COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 53

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 11 mai 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président, puis

de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution de M. Didier Migaud (n° 1581), tendant à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002 (M. Didier Migaud, rapporteur)

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- Informations relatives à la commission

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En préalable, s'agissant des nominations, M. Augustin Bonrepaux a proposé que M. Jean-Michel Fourgous, très attaché aux pratiques de contrôle, soit membre de la Mission d'évaluation et de contrôle.

M. Gérard Bapt a demandé que le bureau réexamine le périmètre des rapports spéciaux consacrés à la santé, à la famille et aux personnes handicapées, d'une part et à la solidarité d'autre part, afin qu'il soit tenu compte de la nouvelle répartition des compétences ministérielles issue du dernier remaniement.

Le Président Pierre Méhaignerie a répondu qu'il convenait d'aborder ce sujet à la lumière de la maquette budgétaire définitive. Par ailleurs, il a salué la rapidité avec laquelle l'OFCE a adressé à la Commission une note de chiffrage des mesures récemment annoncées par le ministre d'État, ministre des finances.

M. Philippe Auberger a demandé à quel moment ces mesures prendraient effet.

M. Gilles Carrez, Rapporteur Général, a précisé que certaines dispositions, comme celles relatives aux donations, devaient figurer dans un texte de loi, qui pourrait, par exemple, prendre la forme d'une loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ou celle de la loi de finances pour 2005, ces mesures ayant alors un caractère rétroactif.

M. Michel Bouvard a indiqué que, alors que le Gouvernement annonce des ventes de bâtiments publics symboliques, comme ceux abritant l'École nationale d'administration, certains ministères procèdent, dans le même temps, à des achats de locaux ou paient des loyers exorbitants. Il serait par conséquent souhaitable de pouvoir disposer d'une vision d'ensemble de la politique immobilière de l'État. Il conviendrait donc de procéder à un bilan plutôt que de se focaliser sur des effets d'annonces.

S'agissant de la suppression du rapport Pêche et de la création du rapport Forêt, M. Pascal Terrasse, au nom du groupe socialiste, a fait part de son accord et de sa candidature pour le rapport spécial ainsi créé.

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M.  Didier Migaud, sa proposition de résolution (n° 1581), tendant à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a indiqué que, à la suite de l'alternance politique intervenue en 2002, le nouveau Gouvernement avait demandé à des experts indépendants, qui avaient déjà eu l'occasion de se prononcer sur la situation des finances publiques dans le passé, la réalisation d'un audit des finances publiques. Alors que ces experts avaient conclu à l'époque à un déficit public compris entre 2,3 et 2,6 % du PIB, il est évalué aujourd'hui à 4,1 %, voire 4,2 %, si l'on ne tient pas compte de la recette exceptionnelle attendue d'EDF. Comment, alors que les experts avaient assorti leurs conclusions d'une mise en garde relative à la politique à mener, la situation a-t-elle pu se dégrader à ce point ? La France est à la veille d'un « crash ». Si le Premier ministre se présente comme un « pilote d'Airbus », on ne peut que regretter cette contre publicité.

M. Jean-Pierre Brard a ajouté qu'il s'agissait davantage d'un B52 que d'un Airbus.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a indiqué qu'il convenait, certes, d'analyser les raisons de la dégradation de la situation des finances publiques, mais également de comparer les résultats sur les périodes 1993-1997, 1997-2002 et, enfin, 2002-2004. Alors que la mauvaise situation économique et financière avait été présentée comme une cause de la dissolution de 1997, cette situation s'est encore aggravée en 2004. Sur le plan de la conjoncture, la croissance mondiale a été plus forte entre 1993 et 1997 qu'entre 1997 et 2002, alors que la situation économique et celle des finances publiques se sont bien plus dégradées dans la première période. Le scénario semble se reproduire aujourd'hui : alors que la croissance mondiale est forte, la croissance française semble atone. L'examen de la situation des finances publiques suppose également d'analyser les mesures annoncées par le ministre des finances. Ce dernier a indiqué que le temps n'était plus aux études d'impact et qu'il était impératif d'agir. Néanmoins, il serait intéressant de connaître le coût ainsi que l'effet de ces mesures. À cet égard, l'étude de l'OFCE sera annexée au rapport. Enfin, les finances publiques ne concernent pas le seul budget de l'État : les finances sociales en représentent une part importante. C'est pourquoi il serait souhaitable que le cadre strict de la commission des Finances soit dépassé par la création d'une commission d'enquête.

Plusieurs propositions peuvent être avancées afin d'améliorer la gestion des finances publiques. Tout d'abord, il faut remédier au déficit démocratique qui existe en matière de contrôle. Certes, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances apporte un certain nombre d'améliorations. Toutefois, il est regrettable que, actuellement, seuls les membres de la majorité soient investis de pouvoirs de contrôle réels. La situation est toute autre lorsque le Gouvernement est issu d'une majorité différente de celle du Sénat. En effet, dans cette configuration, le Président et le Rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, qui sont dans l'opposition, disposent des prérogatives d'investigation et de contrôle. Ainsi, lorsque la droite est dans l'opposition, elle peut bénéficier de réels pouvoirs de contrôle, ce qui n'est pas le cas de la gauche, quand elle est minoritaire. Afin de remédier à ce qui apparaît comme une anomalie parmi les démocraties européennes et une atteinte aux droits de l'opposition, il serait souhaitable d'investir un membre de la commission des Finances faisant partie de l'opposition de pouvoirs identiques à ceux exercés par le Président et le Rapporteur général de la commission des Finances en matière de contrôle.

Il conviendrait également que la programmation pluriannuelle des finances publiques présentée à la Commission européenne puisse faire l'objet, au préalable, d'un examen par l'Assemblée nationale, et en particulier sa commission des Finances, à l'instar de la pratique des autres pays européens.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de revoir la composition et le calendrier des travaux de la Commission des comptes de la nation. En effet, leur caractère par trop tardif empêche leur prise en compte dans le cadre de la préparation du budget. Il conviendrait également de faire de cette commission une véritable enceinte de débat des finances publiques, associant les élus, les gestionnaires des comptes sociaux et les collectivités territoriales.

Il faudrait que l'élaboration des prévisions de recettes fiscales soit plus transparente. Aujourd'hui, il s'agit d'une véritable « boîte noire ». Le ministre propose que les recettes fiscales supplémentaires à celles escomptées soient destinées à la réduction du déficit budgétaire. Cette proposition n'a pas de sens si les prévisions de recettes ne sont pas sincères. Les prévisions de recettes ainsi que les hypothèses d'élasticité sont particulièrement opaques. Une telle suspicion sur la sincérité des comptes publics n'existe pas dans les autres pays. Il conviendrait que le Parlement dispose d'un audit annuel des comptes publics, réalisé par la Cour des Comptes.

M. Michel Bouvard, Président, a concédé, à titre personnel, que certaines demandes, notamment concernant les pouvoirs de l'opposition, pouvaient mériter d'être examinées. Il faut peut-être améliorer certaines procédures prévues par la loi organique. Cependant, ces propositions devraient plus utilement être présentées en dehors de la prochaine séance d'initiative parlementaire, dont l'objet n'est en l'occurrence que la mise en cause de la politique du gouvernement. Il faut dissocier le débat sur les moyens de travail des commissaires aux finances de la discussion sur les orientations politiques de la majorité.

M. Gilles Carrez, Rapporteur Général, a souligné que le rapporteur avait une mémoire sélective. En effet, les comptes de l'État sont structurellement déficitaires depuis 1981. En 1980 a été présenté le dernier des projets de loi de finances dans lequel le montant de l'emprunt était inférieur au montant des investissements. Ensuite, la dépense a toujours été de 10 à 20 % supérieure aux recettes, conduisant ainsi à plusieurs dévaluations de la monnaie. En 1986, un rééquilibrage a été amorcé. Il était presque atteint en 1988. L'année 1987 a vu le dernier budget de la décennie dont les dépenses étaient stables. De 1988 à 1991, les recettes de la croissance économique ont été dilapidées. Avec le retournement de la conjoncture le déficit a même atteint 6 % du PIB en 1993. Le déficit de l'État était alors de 340 milliards de francs, celui des comptes sociaux de 100 milliards de francs et celui de l'UNEDIC de 50 milliards de francs. En 1996, l'évolution des dépenses a été stoppée. Par la suite, sur les 70 milliards d'euros de recettes supplémentaires dues à la croissance mondiale, 30 milliards d'euros ont été utilisés pour des dépenses nouvelles, 30 milliards d'euros ont permis une baisse des impôts par ailleurs non financée, et 10 milliards d'euros ont réduit le déficit nominal. Cette politique a conduit à un déficit vertigineux en 2001, le budget pour 2002 étant même insincère. La loi de finances rectificative de juillet 2002, votée par l'actuelle majorité a dû insérer des crédits pour payer les primes de Noël des titulaires de RMI qui n'étaient financées ni en 2001, ni en 2002. Il en a été de même pour la couverture maladie universelle, l'aide médicale d'État ou encore l'allocation adulte handicapé (AAH). Au total, ces dépenses ont représenté plusieurs centaines de millions d'euros. Le budget pour 2004 contraste avec la situation antérieure, puisque le taux de croissance retenu, de 1,7 %, est raisonnable, que les recettes fiscales sont sincères et que les différentes hypothèses de taux d'élasticité sont publiques. Lors du débat sur la proposition de loi organique relative aux lois de finances, il avait été proposé que l'État ne puisse emprunter que pour financer des investissements. La majorité de l'époque avait refusé cette proposition.

En ce qui concerne le rôle de l'opposition, l'actuelle majorité a toujours été favorable à la participation de l'opposition à la mission d'évaluation et de contrôle, et la mise en œuvre de la loi organique se déroule dans un climat d'ensemble satisfaisant. Ce sujet ne doit pas devenir un enjeu partisan.

Après avoir rappelé que l'UDF n'avait pas changé de discours en passant de l'opposition à la majorité, M. Charles de Courson, a souligné que les finances publiques avaient été gérées en dépit du bon sens entre 1981 et 1983, obligeant la majorité de l'époque à conduire une politique de rigueur. Entre 1989 et 1992, Michel Rocard a dilapidé les marges budgétaires qu'offrait la croissance. Le déficit budgétaire pour 1993 aurait dû atteindre 6,3 % du PIB. Il a été ramené à 6 % grâce aux mesures correctives prises par le nouveau gouvernement. Entre 1997 et 2002, la même politique a été conduite. Quelle est aujourd'hui la crédibilité de l'opposition sur la politique budgétaire ? La situation dont l'actuelle majorité a hérité est donc grave. Les dépenses de fonctionnement dans le déficit budgétaire atteignent 27 milliards d'euros, à comparer avec les 57 milliards d'euros de déficit. L'UDF avait proposé qu'à l'instar des collectivités territoriales, l'État ne puisse pas emprunter plus qu'il n'investit. Le rapporteur a, par ailleurs, proposé quatre mesures. S'agissant de la représentation de l'opposition, la proposition visant à améliorer le pouvoir de ses représentants pourrait éviter que soient tenus des propos excessifs par rapport à la réalité. Une saisine préalable de la Commission sur le programme pluriannuel des finances publiques est envisageable, de même que l'accélération de la production des comptes de la Nation. Il faut rappeler que ces derniers ne concernent que le passé. Enfin, le rapporteur propose que les hypothèses économiques soient débattues contradictoirement. Ce débat a bien lieu chaque année en Commission des finances. Le groupe UDF avait considéré l'hypothèse de croissance pour 2004 comme réaliste, mais il avait, à raison, émis des doutes sur celle de 2003. Le débat mériterait d'être plus sérieux. Quelle que soit la période, la multiplication des prises de position de l'opposition laissant croire qu'il existe des trésors cachés nuit à la crédibilité de l'ensemble de la classe politique et contribue à alimenter une image détestable de celle-ci aux yeux de l'opinion publique.

M. Marc Laffineur a souligné que l'exposé du rapporteur était empreint de malice et que celui-ci n'était certainement pas dupe de ses propres propos. À supposer même cette procédure adaptée au sujet, une commission d'enquête n'aurait un sens que si elle examinait les comptes publics depuis 1981. La croissance française depuis 1981 a été plus faible que dans le reste du monde. En 1993, le budget a été voté avec des recettes surestimées et des dépenses sous-estimées. Entre 1997 et 2000, alors que la France connaissait sa plus forte période de croissance en 20 ans, le niveau des dépenses publiques a explosé du fait de la multiplication des dépenses nouvelles non financées.

M. Hervé Novelli s'est étonné que les interrogations de l'opposition sur la situation des comptes publics prennent la forme d'une demande de commission d'enquête, qui témoigne d'un manque de confiance dans la commission des Finances dont le contrôle des comptes publics est la mission centrale. Une telle suspicion n'est pas acceptable au moment même où les parlementaires souhaitent revaloriser leur mission de contrôle. Sur le fond, il estime que cette demande est particulièrement impudente de la part d'un groupe politique qui est responsable du dérapage de 50 % du déficit public en 2002, lequel est la preuve de l'insincérité du budget en cause. La principale responsabilité du gouvernement actuel est de ne pas avoir suffisamment mis en lumière la gravité de la situation qu'il a trouvée. La demande relève donc de la parodie. Les propositions formulées par M. Didier Migaud sont sans rapport avec la demande de commission d'enquête ; si certaines d'entre elles sont recevables, elles devraient être examinées dans un autre cadre.

M. Philippe Auberger a remarqué que la situation des finances publiques devait être examinée à l'occasion d'un débat sur la politique budgétaire et non dans le cadre d'une commission d'enquête. Les arguments développés par M. Didier Migaud relèvent d'une motion de censure, mais celle que son groupe a déposée au mois de mars a eu l'issue que l'on sait. Cette demande de commission d'enquête constitue un artifice alors que la commission des Finances dispose de tous les éléments lui permettant d'apprécier la politique budgétaire menée par le gouvernement. M. Didier Migaud semble déjà présenter les conclusions de la commission d'enquête, ce qui témoigne bien du dévoiement de la procédure employée. Il est enfin inacceptable qu'il fasse des propositions relatives aux pouvoirs de l'opposition, alors que celles allant dans le même sens, et proposées par l'opposition de l'époque dans le cadre de la discussion du projet de loi organique relative aux lois de finances, avaient été rejetées par la majorité d'alors.

M. Jean-Louis Idiart a fait observer que M. Alain Lambert, qui a grandement participé à l'élaboration de la loi organique, n'appartenait pas alors à la majorité.

M. Philippe Auberger a constaté qu'il n'était pas étonnant que la minorité d'aujourd'hui regrette de ne pas avoir accepté les avancées demandées par la minorité d'hier. Il convient néanmoins d'attendre que l'ensemble des dispositions de la loi organique s'appliquent avant d'envisager toute modification.

M. Jean-Pierre Brard a estimé que : « la confiance c'est bien, mais le contrôle c'est mieux ». Pourquoi ne pas profiter de cette proposition de commission d'enquête pour avoir les deux ? M. Charles de Courson présente l'évolution des finances publiques depuis 1981 en évitant de parler des périodes pendant lesquelles la majorité actuelle était au pouvoir. Certaines d'entre elles ont pourtant conduit à un fort accroissement des déficits. La création d'une commission d'enquête permettrait de juger de la sincérité des lois de finances, de montrer dans quelle mesure les promesses faites à Bruxelles en matière de déficit public peuvent être tenues, et de lever l'opacité qui règne actuellement sur la gestion des finances publiques. Il semblerait par exemple que, au niveau local, des entreprises se voient accorder des réductions d'impôts sans base juridique ni discussion : combien de tels mécanismes coûtent-ils en termes de pertes de recettes ?

M. Jean-Pierre Brard a rappelé les propos de M. Michel Bouvard selon lesquels la forme de la commission d'enquête n'était pas adaptée au sujet, sans nier la gravité de celui-ci. Mais l'opposition ne dispose d'aucun autre moyen pour obtenir les éclaircissements sur la véritable situation des comptes publics, le gouvernement en masquant la réalité. La remise en cause des choix budgétaires n'est d'ailleurs pas seulement le fait de l'opposition ; une partie de la majorité les conteste, ce que seule une commission d'enquête permettrait de révéler. Celle-ci est un sérum de vérité.

M. Michel Bouvard, Président, a répété que la procédure mise en œuvre par le groupe socialiste n'était pas adaptée au sujet.

M. Augustin Bonrepaux a demandé à M. Michel Bouvard et aux autres rapporteurs spéciaux s'ils ne se heurtaient pas fréquemment au refus du gouvernement de leur transmettre les informations qu'ils demandent. Personne n'a contesté les résultats de l'audit conduit en 1997 qui avait conclu à un déficit supérieur à 3 %, déficit qui avait été fortement réduit dès la fin 1997. De même, l'audit de 2002 qui chiffrait entre 2,3 et 2,6 % le déficit prévisionnel n'a pas fait l'objet de critiques. Ce déficit s'est aggravé pour atteindre 3,1 % fin 2003 et probablement 4,1 ou 4,2 % fin 2004, soit une progression de 1,5 point en deux ans. Il conviendrait de mesurer l'impact qu'a eu, sur ce déficit, la politique conduite depuis l'été 2002. Le gouvernement se plaint de la faiblesse de la croissance, mais qu'a-t-il fait pour la stimuler ? Dans quelle mesure la baisse de l'impôt sur le revenu et celle de l'impôt sur la fortune ont-elles eu un effet contre les délocalisations ? Puisque le déficit a été estimé, par les auteurs de l'audit, à 2,6 % au maximum en juillet 2002, chiffre qui incluait les mesures dont le financement n'était pas prévu dans le budget initial, on doit considérer que la progression du déficit enregistré depuis cette date relève de la responsabilité de l'actuel gouvernement, sauf à contester ce chiffrage, ce qui n'a pas été fait à l'époque.

L'opposition n'a pas perdu toute confiance dans la commission des Finances mais elle reste sans réponse sur trop de points. La question de M. Michel Bouvard relative à l'évaluation du patrimoine de l'État est très pertinente : pourquoi le Parlement ne pourrait-il pas y participer par l'intermédiaire d'une commission d'enquête ? Au cours des auditions conduites par la mission d'évaluation et de contrôle, il est apparu que la prévision du déficit de Réseau ferré de France (RFF) a été très sous-estimée. En effet, une subvention de 800 millions d'euros destinée à son désendettement a bien été accordée, mais l'absence de dotations en capital conduit à un apport financier public en 2004 inférieur à ce que le gouvernement avait laissé entendre. Voilà un exemple de présentation tronquée.

La loi organique relative aux lois de finances a été élaborée en étroite concertation entre la majorité et l'opposition d'alors et votée par les uns et les autres. C'est sous la précédente majorité que la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) s'est vue accorder un coprésident d'opposition.

Il faut donc déplorer le déclin de la participation de la majorité aux travaux de cette mission - à l'exception du thème consacré à la journée d'appel de préparation à la défense. La majorité n'a pas de leçon à donner en matière de droits de l'opposition.

M.  Daniel Garrigue s'est étonné du périmètre réduit de la commission d'enquête proposée. Celle-ci est d'abord limitée dans le temps, puisque elle commence en juin 2002 sans tenir compte du passif. Or, de nombreuses mesures nouvelles n'étaient pas financées comme celles concernant le BAPSA, les contrats territoriaux d'exploitation dont le coût a été multiplié par six ou sept en un an, ou l'APA. La demande est aussi limitée dans l'espace puisqu'il n'y a aucune comparaison avec les politiques menées par les autres partenaires de l'Union européenne entre 1997 et 2002. Pendant cette période de croissance, les pays européens se sont désendettés de dix à vingt points et ont réduit leur déficit. Le déficit de la France a toujours été supérieur de 0,5 point de PIB à la moyenne de nos partenaires. S'agissant des instruments de contrôle du Parlement, il serait nécessaire, aujourd'hui, que la commission des Finances fasse régulièrement le point sur les situations budgétaires et les politiques économiques des pays de l'Union européenne. Cela permettrait de dépasser une analyse franco-française.

M. Jérôme Chartier a rappelé que la commission des Finances a toujours évité de s'engager dans des démarches polémiques dans la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Cette proposition de résolution ne grandit pas ses auteurs. L'amélioration de l'efficacité du contrôle parlementaire implique qu'on évite ce genre de démarches totalement partisanes. Le risque est de décrédibiliser la commission des Finances en raison de l'impossibilité de trouver un consensus pour rendre des comptes aux citoyens de manière sereine. Les droits du Parlement s'en ressentent.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a regretté que sa proposition soit jugée comme une démarche partisane. Il a rappelé le désaccord complet de la majorité et de l'opposition sur certains sujets et sur certaines politiques. Le nier serait hypocrite. S'agissant du prétendu héritage, l'audit mené en 2002 a permis de dresser un état des lieux objectif. La majorité a fait le choix de garder les deux mêmes auditeurs qu'en 1997, ce choix ne peut être critiqué aujourd'hui. Or, il apparaît que la situation budgétaire s'est particulièrement dégradée et il est tout à fait normal que le Parlement s'interroge sur cette situation préoccupante. Cela ne constitue en rien une démarche partisane au sein de la commission des Finances. De plus, les propositions faites ne remettent pas en cause la loi organique relative aux lois de finances. Cette loi a représenté des avancées importantes comme en témoigne le fait que l'opposition de l'époque l'ait adoptée. Cependant, ce texte ne constitue en rien une norme intangible. C'est pourquoi de nouvelles propositions sont faites aujourd'hui. Elles seront d'ailleurs renouvelées en dehors du cadre de la commission d'enquête. Ces pistes de réforme n'ont pas été explorées en 2001 car, à l'époque, l'opposition disposait d'un pouvoir de contrôle, notamment au sein du Sénat. La situation hebdomadaire des finances publiques était connue de celle-ci comme du Président de la République. Aujourd'hui, le contexte a changé puisque le pouvoir de contrôle de l'opposition dépend complètement du bon vouloir de l'exécutif. Ces réformes seront de nouveau proposées en cas d'alternance politique puisqu'elles sont salutaires pour le bon fonctionnement de la démocratie.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que l'introduction des mesures de contrôle dans le texte de la loi organique relative aux lois de finances résultait de l'initiative du Sénat. Si le débat sur les comptes publics peut être amélioré, l'utilisation de la procédure de la commission d'enquête ne constitue pas une bonne méthode et représente un dévoiement de la procédure législative.

La commission des Finances a alors rejeté la proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a élu M. Marc Laffineur, vice-président.

Elle a nommé :

Mme Béatrice Pavy et M. Jean-Michel Fourgous, membres de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) ;

M.  François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la Défense ;

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial du Travail ;

M.  Yves Censi, rapporteur spécial de la Poste et des télécommunications ;

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, rapporteur spécial de la Solidarité ;

M.  Pascal Terrasse, rapporteur spécial de la Forêt ;

M. Jean-Claude Mathis, rapporteur spécial des Anciens combattants ;

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial des Affaires étrangères ;

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de l'Enseignement supérieur.

Elle a également désigné :

- Mme Marie-Hélène des Esgaulx, comme candidate suppléant pour siéger au comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.

M. Victor Brial, comme candidat titulaire pour siéger au conseil de surveillance de l'agence française de développement ;

M. Jean-Pierre Gorges, comme candidat titulaire pour siéger au conseil d'orientation stratégique du fonds de solidarité prioritaire ;

M. Jean-Michel Fourgous, comme candidat titulaire pour siéger au comité des prix de revient de fabrications d'armement.

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