COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 22

(Application de l'article 46 du Règlement)

Lundi 3 novembre 2003
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. François Scellier, Doyen d'âge

SOMMAIRE

 

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- Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093) :

Vote sur les crédits :

 

· de l'Industrie (M. Hervé Novelli, rapporteur spécial)

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· des services financiers, du budget annexe des monnaies et médailles (lignes des articles 48 et 49, I et II) (M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial)

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· des Charges communes (M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial)

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La commission des Finances a poursuivi l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2004 (n° 1093). Elle a examiné, sur le rapport de M. Hervé Novelli, Rapporteur spécial, les crédits de l'industrie pour 2004.

M. Hervé Novelli, Rapporteur spécial, a indiqué que le projet de budget 2004 est peu modifié dans sa masse, puisque les crédits de paiement s'élèvent à 2.446,62 millions d'euros en baisse de seulement - 0,33 % par rapport à l'an dernier.

L'action du Gouvernement ne se limite pas aux crédits budgétaires puisque d'autres mesures sont prévues pour soutenir l'innovation et la recherche industrielle, avec la mise en place d'un véritable cadre juridique et financier pour les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque (« business angels »), la rénovation en profondeur du régime du crédit impôt recherche et la création d'un nouveau dispositif d'exonération de charges sociales et fiscales en faveur des « jeunes entreprises innovantes ». L'ANVAR voit aussi ses crédits de fonctionnement croître de 5 %.

Les premières indications relatives à la mise en œuvre de la loi organique au Minéfi, montrent une certaine lenteur ; il serait souhaitable qu'elle s'accélère s'agissant d'un ministère engagé dans un processus de changement dénommé « Bercy en mouvement ». Les expériences pour l'année 2004 ne concernent pas l'industrie et la définition des indicateurs de performance et des objectifs en est encore à un stade très liminaire. Le Minéfi n'envisage pas de demander la création de missions interministérielles, ni pour retracer l'effort financier de l'État en faveur des PME, ni pour les actions en faveur de la recherche, cette dernière n'ayant pas encore fait l'objet d'un arbitrage de la part du Premier ministre. Le Minéfi envisage, outre sa participation à d'éventuelles missions interministérielles, la constitution de deux missions ministérielles, l'une portant sur la « gestion et contrôle des finances publiques et du Minéfi », et l'autre sur la « politique économique », qui comporterait entre autres programmes :

- la régulation, le contrôle et la sécurité des activités économiques et des flux d'échanges, en distinguant la régulation et le contrôle réalisés par des autorités administratives dans un programme séparé ;

- le développement durable des entreprises comportant des actions sectorielles (énergie, PME du commerce et de l'artisanat, entreprises industrielles, Poste et télécommunications, mutations industrielles, prévention des pollutions et des risques). »

Le regroupement en un seul programme « fourre-tout » des politiques de l'énergie, des entreprises et de la recherche semble trop vaste et hétéroclite pour permettre à la représentation parlementaire de jouer son rôle de contrôle et d'évaluation. Cette option avait été critiquée par le rapport d'information de la Commission sur la mise en œuvre de la loi organique présenté par MM. Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard, pour qui « la cohérence de l'autorisation parlementaire dépendra de la précision des programmes ».

Si l'on regarde la répartition par agrégat, la stabilité d'ensemble des crédits cache des évolutions contrastées. Les crédits affectés au secteur de l'énergie et des matières premières (agrégat 21), baissent pour s'établir à 704,8 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement (- 1,5) et à 96,38 millions d'euros en autorisations de programme (- 22 %). Cette baisse permet néanmoins une augmentation des crédits de fonctionnement de la Commission de régulation de l'énergie et la stabilisation de ceux affectés au CEA, à l'IFP, à l'ADEME ou à Charbonnages de France.

Les dotations allouées à la recherche industrielle, à l'innovation et au développement des PMI (agrégat 22) s'élèvent en dépenses ordinaires et crédits de paiement à 363,79 millions d'euros (- 10,4 %) et en autorisations de programme à 298,67 millions d'euros (- 41 %). Cette réduction, qui s'explique par le contexte budgétaire exceptionnellement tendu, est compensée par les efforts consentis en matière d'instruments fiscaux et sociaux, par une meilleure efficacité obtenue par un regroupement des lignes budgétaires et par le renforcement du rôle d'animation et de coordination confié à l'ANVAR.

Les crédits de paiement relatifs aux actions portant sur l'environnement et la compétitivité des entreprises hors secteurs de la Poste et des télécommunications (agrégat 23) s'élèvent à 313,94 millions d'euros (+ 21 %). On reconnaît là la priorité donnée à la formation des ingénieurs et aux actions de promotion de la qualité, de la normalisation, de la certification, des brevets et de la métrologie, qui sont autant d'enjeux dans la compétition internationale. L'appui aux Centres techniques industriels - CTI et aux centres de promotion et de développement des entreprises - CPDE est de 89,7 millions d'euros (+ 26,8 %). Cette budgétisation doit compenser en 2004 la suppression des taxes parafiscales prévue par la loi organique, le Conseil d'État ayant rendu au cours de l'été un avis refusant de reconnaître aux activités des CPDE la qualification de missions de service public et donc la possibilité de percevoir des taxes affectées. Il ne faut néanmoins pas tarder à trouver une solution pérenne au financement de ces organismes utiles aux entreprises.

Les dépenses d'accompagnement des mutations industrielles (agrégat 24) s'élèvent à 657,3 millions d'euros en (CP) et à 46,5 millions d'euros (AP), représentant respectivement des augmentations de 1 % et 8 % par rapport à 2003.

Les redondances et incohérences des services administratifs en charge de l'industrie avaient été critiquées dans le rapport spécial de l'an dernier ; la Cour des comptes a depuis lors abondé dans ce sens dans plusieurs rapports. Les amendements proposés l'an dernier ont fait leur chemin et, cette année, le Gouvernement en a repris les idées, à savoir le renforcement du rôle de l'ANVAR, en matière de gestion des aides aux entreprises sur le terrain, et la suppression de l'APRODI (Association pour la promotion et le développement industriel). En effet l'ANVAR voit cette année son rôle d'animation et de coordination des aides à l'industrie considérablement renforcé, avec notamment le rôle d'organisme payeur des aides à la recherche industrielle et à l'innovation du ministère de l'industrie (Eurêka, ATOUT...) et la gestion du remboursement des aides remboursables pour les grands travaux de recherche industrielle. Il faudrait aller au bout de cette réforme en proposant un fort rapprochement entre les DRIRE et les délégations régionales de l'ANVAR. En outre la ministre a entamé l'utile fusion de ses deux principales directions générales, à savoir la DARPMI et la DIGITIP, dans un souci, légitime, de simplification et de recherche de synergies potentielles.

La politique de l'énergie est à l'aube d'un changement majeur dans le contexte de la libéralisation européenne. Les orientations du Gouvernement, qui bénéficie des conclusions du débat national sur les énergies organisé de janvier à mai 2003, s'articulent autour de trois axes prioritaires, la maîtrise de l'énergie, la diversification - avec les énergies renouvelables - et les aspects recherche et innovation. La ministre s'est engagée à soumettre au Parlement au début de l'année 2004 un projet de loi d'orientation sur les énergies.

Les activités d'EDF à l'international avaient été critiquées l'an dernier. Il faut cette année se féliciter que ces critiques soient largement prises en compte par le Président d'EDF et que les activités de l'entreprise soient recentrées.

La budgétisation de l'IFP s'est effectuée dans de bonnes conditions. Mais un problème de gouvernance d'entreprise se pose quant au mode de contrôle de l'État. La Cour des comptes a dénoncé les mouvements fréquents de personnels de direction entre l'IFP et les administrateurs publics, qui entraînent un risque d'insuffisance et d'incapacité du contrôle de l'État. Il pourrait être avisé, afin d'éviter ces dérives, de placer l'IFP, comme d'ailleurs les autres organismes publics vivant de crédits publics et ayant des filiales cotées en bourse, sous tutelle de l'Agence des participations de l'État.

Le Gouvernement stabilise la dotation de l'ADEME au même niveau que l'an dernier, ce qui devrait entraîner une meilleure gestion des crédits importants alloués à cette agence, afin de mettre en oeuvre de façon efficace une politique de maîtrise de l'énergie.

On peut s'interroger sur l'utilité des 35 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 (chapitre 64-96) sur le budget de l'industrie, somme modique si on la compare aux quelques 700 millions d'euros affectés à l'accompagnement de ces restructurations et gérés par le ministère des affaires sociales. Les amendements de réduction de ces crédits avaient été rejetés l'an dernier, au motif qu'ils n'avaient pas tous été consommés les années précédentes et qu'ils risquaient de manquer d'efficacité du fait de leur éclatement entre les deux ministères. Au vu des rapports financiers portant sur l'année 2002 et le début de l'année 2003, ces crédits semblent mieux consommés et il faut s'en féliciter. Depuis la discussion budgétaire de 2002, le Sénat et la Cour des comptes ont relayé les observations faites à cette occasion. Pour la Cour, ces aides aux entreprises reposent sur une organisation administrative complexe, qui doit être simplifiée et clarifiée.

Si l'on peut admettre l'utilité de ces crédits, il faut néanmoins s'interroger sur la dispersion des moyens qu'ils représentent et sans doute envisager leur regroupement au sein du ministère des affaires sociales. On peut également s'interroger sur les résultats concrets en termes d'emploi de ces actions de reconversion industrielle du ministère de l'industrie. Les résultats des évaluations qui ont été demandées à l'Inspection générale de l'industrie et aux préfets sont attendus avec impatience.

M. Thierry Carcenac s'est interrogé sur le rôle qui resterait aux DRIRE après la rétrocession à des organismes privés des activités de contrôle technique des véhicules lourds.

M. Pierre Hériaud a demandé si la mise en œuvre de la loi organique était suffisamment rapide et satisfaisante au Minéfi, au regard du calendrier progressif arrêté jusqu'en 2006. Il faut en particulier faire dériver les programmes des missions nouvellement définies, et non des anciens agrégats. La définition de leur périmètre doit permettre une lisibilité suffisante et préserver le droit d'amendement. Or, on risque de voir une nomenclature largement plaquée sur les structures existantes. Le Minefi devrait être pilote et l'on s'interroge sur les éléments moteurs de la réforme qu'il dégage, s'agissant même de ses propres administrations. On doit s'interroger sur le caractère interministériel de certaines politiques et sur leur pilotage. En outre, il convient de s'interroger sur le niveau d'investissement particulièrement élevé de GDF (3,7 milliards d'euros en un an).

M. Daniel Garrigue a souhaité une meilleure lisibilité de l'effort budgétaire pour la recherche industrielle, qui incombe aussi aux ministères de la Recherche et de la Défense. En tout état de cause, leur niveau semble insuffisant au regard de ce que font nos concurrents outre atlantique. Les données budgétaires sur les taxes affectées manquent également de lisibilité, en comparaison des annexes budgétaires qui étaient présentées pour les anciennes taxes parafiscales, interdisant ainsi toute recherche de logique de réorganisation des organismes bénéficiaires et de leurs ressources.

M. Bernard Carayon a regretté la sévérité du Rapporteur spécial sur AREVA, qui est la première entreprise mondiale dans son secteur. Il s'est interrogé sur la capacité du ministère de l'Industrie à soutenir une politique industrielle et commerciale, à l'échelle nationale et européenne. La normalisation et la certification sont des enjeux majeurs face au risque d'hégémonie anglo-saxonne. L'obligation européenne imposée à EDF de produire 15 % de sa production à partir d'électricité éolienne a un coût qu'il faudrait évaluer. Les entreprises locales de distribution d'électricité remplissent une mission de service public de proximité qu'il faudrait soutenir.

M. Hervé Novelli, Rapporteur spécial, a apporté les éléments de réponse suivants :

- les DRIRE limiteront maintenant leur rôle à la supervision des contrôles techniques des véhicules lourds, comme cela était déjà le cas pour les véhicules légers. La mise en œuvre de la loi organique doit impérativement permettre un meilleur contrôle et une bonne évaluation des politiques publiques. Le travail réalisé jusqu'à présent au Minéfi est le minimum possible et il est nécessaire que quelques parlementaires jouent le rôle d'aiguillon auprès de ce ministère ;

- une grande interrogation relative à GDF subsiste, à savoir le fait de disposer de contrats d'approvisionnement à long terme à prix fixe dans un marché de plus en plus dérégulé où les prix baissent. Les investissements actuels de GDF auprès des producteurs peuvent s'entendre dans cette perspective visant à lui apporter une plus grande sécurité. Tout comme EDF, mais avec une situation meilleure, GDF se trouve à la croisée des chemins dans le contexte de libéralisation de la concurrence ;

- la redéfinition de la politique française en matière de recherche industrielle est en cours, le Gouvernement s'attache à rééquilibrer la part de la recherche privée face à une recherche publique, actuellement dominante. Le rôle majeur joué par l'ANVAR et les nouveaux outils en faveur de la recherche privée ne pourront s'apprécier que progressivement. La séparation des actions entre le ministère de l'industrie et celui de la recherche conduit à des imprécisions dans l'évaluation des résultats, problème qui pourrait être résolu par la création éventuelle d'une mission interministérielle consacrée à la recherche ;

- la suppression des taxes parafiscales, à compter du 1er janvier 2004, suscite des inquiétudes dans la mesure où leur remplacement par des taxes affectées se heurte à un récent avis du Conseil d'État qui a refusé de reconnaître que les centres de promotion et de développement des entreprises (CPDE) remplissent une mission de service public, laquelle est selon la loi organique une condition nécessaire à un financement par taxe affectée. Une solution transitoire est prévue pour 2004 ; elle consiste en l'ouverture de crédits budgétaires destinés au financement de ces centres, avec utilisation des excédents de trésorerie. Une solution pérenne devra être trouvée l'an prochain pour assurer l'existence de ces centres, dont l'utilité est incontestable dans la défense de nos industries ;

- AREVA manque d'une stratégie industrielle claire ; alors que EDF est son principal client, elle a souhaité acquérir la filiale d'Alstom consacrée à la transmission et à la distribution d'électricité, ce qui témoignait d'une recherche de diversification hors de la sphère d'EDF. Les possibilités de rapprochement entre AREVA et Alstom auraient d'ailleurs mérité d'être mieux étudiées au moment du sauvetage d'Alstom ;

- le fait que la politique industrielle et la stratégie en matière de commerce extérieur relèvent du même ministère doit assurer une certaine cohérence entre les deux.

M. Bernard Carayon a demandé au Rapporteur spécial s'il estimait que le ministère de l'industrie était en mesure de porter une politique industrielle au niveau national, voire d'influer sur la définition d'une politique industrielle au niveau européen.

M. Hervé Novelli, Rapporteur spécial, a rappelé que la politique industrielle avait longtemps consisté en l'octroi d'aides directes, avec souvent le rôle de « pompier », avant de s'orienter maintenant vers l'amélioration de l'environnement des entreprises, ce qui avait justifié son rapprochement du ministère de l'économie. Les moyens du ministère délégué ne doivent pas s'entendre de façon autonome et ses actions doivent être intégrées dans l'ensemble de celles menées par le ministère de l'économie. Plutôt que des interventions directes, les mesures de soutien sont désormais transversales, en faveur de l'innovation et de la recherche, par exemple. Ces orientations nouvelles sont mieux adaptées aux réalités d'aujourd'hui et n'induisent pas forcément des crédits budgétaires.

M. Bernard Carayon a convenu qu'une politique industrielle ne passe pas forcément par des aides publiques. Il est cependant à craindre que la France manque d'une véritable doctrine industrielle, depuis de nombreuses années, et que cette absence soit à l'origine d'un certain nombre d'échecs. Or le ministère devrait jouer un rôle pilote dans la détermination du périmètre stratégique de l'industrie française et européenne, comme cela a été le cas pour le nucléaire ou l'aéronautique. Quelle est, par exemple, la stratégie en matière d'industrie pharmaceutique ?

M. Daniel Garrigue a souligné qu'il fallait distinguer la stratégie industrielle, à déterminer au niveau national et européen, de la politique en faveur des entreprises en difficulté. Les États-Unis dénoncent les aides aux entreprises en difficulté, mais possèdent une stratégie claire, soutenue par un programme de défense présentant souvent un caractère dual. En France, les financements sont dispersés et n'obéissent à aucune véritable orientation.

M. Bernard Carayon a indiqué que le Président des Etats-Unis annonçait régulièrement des objectifs commerciaux et industriels, au service desquels il mettait des moyens publics importants, qu'ils passent par un soutien aux technologies-clé, par les « advocacy centers » ou par une diplomatie économique.

M. Hervé Novelli, Rapporteur spécial, a douté que le ministère de l'industrie soit en mesure d'élaborer des stratégies industrielles, alors qu'elles doivent être incarnées au plan européen. Lorsqu'il était parlementaire européen, il a participé à l'élaboration du 6ème programme cadre de recherche et développement (PCRD). La France était peu impliquée dans ce travail, tout comme elle n'a qu'une place limitée dans sa réalisation, malgré l'importance des crédits en jeu. Puis il a poursuivi ses réponses :

- la différence de coût entre l'électricité éolienne et l'électricité nucléaire est certaine et se traduit par un surcoût d'un milliard d'euros pour EDF, qui constitue une contrainte de se fournir en partie avec ce type d'électricité ;

- le développement des entreprises de distribution locale l'électricité sera un phénomène naturel à partir de 2007 ; il y a lieu de le favoriser, d'ores et déjà, dans la mesure où il sera bénéfique pour les consommateurs.

La Commission a ensuite examiné un amendement du Gouvernement (n° II-27) visant à compenser pour la Sécurité Sociale le coût des mesures d'exonération sociale en faveur des « jeunes entreprises innovantes ».

M. Hervé Novelli, Rapporteur spécial, a indiqué qu'il s'agissait simplement de tirer les conséquences de la création du statut des « jeunes entreprises innovantes ».

M. Pierre Hériaud a remarqué qu'un taux de 15 % des charges totales consacrées aux dépenses de recherche sera particulièrement difficile à atteindre, puisqu'il supposerait que 35 % de l'excédent brut d'exploitation soient utilisés à cette fin. Très peu d'entreprises seront éligibles à ce dispositif. Dans le même sens, Mme Marie-Anne Montchamp a estimé que lorsqu'une entreprise consacre 6 à 7 % de ses charges aux dépenses de recherche, cela est déjà une proportion élevée.

M. Daniel Garrigue a précisé que le coût estimé de la mesure était seulement de 5 millions d'euros, ce qui montre bien que peu d'entreprises pourraient en bénéficier.

M. Hervé Novelli, Rapporteur spécial, a confirmé ces informations. Il a critiqué le dispositif limitant les exonérations aux « jeunes entreprises innovantes », toutes les entreprises devant être poussées à l'innovation et à cause du risque de création d'une nouvelle niche fiscale.

M. Daniel Garrigue a estimé que le dispositif général visant à élargir le champ du crédit d'impôt recherche était bien meilleur et que le statut de « jeune entreprise innovante » n'a vocation qu'à concerner quelques jeunes pousses « start-up ».

La Commission a adopté cet amendement.

M. Hervé Novelli, Rapporteur spécial, a indiqué que la Cour des comptes était déjà très active dans le domaine de l'industrie et avait notamment réalisé d'intéressants travaux sur l'Institut français des pétroles, sur AREVA ou sur le fonctionnement des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. Il n'a donc pas souhaité, dans l'immédiat, demander d'autres travaux.

La Commission a ensuite adopté, conformément à la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de l'industrie pour 2004.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Thierry Carcenac, Rapporteur spécial, les crédits des services financiers et du budget annexe des monnaies et médailles.

M. Thierry Carcenac, Rapporteur spécial, a rappelé que pour l'ensemble du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les crédits s'élèvent à 14,9 milliards d'euros, en évolution de 0,4 % par rapport à 2003, soit un taux inférieur à celui de l'inflation, constatée pour la même période. Pour l'ensemble des Services financiers, composés des agrégats Cour des comptes et chambres régionales et territoriales des comptes, Trésor public, Direction générale des impôts, Direction générale des douanes et des droits indirects, Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, Administration générale et dotations communes et Dépenses administratives, les crédits s'élèvent à 10,8 milliards d'euros. Trois agrégats connaissent une évolution supérieure à l'inflation : la Cour des comptes (+ 2,5 %), l'INSEE (+ 6,7 %) et les Dépenses administratives (+ 25,9 %).

L'évolution des crédits, faible en apparence, mérite cependant attention : l'examen de l'évolution des crédits de paiement en 2002 montre une différence importante entre les crédits inscrits dans la loi de finances initiale et le total des crédits consommés, supérieure à un milliard d'euros qui, s'ils ne proviennent pas de reports, disparaissent purement et simplement, révélant de fait une certaine opacité.

De même, les moyens demandés pour 2004 montrent des différences importantes par rapport aux crédits réellement consommés. Concernant les crédits de moyens, les crédits de personnel pour les Services financiers s'élèvent à 8,05 milliards d'euros et constituent 54 % de l'ensemble de la section Économie, finances et industrie, cette part étant en baisse de 5 % par rapport à 2003. En 2004, les effectifs budgétaires représenteront 177.716 emplois, soit une suppression de 2.055 emplois représentant une baisse de 1,14 %. Cette évolution est conforme à la norme de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux telle qu'elle a été définie par le ministre de l'économie. Les prévisions de départs définitifs s'élèvent à 4.714 postes physiques correspondant à 4.186 postes équivalents temps plein. Il convient de noter que la catégorie C est la plus touchée par ces réductions d'effectifs. L'incidence financière de l'évolution des effectifs résultant des suppressions, créations d'emplois et mesures d'ajustement se traduit par une économie de 28,46 millions d'euros. Il convient de rappeler que 13.000 emplois ont été supprimés depuis 1998.

En matière de gestion des ressources humaines, la Cour des comptes a constaté que la Direction du personnel, de la modernisation et de l'administration ne dispose pas d'un contrôle de gestion interne. Afin d'y remédier, elle développe un projet SIRH (système d'information sur les ressources humaines). Il conviendra, à l'avenir, d'être plus précis sur les emplois de titulaires et sur les contractuels, dont on ne connaît pas la répartition de manière précise.

En matière de recrutement de personnes handicapées, le taux de personnes handicapées employées dans les administrations financières s'établissait, au 31 décembre 2001, à 3,89 %, assez proche de la moyenne nationale.

D'ici 2005, les grandes orientations en matière de personnel prévoient la suppression de 3.150 emplois, expressément inscrite dans les contrats de performance des différentes directions.

Quant aux moyens de fonctionnement, les crédits affectés à la modernisation du ministère sont de plus en plus importants, grâce notamment aux budgets globaux. On assiste à une très forte programmation pluriannuelle informatique grâce à la création d'un compte d'investissement réservé aux équipements informatiques.

L'augmentation des interventions publiques provient principalement de l'inscription de crédits supplémentaires au profit de l'INSEE, pour la mise en place du recensement rénové de la population.

S'agissant des investissements, le Rapporteur spécial, constatant que la création d'un compte spécifique réservé aux équipements informatiques permettait un meilleur suivi des programmes en cause, s'est inquiété du montant des dépenses occasionnées par ces programmes.

En ce qui concerne les différentes directions, deux d'entre elles, la DGI et la DGCP, ont signé un contrat de performance dont l'objectif essentiel est le gain de productivité. C'est ainsi que sont décidées, sans information préalable, la concentration des perceptions, l'arrêt de l'activité de la Caisse nationale de prévoyance et l'externalisation d'un certain nombre de missions, ce qui risque de poser problème en termes d'aménagement du territoire.

A la Direction générale des douanes et des droits indirects, 64 services de contrôles isolés et 8 services de la viticulture ont été fermés. La prochaine externalisation des garanties de métaux précieux n'est pas accompagnée des moyens de contrôle adéquats. Si les réductions d'effectifs sont un peu moins importantes au sein de cette direction, il convient de s'interroger sur les moyens de lutter efficacement contre la contrebande du tabac, compte tenu des récentes hausses successives de son prix. L'expérience d'autres pays montre une forte hausse de la contrebande, en corrélation avec les augmentations de prix du tabac.

Outre la mise en place du recensement rénové de la population, l'INSEE réalisera une expérimentation de globalisation des crédits dans deux directions régionales, Champagne-Ardennes et Provence-Alpes-Côte d'Azur.

La réflexion relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 se révèle, au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, relativement avancée : sur les 150 programmes prévus au total, les Services financiers en comporteraient sept : Grands équilibres économiques et financiers, Régulation, contrôle et sécurité des activités économiques et des flux d'échanges, Statistiques et informations économiques, démographiques et sociale, Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local, Juridictions financières, Pilotage, gestion, évaluation et contrôle du Minefi, et Gestion des finances publiques. On peut regretter que cette réflexion ne soit conduite que sous le seul critère de l'efficacité, au détriment du personnel.

Enfin, on constate que la réforme « Bercy en mouvement » s'accompagne d'un certain flou, notamment dans trois secteurs. C'est le cas de la communication : certes, il a été décidé de recentrer la direction de la communication sur son cœur de métier et de la transformer en service autonome, mais cela s'accompagne d'une réduction d'effectifs dans les échelons locaux. Le service dispose d'un budget important, 15,8 millions d'euros, mais le ministère n'établit pas de comptabilité consolidée de sa communication. Pour 2002, le coût de la communication s'élèverait à 48 millions d'euros. De nombreuses questions subsistent sur la façon dont s'établit l'harmonisation de la communication entre les différentes directions.

Le deuxième poste concerné est l'informatique, dont la presse spécialisée signale qu'il s'agit d'un secteur très attendu par les grands cabinets. Il représenterait, pour l'ensemble de l'État, un budget de 8,6 milliards d'euros. A titre indicatif, ce poste atteint 9,5 milliards d'euros en Allemagne et 17 milliards d'euros au Royaume-Uni. De telles sommes en jeu nécessitent que l'on ait une réelle vision sur les actions à mener, et les ministres ne semblent pas suffisamment attentifs à ce dossier. Il conviendrait de « muscler » les équipes de maîtrise d'ouvrage. Le programme ACCORD, destiné à la mise en place de la loi organique, représente également un marché important pour les entreprises.

Enfin, le Rapporteur spécial doit observer un manque de volonté politique en matière de lutte contre la fraude. Ainsi, en 2002, les redressements ont atteint 11 milliards d'euros. La Direction des grandes entreprises (DGE), qui recouvre 40 % des recettes du budget, ne fait l'objet d'aucune réelle évaluation. A l'heure de l'internationalisation, il conviendrait de manifester une volonté plus forte en matière de contrôle fiscal. Il en va de même pour la lutte contre la contrebande compte tenu des récentes dispositions tarifaires concernant le tabac, même si, selon la DGDDI, la France ne serait qu'un territoire de transit. Il conviendrait peut-être de réfléchir également à une harmonisation au niveau européen.

Le budget annexe des Monnaies et médailles devrait s'élever, en 2004, à 92 millions d'euros. Un très gros effort a été accompli, notamment par une réduction de la masse salariale, et l'équilibre sera atteint sans qu'une subvention soit nécessaire. Le plan de frappe des monnaies courantes françaises est de 760 millions de pièces, se répartissant entre 400 millions de pièces d'un centime, 300.000 millions de pièces de deux centimes et 60.000.000 de pièces de 5 centimes. On constate une bonne rentabilité pour l'établissement de Pessac.

S'agissant de l'avenir du budget annexe, il serait utile que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie précise ce qu'il envisage, eu égard à sa déclaration au comité technique paritaire du 7 octobre 2002 selon laquelle il convenait de le traiter de « façon industrielle », ou si l'on s'achemine vers la création d'un compte de commerce.

En conclusion, le Rapporteur spécial a souhaité que l'on réfléchisse de plus près au moyen de motiver le personnel, sachant que la fameuse rémunération au mérite ne concerne que très peu de personnes, 800 sur un total de 177.000 agents, et que ces personnes en bénéficient d'ores et déjà. Le ministère ne semble pas avoir de grande perspective, comme le montre notamment l'absence, pendant six mois, de responsable du programme informatique Copernic, regrettable compte tenu des masses financières en jeu. On constate une certaine opacité des budgets de fonctionnement. Enfin, la performance ne devrait pas être l'unique objectif, au détriment de l'aménagement du territoire.

Compte tenu des ces éléments, le Rapporteur spécial a proposé le rejet des crédits Services financiers et ceux du budget annexe des Monnaies et médailles.

M. Pierre Hériaud a posé trois questions :

- quelles sont les raisons de la hausse de 26 % des charges administratives ?

- concernant l'informatique, des appels d'offres auprès de grandes sociétés de prestations de services sont-ils prévus ?

- Enfin, s'agissant des fraudes à la détaxe à l'exportation, la presse grand public s'est fait souvent l'écho de fraudes portant sur des sommes considérables. En particulier, la mise en place dans les aéroports de composteurs automatiques pour la TVA semble favoriser cette pratique.

M. Daniel Garrigue a regretté que, s'agissant de la fermeture des perceptions, qui est un vrai problème d'aménagement du territoire, les trésoriers-payeurs généraux prennent souvent leurs décisions seuls, de façon arbitraire. Une expérimentation est actuellement en cours sur les services publics en milieu rural. Il est à souhaiter que celle-ci apporte des réponses précises et permette de définir une méthode prévoyant un minimum de concertation. Une cohésion dans le maillage des différents services publics doit impérativement être recherchée. Concernant le tabac, M. Daniel Garrigue a exprimé sa très grande inquiétude en particulier pour les planteurs et les buralistes dont les agressions semblent se multiplier ces derniers temps, signe de l'augmentation du trafic. Un climat de « prohibition » semble s'installer.

M. Thierry Carcenac, Rapporteur spécial, a précisé que la hausse des charges administratives était intégralement imputable à la mise en place du projet ACCORD.

Concernant la hausse des prix du tabac, on ne peut que partager l'inquiétude de M.  Daniel Garrigue : de très grosses déconvenues vont apparaître pour les buralistes, en particulier en milieu rural. Une réflexion plus approfondie sur un éventuel transfert de missions (par exemple, en provenance de La Poste) à ces commerçants eût été la bienvenue.

M. François Scellier, Président, a regretté que, s'agissant des services publics en milieu rural, aucune réflexion d'ensemble n'ait lieu et que chaque acteur mène, seul, ses propres restructurations.

M. Pierre Hériaud a indiqué que, dans le département dont il est élu, une certaine concertation avait eu lieu sous la direction du trésorier-payeur général et que cela avait permis que les choses se passent relativement bien.

M.  Thierry Carcenac, Rapporteur spécial, a indiqué qu'à cette date la direction générale des impôts, comme la direction générale de la comptabilité publique, étaient liées, jusqu'en 2005, par des contrats de performance fixant leur effectif. C'est donc après cette date que risquent d'intervenir de nombreuses suppressions de services. La commission des Finances avait d'ailleurs déjà abordé ce débat à l'occasion des restructurations de la Banque de France.

M.  François Scellier, Président, a précisé qu'il était, à ses yeux, plus grave pour la population de fermer des services postaux ou fiscaux que ceux de la Banque de France.

La Commission a, après avis défavorable du Rapporteur spécial, adopté les crédits des services financiers.

S'agissant du budget annexe des monnaies et médailles, M. Thierry Carcenac, Rapporteur spécial, a indiqué que, sur le site de Pessac, des progrès de productivité avaient été réalisés et que les agents avaient consenti d'importants sacrifices. Malheureusement, depuis 2002, le ministre n'a pas donné d'indications précises quant au futur de cette activité. On reste donc dans le flou, ce qui renforce l'inquiétude des agents.

La Commission a ensuite adopté, après avis défavorable du Rapporteur spécial, les lignes des articles 48 et 49, I et II relatives aux crédits du budget annexe des monnaies et médailles.

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La Commission a enfin examiné les crédits des Charges communes.

M. Daniel Garrigue, Rapporteur spécial, a indiqué que le budget des Charges communes représentait des masses financières très importantes, qui recouvrent des réalités hétérogènes. Les 120,4 milliards d'euros inscrits sur le fascicule budgétaire constituent 34,3 % des crédits bruts du budget général. Si l'on exclut les remboursements et dégrèvements, les crédits nets du budget des Charges communes représentent 19,6 % des crédits nets du budget général, plus que le budget de l'Éducation nationale. En exécution, le budget des Charges communes retrace près de 30 % des dépenses nettes du budget général, notamment parce que c'est sur les Charges communes que sont effectuées toutes les dépenses de pension.

Ce budget est organisé autour de trois grandes masses : la charge de la dette de l'État mobilise 34,1 % des crédits ; les remboursements et dégrèvements comptent pour 53,4 % du total ; les crédits relatifs aux dépenses de personnel en représentent 9 %.

La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances induira vraisemblablement un bouleversement de ce budget. En effet, elle définit précisément l'avenir de certaines de ses dotations :

- la charge de la dette sera rattachée à un compte spécial qui supportera les charges d'intérêt et les charges et produits liés à la gestion active de la dette, notamment les swaps de taux ;

- les garanties devront faire l'objet d'un programme spécifique, doté de crédits évaluatifs, de même que les remboursements et dégrèvements ;

- les dotations des pouvoirs publics - élément significatif des Charges communes en termes politiques plus que budgétaires - constitueront les différents programmes d'une mission unique ;

- le compte spécial relatif aux pensions de retraite et charges accessoires regroupera toutes les dépenses de pension, sans qu'il soit possible de dire aujourd'hui si les budgets ministériels ne porteront pas de crédits de pension « pour ordre », qui seraient alors versés en recettes au compte spécial.

Au demeurant, le budget des Charges communes accueille, depuis 2002, une préfiguration d'un programme au sens de la loi organique : la gestion de la dette et de la trésorerie de l'État est présentée autour des objectifs poursuivis, des indicateurs associés et des instruments mis en œuvre.

L'élément essentiel du budget des Charges communes est la charge de la dette, qu'il convient de situer dans un contexte budgétaire et financier beaucoup plus large. Cette charge est en effet le reflet du stock de dette, lui-même reflet des déficits passés.

Les statistiques et analyses associées aux Prévisions d'automne de la Commission européenne montrent que la France n'a pas suffisamment réduit son déficit structurel pendant les années de forte croissance, à la différence de ce qu'ont su faire de nombreux autres pays européens. Cette inertie explique la remontée rapide du déficit à partir de 2001, lorsque la conjoncture a commencé à se retourner. Le Gouvernement actuel conduit aujourd'hui un effort de maîtrise remarquable, mais le contexte est beaucoup moins favorable qu'à la fin des années 1990 et les résultats sont obérés par un retour de la croissance plus lent que prévu. Dans ces conditions, il est probable que la proposition de recommandation du Conseil, récemment publiée par la Commission européenne, suscitera quelques débats : elle invite celui-ci à reculer de 2004 à 2005 la date butoir pour le retour du déficit public au-dessous de 3 % du PIB, ce qui paraît une approche sage, tenant compte des capacités effectives de l'économie française comme des fermes engagements du Gouvernement.

La dette publique sera supérieure à 60 % du PIB à partir de 2003. La France n'a certes pas le ratio d'endettement public le plus élevé d'Europe, mais elle n'a pas accompli de progrès significatifs par rapport à la situation prévalant en 1997. Au contraire, l'Irlande, l'Espagne et le Royaume-Uni ont fortement diminué leur taux d'endettement. L'Italie et la Belgique ont également accompli des efforts mais leur dette reste, avec celle de la Grèce, au-dessus de 100 % du PIB. La situation de l'Allemagne s'est détériorée ces dernières années.

La charge nette de la dette bénéficierait, en 2004, de l'évolution très favorable prévue pour 2003. Elle s'est élevée à 37,9 milliards d'euros en 2002 ; elle était estimée à 38,1 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2003, mais l'exécution devrait s'établir à 37,4 milliards d'euros, compte tenu de la forte diminution des taux d'intérêt à court terme. Dans ces conditions, la charge de la dette en 2004, évaluée à 38,3 milliards d'euros, progresserait de 0,6 % par rapport à la prévision initiale pour 2003, mais de 2,5 % par rapport à l'évaluation révisée. L'effet taux, extrêmement fort, observé en 2003 n'aura finalement été que passager. La charge de la dette reste placée sur un sentier de croissance de 2,5 % par an en moyenne.

La politique de gestion de la dette n'est pas modifiée : les objectifs structurant le programme sont identiques à ceux fixés pour 2003 et la stratégie de diminution de la durée de vie moyenne de la dette sera poursuivie. L'Agence France Trésor a complété et précisé les indicateurs associés à la gestion de la dette et de la trésorerie. S'agissant des instruments de cette politique, l'Agence ne juge pas opportun d'utiliser l'autorisation de principe qui lui a été accordée en 2003 pour emprunter en devises. Le programme de swaps de taux d'intérêt a été techniquement interrompu en juillet 2002 et officiellement suspendu en septembre de la même année. Il pourrait être repris si les conditions de marché sont jugées plus favorables qu'aujourd'hui. La gestion de la trésorerie devrait être facilitée par l'obligation, proposée par l'article 71 du présent projet, faite aux collectivités locales et à leurs établissements publics d'annoncer avec un jour de préavis les mouvements de fonds supérieurs à 1 million d'euros. La trésorerie de l'État ne doit jamais être négative, car la Banque de France n'est pas autorisée à consentir un découvert sur le compte du Trésor. Parallèlement, l'Agence France Trésor cherche à placer les disponibilités de ce compte pour en tirer le meilleur intérêt. L'Agence a également poursuivi son effort de maîtrise des risques attachés à la réalisation de ses opérations financières.

Les remboursements et dégrèvements s'élèvent à 64,2 milliards d'euros en 2004, augmentant ainsi de (+ 1,2 %). Ceci traduit un certain ralentissement puisque l'évaluation révisée relative à 2003 fait apparaître un léger sursaut (+ 3,4 %) par rapport aux dépenses constatées en 2002 (61,4 milliards d'euros).

Divers facteurs expliquent le sursaut de 2003 : pour l'impôt sur les sociétés, la principale explication avancée par le Gouvernement tient à la difficulté pour les sociétés d'ajuster rapidement, dès 2002, le niveau de leurs acomptes au très net ralentissement économique cette même année. Il en résulte une accélération des restitutions en 2003. Les remboursements de TVA atteindraient 33,7 milliards d'euros, progressant de 4,1% par rapport à 2002. Il semble toujours aussi difficile d'évaluer correctement les remboursements de TVA à venir. L'observation des résultats d'exécution des années précédentes montre, d'ailleurs, des à-coups sensibles. Les dégrèvements au titre des impôts locaux reculeraient de 2 % en 2004, après une diminution de 0,9 % en 2003. Ils atteindraient 9,4 milliards d'euros. Il convient de noter que le Rapporteur spécial du budget des Charges communes de la Commission des finances du Sénat a engagé un travail de fond sur les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux et que cette démarche peut apporter des enseignements intéressants.

En matière de dépenses de personnel, aucune dotation n'est demandée pour couvrir une éventuelle revalorisation du point d'indice de la fonction publique. En revanche, les crédits de pension inscrits sur les Charges communes augmentent de 10,5 % et atteignent 6,8 milliards d'euros. Cependant, les dotations inscrites en loi de finances initiale ne sont pas représentatives des dépenses effectives de pension : elles sont abondées en gestion par le transfert des crédits inscrits sur de nombreuses sections ministérielles. Paradoxalement, la récente réforme des retraites se traduit par un surcoût à court terme, puisque les pensions seront désormais indexées sur les prix et non sur le point d'indice de la fonction publique, stable en 2004.

Les crédits destinés à la compensation démographique des ressources et des charges des régimes de sécurité sociale progressent de 34 millions d'euros et s'établissent à 2,3 milliards d'euros. Les crédits pour cotisations et prestations sociales atteindraient 1.688 millions d'euros en 2004, en repli de 17 millions d'euros par rapport à 2003. La majeure partie correspond à l'apurement des cotisations familiales dues par l'État à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

Le budget des Charges communes connaît, en 2004, deux rectifications de périmètre :

- la refonte des concours de l'État aux collectivités locales amène à supprimer les crédits consacrés au Fonds national de péréquation, transformés en prélèvement sur recettes ;

- la dotation destinée au financement de l'allocation aux adultes handicapés du régime des non-salariés agricoles est transférée sur le budget de la Santé, de la famille, des personnes handicapées et de la solidarité.

Les crédits pour charges de garantie progressent de 28,9 millions d'euros et atteignent 121,6 millions d'euros. En particulier, les procédures publiques gérées par la COFACE nécessitent 61 millions d'euros (comme en 2003), aucune dotation n'étant demandée pour l'assurance-crédit à l'exportation. Les crédits des pouvoirs publics sont portés à 824,9 millions d'euros et augmentent de 1,8 %. Après avoir doublé en 2003, la dotation demandée au profit de la Présidence de la République est quasiment stabilisée, ce qui marque l'arrivée à maturité du processus de clarification engagé depuis plusieurs années. Les crédits pour dépenses accidentelles sont majorés de 359 millions d'euros et atteignent 398,5 millions d'euros. On sait, cependant, que cette dotation est parfois mise à profit pour « gager », au cours de la discussion parlementaire, des majorations décidées par le Gouvernement sur d'autres chapitres budgétaires. Pour autant, l'ampleur inédite de cette majoration incite à penser que le Gouvernement a souhaité se doter d'une « réserve » assez importante pour pouvoir faire face, le cas échéant, à des tensions en cours d'exécution qui pourraient être provoquées par une calibration trop fine des crédits inscrits sur les différents fascicules. Les crédits pour primes d'épargne-logement versées par l'État diminueraient de 130 millions d'euros pour s'établir à 1.350 millions d'euros. Peut-être faut-il y voir un premier effet de la réforme adoptée dans la loi de finances pour 2003 : les nouveaux plans n'ouvrent plus droit au bénéfice de la prime d'État qu'en cas de réalisation d'un prêt d'épargne-logement. De ce fait, un certain nombre de détenteurs de plans ont pu surseoir à la clôture de comptes ouverts avant le 12 décembre 2002. De fait, le nombre de plans ouverts au 31 décembre 2002 est supérieur de près d'un million au nombre de plans ouverts au 31 décembre 2001. Les versements de l'État à divers régimes obligatoires de sécurité sociale occasionneraient, en 2004, une dépense de 755,2 millions d'euros au lieu de 1.257,7 millions d'euros en 2003. Compte tenu du profond remodelage des recettes du BAPSA proposé dans le PLF 2004, la subvention de l'État à ce budget annexe a été ramenée à zéro.

M. Pierre Hériaud a salué la clarté de la présentation effectuée par le Rapporteur spécial. En 2003, la dette publique dépassera le plafond de 60 % du PIB, ce qui constitue un événement sans précédent, comme l'a montré la discussion générale du projet de loi de finances pour 2004. Qu'elle soit négociable ou non négociable, la dette reste sensible à l'évolution des taux d'intérêt. Or, en 2003, ces taux ont été très faibles, surtout sur le compartiment monétaire. 100 points de base représentent 9 milliards d'euros. On peut craindre une remontée des taux dans l'année qui vient, notamment du fait des déficits abyssaux observés aux États-Unis et de la diminution de l'épargne japonaise qui pourrait résulter de la reprise de l'investissement, dont on voit aujourd'hui les prémices. Le risque de tension sur les taux n'est pas négligeable. Au demeurant, la politique de réduction de la durée de vie a pour conséquence de renforcer la sensibilité globale de la dette aux évolutions des taux d'intérêt, puisque le stock de dette est renouvelé plus souvent. Cela a permis de bénéficier pleinement de la baisse des taux constatée ces dernières années, mais cela porte en germe une aggravation des charges d'intérêt dan les années qui viennent, lorsque les taux remonteront. D'ailleurs, avec un déficit de 55 milliards d'euros, l'augmentation du stock de dette génèrera de lui-même une charge d'intérêts supérieure à celle de 2003.

M. François Scellier, Président, a souligné la difficulté inhérente à toute prévision d'évolution des taux d'intérêt. Le risque est permanent, mais il n'est pas toujours avéré.

M. Daniel Garrigue, Rapporteur spécial, et M. Pierre Hériaud ont relevé que les taux d'intérêt ont rarement été aussi bas qu'en 2003.

M. Thierry Carcenac s'est interrogé sur les répercussions économiques et financières que pourrait avoir un besoin de financement de l'État porté à 126,5 milliards d'euros en 2004. Il s'est enquis des conséquences éventuelles du départ du directeur général de l'Agence France Trésor, étant entendu que l'organisation et les modes de fonctionnement de l'Agence sont bien rodés et efficaces. Les dégrèvements d'impositions locales sont une sorte de « boîte noire » qu'il est bien difficile de percer. Il est difficile de savoir précisément, par exemple, quelles sont les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. Par ailleurs, l'État se substitue de plus en plus au contribuable local : il prend en charge près de 40% de la taxe professionnelle et près de 35 % de la taxe d'habitation. Il serait intéressant de faire la lumière sur ces dégrèvements.

M. François Scellier, Président, a estimé que des impositions abusives devaient nécessairement entraîner le remboursement des sommes indûment perçues.

M. Daniel Garrigue, Rapporteur spécial, a déclaré partager les inquiétudes manifestées par M. Pierre Hériaud quant aux évolutions possibles des taux d'intérêt. L'année 2003 a été très favorable et le contexte sera certainement moins facile à l'avenir. Le besoin de financement de l'État en 2004 est certes important, mais il n'est que marginalement supérieur au besoin de financement exécuté en 2003, qui devrait s'élever à 119,5 milliards d'euros, et au besoin de financement exécuté en 2002, qui a porté sur 121,1 milliards d'euros. Une analyse comparative des modes de gestion de la dette et de la trésorerie, portant, par exemple, sur le Royaume-Uni et sur l'Allemagne, permettrait d'éclairer les débats conduits au sein du Parlement français, notamment sur les répercussions du financement de l'État sur l'ensemble de l'économie.

Le départ de l'actuel directeur général de l'Agence France Trésor ne devrait pas avoir de répercussions sur le fonctionnement de celle-ci : les équipes sont solides et expérimentées, les procédures bien définies, les relations étroites avec les intervenants extérieurs. Aucune information ne peut laisser suggérer que ce départ pourrait causer des perturbations.

Les sommes concernées par les dégrèvements d'impositions locales sont importantes. Elles doivent faire l'objet d'un examen attentif et la Commission des finances de l'Assemblée nationale pourrait utilement se rapprocher de la Commission des finances du Sénat pour étudier cette question importante. Les explications et informations fournies par le ministère de l'économie, sont souvent trop peu précises et insuffisamment convaincantes.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Marc Laffineur, tendant à réduire de 15 millions d'euros les crédits du chapitre 32-97 du budget des Charges communes.

M. Daniel Garrigue, Rapporteur spécial, a indiqué que cet amendement visait un dispositif de majoration des pensions des fonctionnaires justifiant d'une résidence effective à la Réunion, à Saint-Pierre et Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Ce dispositif peut donner lieu à des abus et, en ce sens, l'objectif poursuivi par cet amendement est totalement justifié. Cependant, la remise en cause, sur le fond, du dispositif juridique de nature réglementaire qui fonde les majorations de pension servies dans l'outre-mer nécessite d'être prise en concertation avec les députés concernés.

M. Pierre Hériaud a affirmé soutenir cet amendement. Le dispositif de majoration de pension ouvre la voie à de nombreux abus, relevés par M. Marc Laffineur dans son récent rapport d'information. Cet amendement correspond à une diminution de moins de 10 % du surcoût induit pour le budget de l'État par les majorations de pensions. Il fait suite à un certain nombre de contacts avec les élus concernés.

M. Daniel Garrigue a souligné que cet amendement ne modifiait pas le dispositif juridique, qui relève du domaine réglementaire et que la réduction de crédits proposée pouvait être assimilée au « provisionnement » d'un contrôle plus rigoureux sur l'octroi des majorations de pension.

M. François Scellier, Président, a rappelé que l'objet même de cet amendement ne consistait pas à modifier le dispositif réglementaire fondant les actuelles majorations de pension, mais à impliquer des modifications pour l'avenir. Il ne touche que les flux.

M. Daniel Garrigue a jugé que l'adoption de cet amendement permettrait, au moins, d'interroger le Gouvernement sur les conditions d'un renforcement du contrôle effectué sur les conditions d'attribution des majorations concernées.

La Commission a adopté cet amendement.

Puis, sur la proposition du Rapporteur spécial, la Commission des finances a adopté les crédits des Charges communes, ainsi modifiés.

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