités locales jugent les propositions de la Caisse trop onéreuses, elles peuvent chercher des financements ailleurs.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que M. Daniel Garrigue avait probablement considéré que la qualité du service proposé par la Caisse n'était pas en cause, mais que son intervention commerciale dans certains territoires était sans doute insuffisante.

S'agissant des interventions de la Caisse en faveur du logement social, il est souhaitable que le groupe prenne en compte l'augmentation sensible - de 15 % à 20  % - des prix du logement en 2003-2004. Or, les demandes d'accession sociale à la propriété se font de plus en plus pressantes.

Un renforcement de l'aide de la Caisse au développement durable est également souhaitable. De nombreuses agences d'urbanisme et d'environnement ont été créées et les communautés d'agglomérations qui essaient de mettre en place de nouvelles équipes pour le développement durable des territoires souhaitent être aidées.

CDC-Ixis envisage-t-elle de devenir un fonds de participations industrielles, reprenant des actifs à la demande de l'État ?

En réponse, M. Philippe Auberger a indiqué qu'il n'était pas encore informé du montant du prélèvement qui sera opéré en 2003 pour le budget de l'État. La Commission de surveillance recevra demain le directeur du Trésor et débattra de cette question. En toute hypothèse, la fixation officielle ne sera effectuée qu'à la fin du premier trimestre 2003, le chiffre qui sera contenu dans le projet de loi de finances n'étant qu'évaluatif. Si la Caisse des dépôts était appelée à intervenir dans certains schémas financiers concernant France Télécom, la Commission de surveillance aurait alors à donner son avis. Dans un tel cas de figure, il conviendra d'appliquer la jurisprudence constante consistant à ne pas participer à une augmentation de capital, mais à intervenir par le biais d'un prêt bénéficiant d'une garantie de l'Etat accordée par voie législative, compte tenu des montants en cause.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que l'ensemble de la commission soutiendrait ce point de vue.

En réponse aux différents intervenants, M. Daniel Lebègue a précisé qu'il ne disposait pas d'informations autres que les notes visées par la COB sur l'évolution de la dette de Vivendi Environnement. S'agissant de cette entreprise, si l'État n'a pas sollicité la Caisse, son président a, en revanche, souhaité qu'elle participe à la consolidation de son actionnariat, en collaboration avec de grandes institutions financières françaises. La Caisse a donc donné son accord à des opérations de rachat d'actions et d'augmentation du capital. Cette action, qui a peut-être suscité un élan parmi les acteurs de la place, devrait consolider les racines françaises de l'entreprise, tout en constituant un bon investissement pour la Caisse ;

- s'agissant du Futuroscope, M. René Monory a proposé la création d'une société d'économie mixte pour son exploitation avec le département et la région. La Caisse est prête à participer à une telle opération, si la viabilité économique de l'entreprise est assurée ;

- le ministre de l'économie et des finances n'a pas évoqué la question de la vente d'actifs de la Caisse nationale de prévoyance dont l'État détient 1 % du capital, l'avenir de celle-ci devant être décidé par l'ensemble de ses actionnaires ;

- afin de développer l'esprit commercial des collaborateurs locaux de la Caisse, un programme de formation « réseau orienté clients » leur est systématiquement proposé. Même si certains prix peuvent parfois paraître excessifs, l'activité de conseil aux collectivités locales n'est pas rentable ; en toute hypothèse, il est nécessaire que la Caisse se comporte mieux vis-à-vis de ses clients ;

- le compte de la CNRACL, avant compensation et surcompensation, est nettement excédentaire ;

- la Caisse est l'autorité de paiement des programmes INTERREG et URBAN. À ce titre, elle gère de manière rapide et efficace un milliard d'euros pour sept régions françaises. La Caisse est, en outre, candidate pour la gestion d'autres fonds après 2006, et notamment le FEDER ;

- la Caisse investissant chaque année 10 à 20 milliards d'euros sur les marchés, elle essaie de contribuer à des investissements socialement responsables qui tiennent compte du comportement social, sociétal, et environnemental des entreprises. Ces dernières offrent, en effet, les meilleures perspectives, même si un travail complexe doit être mené sur les outils d'analyse, de notation et sur les offres de produits solidaires ou éthiques ;

- les partenariats européens actuellement recherchés se situent dans le nord de l'Europe, le Benelux ou en Espagne, le Royaume Uni étant la dernière des priorités car nombre d'acquisitions s'y terminent de façon très négative ;

- l'éventuelle privatisation des filiales ferait perdre la moitié du potentiel de résultat et réduirait ainsi la contribution au budget de l'État. La Caisse est d'ailleurs un formidable incubateur d'entreprises comme en témoigne le parcours du Crédit local de France ou celui de la Caisse nationale de Prévoyance. La question de la privatisation ne peut donc se poser que si cette perspective est nécessaire au développement de ces entreprises. CDC IXIS ne peut pas aujourd'hui voler de ses propres ailes ;

- s'agissant de la prudence en matière de gestion de l'épargne publique, la Caisse, tout en étant un bon partenaire pour l'État, doit savoir refuser certains projets ;

- la Caisse ne proposant pas de services aux particuliers, l'accession sociale à la propriété relève des banques qui proposent le taux à prêt zéro. Les fonds d'épargne ne doivent pas dériver vers ces activités ;

- il n'est pas envisageable de mener une grande politique de la ville en ne s'intéressant qu'à une centaine de villes, alors que de nombreuses villes moyennes méritent d'être prises en considération ;

- en ce qui concerne TDF et Vivendi Universal Publishing, l'État et la Caisse n'ont rien demandé à CDC IXIS, qui ne sera pas utilisée comme fonds de soutien aux entreprises en difficulté.

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