COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 45

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 31 mars 2004
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Rapport d'information sur les premiers résultats de l'exécution budgétaire 2003 (M. Gilles
   CARREZ, Rapporteur général)

3

-  Informations relatives à la Commission

8

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n° 1155) sera examiné par la Commission le mercredi 7 avril à 11 heures. A cet égard, le Président du Groupe socialiste a demandé que le vote sur ce projet de loi intervienne avant celui sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales prévu initialement le 7 avril.

M. Didier Migaud a indiqué que les membres du groupe socialiste souhaitent ce report afin que le texte fixant les garanties de l'autonomie financière des collectivités territoriales soit examiné avant que soient déterminées leurs nouvelles compétences. En outre, s'agissant de l'autonomie financière des collectivités territoriales, une nouvelle concertation doit être mise en œuvre avec la France des régions, car les partenaires ont été profondément modifiés et doivent donc être consultés de nouveau.

Le Président Pierre Méhaignerie a déclaré être profondément inquiet de la démagogie qui semble devoir jouer en matière financière alors que les collectivités territoriales doivent, au même titre que l'État, faire des efforts de maîtrise importants.

M. Jean-Pierre Brard a estimé que l'opinion ne comprendrait pas que les députés continuent à disserter comme si rien ne s'était passé. Il est prudent de prendre du recul et de discuter avec les régions.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que rien ne justifiait, en l'état, de reporter l'examen par la Commission du projet de loi organique.

M. Didier Migaud a estimé qu'il serait bon que le nouveau ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soit auditionné dès la semaine prochaine par la Commission.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que le ministre chargé du budget serait auditionné sur la maquette budgétaire le 14 avril. Il a salué le travail effectué au sein de la mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances présidée par M. Michel Bouvard. Il est nécessaire que tous les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis s'investissent dans ces questions. La mission d'information et le Rapporteur général ont effectué de nombreuses auditions et démontré l'importance d'un investissement de tous. Par ailleurs, les contrôles sur pièces et sur place se sont multipliés, ce qui est une très bonne chose, mais il faut veiller, pour des raisons de courtoisie, à prévenir à l'avance les ministres sous l'autorité desquels sont placés les services contrôlés.

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* *

La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, à l'examen d'un rapport d'information sur les premiers résultats de l'exécution budgétaire 2003.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé que, au début de l'année 2000, son prédécesseur M. Didier Migaud avait pris l'initiative de rendre compte de façon précoce de l'exécution budgétaire de l'année 1999. Cette procédure, très utile, a été maintenue car elle permet de s'affranchir partiellement du rapport préliminaire de la Cour des comptes. L'examen des conditions d'exécution du budget est, d'ailleurs, une compétence essentielle du Parlement. Le contrôle s'est appuyé sur des déplacements à l'Agence comptable centrale du Trésor et à la Direction générale de la comptabilité publique (DGCP). Il est concentré sur des aspects synthétiques de l'exécution et sur le détail des opérations de la période complémentaire qui s'est arrêtée le 23 janvier 2004. Trois enseignements peuvent être tirés sur :

- la sincérité et la transparence ;

- l'exécution par rapport aux prévisions initiales ;

- l'opportunité d'instaurer une « règle d'or » en matière de gestion budgétaire.

S'agissant de la sincérité et de la transparence, trois points doivent être examinés pour la période complémentaire :

- pour le total de la période complémentaire, les dépenses s'élèvent à 5 milliards d'euros en 2003 contre 6,6 milliards d'euros en 2002 et les recettes atteignent 6,6 milliards d'euros en 2003 contre 7 milliards d'euros en 2002 ;

- le ministre n'a pas été conduit à pratiquer des reports ou des anticipations de dépenses ou de recettes de façon non justifiée ;

- les soldes des comptes d'imputation provisoire diminuent de moitié entre 2002 et 2003. La diminution des cas soldés fait désormais partie du contrat de performance de la DGCP qui fixe des objectifs chiffrés en dépenses comme en recettes ;

- la baisse atteint 50% pour les CIP de recettes (les soldes revenant ainsi à 860 millions d'euros) et 60% pour les CIP de dépenses (les soldes revenant ainsi à 250 millions d'euros).

En vertu de la loi organique relative aux lois de finances, il faut enfin relever qu'à partir de 2006, les soldes des comptes d'imputation provisoire de dépenses devront être ramenés à zéro en fin de période complémentaire.

S'agissant des dépenses exécutées en 2003, il faut rappeler que le plafond de charges avait été initialement fixé à 273,8 milliards d'euros. Ce plafond a été réduit d'environ 900 millions d'euros au moment du collectif de fin d'année afin d'absorber la consommation d'un montant équivalent de crédits de reports. Le niveau effectif de la dépense est, in fine, strictement égal au plafond initialement fixé par le Parlement. Ce résultat positif constitue un point essentiel et témoigne de la gestion rigoureuse qui a été mise en œuvre par le Gouvernement. C'est une véritable rupture par rapport aux gestions précédentes où les dépenses constatées excédaient systématiquement le montant des ouvertures de crédits initialement consenties.

Les dotations initiales ont été réaménagées par cinq décrets d'avance, pour des masses déplacées de 935 millions d'euros. Le principe de précaution, fondement de la régulation budgétaire, s'est traduit en cours de gestion par le gel de 4 milliards d'euros de crédits initiaux intervenu dès le 4 février 2003, l'annulation de 1,4 milliard d'euros et le maintien du gel pour 2,5 milliards d'euro restants le 14 mars. Les crédits reportés de 2002 vers 2003 ont été gelés, le 24 avril, à hauteur de 6,7 milliards puis un décret du 3 octobre a annulé près d'un milliard d'euros. Les annulations réalisées en cours d'année ou opérées dans la loi de finances rectificative pour 2003 ont permis de financer des dépenses nouvelles à hauteur de 4,3 milliards d'euros, notamment pour faire face à des événements imprévus - par exemple, la compensation financière des effets de la sécheresse - ou difficiles à évaluer ex ante - le financement des opérations extérieures (OPEX), étant précisé qu'une partie du coût de ces opérations a été assumée par le ministère de la défense, s'agissant notamment des dépenses de personnel.

Il convient de se féliciter de la réduction sensible des reports. Le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire a considéré à juste titre qu'un niveau trop élevé de reports ne pouvait que réduire la visibilité en matière de finances publiques et la capacité de gérer le budget de l'État dans des conditions saines et transparentes. Ces dernières années, la multiplication des crédits inscrits à l'état H n'a pas favorisé le développement des « bonnes pratiques » budgétaires. En 2003, les reports entrants se sont élevés à 11,3 milliards d'euros au lieu de 14 milliards d'euros de reports entrants en 2002. Les reports de crédits de 2003 sur l'exercice 2004 devraient s'élever à 8,8 milliards d'euros seulement. Selon le ministre chargé du budget, l'idéal serait que les reports restent cantonnés chaque année entre 7 et 8 milliards d'euros.

Puisque les dépenses ont été tenues - le principe de « croissance zéro » des dépenses a été respecté en 2003 - l'aggravation du solde budgétaire qui passe de - 44,5 milliards d'euros dans la loi de finances initiale à - 57 milliards d'euros en exécution s'explique par la dégradation des recettes, qui sont affectées par une conjoncture toujours atone. Le manque à gagner par rapport à la loi de finances initiale s'élève à 12,5 milliards d'euros, pour un montant effectif de recettes égal à 217,1 milliards d'euros, soit un repli de 2,8 % pour la deuxième année consécutive. Le manque à gagner s'établit à environ 9 milliards d'euros pour les recettes fiscales et concerne notamment la TVA à hauteur de 3 milliards d'euros, l'impôt sur les sociétés à hauteur de 2,5 milliards d'euros et la TIPP à hauteur de 2 milliards d'euros. Il faut ajouter à cela l'augmentation des prélèvements sur recettes qui approche 1 milliard d'euros. Le dérapage observé concerne, à hauteur de 500 millions d'euros, les prélèvements sur recettes au bénéfice des collectivités locales et, à hauteur de 500 millions d'euros, le prélèvement au profit des Communautés européennes.

Par ailleurs, les recettes non fiscales sont en retrait de 2 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Il faut rappeler que ces recettes ont été particulièrement sollicitées dans les années 2001 à 2002 et représentaient alors environ 40 milliards d'euros. Le montant de ces recettes est redescendu à environ 32 milliards d'euros en 2003. La moins-value de 2 milliards d'euros résulte en grande partie de la baisse de 30% du montant des dividendes versés par les entreprises publiques comme EDF ou par la Caisse des dépôts et consignations. S'agissant d'EDF, on peut relever que cette société a reversé à l'État le 16 février 2004 l'aide constituée de l'impôt sur les sociétés non acquitté lors du reclassement, en 1997, du réseau d'alimentation générale, à la suite de la décision prise par la Commission européenne en date du 16 décembre 2003. La recette supplémentaire d'impôt sur les sociétés sera imputée sur le budget 2004, son impact sur le déficit public au sens du traité de Maastricht doit être comptabilisé sur l'année 2003 puisque la comptabilité est établie en droits constatés dans le système européen.

Le pilotage des finances publiques doit obéir à des règles simples et efficaces. En matière de dépenses de l'État, la règle d'une croissance nulle en volume doit être maintenue. Elle correspond à une position claire prise par les ministres des finances au niveau européen. Une seconde règle fait l'objet d'une attention particulière au Royaume-Uni : il s'agit du principe selon lequel le déficit doit correspondre à un effort d'investissement. Cela signifie que l'emprunt ne peut financer que des investissements, car ils sont porteurs de croissance pour l'avenir - principe qui se rapproche des règles mises en œuvre par les collectivités territoriales en France. Or, sur les 57 milliards d'euros de déficit enregistré en 2003, 30 milliards correspondent effectivement à des efforts d'investissement. Cette règle, valable dans l'absolu, présente cependant quelques limites. Certains gouvernements ont tendance à donner une définition extensive des dépenses d'investissement en y incluant par exemple les dépenses de recherche (dont les rémunérations de personnel) ou les dépenses d'éducation. Une troisième règle a souvent été mise en avant par un ministre des finances de l'ancienne législature, M. Dominique Strauss-Kahn. Il s'agit de la règle selon laquelle le budget doit en être en excédent primaire, c'est-à-dire en excédent avant imputation des intérêts de la dette. Pour l'exercice 2003, le budget de l'État présente un déficit primaire de 20 milliards d'euros. Mais il faut relever que même au cours des années caractérisées par des recettes fiscales importantes, l'excédent primaire n'a que rarement été atteint en France.

Surtout, la règle de pilotage budgétaire doit inclure une règle d'affectation des surplus de recettes : les excédents dus à une croissance supérieure au potentiel doivent être intégralement affectés à la réduction du déficit. En effet, un supplément de croissance provoque deux phénomènes distincts : d'une part, l'évolution des recettes suit celle du taux de croissance et, d'autre part, l'élasticité des recettes est supérieure à 1 en phase de reprise. Il faut se garder de répéter l'épisode de la « cagnotte », qui a suscité des décisions irresponsables, notamment celle d'engager des dépenses pérennes en les finançant par des excédents temporaires de recettes. La comparaison avec les autres pays de l'Union européenne montre que cette erreur constitue la vraie spécificité française en matière de gestion des finances publiques, ces dernières années.

M. Jean-Pierre Brard a indiqué que la présentation du Rapporteur général était incontestable au regard des conditions objectives de l'exécution budgétaire, mais que celles-ci devaient être confrontées à une réalité politique différente. Le Chancelier allemand, M. Gerhard Schröder, a d'ailleurs subi quelques déboires électoraux en appliquant à la lettre les préceptes avancés par le Rapporteur général. Après 1997, le Gouvernement de Lionel Jospin a su dépenser à bon escient les ressources publiques. Il a ainsi donné de l'espérance au peuple français et a débloqué les esprits : la croissance a pu s'épanouir. Au contraire, depuis deux ans, les gens sont confrontés à une remise en cause de leurs conditions de vie et s'interrogent sur leur avenir. Alors qu'il fallait motiver les forces vives de la Nation, le Gouvernement s'est attaché à détruire des pans entiers de la vie sociale, y compris dans le domaine de l'intelligence, ce dont témoignent le sort fait aux intermittents du spectacle ou les restrictions opposées au monde de la recherche.

Mais en démocratie, le résultat ultime d'une politique se lit dans celui des élections. Le résultat des dernières consultations est clair : quand la cohésion sociale est menacée, on s'expose à voir venir un « 21 avril à l'envers ». L'histoire nous montre que la France a du mal à trouver ses compromis et que les tensions se résolvent souvent dans les ruptures et la violence. Le Gouvernement devra en tenir compte.

M. Didier Migaud a jugé admirable l'exposé du Rapporteur général, qui développe une tonalité étrangement positive alors que rarement un budget exécuté aura été en si grand décalage avec la loi de finances initiale, et que l'année 2003 apparaît comme celle de tous les mauvais records. Les résultats budgétaires sont, eux, beaucoup moins admirables. Certes, on peut se féliciter de constater le caractère normal des opérations de la période complémentaire ou la nouvelle réduction du solde des comptes d'imputation provisoire : le ministre du budget obtient des résultats remarquables, compte tenu de la politique générale à laquelle il est partie prenante. Le problème est que les Français ne communient pas du tout à cette autosatisfaction.

La France est en panne de croissance : le Gouvernement l'a tuée. La législature précédente a, au contraire, connu une période de prospérité peu commune. La disparition de la croissance mériterait pour le moins qu'un débat de fond s'engage aujourd'hui : pourquoi en est-on arrivé là ?

En tout état de cause, personne ne peut se féliciter de la situation économique, budgétaire et sociale de la France en 2003.

M. Marc Laffineur a rappelé que l'année 2003 avait été la plus mauvaise depuis 10 ans, non seulement en France mais dans toute l'Europe. La consommation des ménages a, seule, soutenu la croissance de la richesse nationale. Le Rapporteur général souligne bien que c'est le défaut de croissance qui est à l'origine de la déconvenue observée sur le déficit. Au demeurant, l'erreur de cadrage économique a été le lot de beaucoup de prévisionnistes.

Le point positif de l'exécution budgétaire est que, pour la première fois, le niveau des charges déterminé par la loi de finances initiale a été tenu, grâce à l'opiniâtreté de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais la situation budgétaire est telle que l'on peut se demander si une norme de stabilité des dépenses en volume est suffisante.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que les appréciations portées sur les performances relatives de la France et de ses partenaires en matière de croissance devaient prendre plus de recul. Sur les vingt dernières années, la croissance française a été inférieure d'un demi-point à celle de l'OCDE ; avant 1978, elle était supérieure d'un demi-point à cette même moyenne. Le renversement de tendance reflète des changements structurels majeurs.

La politique économique du Gouvernement Jospin a peut-être influencé favorablement la croissance à court terme, mais elle a posé des freins à la croissance à moyen terme : le traitement de l'affaire de la « cagnotte » ou les 35 heures apparaissent aujourd'hui comme autant d'obstacles à une reprise franche, aux progrès de productivité et à la lutte contre les délocalisations. Or la croissance est au cœur des problèmes de pauvreté et d'emploi. Le moment des slogans électoraux est désormais passé et une réflexion approfondie doit se développer sur ces questions essentielles.

Les résultats des élections régionales expriment tout autant une inquiétude qu'une sanction. Certaines personnes se demandent si le cap a été défini et tenu de façon suffisamment ferme ou si la France ne va pas une nouvelle fois subir le retour des corporatismes qui lui ont déjà fait tant de mal. On dit que la politique du Gouvernement a développé l'injustice mais de nombreuses inégalités n'ont-elles pas été corrigées depuis que celui-ci est entré en fonction ? Il est vrai que certaines décisions ont été habilement exploitées et érigées au rang de symboles : les allégements d'impôt sur le revenu ou la modification du régime de l'ASS ont été dénoncés - c'est son rôle - par l'opposition. Mais les dépenses sociales de l'État ont augmenté de 12% en deux ans : est-ce cela l'État injuste ?

M. Michel Bouvard a salué le Gouvernement et, tout particulièrement, M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, pour avoir enfin « tenu » la dépense au niveau voté par le Parlement. Pour les recettes, le décalage entre loi de finances initiale et exécution est patent, mais ce n'est pas la première fois. La vraie nouveauté dans l'exécution de l'année 2003 est, justement, le calage parfait entre prévision de dépenses et réalisation.

Les propos tenus sur la croissance sont intéressants, mais, malgré cette période de « zapping électoral », les Gouvernements successifs devront bien traiter les problèmes structurels de l'économie et de la société française. Une partie d'entre eux est commune aux sociétés européennes et devra être abordée comme telle, mais une partie est spécifiquement nationale : il appartient au seul Gouvernement de la France de ne pas accroître inconsidérément les dépenses de fonctionnement ou l'emploi public. En Europe, la France devra œuvrer à la bonne marche d'un pacte de croissance et d'un pacte sur l'emploi. On ne doit pas non plus s'abstenir de réfléchir à la façon dont est conduite la politique monétaire et à ses conséquences en termes de croissance économique et de désindustrialisation.

M. Philippe Auberger a insisté, au-delà des données comptables pour 2003, sur la nécessité impérieuse qui s'impose à tous les dirigeants publics : comment faire pour que la France retrouve enfin une croissance suffisamment élevée et pérenne pour réduire durablement le taux de chômage. Deux éléments compromettent la santé économique du pays.

Tout d'abord, l'investissement n'a pas repris. En particulier, les investissements dans les nouvelles technologies, moteurs puissants de la croissance américaine, restent très loin du niveau atteint aux Etats-Unis. Si ce décalage persiste, notre économie s'expose à un déclin profond qu'il sera extrêmement difficile d'enrayer.

Ensuite, la dégradation de notre balance commerciale en matière de produits industriels est alarmante. Les délocalisations en sont à la fois les causes et les symptômes. Deux événements contribuent à ces performances décevantes. L'appréciation de l'euro par rapport au dollar affecte de plus en plus la compétitivité de nos industries. Mais, surtout, la montée en puissance de la Chine dans le commerce mondial, que consacre et encourage l'entrée de ce pays dans l'OMC, devrait induire un changement profond dans la répartition des parts de marché. Ce danger, que des performances ponctuelles, comme la mise en service du TGV français en Corée du Sud, ne peuvent masquer bien longtemps, appelle une vigilance accrue sur le respect loyal des règles de concurrence à l'échelle mondiale.

Approuvant cette analyse, M. Pierre Hériaud a remarqué que la faiblesse persistante de la formation brute de capital fixe est la cause principale, si ce n'est exclusive, du ralentissement économique que subit la France depuis le milieu de l'année 2001.

M. Jean-Yves Cousin, déclarant partager l'inquiétude de ses collègues, a souligné que deux problèmes devront être traités si l'on veut que la France retrouve le chemin d'une croissance économique convenable. En premier lieu, il faut protéger le modèle économique et social européen, violemment menacé par la concurrence des pays émergents dans le commerce mondial, en particulier la Chine, l'Inde et le Brésil. Le danger d'une désindustrialisation massive à leur profit est réel, et plus proche qu'on ne le croit. L'Europe doit, dès maintenant, sans tabou, explorer les voies lui permettant de sauvegarder son pacte social. Aucune solution ne doit être écartée a priori, pas même celle d'une redéfinition des tarifs douaniers du continent, en particulier, pour la protection des ouvriers, qui sont les plus exposés à cette menace. En second lieu, il faut déplorer la mutation du profil des compétences de ceux qui sont aujourd'hui à la tête de nos entreprises. Le modèle de l'entrepreneur, soucieux de la cohésion et promoteur du véritable projet collectif que doit incarner l'entreprise, au-delà de la recherche du profit, décline. Le modèle du financier, obsédé par la rentabilité à court terme et indifférent aux conséquences sociales de ses choix économiques, tend à prévaloir. C'est un autre danger considérable, et c'est aussi une mesure d'un échec politique collectif. Trop peu a été fait pour la participation des salariés et des dirigeants à la marche de l'entreprise. Il appartient à ceux qui exercent la responsabilité de guider le pays dans cette direction.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport d'information.

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Informations relatives à la Commission

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a nommé :

M. Hervé Novelli, membre titulaire au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz ;

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, rapporteur pour avis sur le projet de loi organique relatif
à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n° 1155).


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