COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 46

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 7 avril 2004
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

puis de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Denis Samuel-Lajeunesse, directeur général de l'agence des participations financières de l'État et de M. Bruno Bézard, directeur adjoint

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La commission des Finances a procédé à l'audition de M. Denis Samuel-Lajeunesse, directeur général de l'agence des participations financières de l'État et de M. Bruno Bézard, directeur général adjoint, accompagnés de MM. Eric Preiss et Thierry Franq.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que cette audition était une première car l'agence des participations a été mise en place cette année. Il a souhaité connaître les objectifs auxquels correspond cette création, la situation d'ensemble du secteur public et le point de vue de l'agence sur l'ouverture à venir du capital de certaines entreprises publiques.

M. Denis Samuel-Lajeunesse, directeur général de l'agence des participations, a indiqué que l'agence des participations était pleinement opérationnelle depuis le début de l'année et située à Bercy, auprès du ministre. C'est un service à compétence nationale rattaché au directeur du Trésor, mais en relation directe avec le ministre conformément aux recommandations du rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale. L'agence devrait atteindre un effectif d'une cinquantaine de cadres en régime de croisière, à comparer à la trentaine dont disposait le service des participations. Une quinzaine de cadres du secteur privé a été recrutée pour renforcer les effectifs. L'agence a constitué un réel attrait pour les cadres du secteur privé : plus de 300 curriculum vitae spontanés ont été envoyés et cent vingt entretiens ont eu lieu pour une quinzaine de personnes finalement retenues.

L'agence poursuit quatre objectifs : accroître la multiplicité des approches sur le secteur public, favoriser la collégialité dans la prise de décision, améliorer la réactivité et l'anticipation dans des secteurs de plus en plus concurrentiels et en mutation permanente, et renforcer l'information préalable aux prises de décisions. La création de l'agence illustre la modernisation de l'État. On passe d'une gouvernance dont les principes ont été établis dans les années cinquante, centrée sur le contrôle d'État, à une gouvernance en adéquation avec le monde contemporain. Le secteur public comprend environ 70 entreprises regroupées autour de cinq pôles : un pôle transports, avec des entreprises comme Air France, la SNCF ou Renault ; un pôle industriel où figurent des entreprises comme Thalès ou la Snecma, un pôle media qui regroupe, par exemple, France Télévisions ou Radio France, un pôle énergie qui inclut des entreprises comme EDF ou Areva et un pôle services avec France telecom. L'agence comprend trois sous-directions qui concernent le secteur des transports, celui de l'énergie et, enfin, les services, l'audiovisuel et la défense. Un secrétariat général assure l'ensemble des fonctions support : synthèse, communication et relations extérieures, ressources humaines et systèmes d'information, etc... Le suivi des participations est effectué par six bureaux, contre quatre bureaux dans l'ancien service des participations. Les responsables encadrent des chargés d'affaires qui assurent au quotidien le suivi d'une ou plusieurs entreprises. Une des innovations résultant de la mise en place de l'agence réside dans la création de fonctions transversales. Ainsi, trois pôles d'expertise ont-ils été instaurés : un pôle audit comptabilité, un pôle juridique et un pôle financier. Une charte de gouvernance a été élaborée en collaboration avec les entreprises publiques. Elle prévoit la mise en œuvre d'un « reporting » financier opérationnel, le renforcement de la gouvernance et la qualité dans la transmission des informations aux conseils d'administration. L'agence met aussi en œuvre un chantier vertical, celui de la loi organique du 1er août 2001. L'objectif central retenu est de veiller aux intérêts patrimoniaux de l'État au travers de quatre actions : garantir la rentabilité, gérer les cessions, contrôler le risque et veiller au développement industriel des entreprises.

S'agissant de l'appréciation d'ensemble du secteur public, le rapport sur l'État actionnaire, publié sous forme d'annexe « jaune » budgétaire, constitue le premier bilan sur l'état du secteur public. La combinaison des comptes publics demandés par le Parlement, notamment par le Sénat, devrait être insérée dans le prochain rapport sur l'État actionnaire. Le secteur public représente 50 milliards d'euros de fonds propres et 150 milliards d'euros d'endettement. Cet endettement important est lié, notamment en 2002, à la situation préoccupante de France Telecom. À la fin de l'année 2003, on peut constater une certaine amélioration, notamment grâce à l'augmentation des participations de l'État dans France Telecom et au désendettement de cette entreprise, comme d'autres. En dépit de ces améliorations, on ne peut pas considérer que le secteur public est au maximum de sa compétitivité.

En 2004, plusieurs mouvements affectent ce secteur : l'ouverture du capital de la Snecma, la privatisation d'Air France, notamment au travers de l'opération Air France-KLM qui aboutira, à terme, à ce que l'État ne conserve que 20 % du capital de l'entreprise. Un autre chantier est celui de France Telecom, avec l'opération de rachat des actions des actionnaires minoritaires de Wanadoo, qui permettra l'intégration de l'opérateur. L'objectif à terme pour l'entreprise est de faire face au déclin du téléphone fixe en valorisant les nouveaux services tels que l'internet à haut débit. Avec cette opération, l'État détiendra 54 % du capital de France Telecom. Le Parlement a voté la possibilité pour l'État d'opérer la privatisation de France Telecom, c'est-à-dire de détenir moins de 50 % du capital. Un autre chantier est celui de l'évolution du statut de l'entreprise Aéroports de Paris, qui devrait être discutée au Parlement à partir du mois de mai prochain. D'autres éléments doivent être cités : l'évolution du statut d'EDF-GDF, la modernisation du service courrier de La Poste, l'évolution de l'activité fret de la SNCF. D'autres sujets, qui pourraient sembler plus périphériques, sont tout aussi importants. Par exemple, est attendue la décision de la Commission européenne sur le plan présenté par la France en septembre prévoyant l'entrée de l'État dans le capital d'Alstom.

La finalité de l'agence est de faire évoluer les entreprises publiques dans un monde devenu plus complexe que celui des années 80. L'analyse économique ne se fait plus désormais dans un cadre hexagonal mais, au minimum, au niveau européen, les aspects juridiques et judiciaires sont de plus en plus importants dans l'activité des entreprises publiques, le cadre européen est devenu plus contraignant pour des entreprises qui n'ont plus de monopole d'activité, comme le montre l'ouverture du marché pour EDF GDF. Les entreprises publiques connaissent une concurrence plus grande et sont désormais placées sous surveillance dans le cadre européen comme le montrent les difficultés rencontrées par EDF en Italie. Deux grands axes juridiques doivent guider l'action de l'agence : la théorie de l'investisseur avisé selon laquelle toutes les acquisitions d'une entreprise publique doivent, en économie de marché, faire l'objet d'un examen aussi approfondi que celles d'une entreprise privée et les règles régissant en propre l'investissement de l'État, en encadrant les interventions de l'État et des entreprises publiques au profit d'autres entreprises.

M. Hervé Mariton a souhaité savoir quelles ruptures fondamentales la création de l'agence induit en matière de gestion des participations de l'État. La commission d'enquête a mis en cause l'exercice, par la tutelle, de sa mission de pilotage et de contrôle. Au-delà de l'évolution opérée en matière de recrutement au sein de l'agence, quels exemples concrets illustrent les ruptures avec le passé, s'agissant du rôle de l'État actionnaire, selon quel calendrier, et avec quels objectifs ? Par ailleurs, comment les relations, parfois conflictuelles, entre le ministère des finances et les ministères techniques évoluent-elles ?

M. Michel Bouvard s'est associé à la question de M. Hervé Mariton sur la transformation de la gestion des participations de l'État. Les moyens de contrôle de l'État sont-ils entièrement regroupés au sein de l'agence, ou bien l'administration centrale a-t-elle, pour partie, conservé certaines de ces missions, comme M. Francis Mer l'avait reconnu, en son temps, au cours d'une audition devant la Commission des finances ? Il y va de l'efficacité de l'agence. D'autre part, quels sont les moyens de fonctionnement de celle-ci et son budget ? Enfin, s'agissant des objectifs et des indicateurs prévus par la loi organique relative aux lois de finances, il conviendra en effet de mettre l'accent sur le développement industriel des entreprises. Quels outils permettent de le mesurer ? Quelle synergie a-t-on trouvé avec le ministère de l'industrie ?

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur la difficile clarification des rôles entre Réseau Ferré de France et la SNCF. Quelles sont, par ailleurs, les conditions de l'ouverture du fret ferroviaire à la concurrence ?

Suite à ces interventions, M. Denis Samuel-Lajeunesse a apporté les précisions suivantes :

- plutôt que de rupture, il faut parler d'améliorations en profondeur de la gestion des participations de l'État. Ces améliorations sont nécessaires, mais envisager une profonde césure serait exagéré. Parmi les changements significatifs apportés par la création de l'agence, on peut citer en premier lieu la promotion de la collégialité. Le binôme qui se trouve à sa tête, épaulé par trois sous-directeurs, entretient une relation directe avec le ministre, alors que le directeur du Trésor, avant la création de l'agence, manquait de temps pour examiner tous les dossiers qui lui étaient soumis. En outre, le travail en commun entre des gestionnaires issus du secteur public et du secteur privé permet une meilleure appréhension des problèmes. En deuxième lieu, l'agence se veut, au quotidien, plus proche des entreprises, en jouant pleinement son rôle d'actionnaire pour discuter la stratégie de chacune d'entre elles. Les désaccords apparus dans le passé à propos de certaines décisions d'investissement sont désormais surmontés plus sereinement, avec davantage de temps. Il faut également mentionner l'atout considérable qu'a représenté l'expérience personnelle de chef d'entreprise de M. Francis Mer, dont l'implication personnelle a largement contribué à la crédibilité de l'agence. Cette proximité avec les entreprises permet de réduire l'asymétrie d'information dans les dossiers complexes, par exemple en prenant le temps nécessaire pour examiner la stratégie internationale d'EDF ou l'adaptation de cette entreprise aux normes comptables IFRS (International Financial Reporting Standards). Enfin, dans le cadre de relations parfois complexes avec la Commission européenne, l'agence dispose de plus de temps et de moyens pour préparer les dossiers et prévenir les critiques possibles sur le fondement du droit communautaire. Tel a notamment été le cas du dossier du fret ferroviaire ;

- le partage des rôles avec l'administration est à peu près stabilisé, dans la ligne des rapports de la commission d'enquête et de M. Barbier de la Serre, qui l'un et l'autre préconisaient une clarification des compétences. L'agence assume totalement le rôle de l'État actionnaire, tandis que d'autres responsables jouent leur rôle de donneur d'ordre ou édictent des réglementations. Le cas de la récente revalorisation des licences de téléphonie mobile GSM est éclairant à cet égard : l'agence en tant qu'actionnaire plaidait pour une augmentation raisonnable des tarifs, mais elle s'est abstenue de participer aux négociations qui réunissaient le ministre, son administration et les dirigeants des entreprises concernées, dont France telecom. Les rôles des uns et des autres sont donc complémentaires. L'agence ne réunira jamais toutes les compétences industrielles nécessaires ; il lui faudrait sans doute pour cela du personnel supplémentaire. À titre d'exemple, l'expertise de la direction générale de l'énergie et des matières premières est évidemment indispensable dans les débats sur le retraitement des déchets nucléaires. En outre, l'intervention d'autres fonctionnaires « généralistes » n'est pas illégitime. Dans cet esprit, le secrétaire général du ministère, M. Philippe Parini, pilote actuellement une réforme du corps des contrôleurs d'État. Il s'agit de recentrer ce corps sur une mission d'audit, en le fusionnant avec l'Inspection générale de l'industrie et du commerce et l'ancienne Inspection générale des postes et télécommunications. Il s'agit également d'organiser sa sortie « en sifflet » des entreprises publiques : en totalité pour celles exerçant leur activité dans le champ concurrentiel, plus lentement pour les autres, comme la SNCF. Enfin, pour les entreprises qui mobilisent des subventions budgétaires, le suivi de la direction du budget est indispensable. Le dialogue est excellent entre l'agence et l'administration centrale. Le ministre tranche les désaccords s'il y a lieu, généralement sur le fondement d'une note commune aux deux parties ;

- les moyens financiers de l'agence se composent en premier lieu d'un budget d'études de 4 millions d'euros. Il sert à rémunérer les cabinets de conseils souvent mandatés à l'occasion d'opérations de cession, d'ouverture de capital ou de privatisation. Le cabinet AT Kearney a ainsi fourni une étude relative aux conséquences sur le secteur financier de l'accroissement des missions de La Poste dans ce domaine. À ce budget d'études s'ajoutent des crédits de fonctionnement courant pour 1 million d'euros, des dépenses de personnel de l'ordre de 4 millions d'euros, incluant fonctionnaires et contractuels, ainsi que certaines prestations mutualisées au sein du ministère, comme la communication ou l'informatique, qu'on peut estimer à 1 million d'euros, soit un total de 10 millions d'euros environ ;

- le développement industriel des entreprises est naturellement un objectif majeur de l'agence. Celle-ci n'a pas pour vocation première de vendre au plus vite les participations de l'État, mais d'abord de les valoriser. Elle partage ainsi les projets d'investissement des entreprises publiques, qu'il s'agisse du développement par Areva d'une nouvelle technique d'enrichissement de l'uranium, ou du redressement de l'activité de fret de la SNCF. Jouant pleinement son rôle d'actionnaire, l'agence examine les projets et écarte ceux qu'elle juge trop coûteux ou trop risqués, sur fond de dialogue permanent avec les entreprises.

M. Bruno Bézard, directeur-adjoint, détaillant les relations entre RFF et la SNCF, a indiqué que la principale difficulté tenait à la répartition des actifs entre ces deux entités. De grandes incertitudes existent sur ce point, qui sont lourdes de conséquences comptables. L'actuelle commission de dévolution des actifs pêche par un résultat très faible.

M. Michel Bouvard a précisé que de nombreuses communes attendent les résultats des travaux de cette commission pour racheter des terrains appartenant à la SNCF, mais que le sentiment dominant est celui de l'immobilisme.

M. Hervé Mariton a ajouté qu'au cours des auditions menées par la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur ce sujet, les responsables des deux entreprises avaient rejeté la faute de ces lenteurs sur la tutelle.

M. Bruno Bézard a rappelé que le rapport rédigé par M. Christian Vigouroux sur la dévolution des actifs préconisait une approche différente de celle retenue par la commission. Des discussions sont en cours entre les ministères des Finances et de l'Équipement pour définir cette nouvelle approche, qui devra aussi tenir compte de la faiblesse en fonds propres des deux entreprises. Un consensus peut être trouvé dans les prochaines semaines.

Par ailleurs, il importe de souligner que l'aide accordée à la SNCF dans le cadre du plan fret s'effectue en contrepartie d'efforts très importants demandés à l'entreprise, qui doit financer elle-même 50 % du plan. Pour y parvenir, elle est vivement encouragée par l'agence à céder les actifs non stratégiques, essentiellement immobiliers.

M. Hervé Mariton a demandé si l'agence exerçait une fonction de gestion de portefeuille, en alertant par exemple l'autorité politique sur l'opportunité de telle ou telle cession de participation.

M. Michel Bouvard, rappelant que l'actionnaire a un rôle essentiel à jouer, conjointement avec les entreprises, en matière de politique industrielle, a évoqué le précédent fâcheux de la diversification catastrophique de GIAT Industries dans le secteur de la lutte contre l'incendie. L'agence se préoccupe-t-elle d'évaluer ces stratégies industrielles au-delà de leur simple aspect financier ?

S'agissant de la gestion de portefeuille, M. Denis Samuel-Lajeunesse a répondu que cette mission de veille de marché s'exerçait en coopération très étroite, naturelle et spontanée, avec le ministre et son cabinet. Il faut toutefois noter le faible nombre de participations cotées détenues par l'État à l'heure actuelle.

Pour qu'une cession majeure de participation ait lieu, il faut que l'évolution de la bourse permette d'atteindre le prix minimum fixé par la commission des participations et des transferts (CPT), dont l'avis est valable pendant une durée courte d'un mois.

S'agissant de la politique industrielle, le point de vue de l'agence est celui d'un actionnaire : le développement de l'entreprise doit être avant tout rentable et centré sur ses métiers principaux. Par conséquent, l'agence est très attentive au développement d'activités annexes, qui présente souvent le risque d'être sous-optimal. Enfin, les règles communautaires jouent, en la matière, un grand rôle.

M. Augustin Bonrepaux a demandé quelle était la nature des relations entre l'agence des participations financières de l'État et le Gouvernement. Par ailleurs, EDF, qui a souvent été sollicitée par l'État, peut-elle faire face à ses engagements ? Quelle est sa situation ?

Le Président Michel Bouvard a précisé qu'EDF avait dû, sur la période 1997-1998, racheter le réseau de transport à la demande du Gouvernement de l'époque. Comment l'agence concilie-t-elle la nécessité d'améliorer la situation financière d'EDF et l'impact financier considérable que peut avoir le coût de l'énergie sur de nombreuses entreprises ?

M. Denis Samuel-Lajeunesse a indiqué que l'agence entretenait des relations soutenues, non avec le Gouvernement en tant que tel, mais avec le ministre de l'Économie et des finances, pour lequel l'agence produit de nombreuses notes, environ un millier pour l'an dernier, sur des sujets multiples comme l'évolution des résultats des entreprises sous sa tutelle, les opérations d'augmentation de capital, d'acquisition à l'étranger ou de transformation les concernant. L'agence peut également être sollicitée lors de la rédaction de projets de loi relatifs à la transformation d'entreprises publiques et participer à des réunions interministérielles d'arbitrage.

EDF est une entreprise qui souffre d'une relative faiblesse de ses fonds propres, mais enregistre un excédent brut d'exploitation considérable. Ainsi, la situation d'EDF est appréciée de manière plus favorable s'agissant du ratio rapportant le résultat d'exploitation à la dette que du ratio, classique, de la dette par rapport aux fonds propres. Or, les investisseurs financiers, et en particulier les agences de notation, accordent une place croissante au premier ratio. Lorsque EDF a repris le réseau de transport, cela s'est traduit par la constitution de fonds propres à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Depuis, EDF a vu ses fonds propres diminuer en raison notamment de sa politique de diversification internationale. Ainsi, l'établissement de provisions s'est traduit par une destruction de fonds propres d'environ 5 à 6 milliards d'euros. Par ailleurs, si EDF paie bien des dividendes, ceux-ci sont fixés dans un cadre contractuel. La situation d'EDF est susceptible de nécessiter un renforcement de ses fonds propres, qui peut passer par une intervention de l'État mais également par un appel aux marchés financiers.

S'agissant de la comptabilisation des retraites d'EDF, la Commission européenne a accepté le plan de financement proposé par la France, fondé sur un adossement, pour la partie de base des retraites, aux régimes de droit commun, et sur la création d'une contribution dans le tarif de transport et de distribution, qui correspond à la partie des activités d'EDF qui demeure monopolistique. Au total, par rapport aux charges globales à comptabiliser pour les retraites, qui sont de l'ordre de 50 à 60 milliards d'euros, ces différentes mesures, si elles sont définitivement validées, devraient engendrer un besoin de provisionnement d'environ 10 milliards d'euros, montant à comparer aux fonds propres d'EDF qui s'élèvent à 20 milliards d'euros fin 2003.

M. Bruno Bézard a souligné le caractère complexe des comptes et du bilan d'EDF, dû à plusieurs facteurs : la spécificité et la complexité du secteur, les modifications comptables qui donnent une nouvelle image du bilan et certains choix faits par l'entreprise, notamment celui d'allonger la durée de vie des centrales nucléaires, qui modifient également le bilan. Enfin, le pilotage financier de l'entreprise est encore perfectible.

EDF est confrontée à un double problème de dette et de fonds propres, notamment parce que de nombreux engagements internationaux de l'entreprise se sont avérés être mauvais. Il ne faut pas surestimer le poids des prélèvements de l'État sur EDF : il s'agit exclusivement du prélèvement relatif au dividende, qui est de droit commun, avec une part de résultat versée à l'actionnaire de 37,5 %, soit un taux nettement inférieur à la moyenne de la place, et de l'impôt sur les sociétés. L'établissement du besoin en fonds propres de l'entreprise est encore prématuré. Si son résultat d'exploitation est important, EDF a encore des marges de progrès pour améliorer sa productivité. En outre, il serait souhaitable qu'elle procède à un recentrage de ses activités à l'étranger.

M. Yves Censi a demandé s'il existait une particularité française en matière de service public. Dans quelle mesure l'agence intègre-t-elle ce critère dans ses recommandations ?

M. Denis Samuel-Lajeunesse a indiqué que le secteur public français se caractérisait essentiellement par une taille supérieure à celle constatée en moyenne dans les autres pays européens, traduisant un certain retard par rapport aux évolutions intervenues dans ces pays. À cet égard, l'exemple de la Poste est révélateur. En effet, alors que la Poste vit une mutation profonde, force est de constater son retard par rapport à ses concurrents néerlandais ou allemand. Ainsi, la poste allemande dispose d'un réseau logistique dans le monde entier, son activité financière est réalisée par une banque postale et sa productivité est largement supérieure à celle de la Poste française. Les chantiers actuels sont les suivants : la clarification du rôle des services financiers, le plan de modernisation du courrier qui a pour objectif de permettre à la Poste de rattraper ses concurrents d'ici cinq ans et le développement de son réseau logistique européen, des projets étant notamment en cours en Espagne. Des entreprises comme la Poste doivent affronter la concurrence : plus elles seront rentables et efficaces, mieux elles pourront assurer leurs missions de service public.

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