COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 19 novembre 2003
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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-  Examen de la proposition de résolution (n° 1161) présentée par M. Daniel Garrigue au nom de la Délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (COM[2003]397 final/E 2365) (M. Gilles Carrez, Rapporteur général)




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-  Information relative à la Commission

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La Commission a procédé, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, à l'examen de la proposition de résolution (n° 1161) de M. Daniel Garrigue, Rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne, sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (COM[2003]397 final/E 2365).

Le Rapporteur général a rappelé que la Délégation pour l'Union européenne a adopté, le 23 octobre 2003, à l'initiative de M. Daniel Garrigue, une proposition de résolution sur la proposition de directive du Conseil adoptée par la Commission européenne le 25 juillet 2003 modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne les taux réduits de TVA. L'objet de la proposition de résolution est de conforter la position du Gouvernement dans les difficiles négociations communautaires en cours sur cette proposition de directive.

Celle-ci propose d'établir un système simple et opérationnel en matière de taux réduits de TVA. Elle prévoit que le taux normal de TVA de chaque Etat demeure son taux de droit commun. En outre, elle autorise chaque Etat membre à appliquer un ou deux taux réduits, au moins égaux à 5%, à des biens et des services dont la liste serait désormais la même pour l'ensemble des Etats membres. Cette liste unique figurerait à l'annexe H révisée à la directive du Conseil 77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée. Enfin, dans certains cas, certains Etats demeureraient habilités à appliquer un taux nul ou super-réduit, c'est-à-dire inférieur à leur taux réduit ou à leurs deux taux réduits, à certains biens et services, mais uniquement, désormais, si ceux-ci sont visés à l'annexe H révisée.

Cette proposition de directive présente le mérite de rendre plus facilement compréhensibles les règles applicables aux taux réduits. Dans le dispositif actuel, on doit relever au moins deux éléments qui ne semblent guère compréhensibles. Le premier est que l'annexe H actuelle, censée énumérer tous les biens et services susceptibles de bénéficier d'un taux réduit, ne vise en fait que certains d'entre eux. La liste n'est donc pas exhaustive. D'autres biens et services pouvant faire l'objet de taux réduits figurent à d'autres endroits de la directive. Le second point appelant une clarification consiste dans le fait que certains Etats membres sont aujourd'hui susceptibles d'appliquer un taux super-réduit, voire, dans quelques cas, un taux zéro, à divers biens et services, alors que les autres Etats membres sont tenus d'appliquer leur taux normal à ces mêmes biens et services. Huit Etats membres sur quinze peuvent par exemple appliquer aux services de restauration un taux inférieur à leur taux normal en vertu de diverses dérogations et dispositions spéciales, dont aucune ne concerne la France. Le taux applicable à ces services s'établit ainsi à 3% au Luxembourg, 6% aux Pays-Bas, 7% en Espagne, 8% en Grèce, 10% en Italie et en Autriche, 12% au Portugal et 13,5% en Irlande.

Il faut se réjouir de ce que la Commission européenne propose d'aller vers une plus grande cohérence et davantage d'équité. La Commission européenne suggère que la liste des biens et services susceptibles de bénéficier d'un taux réduit de TVA figure exclusivement à l'annexe H à la directive 77/388/CEE. Tous les biens et services qui, en application d'une disposition de la directive aujourd'hui distincte de cette annexe, bénéficient d'un taux réduit de la TVA devraient être « rapatriés » dans cette même annexe. Devraient par ailleurs y être désormais insérés certains biens et services pouvant faire l'objet, aujourd'hui, d'un taux réduit de TVA uniquement dans certains Etats membres. Ces biens et services pourraient en conséquence faire l'objet d'un taux réduit de TVA dans tous les Etats membres. A ce titre, la Commission propose d'inclure dans l'annexe H les services de restauration, les travaux dans les logements privés, les services de lavage de vitres, de nettoyage dans les logements privés et enfin les services de soins à domicile.

Le Rapporteur général a jugé que les propositions de la Commission européenne en matière de taux réduits de TVA donnent globalement satisfaction à la France. Notre pays ne peut que soutenir un dispositif tendant à améliorer la rationalité et l'équité du système communautaire en la matière. L'entrée en vigueur de cette proposition de directive permettrait en effet de pérenniser l'application du taux réduit de 5,50% aux travaux dans les logements et aux services rendus à domicile par certaines entreprises. Il faut rappeler que l'application de ce taux réduit avait été demandée et obtenue sous la précédente législature à la fin de l'année 1999. L'article 12 du projet de loi de finances pour 2004 prépare notre législation à cette pérennisation. Le taux réduit de 5,50% serait de plus susceptible d'être appliqué aux services de restauration. L'article 69 du projet de loi de finances pour 2004 prévoit d'ailleurs que dans les quatre mois suivant l'entrée en vigueur de la directive correspondante, une loi précisera les conditions dans lesquelles le taux réduit de 5,50% s'appliquera aux services de restauration.

Il reste que le souhait de la France, d'avoir la faculté d'appliquer le taux réduit de la TVA aux disques, n'est pas satisfait par la proposition de directive. Il serait opportun que le Parlement demande au Gouvernement de proposer de nouveau que la proposition de la Commission européenne soit amendée en ce sens.

Les négociations communautaires relatives à la proposition de directive sont ardues. Certains Etats membres estiment en effet qu'ils seraient lésés s'ils devaient consentir à l'adoption en l'état de la proposition de la Commission européenne. Il s'agit notamment des Etats membres qui appliquent aujourd'hui des taux super-réduits ou nuls à certains produits pour lesquels la Commission propose désormais de les soumettre au taux normal. On peut citer notamment le cas des vêtements et des chaussures pour les enfants qui bénéficient aujourd'hui d'un taux réduit en Irlande et au Royaume-Uni. D'autres Etats, tels que le Danemark ou l'Allemagne, sont par ailleurs sceptiques quant à l'efficacité des taux réduits en termes d'impact sur l'emploi et sur la croissance des secteurs concernés.

Le Rapporteur général a enfin proposé d'adopter la proposition de résolution de M. Daniel Garrigue afin que l'Assemblée nationale encourage le Gouvernement français à contribuer à trouver les voies par lesquelles la négociation communautaire pourrait aboutir, compte tenu des éléments qu'il est indispensable ou hautement souhaitable de retrouver dans la future directive.

M. Alain Rodet a considéré que la fixation de la liste des biens et services susceptibles, d'après la proposition de directive, de bénéficier d'un taux réduit de TVA est par trop influencée par des groupes de pression. Il aurait été préférable de fixer cette liste en utilisant quelques critères simples, comme celui de l'intensité en main-d'œuvre des activités susceptibles d'être concernées par un taux réduit. A ce titre, la logique voudrait que les services de réparation et d'entretien dans le secteur de l'automobile soient susceptibles de bénéficier d'un taux réduit.

M. Augustin Bonrepaux a plaidé pour que les services de réparation et d'entretien dans le secteur de l'automobile soient susceptibles de bénéficier d'un taux réduit de la TVA, compte tenu des créations d'emplois qui en résulteraient. On doit rappeler que lorsque la possibilité d'appliquer le taux réduit de la TVA a été obtenue pour les travaux dans les logements privés, les professionnels concernés avaient pris certains engagements, notamment en matière d'emplois. Il serait souhaitable que les professionnels des autres secteurs susceptibles de bénéficier d'une extension de la possibilité d'appliquer un taux réduit fassent aujourd'hui de même. Or, on note, par exemple s'agissant des services de restauration, une absence de chiffrage et d'arguments sérieux en matière de répercussion sur les prix et les créations d'emplois. Cela transparaît dans le quatrième point de la proposition de résolution selon lequel la possibilité d'appliquer le taux réduit aux services de restauration « constitue une source substantielle de croissance et de créations d'emplois ». Aucune autre précision n'est cependant apportée.

M. Jean-Louis Dumont s'est enquis de l'état d'avancement des négociations sur la proposition de directive au sein du Conseil. La poursuite de l'application du taux réduit de la TVA en France s'agissant des travaux dans les logements construits depuis plus de deux ans est en effet suspendue à l'aboutissement de ces négociations. Il a relevé le caractère inquiétant des propos du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie lors de sa récente audition par la Commission des finances. Il serait très regrettable que ce secteur d'activité pâtisse de difficultés propres aux débats communautaires concernant d'autres secteurs, par exemple les services de restauration. Il faut, en effet, souligner que les professionnels du logement, y compris le logement social, ont tenu les engagements pris lors de la mise en œuvre du taux réduit, en termes de formation, d'embauche ou de croissance de l'activité. Il appartient donc à l'Assemblée nationale d'affirmer avec force la nécessité d'obtenir la pérennité du dispositif.

M. Michel Bouvard, Président, a relevé que la majorité des services de la restauration bénéficie d'ores et déjà en France du taux réduit de 5,50%, ce taux étant applicable à la restauration collective et à la restauration à emporter. La formulation de la proposition de résolution tend à « masquer » le fait que l'application du taux réduit aux services de restauration ne constituerait qu'une unification des taux applicables.

Le Rapporteur général a rappelé que la proposition de la directive présentée par la Commission européenne répond en très grande partie aux préoccupations de la France en précisant avec la plus grande clarté la possibilité de pratiquer un taux réduit de TVA à la fois aux travaux dans les logements et aux services de restauration et ce, quel que soit le mode de délivrance de ces derniers. Certes, les disques n'apparaissent pas dans cette liste et c'est pourquoi la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne demande au Gouvernement d'œuvrer afin que ces biens puissent in fine bénéficier d'un taux réduit.

S'agissant plus spécifiquement du taux réduit applicable aux travaux dans les logements, le Rapporteur général a rappelé que cette mesure, défendue avec énergie par l'opposition de l'époque en 1999, a démontré pleinement son efficacité, comme l'étayent les conclusions du rapport présenté par la France à la Commission à la fin de l'année 2002. Il faut, en outre, remarquer, d'un point de vue plus strictement budgétaire, que le coût brut de ce dispositif en termes de moins-value de TVA, évalué à près de 3 milliards d'euros en année pleine, doit être rapproché des recettes nouvelles de cotisations sociales et d'impôts commerciaux induites par les créations d'emplois correspondantes et l'intégration dans l'économie légale de certaines activités clandestines. Tous ces arguments plaident absolument pour la pérennisation du dispositif.

Il faut noter que l'article 12 du projet de loi de finances pour 2004 prend acte de l'éventualité d'une poursuite des négociations du Conseil en vue de l'adoption d'une décision globale sur la proposition de directive après la fin de cette année. Il est donc explicitement prévu dans cet article que les services à haute intensité de main-d'œuvre qui bénéficient en France du taux réduit, au titre de l'annexe K à la directive 77/388/CEE, puissent faire l'objet d'un traitement communautaire disjoint, par exemple, en prorogeant au-delà du 31 décembre 2003 la validité de cette annexe. Cette précaution est utile. En tout état de cause, il est indispensable que le texte de la résolution mentionne avec fermeté la nécessité de maintenir ce dispositif fiscal.

Abordant ses trois amendements rédactionnels à la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne, le Rapporteur général a précisé que ceux-ci tendent à distinguer :

- des considérations et des demandes opérationnelles, directement en relation avec la proposition de directive. Il s'agit de souligner la nécessité de maintenir ou d'obtenir que la possibilité soit offerte aux Etats membres d'appliquer un taux réduit de TVA aux services de restauration, à la rénovation et à la réparation des logements privés et aux ventes de disques et de cassettes sonores, ces ventes ne figurant pas dans la proposition de directive présentée par la Commission européenne, mais relevant toutefois d'une demande forte de la France ;

- de considérations et de demandes plus générales et prospectives en matière de TVA et de fiscalité.

La Commission a adopté ces trois amendements.

La Commission a ensuite adopté l'article unique de la proposition de résolution ainsi rédigé :

« L'Assemblée nationale,

« Vu l'article 88-4 de la Constitution,

« Vu l'article 93 du traité instituant la Communauté européenne,

« Vu la sixième directive du Conseil n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme,

« Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne les taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée (COM [2003] 397 final/document E 2365),

« 1. Juge nécessaire de réformer le régime communautaire actuel des taux réduits de TVA, qui, par sa complexité et ses incohérences, nuit au bon fonctionnement du marché européen et donne à l'opinion publique une mauvaise image de l'Europe ;

« 2. Approuve la proposition de directive du Conseil susvisée, qui permet de remplacer ce régime par un dispositif clair et rationnel ;

« 3. Juge indispensable de maintenir, dans la proposition de directive, la possibilité offerte aux Etats membres d'appliquer des taux réduits de TVA à la rénovation et à la réparation de logements, cette mesure ayant permis en France - notamment - de relancer ce secteur, de créer plus de 40.000 emplois et de restreindre le travail clandestin ;

« 4. Juge tout aussi primordial de maintenir cette possibilité pour la restauration, dont bénéficient déjà huit Etats sur quinze dans l'Union européenne et qui constitue une source substantielle de croissance et de créations d'emplois ;

« 5. Juge nécessaire que, compte tenu de la forte demande de l'opinion publique, en particulier des jeunes Européens, en faveur de l'application de taux réduits de TVA sur les disques et les cassettes sonores, cette faculté puisse être proposée aux Etats membres, ne serait-ce que pour une durée limitée, à titre d'expérimentation ;

« 6. Estime :

« - essentiel, pour le développement, voire la survie du marché de l'art européen, que soit supprimée la TVA à l'importation sur les œuvres d'art, antiquités et biens de collection, et que si cette mesure ne pouvait être adoptée dans le cadre de la présente proposition de directive, il soit au moins prévu, dans un de ses considérants, que la Commission soumettra à brève échéance aux Etats membres une proposition de directive à cet effet ;

« - souhaitable que, dans le prolongement et l'esprit de la présente proposition de directive, la Commission propose aux Etats membres des réformes du régime communautaire de la TVA, qui puissent remédier aux inconvénients du dispositif actuel, dont la complexité nuit à l'intérêt général européen ;

« - que la réflexion sur l'extension du vote à la majorité qualifiée en matière fiscale doit absolument être poursuivie, afin de ne pas paralyser l'action communautaire dans la future Union élargie, tout en respectant la souveraineté des Etats et le principe de subsidiarité. »

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Information relative à la Commission

Le Bureau de la Commission a retenu la direction du service national et la journée d'appel de préparation à la défense comme premier thème de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) que la Commission constituera en janvier 2004.


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