COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 41

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 janvier 2004
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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-  Audition de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur l'exécution budgétaire 2003

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-  Information relative à la Commission

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Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'il demanderait au rapporteur spécial des crédits de l'aménagement du territoire, M. Louis Giscard d'Estaing, de dresser un état des lieux de l'exécution des contrats de plans Etat-régions, qui pourra éventuellement donner lieu à la création d'une mission d'information.

M. Augustin Bonrepaux a estimé que les moyens consacrés au développement des territoires ruraux n'existent plus. De fait, les crédits européens correspondants ont été utilisés par le Gouvernement à d'autres fins, ce qui conduit à menacer la poursuite, voire la survie, des contrats de pays.

Puis, la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a procédé à l'audition de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur l'exécution budgétaire 2003.

M. Alain Lambert a indiqué que les opérations comptables pour l'exercice 2003 ont été closes vendredi 23 janvier 2004 et les chiffres arrêtés lundi 26 janvier 2004, permettant de présenter à la Représentation nationale les résultats de l'exécution budgétaire de 2003 une semaine plus tôt que l'année précédente. Ceux qui votent la loi doivent en effet être les premiers informés de son exécution. Toutefois, ces données, pouvant faire l'objet de rectifications comptables jusqu'à la publication du compte général de l'administration des finances en mars 2004, ne sont pas définitives. L'expérience montre cependant que les possibles rectifications sont très limitées.

Le Ministre a indiqué que le montant du déficit budgétaire s'établit en 2003 à 56,96 milliards d'euros, alors que la prévision retenue dans le collectif était de 56 milliards d'euros en novembre dernier. Cet écart d'environ 1 milliard d'euros est très faible comparé aux masses en cause et porte exclusivement sur les recettes. La dépense est en effet très légèrement inférieure à 273,8 milliards d'euros, chiffre qui avait été indiqué par le Gouvernement en novembre dernier et qui correspond au montant voté en loi de finances initiale. L'engagement formel de ne pas dépenser « un euro de plus » a donc été tenu, ce qui confirme la sincérité de la loi de finances pour 2004. Les moins-values de recettes résultent, quant à elles, pour l'essentiel, de causes ponctuelles. Sur les comptes spéciaux, enfin, le résultat est un peu meilleur que la prévision.

Les recettes, qui comprennent les recettes fiscales et les recettes non fiscales et dont il convient de déduire les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales et de l'Union européenne, enregistrent donc un écart par rapport à la prévision de -1,2 milliard d'euros, les moins-values portant sur les recettes fiscales nettes à hauteur de -1,5 milliard d'euros et, subsidiairement, sur les prélèvements sur recettes pour -0,2 milliard d'euros. Une plus-value de 0,5 milliard d'euros est en revanche constatée sur les recettes non fiscales.

S'agissant de l'évolution des principaux impôts, le Ministre a souligné l'excellent rendement de l'impôt sur le revenu en 2003 dont les recettes ont dépassé de plus de 700 millions d'euros la prévision grâce au dynamisme de l'assiette. Les salaires et les revenus fonciers déclarés ont, notamment, été plus élevés que prévu. Par ailleurs, la forte chute des plus-values boursières qui avait été anticipée a été moindre que prévu. Au total, l'évaluation de la loi de finances initiale 2004 est pleinement confortée, même s'il faut naturellement rester prudent.

S'agissant de l'impôt sur les sociétés, une plus-value de 0,5 milliard d'euros a été enregistrée qui correspond au versement plus élevé que prévu d'un grand contributeur, ce qui devrait se reproduire en 2004. On peut donc considérer, à ce stade, que la prévision d'impôt sur les sociétés est confortée, sachant qu'il convient de rester humble en la matière devant la forte volatilité de cet impôt.

Concernant la TVA, deux points notables doivent être soulignés : la TVA brute, c'est-à-dire ce que les entreprises ont versé, est en ligne avec les prévisions ; en revanche, les remboursements ont été plus importants que prévu du fait de l'efficacité accrue des services fiscaux dans le traitement des retards de paiement. Par ailleurs, les entreprises ont, semble-t-il, été plus promptes à faire jouer leurs droits à remboursement, optimisant ainsi leur trésorerie. Au total, la perte de recettes enregistrée de 0,8 milliard d'euros en TVA nette correspond à une injection d'argent au profit des entreprises et donc de l'économie. Cette moins-value n'ayant pas de raison d'être pérenne, la prévision de TVA pour 2004 reste valable.

En revanche, le rendement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) n'a pas été bon, avec une moins-value de 360 millions d'euros qui s'explique, principalement, par la poursuite de la « diésélisation » du parc. De fait, la consommation globale de carburants s'est légèrement contractée en 2003 alors que celle du gazole a continué de progresser. La faiblesse de la conjoncture et le succès de la politique de sécurité routière en ce qui concerne la diminution de la vitesse ont également joué dans le même sens. Il en découle, pour 2004, un risque de moins-value pour le rendement de cet impôt.

Au sein du poste « autres recettes fiscales », les dégrèvements sur impôts ont enregistré un dérapage négatif important de 1,6 milliard d'euros lié, d'une part, aux mesures de remise en faveur des agriculteurs victimes de la sécheresse, pour 300 millions d'euros, et, d'autre part, à la résorption des retards de paiement en matière de dégrèvements de taxe professionnelle, à hauteur d'environ 1 milliard d'euros.

Eu égard à ces premières données, le Ministre a estimé la sincérité de la loi de finances initiale 2004 globalement bien étayée par les résultats de 2003.

S'agissant des recettes non fiscales, une plus-value de 0,5 milliard d'euros a été constatée en raison, d'une part, du rendement supérieur des amendes, de près de 200 millions d'euros par rapport aux prévisions, celles-ci ayant été rendues plus difficiles par l'intervention de l'amnistie en 2002, et, d'autre part, d'un versement plus important que prévu au titre des régularisations de compensation démographique.

Quant aux prélèvements sur recettes, le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) a été plus dynamique que prévu, ce qui prouve que les collectivités locales continuent d'investir.

S'agissant des comptes spéciaux, les écarts sont très limités. Le compte d'émission des monnaies métalliques, quasi impossible à prévoir, est meilleur que prévu, de même que le compte d'avance sur impôts locaux. A contrario, le taux de consommation des reports pour les prêts aux États étrangers a été plus important que prévu.

S'agissant des dépenses, l'objectif a été tenu. L'application du principe de précaution à la gestion des dépenses de l'Etat a donc été un succès. Cette politique de précaution a permis de faire face aux difficultés de la conjoncture et d'atténuer les conséquences des catastrophes, notamment la sécheresse, sans dérapage des dépenses.

Concernant l'évolution des reports, les chiffres de la présentation du collectif de décembre 2003 sont confirmés : les crédits de report sur 2004 s'élèveront au maximum à 8,8 milliards d'euros à comparer à plus de 14 milliards d'euros fin 2001 et plus de 11 milliards d'euros fin 2002. Certains des reports ont été consommés, d'autres ont été annulés. Le stock des reports, qui menace chaque année la bonne exécution de la loi de finances, a ainsi été fortement réduit, ce qui devrait permettre de préparer l'entrée en vigueur de la loi organique, laquelle plafonne à 3% de chaque programme le montant des reports. Ce taux est globalement respecté aujourd'hui mais il faudra voir, à l'avenir, s'il sera respecté programme par programme.

En conclusion, le Ministre a estimé sous contrôle la dépense de l'Etat, soulignant la nouveauté de cette situation en période de ralentissement économique. Les pertes de recettes sont très limitées et pour l'essentiel ponctuelles. L'année budgétaire 2004 se présente donc sous de bons auspices.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a salué l'action du Gouvernement et, en particulier, du Ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, en ce qui concerne :

- la proposition du Gouvernement concernant la nouvelle architecture budgétaire de l'Etat, rendue publique la semaine dernière. Elle conforte les bonnes conditions dans lesquelles va se poursuivre la réflexion des parlementaires qui va concourir à l'établissement définitif de cette architecture. Cette proposition comprend des améliorations substantielles par rapport aux premiers travaux du Gouvernement : elle a d'ailleurs pris en compte certaines des observations émises par la Commission ;

- le montant des dépenses exécutées en 2003. Il ne dépasse pas le montant des crédits ouverts en loi de finances initiale et ce, malgré l'apparition de dépenses nouvelles en cours d'exécution. Celles-ci ont donc été financées, comme cela avait été prévu, par redéploiement.

Le Rapporteur général s'est ensuite demandé si l'on peut effectivement considérer que les prévisions de recettes par impôt pour 2004 sont validées par les encaissements effectifs de 2003, sur la base desquels elles ont été établies. Il faut se réjouir de la nouvelle réduction des reports qui permettra, à partir de 2006, une application aisée des règles prévues par l'article 15 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Alors que le montant des reports « sortants » de l'exercice 2001 s'élevait à environ 14 milliards d'euros, le montant des reports « sortants » de l'exercice 2003 ne devrait s'élever qu'à 8,8 milliards d'euros.

Le Rapporteur général a souhaité savoir :

- s'il est possible de connaître les montants de dépenses et de recettes, notamment non fiscales, constatés en période complémentaire ;

- dans quelle mesure l'exécution des obligations contractuelles de l'Etat, notamment des contrats de plan Etat-régions, a pu être affectée en 2003 par les mesures de régulation budgétaire. Cette préoccupation a été exprimée par plusieurs membres de la Commission ;

- si des mesures de régulation budgétaire sont d'ores et déjà prévues pour 2004 ;

- si les résultats de l'exécution 2003 confortent le contenu du programme pluri-annuel des finances publiques transmis il y a deux mois par la France à la Commission européenne.

Le Président Pierre Méhaignerie a observé qu'il existe à ce jour environ 430 niches fiscales. De nouvelles niches apparaissent régulièrement dans les propositions et les projets de loi soumis à l'examen du Parlement. Cette situation est-elle compatible avec les nécessités impérieuses que constituent la simplification de notre législation fiscale et la maîtrise des déficits publics ?

M. Marc Laffineur s'est réjoui de constater qu'en 2003, pas un euro n'a été dépensé au-delà des crédits initiaux, comme s'y était engagé le Gouvernement dès l'examen du projet de loi de finances. Par ailleurs, le montant des recettes pour 2003 est proche des dernières prévisions. Ceci augure bien de la pertinence des prévisions de recettes pour 2004.

Le Gouvernement devrait pouvoir confirmer le principe selon lequel les plus-values de recettes éventuellement constatées en 2004 serviront à améliorer le solde budgétaire. La baisse du montant des crédits reportables constitue un motif de satisfaction, qui met fin aux dérives inopportunes constatées par le passé et clarifie les conditions d'exécution budgétaire en 2004.

M. Didier Migaud a déclaré ne pas oser imaginer quelles auraient été les réactions de l'actuelle majorité si l'actuelle opposition avait été conduite à présenter de tels résultats d'exécution pour 2003. Il semble décidément que l'exercice du pouvoir rend aveugle. Il est stupéfiant de constater que d'aucuns se réjouissent, à un titre ou à un autre, de résultats budgétaires qui font de 2003 l'année de tous les mauvais records et de tous les reculs. En tout état de cause, le montant du déficit budgétaire en 1993, constamment utilisé par l'actuelle majorité pour fustiger la gestion de la majorité de l'époque, est très largement dépassé par le montant du déficit en 2003.

Certes, les résultats effectifs ne sont pas éloignés des prévisions établies au mois de novembre 2003. Mais il serait plus pertinent de comparer ces résultats avec les prévisions associées à la loi de finances initiale. Le déficit devait initialement s'établir à 45 milliards d'euros, alors qu'il a atteint en réalité 57 milliards d'euros. C'est un médiocre record, alors même, d'ailleurs, qu'ont été mises en œuvre des annulations de crédits pour un montant sans précédent. In fine, 2003 constitue, en matière budgétaire, une année tristement exceptionnelle.

Le montant des recettes de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers constaté pour 2003 confirme que cette ressource fiscale est peu dynamique. C'est un sujet d'inquiétude pour les collectivités locales, puisqu'une part substantielle du financement des compétences qui leur ont été ou qui leur seront prochainement transférées relèvera de cette imposition.

Il conviendrait de savoir :

- quel est le contributeur à l'impôt sur les sociétés dont le paiement de la dette fiscale a permis d'encaisser en 2003 un montant substantiellement supérieur aux dernières prévisions ;

- si de nouveaux « gels » de crédits seront mis en œuvre en 2004 ;

- quelle est la réaction du Gouvernement aux dernières observations de la Commission européenne, qui demeure sceptique quant à la capacité réelle de la France à respecter, dans les prochaines années, le cheminement prévu pour la réduction du déficit des administrations publiques ;

- quel est le sens des dernières déclarations du Premier ministre réagissant à l'échec du Gouvernement à convaincre nos partenaires européens d'accepter l'application du taux réduit de la TVA aux services de restauration. Quelles sont « les mesures franco-françaises » qui seraient mises en œuvre si les prochaines démarches auprès de nos partenaires européens n'aboutissaient pas ? Faut-il comprendre que l'application du taux réduit de la TVA aux services de restauration pourrait faire l'objet d'une décision « unilatérale » ou qu'il est d'ores et déjà envisagé des mesures complémentaires alternatives ? Une telle issue constituerait une défaite du Premier ministre, qui a considéré que la baisse de la TVA relève, en l'espèce, d'une grande cause nationale ;

- s'il est possible de disposer d'informations précises sur le financement par l'Etat de ses obligations contractuelles au titre des contrats de plan Etat-régions, question pour laquelle le groupe socialiste demeure convaincu qu'il serait utile de constituer une mission d'information, voire une commission d'enquête.

M. Hervé Mariton a salué la présentation faite par le Ministre, qui démontre une rigueur exemplaire dans sa gestion budgétaire. La politique mise en œuvre par le Gouvernement est faite de sagesse et de prudence, qui sont deux grandes vertus. Il faut néanmoins s'interroger sur l'application aux finances publiques du principe dit « de précaution ». Tout à fait valable dans d'autres domaines de l'action publique, il semble qu'une telle terminologie soit modérément pertinente en matière budgétaire.

L'évolution future de la TIPP soulève quelques questions. La « diésélisation » du parc s'est poursuivie et a eu un impact non négligeable en matière de recettes publiques. La meilleure solution ne consiste sans doute pas dans la seule augmentation de la TIPP sur le gazole. Il serait plus opportun de modifier également les taux de la TIPP sur l'essence, afin de réduire l'écart de taxation.

Les recettes non fiscales ont été plus élevées que prévu en 2003. En particulier, le produit des amendes a été supérieur de 0,2 milliard d'euros aux dernières prévisions. En 2004, le produit des amendes devrait être plus élevé du fait de la mise en place massive de radars automatiques sur les routes. Le Gouvernement pourrait utilement évaluer le montant des plus-values envisageables au titre de cette nouvelle politique destinée à améliorer les comportements en matière de sécurité routière.

M. Denis Merville s'est félicité de ce que l'exécution du budget 2003 s'avère si proche des prévisions. Il faut également se réjouir de la maîtrise globale des dépenses publiques même si le montant du déficit reste trop élevé.

Trois sujets doivent attirer l'attention :

- les dégrèvements d'impôts locaux et les retards de paiement aux entreprises en matière de dégrèvement de taxe professionnelle. Il faut avoir présent à l'esprit que l'Etat est le principal contribuable local ;

- l'évolution de la TIPP, en raison de ses répercussions sur les ressources des collectivités locales. Ce problème devra être abordé lors du débat sur le projet de loi relatif au développement des responsabilités locales ;

- les contrats de plan État - régions, qui sont un facteur d'augmentation des dépenses pour les collectivités locales. Dans de nombreux projets, lorsque l'Etat et la région apportent 10% des financements, il est demandé aux collectivités locales et notamment aux départements d'apporter les 90% manquants. Il serait par conséquent opportun d'opérer un recentrage des contrats de plan, qui devraient se cantonner à des opérations d'envergure plutôt qu'à une multitude de projets d'importance inégale.

Enfin, au vu des bonnes performances en matière de sécurité routière, assorties d'une augmentation du produit des amendes, il serait logique que le montant des primes d'assurance demandé aux automobilistes soit revu à la baisse. Il faut souhaiter le succès de la démarche entreprise en ce sens par le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean-Pierre Brard a estimé que la présentation de l'exécution du budget 2003 donne, certes, une vue d'ensemble de la situation mais omet de décrire un certain nombre de phénomènes pourtant bien visibles sur le terrain. Ainsi, il apparaît que nombre de subventions dues aux associations au titre de 2003 n'ont toujours pas été versées à ce jour. D'autres subventions inscrites au budget 2003 ont été versées au début de l'année 2004 seulement. Il serait par conséquent essentiel de connaître le montant des subventions payées en janvier 2004 au titre des crédits inscrits au budget 2003 ainsi que le montant des subventions restant à payer à ce jour.

M. Michel Bouvard a tout d'abord remercié le Ministre pour son implication personnelle dans la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Le travail des dernières semaines a notamment permis d'améliorer la maquette finalement proposée. Les progrès importants accomplis en ce domaine doivent être salués.

S'agissant des reports, on note que le montant « sortant » de 2003 est revenu au niveau de celui enregistré pour le budget de 1997, alors que le niveau des reports n'avait cessé de croître de 1998 à 2001.

S'agissant de la régulation budgétaire, il serait intéressant de connaître le pourcentage de la régulation portant sur les crédits d'investissement par rapport à celle visant des crédits de fonctionnement ? Comment faire en sorte que la régulation budgétaire intervienne avec suffisamment de discernement pour éviter que, par effet de domino, des gels de crédits ne bloquent la mise en œuvre de projets entiers dans le cas de financements croisés entre l'Etat et les collectivités locales ?

M. Hervé Novelli, après avoir félicité le Ministre pour la clarté de sa présentation, a jugé étonnants les propos précédemment tenus par M. Didier Migaud sur le dérapage du déficit budgétaire, au regard des piètres résultats obtenus en la matière par le précédent Gouvernement. Il a ensuite demandé si les prévisions économiques désormais plus favorables pour 2004 doivent conduire à réévaluer les prévisions de recettes fiscales et le montant prévisionnel du déficit.

M. Pierre Hériaud s'est félicité de ce que le Gouvernement a tenu sa promesse de ne pas dépenser en 2003 un euro supplémentaire par rapport au budget initialement voté par le Parlement. Cependant, en 2004, la capacité de maîtriser de même les dépenses de l'Etat pourrait être contrariée par une éventuelle hausse des taux d'intérêt, compte tenu de la sensibilité de la charge de la dette à ce paramètre extérieur à la volonté du Gouvernement.

Répondant aux différents intervenants, M. Alain Lambert a apporté les précisions suivantes :

- la mise au point de la nouvelle nomenclature budgétaire et la présentation récente de la « maquette LOLF » sont un motif de profonde satisfaction personnelle. Le Gouvernement compte sur la pérennité de l'esprit transpartisan qui a animé, jusqu'à présent, le processus d'élaboration de la loi organique et son début de mise en œuvre, ainsi que sur la poursuite des relations de confiance avec le Parlement, pour assurer le succès des prochaines étapes ;

- dans la hiérarchie des engagements pris devant la Représentation nationale pour 2003, figurait en première place la volonté de ne pas dépenser un euro de plus que le montant des crédits votés dans la loi de finances. Cet engagement a été tenu. C'est un honneur pour le Gouvernement d'avoir ainsi respecté la valeur démocratique de l'autorisation parlementaire ;

- comme cela a été indiqué auparavant, la différence entre le déficit prévu dans le collectif d'automne et le déficit réalisé tient exclusivement à des recettes légèrement plus faibles que prévu. Le solde budgétaire est, certes, une grandeur intrinsèquement importante, mais son analyse doit être éclairée par celle des dépenses et des recettes. En effet, il n'y a pas si longtemps, un Gouvernement a pu masquer une dérive pérenne des dépenses derrière une diminution du déficit, grâce à une forte croissance économique. S'en tenir au solde pour apprécier la conduite des finances de l'Etat est donc une approche réductrice ;

- les résultats d'exécution 2003 valident les hypothèses sur lesquelles est construite la loi de finances initiale pour 2004 et n'emportent aucun besoin de réviser la programmation 2005-2007 jointe au projet de loi de finances pour 2004 et transmise à la Commission européenne ;

- les encaissements de recettes non fiscales en période complémentaire ont été très faibles. Aucun prélèvement n'a été opéré qui n'aurait pas été inscrit dans le collectif ou dans la loi de finances initiale : la période complémentaire n'a donc été l'occasion d'aucune « commodité de gestion ». Le Gouvernement est naturellement transparent et se tient à la disposition du Rapporteur général au cas où celui-ci voudrait exercer sa curiosité sur le déroulement de la période complémentaire ;

- les données provisoires d'exécution montrent qu'en matière de délégations d'autorisations de programme, l'année 2003 est comparable aux gestions précédentes. La régulation budgétaire n'a donc pas pu contrarier l'exécution des contrats de plan Etat-régions ;

- le Gouvernement reconduit en 2004 l'engagement, pris et respecté en 2003, de ne pas dépenser plus que le montant des crédits votés dans la loi de finances initiale. Ceci implique une action collective de tous les ministères : la concertation interministérielle sur ce sujet est déjà engagée ;

- le Gouvernement ne verrait que de l'intérêt à réduire le nombre et la portée des niches fiscales. C'est d'ailleurs l'un des enjeux du groupe de travail constitué autour de la réforme de l'impôt sur le revenu ;

- les éventuelle « plus-values » de recettes fiscales par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale ne sont pas encore à l'ordre du jour. Si, cependant, de bonnes surprises devaient être constatées sur ce point, le Gouvernement a indiqué qu'elles seraient consacrées à la réduction du déficit et non au financement de dépenses nouvelles ;

- les mauvais « records » attribués par M. Didier Migaud au Gouvernement n'en sont pas : en 1993, le déficit des administrations publiques légué par la majorité de la législature sortante s'établissait à 6% du PIB. Il n'y a pas lieu d'en être satisfait. Dans la même veine, les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 1993 s'élevaient à 207 milliards d'euros alors que les dépenses exécutées ont été portées à 214 milliards d'euros, soit un dérapage de près de 7 milliards d'euros ;

- le Premier ministre a volontairement gardé le silence sur les mesures « franco-françaises » qui pourraient être prises en matière de TVA sur la restauration car le plus important, dans ce dossier délicat, est de convaincre les autorités allemandes du bien-fondé de la démarche de la France ;

- les encaissements de TIPP en 2003 confirment que le transfert de cette recette aux collectivités locales est une bonne affaire pour celles-ci, puisque le taux de la compensation sera déterminé sur la base des résultats de 2003. Par ailleurs, le Gouvernement a bien fait de continuer à réduire le différentiel de taxation entre le diesel et le supercarburant. La TIPP est un impôt sensible à l'activité économique : il faudra donc tenir compte de cette volatilité pour établir un budget local soumis à une obligation d'équilibre ;

- il ne faut pas tirer de conclusions hâtives quant à l'impact des nouveaux radars automatiques sur le produit des amendes de circulation. D'ailleurs, il est prévu que les recettes liées aux premiers radars installés doivent être consacrées au financement des prochains appareils ;

- une diminution de la TIPP applicable au supercarburant est une piste parmi d'autres pour réduire l'écart de taxation dont bénéficie actuellement le gazole.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que la réduction de l'écart de taxation devrait prendre en compte la situation des personnes qui ont consenti des investissements importants dans le diesel pour réduire leurs dépenses courantes.

M. Alain Lambert a relevé que cette remarque pourrait aussi s'appliquer aux constructeurs automobiles, dont certains ont fortement investi dans l'amélioration des performances des moteurs diesel. Ils ne manqueraient pas, si nécessaire, de faire valoir leur point de vue auprès des différents pouvoirs publics.

Un recentrage des contrats de plan sur de grandes opérations peut être une idée intéressante. Elle devrait être approfondie avant toute décision.

M. Augustin Bonrepaux a demandé des précisions.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que, pour la prochaine génération des contrats de plan Etat-régions, il conviendrait d'éviter le saupoudrage des crédits sur des projets trop nombreux et trop peu structurants. On voit parfois des collectivités locales engager des projets d'investissement peu utiles, mais qui bénéficient d'un taux de subventionnement de 80%. Est-ce vraiment une bonne utilisation de l'argent public ?

M. Alain Lambert a poursuivi ses réponses aux différents intervenants :

- il est encore trop tôt pour analyser dans le détail l'exécution des subventions de l'État aux associations en 2003. Les crédits sont, en effet, gérés ministère par ministère et délégués au niveau régional. Les remarques formulées par M. Jean-Pierre Brard ne pourront trouver de réponse que lorsqu'une consolidation nationale aura été faite ;

- le Gouvernement s'était engagé, pour 2003, à améliorer la capacité d'investissement de l'État. Cet engagement a été tenu puisque deux catégories de dépenses ont augmenté en 2003 : les dépenses civiles en capital et les dépenses militaires, notamment les équipements militaires. Certes, la situation ne peut encore être jugée satisfaisante, mais des progrès ont été accomplis ;

- dans le même esprit, les provisions de précaution doivent être arrêtées très tôt dans l'année : l'expérience montre qu'une régulation insuffisamment précoce touche plus les crédits d'investissement ;

- le volume de l'endettement et la sensibilité de celui-ci aux variations de taux d'intérêt soulignent la fragilité croissante, en tendance, de l'édifice budgétaire du fait de la persistance des déficits. Le risque d'augmentation des taux d'intérêt existe et c'est l'une des raisons de la démarche de précaution. Le Gouvernement a fait le choix de refuser de financer les dépenses supplémentaires par le biais d'un dérapage budgétaire et, comme en 2003, il mettra un point d'honneur à ne pas dépasser l'enveloppe des dépenses autorisées par le Parlement.

M. Augustin Bonrepaux a souhaité obtenir des informations précises sur le montant et la date des gels de crédits programmés pour 2004. Il a dénoncé l'attitude du Gouvernement, dont la politique contribue à nourrir dans la population des sentiments anti-européens : le Gouvernement met sur le compte de l'Europe son incapacité à baisser le taux de TVA applicable à la restauration, mais dans le même temps, il « claironne » qu'il va diminuer l'impôt sur le revenu et la taxe professionnelle. Comment les citoyens peuvent-ils s'y retrouver dans ce discours multiforme ? L'Europe peut légitimement être caractérisée par la solidarité envers les régions défavorisées : comment expliquer qu'il faudrait, désormais, ne retenir qu'un projet sur deux pour le développement régional, au moment même où les électeurs sont appelés à choisir leurs représentants au Parlement européen ? De telles contradictions sont dangereuses pour l'idéal européen.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que M. Denis Merville s'est inquiété d'un saupoudrage excessif des contrats de plan et d'une sélection parfois trop peu rigoureuse des projets financés par eux. Il n'est pas illégitime de dire que l'Europe doit prioritairement consacrer ses crédits à de « grands projets ».

M. Alain Lambert a répondu que l'idéal européen est un bien commun, qu'il faut faire fructifier ensemble. La démarche de précaution traduit l'engagement du Gouvernement de ne pas violer le pouvoir souverain du Parlement, qui est de fixer le niveau maximal des dépenses admissibles. Il a déjà été dit que cette démarche, collective par nature, nécessite une concertation interministérielle. Celle-ci venant juste d'être engagée, il est trop tôt pour en donner les conclusions.

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Information relative à la Commission

La Commission a décidé la création d'une nouvelle Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) consacrée à la clarification des relations financières entre le système ferroviaire et ses partenaires publics : investissements, immobilier, endettement, partage des responsabilités. 

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