COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

mardi 7 octobre 2003
(Séance de 10 heures )

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

puis de M. François Scellier, doyen d'âge, puis de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093) : vote du budget des affaires européennes (M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial)

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- Examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093) :

 

· Transports aériens, budget annexe de l'Aviation civile (lignes des articles 48 et 49,
I et II) et article 53, rattaché (M.  Charles de Courson, rapporteur spécial)

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La Commission des Finances a procédé à l'examen du budget des affaires européennes, sur le rapport de M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial.

M. Jean-Louis Dumont a donné lecture d'un passage du rapport de M. de La Loyère, membre du Conseil économique et social, qui témoigne de la nécessité d'assurer un financement stable et pérenne des grandes interventions communautaires, notamment des programmes d'infrastructures.

Selon l'article 41 du projet de loi de finances pour 2004 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne, le montant de ce prélèvement est évalué à 16,4 milliards d'euros. La France devrait donc y consacrer 6,5 % de ses recettes fiscales nettes.

En 2003, le prélèvement sur les recettes de l'État devrait finalement atteindre 16,4 milliards d'euros, contre 15,8 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale. Le budget général des Communautés européennes pour 2003 s'élève à 99,7 milliards d'euros en crédits d'engagement, ce qui représente 1,04 % du PNB communautaire. Le recul apparent observé au cours des derniers exercices est essentiellement imputable aux difficultés d'exécution des fonds structurels, comme cela a été regretté par l'ensemble des députés lors de la dernière session budgétaire.

Le projet de budget 2004 constitue le premier exercice budgétaire communautaire à 25. Le prélèvement sur recettes restera stable par rapport à la prévision d'exécution pour 2003, le surcoût inhérent à l'élargissement étant anticipé dans les dépenses de pré adhésion et compensé par d'autres facteurs favorables.

Consacré essentiellement à la politique agricole commune (45 % des crédits) et à la politique régionale (34 %) ce budget est financé par les États membres dans le cadre d'un système de ressources propres faisant intervenir plusieurs types de contributions. Second contributeur en volume, la France est également le second bénéficiaire en volume et le troisième contributeur net du budget communautaire, après l'Allemagne et le Royaume-Uni.

De par la correction dont il bénéficie, le Royaume-Uni ne participe qu'à hauteur de 13 % au financement de l'Union alors que son PNB représente 18 % de celui de l'Union européenne à 15. Les raisons ayant conduit à l'adoption de ce système en 1984 ne sont plus valables et il faudrait demander à le supprimer à l'occasion des nouvelles perspectives financières, même si la Ministre déléguée aux Affaires européennes, Mme Noëlle Lenoir, a déclaré qu'elle était pessimiste sur les chances de réussite d'une telle demande.

Du fait de l'adhésion de 10 nouveaux États membres le 1er mai 2004, un budget rectificatif devra inscrire les crédits supplémentaires rendus nécessaires par l'élargissement en partie dépenses et inscrire les ressources propres dues par les nouveaux États membres en partie recettes. La Commission a décidé de présenter un avant-projet de budget à 25 en distinguant ce qui relevait de l'Union dans son périmètre actuel et les crédits relevant de l'élargissement. C'est donc un budget à 25 qui est discuté et sur la base duquel sera trouvé un accord politique même si c'est un budget à 15 qu'adopteront formellement les deux branches de l'autorité budgétaire. Le budget de l'élargissement pourra ainsi être adopté début 2004 sans donner lieu à de nouveaux débats.

L'avant-projet de budget à 25, présenté par la Commission, s'établit à 112,2 milliards d'euros en crédits d'engagement (CE, +  12,6 %) et 100,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP, + 3,3 %). Pour l'Union à 15, le budget s'établit à 99,8 milliards d'euros en CE (+ 0,2 %) et 95 milliards d'euros (-2,5 %) en CP, donc très stable par rapport à l'an dernier. Les raisons en sont une relative modération de la dépense agricole, une croissance limitée des engagements des fonds structurels et une forte réduction des engagements de pré adhésion, suite à l'adhésion de 10 États candidats. Les engagements en faveur des politiques internes, des actions extérieures, et de l'administration progressent de manière dynamique (+ 3,5 % en moyenne). Le Conseil en première lecture n'a que peu modifié le projet : 111,9 milliards d'euros en CE (+ 12,3  %) et 100,1 milliards d'euros en CP (+ 2,7  %).

S'agissant des dépenses agricoles, l'exercice 2003 pourrait être plus tendu en exécution que les précédents, à cause d'une forte consommation des crédits, à quoi s'ajoute la sécheresse qui touche plusieurs pays d'Europe et les mesures annoncées par la Commission pour y faire face, notamment l'anticipation de certains paiements qui pourrait avoir un impact sur l'exécution du budget 2003. Pour 2004 les dépenses de marché s'établissent à 41 178 millions d'euros en CE et en CP, soit + 2,7 % par rapport à 2003 et celles pour le développement rural à 6 536 millions d'euros (+ 39,1 %) en CE et 5 448 millions d'euros en CP ; globalement, l'augmentation est de 2 933 millions d'euros en CE (+ 6,5 %). En ce qui concerne les nouveaux États membres, l'accord de Copenhague prévoit la mise en œuvre progressive des aides directes de la PAC (jusqu'en 2013) et une intégration immédiate dans les mécanismes de marché et le soutien au développement rural, avec des enveloppes convenues. La révision à mi-parcours de la PAC, décidée par les ministres de l'agriculture le 26 juin dernier, n'aura que peu de répercussions financières au niveau global en 2004.

Les fonds structurels affectés à la politique régionale se caractérisent en 2003, comme pour les années antérieures, par une forte sous-consommation globale, même si certains États membres sont en avance par rapport à la programmation 2000-2006. Avec un montant de 41 035 millions d'euros en CE et 30 522 millions d'euros en CP, le projet de budget 2004 enregistre une hausse de 20,8  % en CE, et une baisse de 8 % en CP. Pour la seule Union à 15, les CE s'élèvent à 34 326 millions d'euros, en hausse de 1  % par rapport à 2003 et les CP à 28 762 millions d'euros en baisse de 13,3  %, la Commission et le Conseil ayant tiré les conséquences de la sous-exécution des années antérieures.

La sous-consommation globale des fonds structurels est particulièrement importante en France depuis quelques années. Rappelons que si les montants affectés sont décidés à Bruxelles, les procédures et les projets le sont au niveau national. Le Gouvernement a pris, au cours du 2ème semestre 2002, une série de mesures visant à accélérer les procédures. La Commission européenne a également simplifié et assoupli ses propres procédures à réglementation constante (notamment re-engagement automatique d'une année sur l'autre). Si le retard en matière de programmation est en passe d'être résorbé, les taux de réalisation, par contre, sont encore très décevants. Ils restent par exemple à 20,5 % en coût total et 11,2 % en crédits communautaires payés pour les objectifs 1 et 2. Malgré sa progression de près de six points depuis janvier 2003, le taux de réalisation des crédits FSE (objectif 3) demeure inférieur à un taux optimal (26,6 % contre 33,3 %). Cette situation se retrouve également dans les programmes spécifiques (PICs). De nombreux projets n'aboutissent jamais et pour tous ces programmes, les disparités selon les régions sont très importantes. Votre Rapporteur spécial estime que l'effort d'accélération des procédures doit se poursuivre. En effet, la nouvelle règle dite de « dégagement d'office », qui consiste pour la Commission à supprimer la part des crédits européens dont l'emploi n'est pas justifié dans les deux ans de leur engagement pourrait se traduire par des pertes de moyens financiers. En matière de dégagements d'office, l'échéance de fin 2004 sera probablement plus difficile que celle de décembre 2003, notamment en raison du calendrier électoral (cantonales, européennes et sénatoriales), qui perturbera les réunions des différentes instances de suivi et l'activité des exécutifs locaux. Il faut demander au Gouvernement d'anticiper ce calendrier, de raccourcir les délais et de veiller à la bonne information des porteurs de projet, afin de bénéficier du juste retour auquel notre pays peut prétendre.

Le projet de budget du Conseil retient pour les politiques internes en 2004 un montant de 8.609 millions d'euros en CE et 7.475 millions d'euros en CP. La forte augmentation des CE (+ 1.813 millions d'euros soit + 26,7  %) et celle, corrélative, des CP, sont liées essentiellement à l'impact de l'élargissement. Dans ces politiques internes, il faut mentionner « l'initiative européenne de croissance » proposée par la présidence italienne et actuellement discutée au Conseil. Une décision est attendue avant la fin de l'année, avec notamment une relance des grands travaux d'infrastructures (transports, réseaux, télécommunications), des efforts de recherche et le soutien au développement durable.

L'avant-projet de budget des actions extérieures de l'Union européenne présenté par la Commission s'élève à  4 996 millions d'euros en CE (soit une marge de 86 millions d'euros sous le plafond des perspectives financières) correspondant, à périmètre constant, à une progression de 3,9  % par rapport au budget voté pour 2003. Le Conseil a renforcé de 60 millions d'euros la marge disponible sous le plafond. Les dépenses d'action extérieure se caractérisent aussi par une sous-exécution importante.

Les dépenses administratives vont enregistrer un nouveau ressaut avec l'élargissement. L'avant-projet de budget pour 2004 s'élève à 6 086 millions d'euros (+ 13,5 %).

Les aides de pré-adhésion subissent, logiquement, une diminution importante car elles ne concernent plus que la Roumanie, la Bulgarie et la Turquie.

Le budget 2004 est le premier à suivre la structure EBA (Établissement du Budget sur la base des activités), dans le même esprit que celui de la loi organique : transparence, efficacité, meilleure définition des périmètres d'intervention. L'EBA est le premier composant de la gestion basée sur les activités, plus vaste, qui a été décidée par la Commission depuis 1999. L'avant-projet de budget pour 2004 a été présenté par la Commission en suivant une nomenclature où les dépenses sont réparties entre 31 "domaines politiques" d'une taille très inégale, qui transcendent la structure actuelle des rubriques. Le descriptif détaillé par programmes et actions tel qu'établi par la Commission montre cependant que les indicateurs de résultat et de performance retenus sont encore assez balbutiants. C'est un premier pas, mais cela n'a pas encore changé fondamentalement les méthodes de travail. Le Gouvernement estime qu'il est encore trop tôt pour apprécier l'impact de ces changements sur la discussion budgétaire ; à l'occasion de la première lecture du Conseil, la discussion s'est, comme les années précédentes, encore essentiellement axée autour de la préservation ou de l'accroissement des marges sous le plafond des différentes rubriques.

Les discussions en vue de l'adoption du prochain cadre financier pluriannuel vont être engagées dès cette année. Cet « Agenda 2007 », qui concernera tout autant le volet recettes que le volet dépenses, sera suivi au premier semestre 2004, soit avant le renouvellement de la Commission et du Parlement européen, par les propositions législatives nécessaires à sa mise en œuvre. Le renouvellement de l'accord interinstitutionnel de 1999 pourrait par ailleurs s'inscrire dans le cadre juridique nouveau qui sera établi par la Convention européenne dans son projet de Constitution (base juridique à l'encadrement pluriannuel des budgets communautaires, modification des équilibres institutionnels).

La PAC, la plus ancienne des politiques communes, en est déjà à sa troisième réforme, depuis 1992. Elle fait l'objet de vifs débats entre les États membres attachés à sa conservation, dont fait partie la France, et d'autres qui la trouvent trop coûteuse et inadaptée. Les réformes successives au cours des dix dernières années n'ont pas occasionné de baisse des revenus agricoles en France et en Europe. Si la PAC doit bien entendu être maintenue au-delà de l'année 2006, elle doit néanmoins trouver en elle les forces de se réformer pour répondre aux objectifs qui lui sont assignés : assurer une production agricole efficace tout en assurant aux producteurs des revenus agricoles suffisants, maintenir une occupation du territoire par des populations agricoles dans des zones où les activités ne seraient pas forcément économiquement viables, garantir un niveau optimum de sécurité alimentaire et sanitaire face aux risques épidémiologiques et aux nouvelles technologies agroalimentaires, développer des productions plus respectueuses de l'environnement. Le Royaume-Uni a dit qu'il s'opposerait à toute modification de la correction dont il fait l'objet tant que la PAC n'aura pas été revue. Il n'est cependant pas impossible aux yeux de votre Rapporteur spécial de réfléchir en vue d'une continuation des réformes de la PAC dans le sens des objectifs prioritaires définis ci-dessus et tout en cherchant à en diminuer le coût pour permettre un déploiement du budget communautaire pour les autres rubriques. La tendance actuelle de tous les États membres est de payer moins et obtenir plus, en ayant l'œil rivé uniquement sur le taux de retour. Il faudra une impulsion politique puissante au plus haut niveau pour transcender cet esprit de boutiquier à courte vue.

La politique régionale, seconde politique par les masses financières, constitue l'un des enjeux majeurs du débat sur les prochaines perspectives financières. Elle ne devra pas être sacrifiée à cause de l'augmentation prévisible des dépenses dues à l'élargissement. Au contraire, les besoins des nouveaux États membres sont très importants, s'agissant des infrastructures notamment. Les régions défavorisées des anciens États membres devront continuer à bénéficier de soutiens pour assurer leur rattrapage.

Au-delà de la PAC et des fonds structurels, s'impose la nécessité d'un budget communautaire fort pour maintenir et développer les politiques communes. En contrepartie, le financement de l'UE devra passer par des ressources propres fiscalisées répondant aussi à la nécessité d'un lien entre le citoyen et l'UE. Cela relève d'un impératif démocratique et politique.

Le Rapporteur spécial a enfin proposé l'adoption d'une observation à l'intention du Gouvernement, relative à la sous-consommation des fonds structurels en France.

Le Président Méhaignerie a rappelé que les trois principales politiques communautaires (agriculture, politique régionale, grands travaux) seraient également débattues dans le cadre de l'examen des budgets de leurs ministères respectifs, ce qui relativise le fait que l'article relatif au prélèvement européen ne soit plus débattu le jeudi après-midi, ce qui rompait la discussion de la première partie. Il a souhaité que le Gouvernement estime la part des crédits de la PAC qui revient aux producteurs et aux consommateurs. Il a regretté, comme le Rapporteur spécial, la complexité et l'opacité des procédures nationales pour engager les fonds structurels.

M. Alain Rodet a regretté la sous-consommation des fonds structurels et s'est interrogé sur le réexamen nécessaire du zonage en France.

M. Bernard Carayon a critiqué la légitimité du Conseil économique et social à proposer un impôt européen. Cet impôt n'est pas souhaitable car il entraînerait la fin des États, n'est demandé par aucun des État membres de l'Union, ne cesserait d'augmenter une fois créé et donnerait une mauvaise image de l'Europe. Il a également regretté la sous-consommation des fonds structurels en France, ainsi que la modestie de la politique commerciale de l'Union et l'absence, en son sein, de politique industrielle et de recherche et développement.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial, a répondu que le Gouvernement avait entendu l'inquiétude unanime des députés sur la sous-consommation des fonds structurels dans notre pays. Il a souhaité que les actions initiées par le Gouvernement juste après sa prise de fonction soient développées de façon continue. Le zonage correspondait à la situation d'il y a 15 ans et devra être renégocié pour prendre en compte les régions et les projets. L'impôt européen serait bien sûr impopulaire, comme tout impôt, mais il constituerait un acte d'affirmation de la citoyenneté européenne, par une contribution visible apportée à la collectivité. La solidarité doit primer les égoïsmes nationaux afin de développer une capacité collective d'action en vue de maintenir la démocratie et la paix et d'aider les évolutions nécessaires de certains États membres. La contribution est inhérente au développement de la citoyenneté.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé très difficile le réexamen, à mi-parcours de la politique de zonage. Il est nécessaire de développer de grands programmes d'infrastructures : une autoroute est beaucoup plus utile que nombre d'interventions morcelées du FIDAR.

La Commission a adopté une observation du Rapporteur spécial, demandant une meilleure consommation des fonds structurels, puis, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits des affaires européennes.

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La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, à l'examen des crédits des transports aériens, du budget annexe de l'aviation civile (BAAC) et de l'article 53, rattaché.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité que le Rapporteur spécial fasse état des évolutions du budget des transports aériens dans la perspective de l'application de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances dont il semble, a priori, qu'il puisse demeurer un budget annexe. Quels thèmes d'enquête pourraient être proposés ?

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, a indiqué que ce budget dépendait étroitement de la situation économique du transport aérien. Or, cette situation demeure extrêmement fragile. Au premier semestre 2003, le trafic passagers sur les aéroports français a diminué de 3 % et le trafic fret a baissé de 0,1 %. Les résultats des compagnies aériennes sont dans l'ensemble catastrophiques, à l'exception peut-être de la société Air France. Dans ce contexte, il n'est pas raisonnable d'accroître la pression « fiscalo-redevancielle ». Le coût des mesures de sûreté a explosé en quatre ans, passant de 263 millions d'euros en 2001 à 420 millions d'euros en 2002, 512 millions d'euros en 2003 et probablement 575 millions d'euros en 2004. On peut émettre des doutes quant à l'efficacité des mesures financées par la croissance exponentielle de ces coûts. De même, le Gouvernement propose d'augmenter les tarifs de la taxe d'aviation civile en 2004. Les redevances pour services terminaux devraient également connaître une croissance forte. L'économie du secteur sera marquée, à moyen ou long terme, par des réorganisations de grande ampleur et des fusions entre les compagnies aériennes. Toutes les compagnies des petits et des moyens États sont condamnées à disparaître ou se restructurer. KLM en est un exemple frappant. Les regroupements entre compagnies pourraient induire également des rapprochements entre plates-formes. Aéroports de Paris devrait ainsi voir son statut évoluer, pour devenir une société anonyme de droit public.

Le ministère ne doit pas rater l'enjeu majeur de la LOLF. Ainsi, au-delà de 2006, le BAAC ne pourra conserver que ses missions de prestation de service. La construction des programmes et des missions pour le transport aérien est extrêmement préoccupante. Si le FIATA et le BAAC doivent devenir des missions aux termes des articles 18 et 20 de la loi organique, les parlementaires ne sauraient admettre l'atteinte à leur droit d'amendement que constituerait la création de missions monoprogrammes. Aussi, le BAAC pourrait devenir une mission « contrôle et exploitation aériens », déclinée en trois ou quatre programmes : « navigation aérienne », « surveillance et certification », « formation aéronautique d'État » et « management et gestion financière ». En ce qui concerne le FIATA qui devrait constituer une mission « intervention pour l'aménagement du territoire et les aéroports », on pourrait imaginer un programme consacré aux lignes aériennes d'aménagement du territoire et un autre consacré à la sécurité et à la sûreté aéroportuaire, sans évoquer l'éventuel troisième programme reprenant la continuité territoriale outre-mer, sur lequel il est permis d'exprimer des doutes sérieux. Enfin, les crédits du budget général constitueraient un programme « transports aériens » au sein de la mission « déplacements et transports », reprenant une partie des missions régaliennes sorties du BAAC. Ce programme serait constitué de quatre actions : « développement, coordination et réglementation », « régulation économique », « sécurité » et « industrie aéronautique ». Toutefois, à moyen terme, les crédits consacrés à la recherche pourraient être rattachés à une mission ou un programme dédié à la recherche, au niveau interministériel. D'autre part, les avances remboursables ne devraient plus se trouver sur le budget général, mais être gérées au sein d'un compte de concours financier, créé à cet effet.

En ce qui concerne les thèmes de contrôle de la Cour des comptes, cette dernière pourrait s'intéresser à la question de l'efficacité des dépenses en matière de sûreté aéroportuaire.

Les crédits du BAAC pour 2004 sont globalement en hausse de 3 %. Le flux net des emplois présente un solde négatif de huit postes, ce qui est négligeable au regard des 12.059 emplois du budget annexe. La diminution du produit de la taxe d'aviation civile affecté masque le fait que les tarifs de cette taxe augmentent sensiblement. Les redevances devraient également connaître une progression extrêmement forte. En ce qui concerne les crédits du budget général, les crédits d'avances remboursables en 2004 seront inférieurs aux prévisions de remboursement, lesquels sont imputés en première partie de la loi de finances sur une ligne de recettes non fiscales diverses. Les crédits consacrés à la recherche sont manifestement insuffisants, depuis plusieurs années, et devraient être augmentés de 40 à 60 millions d'euros.

En ce qui concerne le FIATA et l'article 53, le Gouvernement propose de mettre en œuvre l'article 60 de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer qui dispose que : « l'État verse aux régions de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, à la collectivité départementale de Mayotte, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna une dotation de continuité territoriale ». Cette dotation doit servir à financer une aide au passage aérien des résidents dans des conditions déterminées par la collectivité. Il est proposé de doter le FIATA de 30 millions d'euros en mesures nouvelles pour 2004. Cette réforme suscite de nombreuses interrogations. Tout d'abord, elle pose des questions d'ordre juridique, en termes d'euro compatibilité et de droit de la concurrence. Surtout, le mode de financement proposé est difficilement compatible avec l'ordonnance de 1959 et manifestement contraire à la loi organique du 1er août 2001. La possibilité d'affecter une recette à une dépense dans le cadre d'un compte d'affectation spéciale est encadrée par la loi organique. Son article 21 dispose que « les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ». Cela impose donc que les opérations retracées sur le FIATA soient financées par des recettes particulières « par nature, en relation directe avec les dépense concernées ». Or, une taxe due par l'ensemble des entreprises de transport aérien n'est pas « par nature en relation directe » avec la dépense que constitue le versement d'une subvention à des collectivités particulières, dans un optique de continuité territoriale. Même s'il était adopté pour 2004, le système ne pourrait subsister après 2005. Ensuite, une telle réforme pose un problème d'équité : quelle est la logique qui consiste à faire financer la dépense de solidarité nationale que constitue la dotation de continuité territoriale par une taxe due par des compagnies aériennes dont l'activité est, la plupart du temps, sans aucun rapport avec la desserte de l'outre-mer ? C'est au moment où les compagnies aériennes sont au bord du gouffre que l'on augmente les taxes. La réforme pose également des problèmes en gestion : le FIATA étant alimenté tous les mois, les collectivités ne pourraient donc pas bénéficier de la totalité de leur dotation en début d'année, mais pourraient au mieux recevoir des versements par trimestre. Du reste, il est prévu que la dotation soit indexée sur la dotation globale de fonctionnement, à l'image la dotation de continuité territoriale Corse. En réalité, cette dotation évoluera, si elle est inscrite sur le FIATA, en fonction des recettes du compte d'affectation spéciale, lesquelles sont établies à partir de prévisions de trafic toujours instables et incertaines. Enfin, cette réforme pose un problème de cohérence politique puisqu'elle est contraire à la logique du Gouvernement de vouloir clarifier et regrouper les dotations aux collectivités locales. Il faut donc trouver un autre support budgétaire. Une telle subvention doit figurer sur le budget général, dont les ressources de financement sont en cohérence avec la nature de la dépense. Un chapitre du budget de l'Outre-mer pourrait être créé. L'exemple de la dotation de continuité territoriale en Corse pourrait également inspirer l'inscription de ces crédits sur le budget du ministère de l'Intérieur. En tout état de cause, la taxe d'aviation civile ne saurait supporter cette charge nouvelle, qui relève d'une politique régalienne et volontariste de soutien à l'outre-mer.

M. Alain Rodet a partagé l'appréciation du Rapporteur spécial sur le dispositif prévu par le Gouvernement pour l'outre-mer. Il est très contestable de faire financer la continuité territoriale outre-mer par un relèvement de la taxe d'aviation civile. Cette dépense devrait être prise en charge par le budget général. Par ailleurs, est-il exact que les compagnies « haut de gamme » dégagent le meilleur taux de « profitabilité » ? Quelles sont, d'autre part, les règles retenues par le Gouvernement pour le transfert de la gestion des plates-formes aériennes régionales aux collectivités territoriales ?

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, a indiqué que les low cost gagnent le plus d'argent, alors qu'elles ne respectent pas les règles de la concurrence, comme le montre le jugement en date du 24 juillet 2003 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du 28 juin 2002 de l'assemblée plénière de la chambre de commerce et d'industrie, ainsi que les décisions de son président de signer, en exécution de cette délibération, deux conventions avec la compagnie aérienne Ryanair. Le Gouvernement est aujourd'hui trop passif devant le développement des pratiques anticoncurrentielles des low cost. En comparaison, les compagnies « haut de gamme » ont une rentabilité moindre. La rentabilité d'Air France repose sur l'existence de rentes qui représentent une part importante de son trafic, la compagnie dégageant des marges beaucoup plus élevées que la moyenne sur certaines lignes desservant l'Afrique. S'agissant de la décentralisation des aéroports, l'actuel projet de loi propose de retenir le cadre suivant : les plates-formes aéroportuaires jouant un rôle structurant dans la desserte aérienne du territoire, notamment la desserte internationale, doivent rester de la compétence de l'État. D'autre part, l'aménagement, l'entretien et l'exploitation de tous les autres aéroports seraient décentralisés au plus tard le 1er janvier 2007 en s'appuyant sur les volontés exprimées par les collectivités territoriales et en permettant un transfert au bénéfice, éventuellement, de leurs groupements. De plus, les mutations domaniales opérées avant la date de promulgation de la loi, au profit de collectivités locales, ne devraient pas être remises en cause. Sauf si elles s'y opposent, les collectivités concernées bénéficieraient automatiquement d'un transfert définitif des aérodromes qu'elles ont d'ores et déjà pris en charge. Du reste, tout transfert d'un aéroport emporterait transfert, à titre gratuit et en pleine propriété, des terrains et des biens appartenant à l'État nécessaires à son exploitation, à l'exception des emprises et des installations réservées aux besoins de la défense nationale, de la sécurité civile, de la sécurité de la circulation aérienne et de la météorologie. Le projet prévoit également que l'État continuerait à assurer les fournitures des services de contrôle de la navigation aérienne. Il resterait le garant de la sécurité ainsi que de la sûreté et les tâches effectuées dans ces domaines par les exploitants des aérodromes demeureraient placées sous son autorité et son contrôle. Enfin, les collectivités auraient toute liberté pour choisir les exploitants des plates-formes qui leur sont transférées. Nombre d'aéroports sont déjà concédés, en particulier à des chambres de commerce et d'industrie.

M. Daniel Garrigue a interrogé le Rapporteur spécial sur les arguments avancés par le Gouvernement pour financer la continuité territoriale par le FIATA. S'agissant des low cost, il faut se garder de tout jugement définitif, et examiner chaque situation au cas par cas. Dans l'affaire de Strasbourg, il y avait rupture manifeste de la concurrence dans la mesure où préexistait une ligne Air France à destination de l'Angleterre. En revanche, dans plusieurs autres sites, en l'absence de ligne préexistante, l'intervention des low cost ne pose pas de problème de concurrence, mais s'inscrit dans une démarche d'aménagement du territoire. Il faut également prendre en compte le fait qu'il existe déjà des lignes subventionnées par le FIATA et des aéroports financés par des collectivités territoriales. Le produit de la taxe passerait de 10 millions d'euros à 55 millions environ.

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, a précisé que le financement par le FIATA de la dépense de continuité territoriale outre-mer a été choisi afin que la hausse de 13 % de la taxe d'aviation civile ne soit pas trop visible. Les low cost peuvent jouer un rôle dans l'aménagement du territoire à condition que les règles de la concurrence soient respectées. Les aides pour l'aménagement du territoire sont versées d'après un cahier des charges et après appel d'offres, et il n'y a pas de raison pour que les low cost échappent à cette procédure.

M. Daniel Garrigue a indiqué que, pour les lignes où il n'y a pas de compagnie préexistante, les conditions de concurrence sont les mêmes pour toutes les low cost. L'aménagement du territoire est une notion qui ne doit pas être réduite à un cadre strictement national, mais examinée au niveau européen, notamment dans des départements où de nombreux étrangers sont implantés.

M. Philippe Rouault a fait observer que les dépenses d'aviation civile font l'objet d'indicateurs de gêne sonore, mais que la question de l'émission de gaz carboniques n'est pas abordée. L'exonération de TIPP dont bénéficient les aéronefs est-elle justifiée ?

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, a rappelé que dix jours après le dépôt du projet de loi de finances, la ministre de l'Écologie et du développement durable a annoncé une réforme de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) afin de supprimer le volet bruit de cette taxe et d'y substituer une « taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires ». Cette méthode n'est pas acceptable. La composante « bruit » de la TGAP étant actuellement gérée par l'ADEME, la gestion en serait transférée à chaque grande plate-forme aéroportuaire. Certains accords au profit de compagnies low-cost n'ont pas respecté les règles de concurrence. Par ailleurs, une réforme de cette ampleur aurait dû figurer dans le projet de loi de finances. Or, il semblerait qu'elle fasse l'objet d'une mesure dans le collectif de fin d'année. L'exonération de TIPP dont bénéficie le kérosène est fondée pour les vols internationaux. Pour les vols nationaux, elle se traduit par une distorsion de concurrence par rapport aux autres modes de transport. En tout état de cause, la taxation du kérosène poserait des difficultés techniques importantes pour les vols « chaînés », comprenant à la fois des destinations étrangères et nationales. À la décharge des constructeurs, les progrès techniques réalisés dans la construction des moteurs ont permis de réduire les émissions de gaz carbonique.

M. Louis Giscard d'Estaing a indiqué que, comme l'a souligné le Rapporteur spécial, il n'est pas normal que le surcoût relatif à l'aide de 30 millions d'euros attribuée aux collectivités d'outre-mer soit supporté par toutes les compagnies aériennes. S'agissant du FIATA, il est nécessaire d'avoir une lisibilité sur l'évolution des règles d'attribution des aides, en particulier sur le nombre minimum de passagers sur une ligne permettant de rendre les villes desservies éligibles aux subventions du FIATA. S'agissant des compagnies low cost, le problème ne réside pas tant dans la question de la légalité des interventions, mais dans l'absence constatée de compagnies alternatives sur de nombreuses dessertes. C'est particulièrement le cas de la ligne Clermont-Ferrand - Londres, supprimée par Air France. Les compagnies low cost offrent une alternative.

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, a souligné que les crédits du FIATA consacrés à l'aménagement du territoire passent de 16 millions d'euros en 2003 à 28 millions d'euros en 2004. Les dépenses prévisionnelles comprennent le versement des soldes des conventions antérieures à l'année 2002 pour 3 millions d'euros et la totalité des acomptes exigibles en 2004 au titre des conventions en cours, pour un montant d'environ 12,5 millions d'euros. À ce jour, la participation du FIATA a été en outre envisagée et sollicitée pour onze liaisons. Les besoins sont évalués à 9,2 millions d'euros.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'il retenait la suggestion du Rapporteur spécial de demander une enquête de la Cour des comptes sur le coût des mesures de sûreté dans les plates-formes aéroportuaires françaises.

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, a précisé qu'il avait procédé à un contrôle sur pièces et sur place sur le système des avances remboursables à l'industrie aéronautique, qui ne constitue plus vraiment un avantage économique pour les entreprises. Un amendement sera présenté en première partie afin de majorer de 80 millions d'euros les recettes attendues des remboursements en 2004 des avances octroyées. Aujourd'hui, l'État accorde aux industriels du secteur des avances, dont une partie des remboursements est en définitive plus coûteuse pour les entreprises que le simple recours au marché, dans un contexte de baisse généralisée des taux d'intérêt. Il faut donc inciter le Gouvernement à entreprendre une réforme d'ensemble du système des avances remboursables, afin de négocier des avenants aux contrats permettant d'introduire des clauses de remboursements anticipés par les bénéficiaires et/ou des clauses de rachat par des tiers. La moitié de ce retour pourrait être consacrée à la réduction du déficit budgétaire et l'autre moitié à l'augmentation des aides en faveur de la recherche, dont le montant actuel est trop insuffisant.

La Commission a ensuite adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits des Transports aériens et ceux du budget annexe de l'Aviation civile figurant aux lignes des articles 48 et 49 I et II du projet de loi de finances pour 2004.

Puis elle a examiné un amendement du Rapporteur spécial tendant à réduire les crédits du FIATA de 30 millions d'euros.

La Commission a adopté cet amendement.

Puis elle a examiné l'article 53 (Modification de la nomenclature des dépenses du compte d'affectation spéciale n° 902-25 « Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien » (FIATA) rattaché à ces crédits.

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, a présenté un amendement tendant à supprimer cet article. En effet, il n'est pas normal que des crédits du FIATA soient consacrés pour un montant de 30 millions d'euros à la dotation de continuité territoriale outre-mer. Il n'est pas logique d'augmenter la taxe d'aviation civile dans cet objectif. Il convient plutôt d'inscrire cette somme sur le budget du ministère de l'Intérieur ou de l'Outre mer.

La Commission a adopté cet amendement. En conséquence, l'article 53 a été supprimé.

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Informations relatives à la Commission

La Commission des finances a nommé :

- M. Camille de Rocca-Serra, rapporteur spécial sur le budget du Commerce extérieur ;

- M. Hervé Novelli, candidat titulaire, et M. Jean-Louis Dumont, candidat suppléant, pour siéger à l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz.

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