COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 21

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 30 octobre 2003
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

Puis de M. Jean-Louis Dumont, Doyen d'âge

SOMMAIRE

 

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- Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093) :

Vote sur les crédits :

 

- de la Solidarité (Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteur spécial)

- du Travail et de l'article 80, rattaché (M. Michel Bouvard, rapporteur spécial)

- de l'Enseignement supérieur (M.  Laurent Hénart, rapporteur spécial)

- de la Défense et des articles 46 et 47, rattachés (M. François d'Aubert, rapporteur spécial)

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En préambule, M.  Didier Migaud s'est inquiété du retard pris par le Gouvernement à transmettre la proposition de recommandation de la Commission européenne et du Conseil de l'Union européenne au sujet du déficit budgétaire français. Les problèmes de traduction invoqués pour justifier un tel retard sont risibles. Si ce retard se prolonge le Parlement ne pourra débattre qu'une fois la décision prise à l'échelle européenne.

Le Président Pierre Méhaignerie a pris acte de cette déclaration.

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de Mme Marie-Anne Montchamp, Rapporteur spécial, les crédits de la solidarité pour 2004.

Mme Marie-Anne Montchamp, Rapporteur spécial, a indiqué que le périmètre des crédits de la solidarité se stabilisait enfin cette année : en anticipant l'adoption du projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, les crédits s'établissent à 2,57 milliards d'euros, soit une stabilisation à - 0,35 %. Pour autant, cette stabilisation ne contribue pas nécessairement à rendre ce budget totalement lisible compte tenu de son caractère diffus. C'est en effet parfois au niveau de l'article budgétaire que s'établit le découpage entre agrégats. Il faut le souligner cette année, comme l'an dernier. Mettre en perspective ce budget pour 2004 avec les lois de finances rectificatives pour 2002 et le budget pour 2003 éclaire la stratégie ministérielle de réforme. Le très important « collectif » de l'été 2002 est venu solder le passif particulièrement lourd du précédent gouvernement. Avec un total de 1,63 milliard d'euros de crédits ouverts, a été apurée la quasi-totalité des « dettes sociales » héritées de la gestion précédente. Cela a été vrai pour le RMI à hauteur de 700 millions d'euros et pour l'aide médicale de l'État avec un apurement de 445 millions d'euros. Hélas, c'est parfois la conception même de certains dispositifs qui constitue la principale difficulté. L'allocation personnalisée d'autonomie (APA) était un de ces dispositifs de fuite en avant, l'aide médicale en est un autre. Au total, sur le budget de la solidarité, les deux lois de finances rectificatives auront représenté plus de 1,45 milliard d'euros d'ouvertures de crédits. Ce coûteux apurement des dettes sociales, qui a été courageusement conduit par le Gouvernement, s'est traduit directement dans le budget 2003, de même que les prémices des mesures préparatoires de l'entrée en vigueur de la loi organique.

Cette mise en perspective permet de mieux saisir les axes structurants du budget de la solidarité pour 2004 avec deux mouvements de fond qui viennent réformer et moderniser la gestion : la décentralisation et l'effort de maîtrise de la dépense publique. La décentralisation se traduit par le transfert du RMI aux départements, qui devrait être effectif dès 2004. Par ailleurs, la mise en œuvre de la loi organique se poursuit au sein des ministères « sociaux ». À ce stade, trois thèmes méritent plus particulièrement attention. Le traitement des « fonctions support » et des « services polyvalents » tout d'abord, car si l'architecture projetée, en une mission « Solidarité et intégration » composée de six programmes, est satisfaisante - d'autant qu'elle permet la ventilation de l'actuel agrégat « développement social », trop composite -, demeure la perspective d'un programme commun avec la mission « Politique de santé », qui regrouperait la totalité des personnels des services déconcentrés et une bonne part des crédits de fonctionnement. Cette perspective est critiquable car contraire à l'article 7 de la loi organique. Le Ministre s'en est expliqué mardi devant la Commission en évoquant la transversalité des emplois. Par ailleurs, la ventilation des emplois par programme n'est pas acquise, même en administration centrale. Enfin, le dispositif de mesure de la performance de la gestion est encore un chantier ouvert.

Au-delà de ces deux grands mouvements de décentralisation et de maîtrise de la dépense publique, les crédits de la solidarité sont marqués par trois impulsions : le volontarisme d'une politique renouvelée de lutte contre l'exclusion, le placement des politiques de développement social sous le signe d'un effort nécessaire en faveur des personnes âgées, et une gestion des services communs conforme aux orientations stratégiques du Gouvernement.

Quinze ans après sa création, le RMI a besoin d'un nouveau souffle. Alors que le nombre d'allocataires a recommencé à augmenter (+ 1,6 % en 2002), le volet « insertion » du dispositif n'a jamais fonctionné de façon satisfaisante. L'État ayant soldé les dettes sur ce poste en 2002, le Gouvernement a choisi de mettre fin à la dichotomie entre « allocation » et « insertion », en confiant ces deux leviers aux départements. Le transfert de la charge financière est organisé par l'article 40 du projet de loi de finances, qui a été voté en première lecture. Il sera neutre en 2004. La création d'un revenu minimum d'activité, contrat de travail spécifique, est prévue dans le projet de loi adopté par le Sénat le 27 mai dernier en première lecture ; l'Assemblée nationale doit l'examiner dans la deuxième quinzaine de novembre. Par ailleurs, une réflexion à mener sur l'aide médicale de l'État, instituée à partir du 1er janvier 2000 pour les personnes étrangères résidant en France qui ne remplissent pas les conditions d'admission au bénéfice de la couverture maladie universelle (CMU), c'est-à-dire, pour l'essentiel, en situation irrégulière.

L'aide médicale gérée par l'assurance maladie a connu une montée en charge rapide, et concerne environ 170.000 bénéficiaires. La dotation budgétaire sur ce poste et passée de 75,4 millions d'euros en 2000 à 53,3 millions d'euros en 2001 puis à 60,9 millions d'euros en 2002 et à 233 millions d'euros en 2003. Le même montant est proposé pour 2004. Le Gouvernement a annoncé une série de mesures réglementaires pour contenir le dérapage. Il est évidemment dans son rôle. Cependant, le Rapporteur spécial a indiqué la poursuite de sa réflexion et de ses consultations sur ce dossier, avec une conviction désormais acquise : ce simple ajustement à la marge conduit à une triple impasse : technique, politique et sanitaire, et ne répond pas à l'enjeu. Telle est la raison pour laquelle un « groupe référent » associant praticiens du dossier et personnalités du monde universitaire et associatif sera créé prochainement pour travailler sur une remise en cause de l'architecture même de l'aide médicale de l'État, qui a fait la preuve de son vice de conception.

Dans le domaine de l'hébergement social, des solutions diversifiées continueront à être proposées. Hors transferts, ce sont 8 millions d'euros de mesures nouvelles « nettes » qui permettront en 2004 d'améliorer la prise en charge des plus démunis, sans-abri, réfugiés et demandeurs d'asile. L'effort global de l'État est estimé en 2003 à 24,6 milliards d'euros correspondant au financement de nombreux dispositifs spécifiques en faveur des personnes en difficulté. Les crédits relatifs au plan national de renforcement de la lutte contre la précarité et l'exclusion, lancé le 25 mars dernier, viennent s'inscrire dans ce cadre. Ils s'entendent sur la totalité du plan, soit de 2003 à 2005, et représentent 1 milliard d'euros. En 2004, les crédits destinés aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale augmenteront de 2,1 % et seront portés à 437 millions d'euros. En contrepartie de cette consolidation, il n'est pas prévu de nouvelles créations de places. En revanche, il est souhaitable que 2004 voie la poursuite du développement des maisons-relais, formule innovante d'hébergement de longue durée pour des personnes en grande précarité. 1.000 places ont pu être créées en 2003 dans ces structures ; à terme, 5.000 places sont prévues. Le Gouvernement serait bien inspiré de redéployer, comme il en a le pouvoir, une partie des crédits de l'hébergement d'urgence pour les consacrer aux maisons-relais, qui sont parfois plus adaptées, et dont le coût par place s'élève à 8 euros par jour, contre 16 euros pour les centres d'hébergement.

Les tensions sont toujours fortes sur le dispositif d'accueil d'urgence des demandeurs d'asile, comme en témoigne l'ouverture par décret d'avance de 145 millions d'euros le 13 octobre dernier. Les abondements répétés en gestion pour couvrir l'augmentation des dépenses d'hébergement d'urgence, à hauteur de 248 millions d'euros en 2003, posent la question de la sincérité de l'autorisation budgétaire. Par ailleurs, la fermeture du centre d'hébergement de Sangatte, dont il faut se féliciter, permettra 3,8 millions d'euros d'économies en 2004. Dans un domaine connexe, le Comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003 a donné un nouveau souffle à la politique de l'intégration. Le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, qui reçoit 170,7 millions d'euros du budget de l'État, a réorienté son activité pour tenir compte de nouvelles priorités : accueil des primo-arrivants, logement et habitat, formation et emploi, éducation et solidarité, action culturelle et information, soutien aux acteurs et aux structures, dont le financement de 500 postes dans le cadre du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, (postes FONJEP), qui sont une modalité particulièrement efficiente de l'emploi des fonds publics. Enfin, l'Office des migrations internationales (OMI), qui met déjà en œuvre à titre expérimental les contrats d'accueil et d'intégration en direction des « primo-arrivants », verra en 2004 ses moyens financiers et humains regroupés avec ceux du Service social d'aide aux émigrants pour former une Agence de l'immigration, dans un souci de cohérence et de rationalisation budgétaire.

Dans le domaine du soutien aux personnes âgées, le 2 septembre dernier, MM. François Fillon, ministre des Affaires sociales, du travail et de la solidarité, Jean-François Mattéi, ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, et Hubert Falco, secrétaire d'État aux personnes âgées, ont lancé la préparation du plan interministériel « Vieillissement et solidarités » dont le besoin et l'urgence se sont fait sentir avec une particulière acuité après le drame du mois d'août dernier. Le plan devrait être annoncé dans les prochains jours. Mais dès septembre, 40 millions d'euros de crédits de l'assurance maladie ont été débloqués pour répondre aux besoins immédiats des services et établissements médico-sociaux. Sur les crédits de l'État, les actions nationales en faveur des personnes âgées seront financées au même niveau qu'en 2003 (732.000 euros), et près de 23 millions d'euros serviront, dans les départements, à poursuivre le déploiement des centres locaux d'information et de coordination, sortes de « guichets uniques » de l'aide aux personnes âgées. Une fois ce déploiement achevé, ces centres devraient être pilotés par les seuls conseils généraux. Même si elle n'est pas financée sur les crédits de solidarité, il faut évoquer l'allocation personnalisée d'autonomie dont le sauvetage a été conduit en 2003, grâce aux efforts conjugués de l'État, des départements et des bénéficiaires. La charge du surcoût par rapport à la prévision contenue dans l'étude d'impact de la loi du 20 juillet 2001 serait répartie en trois parts équivalentes entre ces trois contributeurs. Quant aux subventions d'équipement consacrées aux établissements hébergeant des personnes âgées, elles augmenteront de près de 50 % en 2004, pour atteindre 17,8 millions d'euros. Il faudra veiller à leur délégation effective, après des taux de consommation catastrophiques en 2002 et en 2003. Conscient des enjeux de la prise en charge des personnes âgées, le ministère a programmé pour l'an prochain une enquête exhaustive auprès des établissements d'hébergement, alors que les données actualisées font aujourd'hui cruellement défaut. Les dépenses fiscales en faveur des personnes âgées, de 223 millions d'euros, et les différentes allocations qui leur sont spécifiques resteront stables en 2004, tandis que l'ajustement des autres dépenses d'aide sociale représentera un solde net négatif de 14,3 millions d'euros.

Concernant la politique de l'égalité entre hommes et femmes, comme l'a montré la communication en Conseil des ministres du 29 octobre dernier de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, le travail des femmes est un atout pour l'activité économique. C'est pourquoi le Gouvernement entend, fort pertinemment, l'encourager, en s'appuyant sur les travaux de la Conférence de l'égalité réunie le 6 mars dernier. Bien que modestes, les crédits d'État consacrés aux actions en faveur des droits des femmes devront être identifiés dans un programme spécifique au sens de la loi organique, ainsi qu'à un « projet coordonné de politique interministérielle ». Ce projet, dont les objectifs devront figurer dans les projets annuels de performance de chaque ministère concerné, sera un véritable outil de pilotage, allant bien au-delà de l'actuel « jaune » budgétaire, dont la visée est purement informative. Ont été privilégiés les crédits destinés à soutenir l'activité économique des femmes au détriment des coûts de structures administratives. Dans le domaine de la formation en travail social, outre la reconduction des actions nationales, les crédits déconcentrés proposés pour 2004 s'élèvent à 132,6 millions d'euros, en hausse de 9,06 % intégrant une mesure nouvelle de 11 millions d'euros pour les formations initiales, qui concernent près de 34.000 étudiants. En 2005, ces actions de formation devraient être confiées aux régions.

S'agissant du soutien aux rapatriés, depuis le 1er janvier 2003, la rente viagère versée aux harkis et à leurs veuves a été remplacée par une allocation de reconnaissance, indexée annuellement sur l'augmentation du coût de la vie et attribuée sans condition de ressources. 11.000 ressortissants en bénéficient. Dotée en 2003 de 8 millions d'euros, la ligne de crédits spécifique sera portée à 11 millions d'euros en 2004. Quant au dispositif d'aide à l'acquisition d'un logement et au désendettement immobilier, et à l'articulation des différentes structures intervenant dans le soutien aux rapatriés, ils devraient être revus à l'issue d'un prochain débat parlementaire qui s'appuiera sur le rapport remis par M. Michel Diefenbacher, parlementaire en mission, en septembre dernier.

Après une mise à niveau de ses crédits en 2003, la Délégation interministérielle à l'économie sociale et solidaire a réorienté ses priorités. En 2004, ses crédits seront affectés au financement de la protection sociale des participants au volontariat de cohésion sociale pour 400.000 euros, à la promotion de l'activité et de l'emploi dans les associations, les coopératives financières et non financières et les mutuelles de santé et d'assurance pour 900.000 euros et à la couverture d'engagements antérieurs au titre de conventions pluriannuelles d'objectifs, pour 583.000 euros. 2 millions d'euros serviront à soutenir les politiques territoriales de l'État. Par souci de bonne gestion, la délégation conditionnera le versement de ces subventions au strict respect des obligations de ses cocontractants, et consacrera 200.000 euros à l'évaluation des actions antérieures. Enfin, le soutien à la protection sociale outre-mer sera maintenu, avec des dotations quasi stables en 2004, à hauteur de 32 millions d'euros, essentiellement au bénéfice de la Polynésie française, et de façon résiduelle à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

La modération des dépenses de personnel n'empêchera pas l'amélioration des carrières et de la formation. La loi de finances pour 2003 comprenait 100 suppressions d'emploi dans les ministères « sociaux », et le présent projet de loi se caractérise par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, soit 145 suppressions d'emploi, représentant 10 millions d'euros d'économie. Le taux de vacance des emplois était tombé en dessous de 4 % au 31 décembre 2002, en baisse d'un demi-point en glissement annuel. L'effectif global serait ainsi en baisse de 1 % environ. Les dépenses de personnel devraient augmenter en 2004 de 6 à 7 millions d'euros, soit un total de 577 millions d'euros, sous l'effet mécanique du glissement vieillesse technicité, et de la progression des barèmes indemnitaires. Au titre de la formation initiale et continue aux carrières sanitaires et sociales, l'École nationale de la santé publique de Rennes sera transformée en École des hautes études en santé publique, lorsque le projet de loi relatif à la politique de santé publique, adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 14 octobre dernier, sera en vigueur. S'agissant des moyens de fonctionnement et d'équipement des ministères « sociaux », après une exécution tendue en 2003, liée notamment à une dispersion des gestionnaires finals que l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août devrait permettre de rationaliser, la mise à niveau des systèmes d'information représente l'essentiel des mesures nouvelles, avec 4,7 millions d'euros supplémentaires. Les crédits de fonctionnement s'établiront au total à 195 millions d'euros. Les crédits destinés à la recherche et aux études seront en légère progression, les frais de justice également − mais leur sous-dotation est déjà certaine −, et l'action internationale du ministère sera poursuivie au même niveau qu'en 2003.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné l'ampleur du sujet ainsi que l'absence totale de maîtrise de certaines dépenses.

M. Jean-Louis Dumont s'est inquiété des problèmes d'équivalence de diplômes entre États de l'Union européenne en matière de travail social. Des personnes formées en France vont travailler en Belgique et au Luxembourg, tandis que le mouvement inverse se heurte à la validité des diplômes. Le Rapporteur spécial se montre très optimiste sur l'évolution des crédits de la Délégation interministérielle à l'économie sociale et solidaire. Or, les craintes sont immenses, tant au sein de la Délégation que sur le terrain, où l'on a vu les services de l'État encourager des conseils régionaux à renoncer à leurs engagements contractuels dans le champ de l'économie solidaire. Ces actions jouent pourtant un rôle irremplaçable dans certains secteurs et les crédits subissent des coups d'accordéon, très dommageables à l'efficacité des actions sur le terrain.

Au-delà des discours de circonstance sur l'attention portée aux personnes âgées, il existe des besoins concrets, en particulier en termes d'hébergement. C'est également sur l'hébergement que Mme Dominique Versini, secrétaire d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion, fait porter ses efforts, au travers du programme des maisons-relais. Mais de telles structures existent déjà, elles peuvent être gérées par des associations ; pourquoi ne pas permettre aux offices publics d'HLM d'y contribuer également ? Il n'y a pas d'insertion sans logement, comme l'avait bien compris M. Pierre-André Périssol lorsqu'il a lancé en son temps la création de 10.000 logements.

M. Gérard Bapt a contesté la présentation selon laquelle l'APA aurait fait l'objet d'un quelconque « sauvetage ». Il s'est seulement agi d'un ajustement aux besoins. Le plan « Vieillissement et solidarités » n'a pas été lancé le 2 septembre dernier, on en est toujours au stade des annonces. La situation critiquable des crédits d'équipement, relevée par le Rapporteur spécial, doit être soulignée. L'exemple de la région Midi-Pyrénées montre le blocage de subventions d'investissement de l'État, alors même que des contrats de plan ont été conclus. S'agissant des rapatriés, est-on bien certain qu'un débat aura lieu au Parlement ?

Dans le champ des crédits de fonctionnement, la dotation budgétaire allouée à la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques semble notoirement insuffisante. Est-elle financée sur les crédits de la solidarité ? Les frais de contentieux explosent, et ce n'est pas sans lien avec les inquiétudes que fait naître l'évolution des crédits de fonctionnement, révélée par les ministres eux-mêmes dans une note dont les députés ont pris connaissance dans la presse. Le non-règlement de certaines factures met des entreprises en difficulté de trésorerie. Il y a une véritable paupérisation en termes de fonctionnement. Enfin, il faut rendre hommage au discours tenu par le Rapporteur spécial sur l'aide médicale de l'État. L'impasse technique, politique et budgétaire est réelle. On ne peut empêcher des médecins de soigner. L'architecture du dispositif doit être revue en posant les préoccupations sanitaires comme préalable.

M. Hervé Novelli a déploré le fait que certains semblent se réjouir de la croissance des dépenses relatives à l'aide médicale de l'État, comme ils se réjouissent des moyens croissants consacrés à l'allocation personnalisée d'autonomie. Face à l'évolution d'une prestation dispendieuse et non contrôlée, quelle sera la méthode adoptée par le « groupe référent » évoqué par le Rapporteur spécial ?

M. Laurent Hénart est convenu de l'utilité des « postes FONJEP ». Il s'agit effectivement d'une modalité efficiente de l'utilisation des fonds publics, qui stabilise les emplois et viabilise les associations. Cependant, si les crédits ad hoc augmentent au sein du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, ceux figurant dans les crédits de la Jeunesse sont en baisse. Certains « postes FONJEP » bénéficiant du concours financier de collectivités locales, il conviendrait de les pérenniser.

Le Président Pierre Méhaignerie a fait remarquer que ces dernières années avaient été créés de très nombreux emplois dans le champ social, bâtis sur du sable. Il conviendrait de faire le point sur cette situation. Par ailleurs, à l'heure où beaucoup de départements réclament des moyens supplémentaires pour créer des lits en établissements hébergeant des personnes âgées, il serait instructif de recenser les efforts que chacun d'entre eux a fourni ces dernières années. M. Jean-Louis Dumont a estimé que les besoins en la matière étaient différenciés localement.

Suite à ces interventions, Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteur spécial, a apporté les précisions suivantes :

- la délégation interministérielle à l'économie sociale et solidaire a dû réorienter ses actions car le nouveau Gouvernement en a décidé ainsi. Les crédits de la délégation sont bien évidemment soumis à la règle de l'annualité budgétaire ;

- s'agissant du traitement des conséquences de la canicule, tout « effet de manche » est à proscrire. Une enquête exhaustive sur les capacités d'hébergement en établissements pour personnes âgées est nécessaire ; elle sera menée en 2004. Actualiser les données anciennes est un préalable indispensable ;

- la création de dispositifs généreux est certes louable mais il faut se poser la question de leur pérennité. Ce n'est qu'en raison des retards pris dans l'instruction des dossiers d'allocation personnalisée d'autonomie que son financement a pu être assuré la première année. Le Gouvernement est les autres parties prenantes ont eu, en modifiant les caractéristiques du financement, une attitude responsable ;

- les maisons-relais constituent non seulement une modalité d'hébergement social plus adaptée à certaines catégories de populations, mais elles coûtent également, par place offerte, deux fois moins cher qu'un centre d'hébergement et de réinsertion sociale. Ce sont des petites structures gérées le plus souvent par un couple d'hôtes, pour lesquelles diverses modalités de financement sont envisageables : gestion associative, partenariat public-privé, etc.

- le taux de consommation des crédits d'équipement est problématique de même que celui des moyens de fonctionnement du ministère, qui par ailleurs devraient augmenter de 2 % en 2004. La Cour des comptes pourrait utilement se pencher sur leur gestion. La loi organique relative aux lois de finances sera également vertueuse sur ce point ;

- les crédits d'études financés par le budget de la solidarité ne subventionnent pas la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques ;

- les frais de contentieux évoqués dans le rapport spécial concernent essentiellement les réparations civiles à l'égard de personnels de santé et de victimes d'accidents médicaux, et en aucune manière, les factures impayées ;

- l'aide médicale de l'État est un exemple préoccupant de dérive budgétaire. Au-delà, c'est le dispositif en lui-même qui a fait la preuve de sa perversion : il induit des dépenses de soins très élevées, chiffrées par exemple à quelque 8.000 euros à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. Face à une telle absence d'encadrement des crédits, il faut bâtir un autre dispositif ;

- sur la question des « postes FONJEP », il sera utile de se rapprocher du Rapporteur spécial des crédits de la Jeunesse et de l'enseignement scolaire. L'intérêt du dispositif réside en grande partie dans le fait qu'il permet une sortie « en biseau » pour certaines formes d'emplois publics.

En réponse à la question du Président Pierre Méhaignerie sur des suggestions d'enquêtes à soumettre à la Cour des comptes, Mme Marie-Anne Montchamp, Rapporteur spécial, a évoqué, outre l'aide médicale de l'État qui a déjà fait l'objet d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, la gestion des crédits de fonctionnement des ministères sociaux ainsi qu'une partie de leurs subventions d'investissement, soit respectivement les chapitres 34-98 et 66-20 de la section budgétaire « Santé, famille, personnes handicapées et solidarité ».

La Commission a ensuite adopté, conformément à la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la solidarité pour 2004.

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La commission a ensuite abordé, sur le rapport de M. Michel Bouvard, l'examen des crédits de l'emploi pour 2004.

M. Michel Bouvard, Rapporteur spécial, a indiqué que le projet de budget de la section « travail » s'élève à 32,3 milliards d'euros en 2004 contre 15,7 milliards d'euros en 2003. Son périmètre se trouve modifié de manière significative en raison du transfert au ministère de l'Intérieur de la rémunération des adjoints de sécurité (150,3 millions d'euros), de la prise en charge par le ministère de l'Outre-mer d'une partie des exonérations de cotisations sociales dans les DOM (76 millions d'euros), et, surtout, de la réintégration dans le budget de l'État des crédits versés aux organismes de sécurité sociale en compensation des allégements de charges sociales patronales, antérieurement supportées par le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) (17,1 milliards d'euros). Le chiffre de 32,5 milliards d'euros, cité dans divers documents correspond à l'effort global en faveur de l'emploi et, donc, aux crédits inscrits au budget du ministère, auxquels s'ajoutent les montants ayant été transférés vers d'autres ministères.

Les dépenses de gestion de la politique de l'emploi (agrégat 1) enregistrent, en 2004, une progression limitée (+ 1,3 %). L'augmentation des dépenses de personnel est contenue en 2004 (+ 3,1%). Le ministère contribue à la réduction des effectifs en supprimant 71 postes, soit la moitié des postes libérés par les départs en retraites. L'essentiel des mesures proposées dans le projet de loi de finances est destiné à poursuivre le plan de régularisation de l'emploi précaire, à revaloriser les régimes indemnitaires des personnels, principalement des agents de catégorie C et des agents contractuels et à dynamiser les carrières.

Les dépenses de fonctionnement restent quasi constantes (+ 0,24 %). S'agissant des établissements concourant au service public de l'emploi, le projet de loi de finances maintient leurs capacités d'action. La contribution de l'État au fonctionnement et à l'équipement de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) s'élève à 1.192,63 millions d'euros en 2004, soit une augmentation de la dotation de 0,1 %. Pour l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) elle s'élève à 768,98 millions d'euros (+ 1,7 %).

Les dépenses relatives aux actions en faveur des publics prioritaires (agrégat 3) enregistrent une nette diminution : - 11,5 % et - 9,1 %, à structure constante, pour tenir compte du transfert au ministère de l'intérieur du financement des adjoints de sécurité. Le projet de loi de finances poursuit trois priorités :

- l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, dont les crédits progressent de 11,5 % ;

- l'action en faveur de l'emploi des jeunes ; à ce titre, la dotation du contrat « jeunes en entreprise » est plus que doublée en 2004 pour accompagner la montée en charge d'un dispositif qui devrait concerner 90.000 jeunes en 2003 et 110.000 en 2004. En outre, est créé le contrat d'insertion à la vie sociale (CIVIS) dont la dotation s'élève, en 2004, à 94,06 millions d'euros. Celui-ci concerne les jeunes de 16 à 24 ans dont le niveau de qualification est inférieur à un diplôme de fin de cycle de l'enseignement général, technologique ou professionnel et devrait concerner 90.000 entrées en 2003 et 110.000 en 2004. Il doit leur permettre, à partir d'un accompagnement personnalisé d'accéder soit à un emploi d'utilité sociale (au sein d'organismes privés à but non lucratif), soit de rentrer dans un dispositif de formation en alternance, soit enfin de bénéficier de la mesure EDEN (Encouragement au développement d'entreprises nouvelles) pour créer ou reprendre une entreprise ;

- le recentrage des dispositifs d'insertion sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Les dotations relatives à l'insertion par l'économique sont maintenues. Au sein du programme globalisé « chômeurs de longue durée », les dotations relatives aux stages ainsi qu'aux contrats dans le secteur non marchand ont été ajustées en fonction des effectifs concernés. Les crédits consacrés au contrat initiative emploi (CIE) progressent afin de favoriser l'insertion professionnelle des publics en difficulté dans le secteur marchand.

Les crédits consacrés à la promotion de l'emploi et aux adaptations économiques (agrégat 4) enregistrent, en 2004, une progression significative, passant de 1,05 milliard d'euros à 18,38 milliards d'euros. Cette progression résulte principalement de la réintégration, au sein du budget, du coût des allégements de charges sociales, antérieurement portées par le FOREC, ce qui rend plus lisibles les relations entre l'État et les organismes de sécurité sociale.

Le budget 2004 confirme également la priorité accordée au soutien à la création d'activités (+ 14,1%). Les crédits mobilisés pour le financement du retrait d'activité et la participation de l'État aux dépenses de chômage (agrégat 5) augmentent de 0,6 %. Cette augmentation résulte de la participation de l'État au financement de l'indemnisation du chômage. La progression de 9,1 % de la subvention au fonds de solidarité reflète l'évolution du nombre de bénéficiaires des allocations, bien que les conditions de versement de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) soient révisées en 2004. Cette allocation est accordée aux demandeurs d'emploi, arrivant en fin de droits à l'allocation assurance, lorsque trois conditions sont remplies : la personne doit rechercher activement un emploi ; la durée antérieure d'activité doit correspondre à cinq ans d'activité salariée dans les dix ans précédant la fin du dernier contrat de travail ; le niveau des ressources n'excède pas un plafond. Aujourd'hui, on peut estimer à 400.000 le nombre de personnes percevant cette allocation.

Trois mesures ont été décidées pour 2004 : la durée de versement de l'ASS est limitée à trois ans pour les bénéficiaires actuels et à deux ans pour les nouveaux entrants, à l'exception de ceux qui ont plus de 55 ans ; la majoration (+ 40%) accordée aux allocataires âgés de plus de 55 ans est supprimée pour les nouveaux entrants uniquement ; la réforme relative à la modification du plafond de ressources pour les couples, réforme qui ne concernait jusqu'à présent que les personnes entrées dans le dispositif après 1997, est étendue aux personnes entrées dans le dispositif avant cette date.

Diverses mesures importantes ont été prises en faveur des bénéficiaires en matière d'intéressement. En effet, le cumul de l'ASS avec des revenus d'activités sera facilité. En outre, le maintien du droit à l'ASS est prévu pour les personnes qui retrouvent un emploi pour une période brève. Enfin, au moment de l'attribution de l'allocation, la prise en compte des charges sera réalisée de manière plus favorable pour les personnes concernées.

Afin de favoriser le taux d'activité des salariés de plus de 55 ans, ce qui correspond à un engagement pris par la France lors du sommet de Barcelone, la participation de l'État au financement des retraits d'activité anticipés se réduit depuis 1997. Le projet de loi de finances poursuit et accentue cette politique. La diminution de 25,5 % des crédits consacrés aux retraits d'activité reflète un resserrement des conditions d'accès aux préretraites ainsi qu'une responsabilisation accrue des entreprises dont les taux de contribution progressent en 2004.

Le ministère de l'emploi s'est engagé en 2002 dans une démarche de contractualisation avec la région Centre. Un contrat triennal passé avec les services de cette région définit les priorités d'action assignées à celle-ci, les résultats attendus, assortis d'indicateurs et, pour la période 2002-2004, les moyens correspondants aux objectifs à atteindre. Cette contractualisation a trouvé sa traduction budgétaire dans la création d'un chapitre dédié (37-63) regroupant les moyens de rémunération et de fonctionnement alloués à la région sur la base d'un budget triennal. L'expérimentation a été étendue en 2003 à une partie des crédits d'intervention, comme la mise en œuvre à titre expérimental du programme « accès à l'emploi ». A ce titre, une dotation globalisée a été mise en place sur un chapitre unique (44-80) regroupant les crédits pilotés au niveau déconcentré relevant du programme « accès à l'emploi » et auparavant inscrits sur divers chapitres.

Cette expérience doit être saluée : elle permet une application concrète de la fongibilité budgétaire. Les crédits disponibles apparus en gestion 2002 ont fait l'objet d'une « requalification ». Les crédits disponibles apparus au titre des rémunérations se justifient notamment par un niveau de postes vacants supérieur aux hypothèses retenues pour l'élaboration du budget prévisionnel. En 2002, 669.857 euros ont ainsi été requalifiés. Après un an d'expérimentation, il apparaît que la mise en œuvre de la fongibilité asymétrique ne s'est pas traduite par une augmentation des dépenses de fonctionnement. L'analyse des ratios annuels de fonctionnement des services déconcentrés montre que la structure des dépenses de fonctionnement en région Centre ne diffère pas sensiblement de celle des autres régions.

Un programme « accès à l'emploi » a été mis en œuvre. L'objectif retenu concerne l'emploi des jeunes : il s'agit de diminuer le différentiel entre la part des jeunes demandeurs d'emploi au niveau régional et celle constatée au niveau national. Pour autant, l'élaboration d'un plan d'action pour l'insertion des jeunes ne signifie pas qu'une priorité soit donnée aux jeunes au détriment des autres publics. Le choix de cet objectif se justifie par le niveau du différentiel constaté au 31 décembre 2002, sa lisibilité et sa pertinence dans une optique de meilleure articulation des actions des différents acteurs.

Un plan d'action opérationnel a été établi. Il identifie quatre priorités et y associe des indicateurs. Il s'agit d'améliorer l'accueil des jeunes dans les structures d'accueil, l'insertion des jeunes bénéficiaires de contrats aidés, l'accès des jeunes aux dispositifs de la formation professionnelle et l'insertion des jeunes par l'accès à l'emploi marchand et à l'emploi durable. Une première ventilation des crédits sur chacune des orientations du plan d'action a été effectuée, la prochaine étape consistant à présenter un véritable budget prévisionnel sur ce périmètre, en coût complet, c'est-à-dire en intégrant les crédits de fonctionnement et de rémunération associés. Le plan d'action pourra, dans un second temps, être élargi aux autres publics.

Le ministère a souhaité poursuivre la démarche et y associer sept autres régions qui sont engagées, depuis 2003, dans des expérimentations. Quatre thèmes d'expérimentation jugés prioritaires ont été définis : l'accès à l'emploi, la politique du travail, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la structuration du contrôle de gestion déconcentré et du dialogue de gestion avec l'administration centrale.

S'agissant des programmes de la mission « travail » : le programme 1 concerne le développement de l'emploi, le programme 2 porte sur l'accès et le retour à l'emploi, le programme 3 concerne l'accompagnement des mutations économiques, sociales, démographiques, et le programme 4, l'amélioration de la qualité de l'emploi. Le programme 5 est relatif à la gestion et à l'évaluation des politiques d'emploi et de travail. L'existence de ce programme support, qui regrouperait l'ensemble des dépenses de personnel, de fonctionnement et une partie des dépenses d'investissement, pose problème. Cependant, il semble que la situation pourrait évoluer favorablement. Lors de son audition par la Commission, sur les stratégies ministérielles de réforme, le ministre des affaires sociales a indiqué que le regroupement des personnels dans un programme support spécifique soulève en effet une véritable interrogation. Une solution pourrait être de ventiler certains crédits de personnel, comme par exemple le corps des contrôleurs et des inspecteurs du travail sous le programme 4 dédié à l'amélioration de la qualité de l'emploi. Une autre interrogation concerne le problème des financements croisés, qui n'est aujourd'hui nullement réglé.

Les efforts sont recentrés vers l'aide au secteur marchand et le renforcement des actions en faveur des jeunes. Cette stratégie part du principe qu'il est préférable de favoriser l'emploi dans les entreprises plutôt que de multiplier les emplois publics ou parapublics. Cette réorientation des politiques de l'emploi se traduit, en outre, par l'augmentation relative du nombre de contrats aidés dans le secteur marchand. Il faut citer notamment les contrats jeunes en entreprises créés par la loi du 29 août 2002. Le nombre d'entrées passe de 90.000 en 2003 à 110.000 en 2004 ; la dotation pour 2004 s'élève à 416 millions d'euros soit plus du double de celle de 2003. Le contrat initiative emploi (CIE), qui prévoit une aide aux entreprises embauchant une personne très éloignée de l'emploi, est relancé grâce à une amélioration des conditions de versement ; le nombre d'entrées prévues dans le dispositif est de 80.000 pour 2004 au lieu de 70.000 en 2003. Lors de la séance de questions au Gouvernement du 21 octobre 2003, le Ministre des affaires sociales a annoncé l'inscription de 30.000 CIE supplémentaires, ce qui porte le nombre total des entrées dans ces contrats à 110.000 pour 2004.

La volonté du Gouvernement de promouvoir les créations d'entreprises se traduit par une hausse de l'effort en faveur du dispositif EDEN (encouragement au développement d'entreprises nouvelles) ; le nombre de bénéficiaires prévus pour 2004 s'élève à 13.000, à comparer à 9.000 en loi de finances initiale pour 2003. Logiquement, il est prévu de réduire l'effort en faveur des contrats aidés dans le secteur non marchand (les emplois jeunes, les contrats emploi solidarité et les contrats emploi consolidés).

Au total pour 2004, les aides à la formation et à l'emploi marchand sont devenues nettement prédominantes par rapport aux aides à l'emploi non marchand : en 2002, cette proportion était de 50% ; elle a été augmentée à 60% en 2003 pour être finalement portée à 66% en 2004.

Le soutien à l'insertion par l'activité économique sera réaffirmé. La baisse de la dotation globale par rapport à 2002 n'est qu'apparente : la diminution des crédits relatifs aux exonérations de cotisations sociales tient compte de la prise en charge par le FOREC des exonérations pour les structures d'insertion passées aux 35 heures. Par ailleurs, 243.582 euros sont transférés au chapitre 44-80, dans le cadre de l'expérimentation « région Centre » : il s'agit d'un complément de transfert au titre de la revalorisation de l'aide au poste pour les entreprises d'insertion obtenue dans la loi de finances pour 2002 et non prise en compte lors de la création du chapitre dans la loi de finances pour 2003.

Une attention particulière doit être portée à la situation des jeunes sur le marché de l'emploi. Le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage des jeunes une de ses priorités. Cet engagement se justifie par l'évolution préoccupante du chômage des jeunes qui a augmenté en un an deux fois plus vite que le chômage moyen (+ 15 %, soit 50.700 chômeurs en plus). Cette situation affecte en particulier les jeunes les moins qualifiés, pour lesquels le taux de chômage atteint 33 %.

Le contrat « jeune en entreprise » est entré en application rétroactivement au 1er juillet 2002. Il a indéniablement marqué la résolution du Gouvernement d'offrir aux jeunes peu ou pas qualifiés une possibilité d'insertion durable dans le secteur privé. Le dispositif proposé complète tant les dispositifs d'alternance que les régimes de droit commun d'allégement des charges. Il permet d'abaisser le coût du travail des jeunes non qualifiés par l'octroi aux entreprises d'une exonération forfaitaire, qui ajoutée aux exonérations existantes, compense tout ou partie des charges patronales sur le salaire. Ces contrats à durée indéterminée ouvrent droit à une aide de l'État pendant trois ans, sous la forme du versement à l'employeur d'une compensation forfaitaire de cotisations sociales à hauteur de 225 euros par mois, cumulable avec les allègements de charges existants. Cette aide est versée à taux plein les deux premières années et à 50 % la troisième année. Le soutien de l'État est équivalent, les deux premières années, pour une entreprise à 35 heures, à une exonération totale des charges patronales au niveau du salaire minimum, et pourra progresser avec le salaire, dans des conditions fixées par décret, afin d'éviter toute trappe à bas salaire. Les jeunes salariés pourront, au terme des trois ans, faire valider leurs acquis.

Les régions pourront conclure avec les jeunes des contrats pour les accompagner de manière responsabilisée vers l'emploi ; il s'agit du volet CIVIS « accompagnement vers l'emploi » qui concernera 60.000 jeunes en 2004 et 120.000 jeunes dans deux ans ; elles pourront en outre les aider à accomplir un projet de création ou de reprise d'une activité non salariée ; il s'agit du volet CIVIS « création d'entreprise », qui devrait permettre de soutenir 2.500 jeunes créateurs en 2004 et 5.000 dans deux ans.

S'agissant du programme des emplois jeunes, pour 2004, les crédits demandés, à hauteur de 1.605,7 millions d'euros, se décomposent de la manière suivante : 365,6 millions d'euros afin de financer la rémunération des emplois jeunes relevant des ministères de l'Éducation nationale (342,10 millions d'euros) et de la Justice (23,5 millions d'euros), 1.224,10 millions d'euros afin d'identifier les crédits à verser au CNASEA, que ce soit au titre de l'aide initiale ou des mesures de pérennisation (épargne consolidée ou conventions pluriannuelles), 16 millions d'euros afin de poursuivre en 2004 la création dans tous les départements de « dispositifs locaux d'accompagnement » cofinancés notamment avec la Caisse des dépôts et Consignations, le fonds social européen et les collectivités intéressées à la consolidation des emplois d'utilité sociale. A périmètre égal, la dotation relative aux emplois jeunes s'élèvera à 1.756 millions d'euros pour 2004.

L'intégration, dans le budget, de la presque totalité des divers dispositifs d'exonérations de charges sociales patronales auparavant financés par le FOREC à hauteur de 17,1 milliards d'euros présente deux avantages. Il sera désormais possible de retracer dans le budget de l'emploi la réalité des moyens consacrés par l'État à ce domaine et les relations financières entre l'État et la sécurité sociale seront plus lisibles.

D'une manière générale, il convient de réfléchir, aujourd'hui, au bilan coût-efficacité des trente-six dispositifs d'allégements de charges sociales. Étant donné les sommes en jeu, il serait bon de s'interroger sur les résultats concrets en termes d'emploi des mécanismes en vigueur. Les seuls dispositifs réellement efficaces sont ceux qui sont axés sur les bas salaires ; dans ces cas, les aides permettent en effet de réduire les destructions d'emploi dans certains secteurs. Il faut d'ailleurs noter que si au début des années 90, le taux de croissance devait être de 2,3 % pour permettre la création d'emploi, ce taux est ensuite passé à 1,2 % à la fin des années 90 pour s'établir aujourd'hui à environ 0,9 %.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que, face à la complexité et à l'instabilité des dispositifs qui viennent d'être décrits, la seule solution efficace semble résider dans le passage à des dotations globales par régions, gérées par celles-ci.

M. Gérard Bapt a, en premier lieu, indiqué sa satisfaction de constater que les résultats de l'étude de la DARES lui semblaient confirmer les conclusions d'une étude antérieure sur le CIE menée dans la région Rhône-Alpes, étude demandée dans le cadre des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle sur la formation professionnelle.

Il a ensuite fait valoir son opposition et ses interrogations sur plusieurs points :

- s'il n'y a pas de raison de contester par principe le recentrage des aides à l'emploi sur le secteur marchand, cette orientation, qui pourrait se faire au détriment d'autres contrats aidés, paraît dangereuse sur le plan social, dans le contexte actuel de croissance économique médiocre ;

- il y a lieu de s'interroger sur le fait que le coût des prises en charge d'exonérations de cotisations sociales augmente avec la sortie du dispositif des 35 heures, sans aucune contrepartie pour l'emploi ;

- le nombre réel des contrats jeunes en entreprise ne semble pas connu de manière parfaitement claire, compte tenu des divergences apparentes entre les indications du Rapporteur spécial, - soit une prévision de 90.000 en 2003 et de 110.000 en 2004 -, et l'annonce récente de la signature, par le Premier ministre, du cent-millième contrat ;

- la diminution du nombre de contrats de qualification est regrettable, en particulier au regard du fait que les contrats jeunes en entreprise ne s'accompagnent d'aucune formation qualifiante ;

- on peut avoir des doutes sur l'avenir du programme Trace, qui ne semble plus prioritaire, au regard des dotations budgétaires qui lui sont allouées ;

- la poursuite de l'expérience de déconcentration menée en région Centre est intéressante ;

- il convient d'évoquer la question de la gestion des restructurations industrielles. Une cellule a été mise en place en la matière ; M. Claude Viet a tenté en vain pendant quelques mois de mener à bien cette mission, après avoir rencontré des difficultés importantes pour trouver des locaux. Ainsi la mission qui lui avait été confiée a été transférée à la structure en charge du suivi des restructurations militaires. Il est désolant de constater que la logique de territorialisation des politiques publiques de l'emploi n'ait pas abouti ;

- de même, on peut s'interroger sur le sort des mesures législatives promises par le Premier ministre sur le reclassement des salariés licenciés dans les bassins d'emplois en difficulté.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a remercié le Rapporteur spécial pour la clarté de son exposé sur un enjeu budgétaire aussi majeur. En ce qui concerne la question de la hausse des coûts des exonérations de charges sociales, celle-ci découle principalement du surcoût des allègements prévus à la sortie du dispositif des 35 heures, ainsi que de l'unification par le haut des différents salaires minimums du fait de la mise en place de garanties mensuelles de rémunération. Le surcoût dû à l'unification des SMIC n'est pas négligeable d'autant que cette réforme sera réalisée en trois années seulement. Il semble que le dispositif d'harmonisation des différents SMIC, qui a donné lieu à un relèvement des rémunérations de nombreux salariés concernés, représentera, en 2004, une charge supplémentaire de l'ordre de 1,2 à 1,3 milliard d'euros. Quel sera l'ordre de grandeur de l'effort budgétaire supplémentaire nécessaire en 2005, dernière année du mécanisme triennal mis en place ; et quelles économies seraient réalisées, en termes strictement budgétaires, par la substitution du contrat jeune en entreprise au dispositif des emplois-jeunes ? De même, quel est le coût comparé pour l'État d'un emploi-jeune dans le secteur public, et d'un contrat-jeune en entreprise.

Le secteur marchand devrait, en réalité, bénéficier de plusieurs éléments ayant un impact positif sur l'offre d'emplois :

- les évolutions démographiques auront une incidence en termes d'accélération des départs en retraite à compter de 2005-2006, et peut-être avant ;

- les mesures prises dans le cadre de la réforme des retraites en faveur des salariés ayant commencé à travailler très jeunes devraient également contribuer à accroître les flux de départs en retraite à court terme ;

- des études convergentes semblent confirmer le constat suivant lequel le contenu en emplois de la croissance augmente sensiblement, grâce aux baisses du coût du travail pour les salariés rémunérés à un niveau proche du SMIC.

Le Rapporteur spécial, en réponse, a indiqué que :

- la décentralisation vers les régions, dans le prolongement de l'expérience menée dans la région Centre, reposant notamment sur le principe de la fongibilité des crédits, constitue une voie à privilégier et va dans le sens de la recherche d'une gestion de proximité ;

- le contrat jeune en entreprise se substitue à un autre dispositif en extinction. Quant au RMA, il constitue une avancée nécessaire, car le régime actuel du RMI a conduit certains préfets à interdire de procéder à des placements en entreprise ;

- l'évolution du marché de l'emploi est liée à la croissance économique, mais aussi aux données démographiques. Ainsi, pour les années à venir, le flux de jeunes arrivant sur le marché du travail devrait se réduire ; les départs à la retraite devraient quant à eux s'accroître, y compris grâce aux mesures nouvelles favorables adoptées dans le cadre de la réforme des retraites ; enfin, la croissance devrait effectivement devenir progressivement plus riche en emplois. Dans ces conditions, il n'est nullement absurde d'estimer que la dynamique de la demande de travail du secteur marchand s'avèrera suffisante pour que celui-ci réponde aux attentes actuelles ;

- le coût pour le budget de l'État d'un contrat jeune en entreprise, de l'ordre de 2.700 euros par an, est sensiblement inférieur à celui d'un emploi-jeune, qui s'élevait à environ 15.000 euros par an.

M. Gérard Bapt a répondu que, selon les analyses de la DARES, quatre contrats jeunes sur cinq auraient en réalité constitué un effet d'aubaine. Ainsi, seulement vingt pour cent des contrats jeunes créeraient effectivement des emplois qui n'auraient pas été créés sans l'intervention de cette aide.

Le Rapporteur spécial a considéré que cette question méritait en effet d'être traitée sans détours : il conviendrait, à l'avenir, d'évaluer la réalité des effets de levier des différents dispositifs d'aide à l'emploi. Pour autant, il est nécessaire de rappeler que les emplois suspectés de n'avoir constitué qu'un effet d'aubaine n'auraient, en tout état de cause, sans doute pas été créés du tout en l'absence des mesures d'allègement des charges. En l'occurrence, il importera de disposer d'évaluations fiables de l'efficacité des différents mécanismes d'allègement des charges. À cet égard, les mesures d'allègement dites « Aubry I et II » ont, elles aussi, prêté le flanc à des critiques.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a indiqué que tel avait également été le cas d'un certain nombre d'emplois-jeunes, notamment dans les offices de tourisme. En conséquence, il est effectivement indispensable de disposer de moyens d'évaluation des différents dispositifs. La budgétisation du FOREC, comme l'unification des salaires minima constituent une première étape vers la transparence. Au-delà, la commission des finances pourrait opportunément faire procéder à des études et des expertises indépendantes, dépassant éventuellement celles de la DARES.

Le Rapporteur spécial a conclu son propos par les éléments de réponse suivants :

- s'agissant de la question du nombre de signatures de contrats d'emplois jeunes, il convient sans doute de prendre en compte les variations dues aux flux affectant le stock, notamment les démissions ;

- pour le programme TRACE, 90.000 entrées avaient été enregistrées à la fin 2002. Avec 11,71 millions d'euros, les dotations budgétaires allouées au fonctionnement du programme TRACE sont reconduites à l'identique en 2004 ;

- rien ne paraît s'opposer, sur le plan des principes, à l'intégration des CEC dans le cadre d'enveloppes de crédits fongibles au plan régional ;

- en ce qui concerne la mission confiée par le Gouvernement à M. Claude Viet, il faut relever que certains services ont fait preuve de réticences et n'ont pas fourni tous les éléments d'informations qui auraient été nécessaires au bon fonctionnement de cette mission. En conséquence, il serait opportun de soutenir l'initiative du ministre des Affaires sociales, si l'on souhaite que la mission considérée soit menée au mieux;

- le reclassement des salariés licenciés ne constitue pas un enjeu de nature budgétaire. La question sera donc plus utilement posée au ministre, dans le cadre de la discussion en séance publique.

La commission a adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits du travail pour 2004.

Article 80 (Révision de dispositifs d'allégement de cotisations sociales patronales) :

M. Michel Bouvard, Rapporteur spécial, a expliqué que cet article vise à supprimer à compter du 1er avril 2004 la possibilité qui existe aujourd'hui de cumuler l'aide prévue à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 (loi dite Aubry I) avec le nouveau dispositif d'allégement de charges sociales patronales mis en œuvre dans le cadre de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 (dite loi Fillon). Cette disposition a pour but de favoriser la convergence, la simplification et la mise en cohérence de l'ensemble des dispositifs d'allégements de charges dans le cadre d'un régime réunifié, axé sur les bas salaires et indépendant de la durée du travail.

La Commission a adopté cet article, sans modification.

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* *

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Laurent Hénart, Rapporteur spécial, les crédits de l'enseignement supérieur. Le projet de budget pour 2004 s'inscrit dans un contexte d'augmentation légère des effectifs, de + 1,8 % à la rentrée 2002 et de + 1,7 % cette année, ce qui porte le nombre total d'étudiants à 2.248.000. Cette hausse résulte, d'une part, d'une progression des inscriptions, qui sont d'ailleurs parfois doubles, et, d'autre part, de l'amélioration du taux de réussite au baccalauréat général consécutif à la modification du système des options. Le budget proposé pour 2004 augmente de 2,93 % pour s'établir à 9.086 millions d'euros. Si les dépenses ordinaires connaissent une progression de 1,91 %, l'effort est surtout concentré sur les dépenses en capital, qui augmentent de 15 % en crédits de paiement.

Il s'agit tout d'abord de donner aux universités les moyens de mieux exercer leur autonomie. Ainsi un effort particulier est consenti en faveur des emplois IATOSS avec la création de 125 emplois supplémentaires, dont 17 pour les bibliothèques, la poursuite du plan de résorption de l'emploi précaire (250 emplois sont prévus à cet effet) et la transformation de 300 emplois de catégorie C en 225 emplois de catégories A et B. L'objectif poursuivi est d'apporter aux universités les moyens nécessaires à l'encadrement et à l'accompagnement des étudiants. En outre, les crédits de fonctionnement liés aux activités d'enseignement et de recherche des établissements d'enseignement supérieur connaissent une hausse importante puisqu'ils progressent de 51 millions d'euros (+ 4,2 %) et que la dotation globale de fonctionnement augmente de plus de 5 %. Par ailleurs, les bibliothèques bénéficient de moyens nouveaux à hauteur de 4 millions d'euros et les établissements d'enseignement supérieur privés de 5 millions d'euros supplémentaires. En matière de recherche, la subvention d'équipement continue d'augmenter (+3 %).

S'agissant des investissements, les autorisations de programme marquent le pas, mais les crédits de paiement connaissent une hausse importante (+ 50 %). À cet égard, il convient de rappeler que le plan « U3M » représente un effort conjoint de l'État et des collectivités territoriales de 7,62 milliards d'euros. L'augmentation des crédits de paiement, proposée dans le budget 2004, correspond à l'entrée dans la phase de réalisation des projets. En matière de maintenance, l'effort est poursuivi. Enfin, le plan sécurité, le chantier de désamiantage du campus de Jussieu, la rénovation du Muséum national d'histoire naturelle et la préparation de l'ouverture du musée du Quai Branly se voient doter des crédits de paiement nécessaires à leur réalisation.

Le projet de budget a également pour objectif de garantir un service public de l'enseignement supérieur accessible à tous. À cet égard, une réflexion importante a été menée sur la question des personnels enseignants. Si aucun poste nouveau n'est créé, l'effort est essentiellement d'ordre qualitatif. Il porte sur le repyramidage des maîtres de conférence en professeurs d'université et des maîtres de conférence de classe normale en hors classe. Il s'agit d'améliorer la fluidité de la carrière, pour qu'elle soit plus attractive. Il serait souhaitable que cet effort soit accentué. À la rentrée 2004, la possibilité de payer des heures complémentaires sur des postes vacants devrait être supprimée.

S'agissant de l'aide sociale accordée aux étudiants, plusieurs mesures sont entrées en vigueur à la rentrée 2003 : le bénéfice des bourses d'enseignement supérieur sur critères sociaux a été étendu aux étudiants inscrits en DEA et en master de recherche, le cumul d'une rémunération d'assistant d'éducation à mi-temps et d'une bourse a été rendu possible et, enfin, les bourses de mobilité ont progressé de 25 % pour atteindre le nombre de 5.000. Dans le présent projet de loi de finances, il est proposé d'augmenter à la rentrée 2004 les taux de bourse de 1,5 %, ce qui correspond à l'évolution de l'inflation. Dans la mesure où près de 30 % des étudiants sont boursiers, cet effort, qui représente 6,4 millions d'euros cette année, engendrera une dépense de 19 millions d'euros, en année pleine. De plus, 300 bourses de thèse sont transformées en allocations de recherche, ce qui permet aux doctorants de bénéficier d'une couverture sociale. Enfin, 2000 bourses de mobilité internationale supplémentaires sont prévues. Alors qu'un transfert de compétences en faveur des collectivités locales est annoncé en matière de logement universitaire, l'État entend poursuivre son effort en faveur des cités universitaires : 8 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour leur rénovation, ce qui devrait permettre de porter le rythme à 7.000 chambres rénovées par an contre 2.200 ces dernières années.

M. Alain Claeys a souhaité disposer de données portant sur l'exécution, région par région, du volet universitaire des contrats de plan, afin de mesurer de manière précise l'importance des retards observés, en 2003, dans l'utilisation des crédits. De même, il serait utile de connaître la répartition, par université, de la dotation de l'État, l'augmentation limitée des crédits pour dépenses ordinaires (moins de 2 %) laissant présager des mesures nouvelles de faible ampleur. Où en est le réaménagement de l'université de Jussieu ? Les délais prévus ont-ils été respectés ? Par ailleurs, en quoi le projet de loi de finances renforce-t-il les moyens d'autonomie des universités ?

M. Laurent Hénart, Rapporteur spécial, a précisé que le projet de budget n'accroît pas l'autonomie des universités - tel n'est pas l'objet d'un budget - mais augmente les moyens alloués à celles-ci pour exercer leur autonomie. Deux séries de mesures vont dans ce sens : d'une part, les créations d'emplois IATOS, la résorption de l'emploi précaire et les transformations d'emplois de catégorie C en emplois de catégorie A améliorent l'encadrement des établissements ; d'autre part, grâce à la progression de 4,2 % de la dotation publique aux établissements d'enseignement supérieur, ce sont 51 millions d'euros supplémentaires que les universités pourront affecter librement. Les résultats de l'exécution des contrats de plan seront annexés au rapport spécial. Ils font apparaître de fortes disparités d'une région à l'autre. L'évolution des moyens des universités doit être appréciée, non pas au regard de la progression des crédits pour dépenses ordinaires, mais à l'aune de la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui atteint 5,5 %. On ne constate pas de retard dans le chantier de l'université de Jussieu : le désamiantage et le relogement sur le site de Boucicaut sont en passe d'être d'achevés, et les crédits inscrits pour 2004 permettront de poursuivre les opérations en cours. Par ailleurs, d'après les informations recueillies auprès des présidents d'université, les gels opérés en 2003 sur les crédits pour dépenses en capital n'ont pas retardé la réalisation des investissements. En revanche, pour maintenir le rythme d'investissements, il faudrait qu'aucune annulation n'intervienne en 2004.

M. Alain Claeys a considéré qu'il est difficile d'affirmer que les gels intervenus en 2003 n'ont pas posé de problèmes aux universités.

M. Michel Bouvard a fait observer que les collectivités locales opératrices ont procédé aux avances de trésorerie.

M. Laurent Hénart, Rapporteur spécial, a attiré l'attention sur la nécessité de distinguer, au sein des contrats de plan, les opérations qui, parce qu'elles ont été validées par les ministères concernés, sont susceptibles d'être exécutées rapidement, et celles, non encore validées, dont la réalisation est par nature plus lente.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs proposé que la Cour des comptes enquête sur les modalités de gestion du parc des CROUS, avant la mise en œuvre de la décentralisation.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par le Rapporteur spécial visant à réduire les subventions de fonctionnement aux établissements d'enseignement supérieur de 818.866 euros. M. Laurent Hénart, Rapporteur spécial, a précisé que l'économie dégagée par cet amendement pourrait éventuellement permettre d'amplifier les mesures de repyramidage proposées par le Gouvernement. Il convient en effet de renforcer l'attractivité des carrières universitaires, en augmentant le nombre de maîtres de conférence hors classe de manière à ce que ceux-ci représentent 10 % du nombre total de maîtres de conférence, et en maintenant la part des professeurs dans le nombre total des enseignants chercheurs.

La Commission a adopté cet amendement, puis elle a adopté, sur la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de l'enseignement supérieur, ainsi modifiés.

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La Commission a enfin examiné les crédits de la Défense.

Après avoir rappelé que le budget de la défense était le deuxième budget de l'État, M. François d'Aubert, Rapporteur spécial, a indiqué qu'il répondait aux exigences posées par le Président de la République et le Gouvernement. Le format des armées et les crédits d'équipement sont sanctuarisés par la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, qui est respectée pour 2004. Cependant, certains crédits de fonctionnement pourraient être mieux gérés.

Le projet de budget du ministère de la défense pour 2004 met en œuvre la deuxième annuité de la loi de programmation 2003-2008. Il conforte la très nette inflexion en faveur des crédits de défense puisqu'ils progressent de 4 % et même de 4,31 % sans les pensions.

Le budget de fonctionnement est stabilisé. Les crédits de rémunérations ne progressent que de 0,5 %. L'effectif budgétaire atteint 437.789 postes. Si les postes progressent de 216 pour le ministère, l'ensemble de l'effectif budgétaire de la section ministérielle, en incluant les personnels rémunérés sur les comptes de commerce, se réduit de 205 postes. Ces chiffres sont la traduction de la transformation de DCN en entreprise nationale, qui doit lui permettre d'être plus compétitive. Des personnels de DCN ont été intégrés dans l'effectif du ministère.

Les crédits de rémunération progressent de 0,5 %. Le fonds de consolidation de la professionnalisation permettra de financer des mesures favorables à la condition militaire. Une dotation de 45,93 millions d'euros est demandée pour 2004.

En ce qui concerne l'activité des forces, le projet de budget propose de donner aux armées les moyens de consolider leurs indicateurs d'activité. Il convient cependant de noter que les objectifs d'activité, exprimés en heures de vol ont été ramenés de 180  à 160 heures par an et par appareil pour l'armée de Terre. Dès lors, les taux de disponibilité des appareils, calculés sur ces bases, ne peuvent pas être comparés aux objectifs annoncés. L'objectif est de 220 heures pour les pilotes d'hélicoptères de la Marine et de 180 heures pour ceux de l'armée de l'Air.

Si les crédits de fonctionnement doivent atteindre un niveau suffisant, les dépenses de fonctionnement courant doivent être contenues, notamment celle des services administratifs.

Une grande partie des économies dégagées pour 2004 se fonde sur la compression des coûts pétroliers. Or, cette diminution de 30,9 millions d'euros se fonde sur le pari que les cours vont baisser. Il ne s'agit donc pas d'une économie pérenne.

En revanche, l'effort annoncé sur les crédits d'alimentation atteint, pour les trois armées, 12,9 millions d'euros pour 2004, par rapport à la gestion 2003. Cette diminution est voisine de celle de 10 millions d'euros proposée l'an dernier par la Commission des finances. Elle avait, en outre, souhaité une réduction des dépenses de communication du ministère. L'ensemble de ces dépenses, hors campagnes de recrutement, devrait baisser de 4,5 % par rapport à 2003, soit une économie de 3,6 millions d'euros. Au total, la fonction communication représenterait un montant de 72,8 millions d'euros en 2004. 81 postes seront supprimés, dont 20 à la Délégation à l'information et à la communication de la défense, mais qui n'étaient pas pourvus. Cette délégation a donc ajusté son tableau d'effectifs. En revanche les quatre postes de civils supprimés à l'armée de Terre et à la Marine étaient pourvus.

Au 31 août 2003, 785 militaires et 102 civils occupent des postes permanents à l'étranger. C'est ainsi que 77 militaires et 31 civils sont en poste aux États-Unis. D'après les informations transmises par le ministère, le coût global de ce dispositif était de 121,6 millions d'euros en 2002. Il convient de stabiliser au niveau des services votés le niveau des dépenses d'indemnités et d'allocations.

Le budget d'équipement du ministère de la défense pour 2004 traduit, tant en moyens d'engagement qu'en moyens de paiement, la mise en œuvre de la deuxième annuité de la programmation. Le ministère présente ainsi un projet de budget d'équipement à 14,90 milliards d'euros en crédits de paiement, en progression de 9,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003. De même, les autorisations de programme atteignent 16,77 milliards d'euros, en hausse de 9,6 %.

Deux programmes provoquent pourtant des inquiétudes. Seuls 8 chars Leclerc ont été livrés sur les 45 prévus pour l'année 2003, du fait d'un rythme de production insuffisant de Giat Industries et de défauts de qualité qui conduisent la DGA à refuser la réception de certains exemplaires. Cette situation n'est pas nouvelle puisque sur les 45 chars prévus en 2002, seuls 33 ont été livrés, dont 24 au dernier trimestre. Il est vrai que l'achèvement des livraisons aux Émirats arabes unis devrait permette à Giat Industries de pouvoir livrer plus d'exemplaires pour la France.

Le programme de véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI) représente déjà un surcoût de 18 % par rapport aux chiffrages de 2000. Il a déjà connu un retard d'un an. Alors que deux variantes du VBCI ont été arrêtées, l'état-major de l'armée de Terre a lancé une étude sur la possibilité d'en créer une troisième avec une tourelle à deux hommes au lieu d'un seul. L'alourdissement de l'engin qui pourrait en résulter risque d'obliger à revoir la plateforme proposée par Renault Trucks. Cette étude serait financée par un redéploiement des crédits affectés au VBCI, aussi utilisés afin d'assurer le maintien en condition opérationnelle des AMX 10 P.

La mise au point définitive du Rafale de standard F1 livré à la Marine est sur le point d'être achevée puisque les problèmes de calculateurs de vol semblent résolus. Cinq Rafale destinés à l'armée de l'Air (au standard F2) seront d'ailleurs livrés en 2004.

En 2004 seront également mis en orbite les satellites Syracuse III et Hélios II. Dans le domaine de la dissuasion, le troisième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération « le Vigilant » sera lancé. Outre les 50 chars Leclerc prévus, 9 dépanneurs et 7 hélicoptères Tigre devraient être livrés. En outre, 307 véhicules de l'avant blindé devraient être valorisés et 52 chars AMX 10 RC devraient être rénovés.

M. Jean-Louis Dumont, Président, a remercié le Rapporteur spécial pour son exposé très complet. On ne peut nier l'importance des retards en matière de disponibilité des matériels, notamment pour les régiments appelés sur des théâtres extérieurs. Peut-on mesurer l'efficacité des crédits budgétaires nouveaux ? La restructuration des armées implique un mouvement de rétrocession de biens. La mission de réalisation des actifs immobiliers (MRAI) devrait aboutir rapidement à des résultats plus importants. Si le matériel est une donnée essentielle, il est tout aussi important de veiller au maintien d'une culture militaire plongeant ses racines dans notre histoire. Or cette dernière est parfois ignorée dans certains états-majors. L'exemple de la gendarmerie montre qu'il convient d'être attentif à la gestion des ressources humaines. S'engager dans une carrière militaire, ce n'est pas comme s'engager dans une entreprise. Il est impératif de donner une vraie culture à ceux qui servent la France.

M. François d'Aubert, Rapporteur spécial, a indiqué que le taux de disponibilité s'était fort peu amélioré. S'agissant des matériels aériens de l'armée de Terre, le taux est de 59 % pour un objectif de 75 %. On relève certaines améliorations, notamment pour le matériel terrestre de l'armée de Terre. Très souvent, les retards s'expliquent par la vétusté de certains appareils. Des opérations mobilisant des financements innovants vont être lancées à l'image du programme concernant l'école de formation des pilotes d'hélicoptères de Dax, dans le cadre d'un contrat de services. En matière de cessions immobilières, un amendement visant à augmenter de 40 millions d'euros les objectifs de cession pour 2004 a été déposé en première partie du projet de loi de finances. Il n'a pas été adopté, ayant été exclu du fait du vote bloqué sur l'article d'équilibre. De vraies questions demeurent en matière de dépollution des sites et de gestion des casernes. Le problème de la sous-utilisation de certaines casernes est aggravé par celui de la lenteur des procédures, qui s'explique notamment par un manque de volonté des états-majors et par le fait que le ministère a décidé de ne vendre ses biens qu'à des collectivités locales. Ces ventes pourraient opportunément se faire auprès des organismes sociaux, par exemple. On peut également regretter l'existence d'un décalage entre l'annonce d'une vente et l'encaissement des crédits, qui peut atteindre 4 ans.

M Jean-Louis Dumont, Président, a interrogé le Rapporteur spécial sur les thèmes d'enquête pouvant être proposés à la Cour des comptes. M. François d'Aubert, Rapporteur spécial, a suggéré que la Cour des comptes se penche sur la question du fonctionnement de la direction du service national, qui mobilise des moyens importants et plus de 3.000 fonctionnaires, afin notamment de préparer la mise en œuvre de la « journée d'appel ». L'ampleur des moyens dont dispose cette direction suscite certaines interrogations. M Jean-Louis Dumont, Président, a précisé que la Cour des comptes avait déjà insisté sur cette « journée d'appel ».

Le Rapporteur spécial a également suggéré que la Cour des comptes s'intéresse aux personnels du ministère de la Défense en poste à l'étranger, dont l'activité répond à un besoin évident, mais dont le dispositif est peut-être disproportionné.

Le Rapporteur spécial a conclu à l'adoption des crédits.

Article 46 : mesures nouvelles - dépenses ordinaires des services militaires

M. François d'Aubert, Rapporteur spécial, a présenté un amendement de réduction de crédits tendant à maintenir au niveau des services votés le montant des indemnités et des allocations diverses destinées aux postes permanents à l'étranger.

La Commission a adopté cet amendement ainsi que l'article 46, ainsi modifié.

Article 47 : mesures nouvelles - dépenses en capital des services militaires

La Commission a adopté l'article 47, sans modification.

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