COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 56

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 8 juin 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président.

SOMMAIRE

 

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Communication de M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial de l'aménagement du territoire, sur l'exécution des contrats de plan Etat-régions

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- Informations relatives à la Commission

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La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan a entendu une communication de M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial des crédits de l'aménagement du territoire, sur l'exécution des contrats de plan Etat-régions.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial, a indiqué qu'il a été chargé, en tant que Rapporteur spécial des crédits de l'aménagement du territoire, de faire le point sur l'exécution budgétaire de l'actuelle génération de contrats de plan Etat-régions. L'objectif est d'éclairer la Commission sur les causes du retard constaté dans l'exécution de ces contrats. En effet, ces retards suscitent des inquiétudes et font craindre que certains projets d'infrastructures ne soient pas réalisés en 2006. Par ailleurs, certaines opérations étant co-financées par les fonds structurels européens, ces retards pourraient avoir pour conséquence des dégagements d'office et la perte pour la France de financements communautaires. Outre le bilan budgétaire fourni par la Datar, il a souhaité connaître, de façon plus précise, l'exécution des contrats de plan au niveau local et s'est déplacé dans deux régions, le Limousin et l'Auvergne - aux données socio-économiques comparables qui ont eu des majorités politiques différentes de 1986 à 2004 - et il a approfondi l'exécution budgétaire du volet transports collectifs en Ile-de-France en raison du montant élevé de crédits qu'il représente. Différents interlocuteurs ont été rencontrés : responsables des préfectures de région, directeurs des services déconcentrés régionaux et représentants des conseils régionaux. Ces éléments complètent l'analyse faite dans le rapport spécial relatif aux crédits de l'aménagement du territoire.

La quatrième génération de contrats de plan Etat-régions représente une enveloppe globale d'environ 41 milliards d'euros. L'Etat finance les contrats à hauteur de 17,51 milliards d'euros. Les principaux ministères concourant au financement des contrats de plan Etat-régions sont le ministère de l'équipement à hauteur de 40,81% du montant global, celui de l'éducation nationale à hauteur de 17,21%, celui de l'agriculture à hauteur de 8,42%, celui de la ville à hauteur de 7,07% et celui de l'aménagement du territoire à hauteur de 6,38%. Les crédits du budget de l'aménagement du territoire ne représentent donc qu'une partie très minoritaire du budget des contrats de plan. Les régions apportent leur contribution à hauteur de 17,75 milliards d'euros, les autres collectivités territoriales contribuent à hauteur de 5,75 milliards d'euros et les fonds structurels européens cofinancent des opérations à hauteur de 10,21 milliards d'euros pour 2000-2006. Les contrats de plan représentent 15 à 20% du budget d'investissement civil de l'Etat et 20 à 25% des budgets d'investissement des régions. Les crédits délégués par les ministères portent le taux de mise en œuvre des crédits d'Etat à environ 45,71% au 31 décembre 2003. Inférieur au taux théorique des 4/7èmes qui est de 57,1%, ce taux est supérieur aux 42,9% correspondant au taux théorique sur trois ans, qui est de 43%. Les contrats ayant été conclus durant le premier semestre 2000, ce taux est révélateur des retards constatés dès les premières années d'exécution des contrats de plan. Selon les éléments de programmation communiqués par les ministères, ce taux pourrait atteindre 54% fin 2004.

Plusieurs ministères ont un taux d'engagement insuffisant. C'est le cas notamment du ministère de l'équipement, avec un taux de délégation de 39,74%, du ministère des affaires sociales, avec un taux de délégation de 27,81%, du ministère délégué aux PME, avec un taux de délégation de 32,89%, et de celui de l'environnement, avec un taux de délégation de 41,9%. Le retard du ministère de l'équipement a une forte incidence sur le taux national compte tenu de l'importance de la part de ce ministère dans les contrats. S'agissant des projets routiers, le taux d'exécution se situe à 43,84%, celui du volet « exploitation de la route » se situe à 67,5%. Par conséquent, le taux d'exécution de l'ensemble du volet routier est de 44,31%. Ce retard résulte de la montée en puissance très progressive des programmes d'infrastructures. La réalisation des projets ferroviaires, avec un taux d'exécution de 26,74%, présente un retard préoccupant. L'achèvement des opérations pourrait être retardé de 2007 à 2010.

D'autres ministères, en revanche, ont un taux d'avancement satisfaisant. C'est le cas notamment du ministère de l'éducation nationale, avec un taux de délégation de 55,11%, du ministère de la ville, avec un taux de délégation de 56,81%, du ministère de l'emploi, avec un taux de délégation de 53,26%, et du ministère de la défense, avec un taux de 56,97%.

L'exécution du volet enseignement supérieur et recherche est satisfaisante avec un taux de délégation de crédits de 56,29%. Les contrats de plan financent notamment le plan « U3M » à hauteur de 6,4 milliards d'euros, répartis à parité entre l'Etat et les collectivités territoriales. En ce qui concerne le budget d'aménagement du territoire, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire finance les contrats de plan à hauteur de 1.117,45 millions d'euros sur la période 2000-2006. Les crédits délégués par le ministère de l'aménagement du territoire de 2000 à 2003 portent le taux de mise en œuvre des crédits à 46,45%. Les taux d'exécution en 2000 et 2001, respectivement de 10,9% et de 12,4%, montrent les retards accumulés dès les premières années puisque les taux théoriques de consommation sont de 14,3% la première année et de 28,6% la deuxième année.

Le contrat de plan dans la région Limousin représente 582,74 millions d'euros sur la période 2000-2006, dont 327,61 millions d'euros à la charge de l'Etat. Ce dernier finance 56% du contrat de plan. Le montant des crédits délégués entre 2000 et 2003 est de 156,3 millions d'euros et porte le taux d'exécution des crédits à 41,9%.

Le principal ministère contributeur est celui de l'équipement, à hauteur de 116,5 millions d'euros. S'agissant des transports, le taux de délégation des crédits de 27,6% est insuffisant. Concernant le volet routier, seuls 28,6% des crédits inscrits au contrat de plan ont été délégués. Ce retard résulte de la priorité donnée à la poursuite de l'aménagement de la route Centre Europe Atlantique qui représente 108 millions d'euros en Limousin, mais qui est une opération inscrite hors contrat de plan. Le taux de délégation de 65% de ce programme est particulièrement satisfaisant. S'agissant du volet ferroviaire, aucune délégation de crédits n'est encore intervenue en ce qui concerne la liaison Limoges-Poitiers. L'opération a été ralentie du fait de la position de la région Poitou-Charentes, sur la délimitation du périmètre du train express régional (TER). Les négociations ont repris au cours de l'année 2003, et une convention d'étude de projet de modernisation de la ligne pourrait être signée au cours de l'année 2004. Dans le domaine de l'enseignement supérieur, l'avancée du contrat de plan Etat-région est satisfaisante puisque, fin 2003, le taux de délégation des crédits est de 54,1%. Des mesures de gels de crédits sont intervenues en 2003. Par conséquent, les délégations d'autorisations de programme ont été effectuées tardivement et certaines opérations ont pris du retard du fait de l'insuffisance des crédits de paiement. Cependant, ce retard reste limité, et aucune opération n'a été remise en cause du fait de la régulation budgétaire.

Le contrat de plan dans la région Auvergne représente 705 millions d'euros sur la période 2000-2006 dont 427 millions d'euros à la charge de l'Etat. Parallèlement au contrat proprement dit, et pour la même durée, l'Etat et la Région Auvergne ont élaboré conjointement trois programmes interrégionaux qui mobilisent 169,95 millions d'euros à la charge de l'Etat et 53,55 millions d'euros à la charge de la Région. Le montant des crédits délégués au 31 décembre 2003 est de 207,6 millions d'euros, soit un taux d'exécution de 51%. Cela représente un retard d'environ 6 mois par rapport à la programmation théorique. Ce taux est supérieur aux prévisions faites par la Datar fin 2003 d'un taux de 45,39%. L'exécution budgétaire en 2000 et 2001 avec des taux de délégation de 10,3% et de 12,4% met aussi en évidence les retards accumulés les deux premières années.

Le principal budget du contrat de plan est celui de l'équipement. Les crédits affectés aux réseaux routiers et aux équipements ferroviaires, au 31 décembre 2003, représentent 88,64 millions d'euros, soit un taux de délégation de 43,42%. L'année 2003 a permis un rattrapage important du retard constaté au cours des trois premières années. Ainsi, les crédits délégués pour le réseau routier ont été 1,3 fois supérieurs au montant théorique de 1/7ème. Cette situation s'explique par le commencement des travaux du tunnel du Liorant.

Le contrat de plan entre l'Etat et la région Ile-de-France représente 7,7 milliards d'euros sur la période 2000-2006, dont 3 milliards d'euros à la charge de l'Etat et 4,7 milliards d'euros à la charge de la région. Au 31 décembre 2003, le montant des crédits délégués par l'Etat est de 1,43 milliard d'euros, soit un taux d'exécution de 47,3%.

Le budget relatif aux transports collectifs en Ile-de-France représente 986,4 millions d'euros. Le volet « infrastructures de transport en commun » représente 832,4 millions d'euros. Au 31 décembre 2003, le taux de délégation des crédits était de 32%. Ce retard résulte du manque de maturité de certains projets. Plusieurs projets ont été intégrés dans le contrat de plan, alors qu'aucune étude préalable approfondie n'avait été faite. C'est le cas du projet de réalisation d'une ligne ferrée à grand gabarit reliant Versailles et Corbeil, appelée « tangentielle sud », dont les travaux n'ont toujours pas débuté en 2004. Ainsi le taux de délégation des crédits a été particulièrement faible dans les premières années. Il était de 2,23% en 2000 et de 7,9% en 2001, très loin du taux théorique de 28,5%. Depuis 2000, les études et la concertation locale ont avancé et permis de disposer à ce jour de schémas de principes, approuvés pour la quasi-totalité des projets, à l'exception des tangentielles. La révision à mi-parcours sera très contrainte, le montant actualisé des projets, incluant les surcoûts, l'inflation, le nombre élevé de projets inscrits, étant très supérieur aux montants financiers inscrits au contrat de plan.

Les difficultés de l'Etat pour exécuter les contrats de plan résultent en partie d'un contexte budgétaire tendu qui impose de faire des choix et de financer en premier lieu les priorités. Cependant, les retards d'exécution trouvent surtout leur origine dans les limites structurelles de l'actuelle génération de contrats de plan : lenteur de leur mise en œuvre, lourdeur de la procédure, retard des projets locaux. Ces limites justifient la réflexion actuelle engagée par le Gouvernement pour les réformer .

L'insuffisance du taux d'exécution résulte en partie du retard pris dans les premières années pour débuter les différentes actions programmées. Ainsi la première année, seuls 9,2% des crédits du ministère de l'équipement, 5,45% des crédits du ministère du logement, et 6,82% des crédits du ministère de la santé ont été délégués, loin du taux théorique de réalisation de 14,3%. Le retard est tout d'abord lié au processus d'élaboration du contrat qui implique la concertation de nombreux acteurs. Ainsi, le contrat de plan entre l'Etat et la Région Auvergne a été signé en juillet 2000, soit avec six mois de retard. Par ailleurs, plus de soixante conventions sectorielles, signées avec les différents partenaires locaux, ont été nécessaires pour décliner les programmations du contrat de plan, ce qui retarde d'autant le lancement des actions.

La lenteur de la mise en œuvre des actions est aussi liée au manque de préparation des projets, dont certains sont parfois inscrits dans le contrat de plan sans qu'aucune étude approfondie n'ait été réalisée en amont, comme le volet ferroviaire par exemple. Du fait de la multiplication du nombre de projets au moment de la signature du contrat, leur niveau d'études était souvent insuffisant, en particulier sur le plan du chiffrage des opérations. Aujourd'hui, de nombreux projets sont encore au stade des études.

Par ailleurs, la nécessité de rétablir la croissance et les contraintes budgétaires pesant sur l'Etat imposent des gels de crédits et rendent plus difficile l'exécution des contrats de plan Etat-régions. Le retard pris les premières années, en période de croissance, crée aujourd'hui une situation délicate. En effet, il existe un « effet ciseau » entre la montée en puissance rapide de nombreux projets en 2003, suite aux retards accumulés de 2000 à 2002, et la contrainte qui pèse sur le budget de l'Etat. Les contrats de plan ont été négociés en 1999, quand le taux de croissance était de 3,2%, du PIB alors qu'en 2003, le taux de croissance a été de 0,5%. En raison des gels budgétaires, certaines opérations ont pris un retard regrettable comme par exemple, les projets routiers en Auvergne qui connaissent un retard d'un an. De même, dans le domaine de la santé, on constate une sous-exécution des contrats de plan Etat-régions depuis 2001. Cependant, les gels intervenus dépendent du niveau de priorité des opérations et des chantiers en cours, comme en témoigne le phénomène de rattrapage qu'a connu en 2003, le volet routier en Auvergne.

En raison de dégels de crédits intervenus à la fin de l'année 2003, les taux d'exécution constatés sont meilleurs que les estimations de la Datar pouvaient le laisser supposer. Ainsi, alors que cette dernière, fin 2003, estimait les taux d'exécution respectivement à 40,08% dans le Limousin, et à 45,39% en Auvergne, les secrétaires généraux aux affaires régionales ont fait état d'un taux d'exécution de 41,9% dans le Limousin, et de 51% en Auvergne.

La multiplication des domaines contractualisés et des co-financeurs accroît la complexité des procédures et ralentit l'exécution des contrats de plan. L'actuelle génération de contrats de plan implique la participation de 20 ministères et 170 types d'actions sont recensés. L'extension du champ d'application des contrats de plan a abouti à un saupoudrage des crédits : plus de 200 lignes budgétaires sont concernées. Par exemple, au sein du budget du ministère de l'agriculture, près de 50 articles, au sein de chapitres, sont concernés dans les contrats de plan. L'exécution de ces 170 actions est d'autant plus difficile à réaliser qu'il n'existe aucune souplesse et aucune fongibilité des crédits au sein des budgets. Cependant, la révision à mi-parcours des contrats de plan s'effectue à enveloppe constante, mais avec une grande souplesse dans les possibilités de redéploiement des crédits au sein des enveloppes régionales.

De même, l'exécution budgétaire est contrainte par l'insuffisance des projets locaux du fait de la morosité de la conjoncture actuelle. De plus, l'actuelle génération de contrats de plan comprend un important volet territorial, qui finance les contrats de pays, d'agglomérations, de villes, de réseaux de villes et de parcs naturels régionaux. Le versement des crédits est lié à la signature de contrats de pays et d'agglomérations. Les retards constatés dans la mise en place des pays et des agglomérations retardent l'exécution budgétaire du volet territorial. Ainsi, dans la région Limousin, au 31 décembre 2003, aucun contrat de pays n'a été signé, bien que 16 territoires soient susceptibles de contractualiser avec l'Etat. Le contrat d'agglomération de Limoges n'a été signé que le 13 octobre 2003, et celui de Brive ne sera signé qu'au premier semestre 2004. Par ailleurs, l'exécution budgétaire dépend de l'avancement de la concertation entre partenaires locaux. Faute d'accord, les projets ne peuvent être mis en œuvre.

Il existe une ambiguïté autour de la notion de contrat de plan. L'engagement de l'Etat dans le cadre des contrats de plan ne constitue pas un engagement contractuel, au sens propre, mais davantage une programmation prévisionnelle des dépenses sur une période de 7 ans. Par conséquent, cette programmation peut faire l'objet de modifications, d'autant plus que les négociations lors de la signature du contrat peuvent favoriser certains effets d'annonce de la part tant de l'Etat que des régions. De même, la mise en œuvre des opérations donne très souvent lieu à une réévaluation notable des coûts, notamment concernant les projets d'infrastructure.

Surtout, l'Etat peut être amené, puisque la période de 7 ans est relativement longue, à réévaluer ses priorités et mettre en œuvre de nouveaux projets, en dehors de la contractualisation initiale. Ainsi, l'Etat a confirmé, lors du CIADT du 23 juillet 1999, son engagement dans plusieurs grands programmes d'infrastructures pour 2000-2006 qui représentent plus de 2,92 milliards d'euros hors contrat de plan Etat-région. Or, certains projets, hors contrat de plan, peuvent être devenus prioritaires, comme par exemple le projet de route Centre-Europe-Atlantique. De même, dans la région Ile-de-France, le désamiantage de Jussieu et la location de « locaux-tampon » représentent un nouveau chantier prioritaire de l'Etat, hors contrat de plan, et un engagement financier de 700 millions d'euros, alors que le volet enseignement supérieur du contrat de plan représente 600 millions d'euros. Par ailleurs, le financement des décisions prises en 2001 pour assurer la desserte du territoire en téléphonie mobile représente un engagement supplémentaire de l'Etat de 44 millions d'euros, qui pourraient être intégrés dans les contrats de plan, lors de la révision à mi-parcours actuellement en cours, si les régions le souhaitent. Par conséquent, le suivi de l'exécution des contrats de plan ne retrace qu'imparfaitement l'effort d'investissement de l'Etat dans les régions.

L'évaluation de l'exécution budgétaire des contrats de plan Etat-régions s'avérait particulièrement délicate. En effet, les chiffres fournis par la Datar, les régions et les ministères peuvent différer considérablement, pour plusieurs raisons. La Datar évalue l'exécution par chapitre budgétaire, alors que les régions évaluent par actions. Or, certains chapitres contiennent d'autres crédits que ceux destinés aux contrats de plan. Les crédits non consommés l'année n-1 et non redélégués l'année n font l'objet d'une comptabilisation différente par la Datar et les régions. Certains ministères ou certaines directions ne « flèchent » pas systématiquement les crédits contractualisés, à l'instar du ministère de la Culture, qui n'indique qu'a posteriori les crédits relevant des contrats de plan. De plus, les ministères ne respectent pas tous les modalités de suivi précisées par la Datar concernant les reports de crédits de fonctionnement ou les types de crédits à mentionner comme relevant des contrats de plan. Enfin, certains crédits, initialement prévus au titre de « l'avenant tempête » du contrat de plan ont été intégrés aux contrats de plan proprement dits.

Il n'existe pas de véritable outil informatique permettant d'assurer le suivi des contrats de plan comme permet de le faire le logiciel Présage pour les fonds structurels européens. La mise en place d'outils informatiques adaptés aux contrats de plan et permettant une évaluation précise de leur exécution est donc souhaitable.

M. Louis Giscard d'Estaing a conclu que le processus de contractualisation montre aujourd'hui ses limites. Les contraintes budgétaires pesant sur l'exécution des contrats ne font que révéler des limites structurelles plus profondes, et qualifiées de « péché originel » des contrats de plan par les différents intervenants rencontrés. Ces retards sont aussi liés à des causes propres à la génération présente de contrats de plan. En effet, certains projets ont été programmés, alors que les cocontractants savaient, dès la signature du contrat, qu'ils ne viendraient pas à maturité. L'inscription de certaines opérations a donc parfois constitué un simple effet d'annonce. Les cocontractants partagent la responsabilité politique de ces effets d'annonces. Par ailleurs, des retards ont été accumulés dans les premières années d'exécution des contrats et l'Etat doit faire face aujourd'hui à une pression financière accrue pour les rattraper. Par conséquent, il faudrait qu'il dégage des moyens supplémentaires par rapport à ceux prévus annuellement, afin que les engagements d'origine puissent être tenus dans la durée.

Malgré ses limites, la contractualisation reste un facteur primordial d'aménagement du territoire, car c'est un outil de dialogue entre l'Etat et les régions qui a permis de mener sur le long terme de nombreux projets d'aménagement et de modernisation du territoire et parce qu'elle permet de susciter des initiatives locales susceptibles d'être cofinancées par les programmes communautaires. La réflexion engagée par le Gouvernement sur les contrats de plan associe le Parlement, et plus particulièrement les délégations à l'aménagement et au développement durable du territoire de l'Assemblée Nationale et du Sénat. Cette réflexion doit conduire à faire évoluer le périmètre des contrats de plan afin que la prochaine génération soit plus réaliste en matière de projets et de capacités de mobilisation des crédits de l'Etat et des fonds structurels européens.

Le Président Pierre Méhaignerie a remercié M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial, pour le détail de ses investigations. L'analyse de l'exécution des contrats de plan Etat - régions montre un retard incontestable. Celui-ci apparaît d'ailleurs dès les première et deuxième années de la programmation, ce qui disqualifie toute interprétation tendant à le lier au changement de majorité parlementaire de juin 2002.

En outre, ce retard ne peut être tout à fait étranger à la forte croissance des dépenses sociales (+ 12% en deux ans) et à la mise en place des 35 heures, c'est-à-dire à l'affectation inévitable aux dépenses de fonctionnement de toutes les marges de manœuvre disponibles. Il ne fallait donc pas attendre de « miracle » quant aux dépenses d'investissement, le niveau actuel des prélèvements obligatoires excluant de demander plus au contribuable.

La leçon à tirer, à mi-parcours, des contrats de plan Etat-régions de l'actuelle génération est l'absolue nécessité de corriger la complexité des procédures, qui résulte de la multiplicité des structures parties prenantes. Les propositions de la Commission sont, ici, importantes.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a noté que le retard dans l'exécution des contrats de plan Etat-régions résulte avant tout de causes structurelles, les gels de crédits ne constituant qu'un facteur très secondaire :

- la complexité et la rigidité des procédures sont évidentes, de même que le saupoudrage des crédits entre des dossiers trop nombreux et une multiplicité d'intervenants nuisible au bon déroulement des projets. Les différents acteurs passent souvent du temps à « s'attendre les uns les autres ». Dans ces conditions, le retard enregistré dès le démarrage du processus ne peut que très difficilement être rattrapé ;

- nombre de projets ont été inscrits dans les programmations alors qu'ils n'étaient pas prêts, afin d'optimiser les « effets d'annonce ». En Ile-de-France, les années 1999-2000 ont vu la majorité relative du conseil régional céder aux sirènes des élus Verts, qui souhaitaient mettre l'accent sur les transports en commun ferroviaires. De nombreuses opérations ont été inscrites à ce titre dans le contrat de plan alors qu'elles n'étaient pas même en état de démarrer : la « tangentielle sud » ou le « trans-Val de Marne » en sont deux exemples. Cette politique d'affichage s'est faite au détriment des opérations routières, dont de nombreuses étaient, elles, matures. Paradoxalement, les opérations ferroviaires sont bloquées parce que les dossiers ne sont pas assez avancés tandis que les opérations routières sont bloquées parce que des crédits insuffisants ont été programmés, les redéploiements de crédits étant impossibles d'une catégorie vers l'autre.

Il faudra donc être beaucoup plus sélectif lors de la prochaine génération des contrats de plan Etat - régions, qui débutera en 2007. La sélectivité devra se traduire par :

- un nombre limité d'opérations structurantes, pour éviter la dispersion des crédits ;

- le choix d'opérations « mûres », sur le plan technique (notamment en matière d'études préalables) et politique (notamment en matière de concertations locales).

L'objectif n'est pas d`établir un catalogue de projets, mais de définir des enveloppes de crédits destinées à être effectivement consommées. Le rapport présenté par M. Louis Giscard d'Estaing montre d'ailleurs que des opérations conduites hors contrats de plan Etat - régions connaissent un déroulement satisfaisant.

M. Augustin Bonrepaux a rappelé que les commissaires socialistes de la Commission avaient demandé un rapport d'information sur l'exécution des contrats de plan Etat - régions pour ne pas avoir à attendre le lancement de la prochaine génération, à partir de 2007. Il faut réagir dès maintenant. Certaines critiques peuvent être adressées au rapport présenté aujourd'hui par M. Louis Giscard d'Estaing comme elles ont été adressées, récemment, au rapport présenté par M. Jean-Louis Dumont sur les fonds structurels européens. Ces deux rapports ne retracent pas l'ensemble des problèmes rencontrés dans le pays, par exemple la « disparition » des crédits européens en région Midi-Pyrénées ou ailleurs - à moins que cette région constitue une exception. On peut douter que les investigations de M. Giscard d'Estaing soient véritablement représentatives. Que des opérations soient bloquées en Ile-de-France ne serait pas condamnable en soi si cela permettait d'en débloquer ailleurs.

Si, incontestablement, des retards sont apparus dès la première année de programmation, s'il a fallu deux ans en moyenne pour finaliser les premiers exemplaires des contrats de pays institués par la loi de 1999, s'il est indéniable qu'ont été investis dans les contrats de plan Etat - régions des projets insuffisamment préparés, le Rapporteur spécial n'explique pas pourquoi dès la fin de l'année 2003, l'administration territoriale de l'Etat a indiqué qu'il n'y avait plus de crédits européens disponibles.

Le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire a récemment envisagé un étalement des investissements publics à vocation territoriale, ce qui est inquiétant. Quelle est donc la politique du Gouvernement en matière d'équipement local, d'aménagement du territoire, d'emploi ? L'expérience vécue en Ariège montre que les propos du secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire ne restent pas sans suite. Le département a pris des déclarations d'utilité publique pour des opérations routières importantes, les dossiers sont prêts et l'Etat a même fait l'acquisition des maisons d'une localité vouée à disparaître - Ussat-les-Bains est devenue une ville fantôme - tout est à l'arrêt faute de crédits disponibles. L'attention du Président de la Commission a été appelée par courrier sur les difficultés rencontrées dans la réalisation de la déviation autour d'Ax-les-Thermes. Or, il faut lancer les travaux sans plus attendre.

Enfin, les éléments d'information avancés sur l'impact des gels de crédits sont particulièrement éclairants. Si l'augmentation des dépenses de fonctionnement pèse sur les dépenses d'investissement, qu'en est-il des choix de la majorité qui s'est entêtée à baisser les impôts et à réduire les recettes ?

L'insuffisance des projets locaux n'est pas une explication convaincante du retard des contrats de plan Etat - régions. Il existe plutôt un flux soutenu de projets locaux et le Limousin n'est certainement pas à l'écart de cette tendance. Les contrats de plan Etat - régions engagent l'Etat, qui a donné sa signature, et il faut maintenant que les crédits soient mis en place. Or, début 2004, le conseil régional de Midi - Pyrénées a reçu une lettre du préfet de région l'informant qu'en l'absence de crédits, toute programmation était suspendue, et personne ne connaît le montant des crédits dont pourra disposer la région.

Le Rapporteur général propose de recentrer les crédits autour des projets jugés les plus « structurants », ce qui ne semble pas réaliste, compte tenu de leur nombre. On ne peut donc pas être d'accord avec les affirmations portées en page 12 du rapport qui indique également que l'évaluation de l'exécution des contrats de plan Etat - régions est difficile en raison des modes de comptabilisation différents selon la DATAR et selon les régions. Ce constat justifie à nouveau la demande d'un rapport d'information présentée par les commissaires socialistes de la Commission. Il faut une vision large et synthétique des difficultés rencontrées par l'actuelle programmation et clarifier les conditions dans lesquelles vont s'achever les contrats de plan Etat - régions 2000-2006. L'aménagement du territoire doit être une préoccupation commune à tous les membres de la Commission. C'est pourquoi le groupe socialiste demande à nouveau avec insistance que celle-ci suive attentivement l'exécution de l'actuelle génération de contrats de plan.

Le Président Pierre Méhaignerie a appelé à plus de réalisme : les contrats de plan ne pourront être pleinement réalisés en raison de la croissance des dépenses de fonctionnement et des dépenses sociales. Pourtant, la France se trouve relativement bien placée au regard de ses dépenses d'infrastructures, si on la compare à ses voisins européens, mais avec un niveau de prélèvements obligatoires très élevé.

En réponse à M. Alain Rodet qui indiquait que 75% des investissements civils sont financés par les collectivités locales et non par l'Etat, le Président Pierre Méhaignerie a rappelé la forte croissance des dégrèvements pris en charge par l'Etat au titre de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation, qui s'élèvent aujourd'hui à plus de 12 milliards d'euros. Ainsi, pour certaines villes, 45% des recettes de taxe d'habitation sont assumées par l'Etat.

S'agissant du régime juridique des contrats de plan, M. Alain Rodet a observé qu'ils avaient été protégés de la régulation budgétaire intervenue au printemps 1991, ce qui constitue un précédent important. Pour augmenter le taux d'exécution des contrats, il faudrait explorer la piste de la fongibilité des dépenses. Par ailleurs, les projets les plus affectés par la politique de gel et de régulation des dépenses sont ceux du ministère de l'équipement et des transports, ce qui rejoint les conclusions du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 18 décembre dernier. Cette situation illustre le problème central de la politique de l'aménagement du territoire. Au total, le rapport d'information présenté semble pêcher par optimisme.

M. Denis Merville, évoquant son expérience des contrats de plan, a considéré qu'ils constituent souvent un moyen pour l'Etat de faire prendre en charge par les collectivités locales des dépenses qui relèvent de sa compétence. C'est le cas, par exemple, des routes nationales pour lesquelles l'Etat n'apporte que 27% des crédits contre 40% pour les collectivités locales. Dans ce contexte, la question de la légitimité des contrats de plan se pose. Par ailleurs, nombre d'entre eux présentent des projets non finalisés, c'est-à-dire de simples effets d'annonce, à l'instar des projets ferroviaires qui accumulent un retard inquiétant. Le volet territorial des contrats est lui aussi sujet à caution dans la mesure où, dans de nombreux cas, il crée des doubles emplois avec des dépenses prises en charge par le seul conseil général. De plus, certains services administratifs cherchent à tout prix à définir des projets pour les contrats de plan alors que l'argent manque. Il conviendrait donc de n'inscrire dorénavant dans les contrats que les dossiers véritablement prêts. Enfin, la réforme de l'Etat implique la recherche d'économies et de gains de productivité, il serait donc souhaitable de chiffrer le coût de la préparation et de l'élaboration de contrats de plan qui mobilisent souvent un grand nombre de personnes pendant une durée assez longue sur des projets dont le niveau de financement peut être relativement faible.

M. Charles de Courson a distingué les dépenses civiles d'investissement prises en charge par les collectivités locales pour leur montant en valeur et pour leur montant en volume, afin de tenir compte de l'évolution du coût de la construction. Ce distinguo permet de souligner certaines dérives, en particulier dans le domaine des transports. Il conviendrait par ailleurs de déléguer davantage la maîtrise d'ouvrages des projets contractualisés aux collectivités locales et de ne plus les confier systématiquement à l'administration de l'équipement.

S'agissant des fonds de concours qui financent les projets, il conviendrait d'évaluer la partie du financement revenant à l'Etat qui a été préfinancée par les collectivités locales. Il en ressortirait que la bonne exécution observée pour certaines régions, à l'instar de la région Champagne-Ardennes, tient surtout à l'importance des dépenses de l'Etat préfinancées par les collectivités locales. S'agissant des fonds européens, la question d'une mobilisation plus grande de ces fonds doit être étudiée au regard de l'expérience alsacienne afin de voir si la délégation directe des crédits européens a pu permettre une accélération de leur utilisation. Il conviendrait par ailleurs de vérifier que la direction du budget n'a pas conservé une partie des fonds européens en réduisant la part de financement assumée par l'Etat, ce qui constituerait un détournement de ces fonds.

Enfin, il paraît souhaitable d'introduire plus de souplesse dans la gestion des crédits en permettant la fongibilité des dépenses. Cet objectif devrait être cependant compatible avec les nouvelles règles de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui n'autorise cette fongibilité qu'à l'intérieur de chaque programme.

Intervenant en application de l'article 38 du Règlement, M. Emile Blessig, Président de la Délégation de l'Assemblée nationale à l'aménagement et au développement durable du territoire, a indiqué que la Délégation, à l'instar de la délégation éponyme du Sénat et du Conseil économique et social, réfléchit sur la structure des contrats de plan qui devraient succéder aux contrats en cours à compter de l'année 2007. MM. Louis Giscard d'Estaing et Jacques le Nay ont conjointement été chargés de mener cette réflexion au sein de la Délégation de l'Assemblée nationale.

Il convient de rappeler que le régime juridique du contrat de plan ne constitue pas un contrat en bonne et due forme au sens de notre droit civil, mais bien un document de programmation, ce qui a malheureusement pu contribuer à ce que de purs effets d'annonce se substituent parfois à de réels engagements.

En tout état de cause, la réflexion sur la structure des futurs contrats de plan devra préciser leur place au regard du processus actuel de décentralisation et des outils européens d'aménagement du territoire. Il sera également nécessaire d'éviter le « saupoudrage » des crédits, qui constitue, d'ailleurs, un moyen d'organiser la contribution obligatoire des collectivités territoriales aux projets décidés par l'Etat. Il faudra recentrer les contrats de plan autour de priorités issues d'une concertation prenant en compte, d'une part, les contrats passés entre collectivités territoriales et, d'autre part, les principaux projets européens. Il sera enfin nécessaire de définir plus précisément l'outil lui-même, tant la diversité de ce qu'il recouvre actuellement nuit à la compréhension des acteurs et provoque des pertes d'efficacité et de temps.

Les travaux de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire seront utilement éclairés par les travaux de la Commission concernant l'exécution budgétaire des contrats en cours.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé nécessaire à l'avenir, d'éviter de mettre les contrats de plan au service de la réalisation de salles polyvalentes, de telles pratiques allant de pair avec la dispersion des sources de financement.

M. Augustin Bonrepaux a douté du sérieux d'une telle affirmation qui ne se vérifie pas dans le département de l'Ariège.

Le Président Pierre Méhaignerie a salué la qualité des contrats dans ce département et cité la région Bretagne où des salles polyvalentes ou d'exposition ont été réalisées par de tels financements, comme à Fougères ou à Dinan.

M. Emile Blessig a souligné la différence de nature entre, d'une part, les fonds européens qui sont des crédits de paiement et, d'autre part, les contrats de plan qui constituent des instruments de programmation financière. Ces deux outils sont néanmoins liés puisque les seconds sont souvent la contrepartie nationale des premiers. A ce titre, il est important de promouvoir une mise à disposition efficace des crédits prévus dans les contrats de plan quand précisément ils ont vocation à financer un projet mis en œuvre par des fonds européens, s'agissant notamment des départements d'outre-mer, qui demeureront éligibles à l'objectif 1 suite à la réforme des fonds structurels communautaires.

M. Jean-Louis Dumont a estimé que la description de l'exécution des contrats de plan en cours par le Rapporteur spécial rappelle la description de l'exécution des lois de programmation militaire durant les années quatre-vingt, appelées en leur temps « plans glissants », car n'atteignant jamais leurs objectifs initiaux et leur réalisation effective étant toujours repoussée à la programmation suivante. Il reste qu'une utilisation efficace des crédits destinés à l'aménagement du territoire est possible. Ainsi, la mise en œuvre de la réalisation du tunnel du Liorant en Auvergne, attendue depuis plusieurs décennies, se déroule dans des conditions satisfaisantes, alors même que les fonds communautaires qui permettent son financement demeurent gérés directement par l'Etat, et ce, la précision étant déterminante, dans la transparence et en concertation avec les élus locaux. Il est probable qu'une concertation et une transparence insuffisantes sont à l'origine des déboires décrits par M. Augustin Bonrepaux s'agissant de l'Ariège. Il faut déplorer que la DATAR, dans l'étude de la réalisation des projets, s'en tienne à constater des ratios de consommation des crédits et ne cherche pas à juger de l'effectivité de ces modalités de travail.

En tout état de cause, la délégation de la gestion des crédits communautaires à la région ne constitue pas la panacée. Comme le montre l'exemple de l'Alsace, une telle délégation ne peut être efficace, si elle est mise en œuvre, sans que les trésoriers-payeurs généraux tiennent un rôle effectif de conseil auprès des nouveaux responsables de la gestion des crédits et que la Caisse des dépôts et consignations explicite à ces derniers les circuits financiers correspondants.

En tant que Rapporteur spécial du budget des Affaires européennes, M. Jean-Louis Dumont est prêt à contrôler l'activité des trésoriers-payeurs généraux, s'agissant de l'efficacité de la gestion déconcentrée des fonds européens. Il serait d'ailleurs opportun de contrôler également la gestion par les représentants de l'Etat des crédits permettant le financement des projets des contrats de pays, ce qui pourrait faire apparaître une gestion parfois dépendante du bon vouloir de certains élus locaux, lesquels imposent leurs choix aux représentants de l'Etat, au gré des amitiés et des fidélités politiques locales. A titre d'illustration, on comprendrait peut-être les raisons pour lesquelles certain projet relatif à la mémoire de la Première guerre mondiale demeure encore aujourd'hui bloqué dans le département de la Meuse.

Il est par ailleurs certain que la fongibilité des crédits promet une efficacité accrue de leur utilisation. Le souffle nouveau observable s'agissant de la construction des logements sociaux peut être expliqué, au moins partiellement, par la mise en œuvre de cette technique.

M. Didier Migaud a constaté que les questions nombreuses des membres de la majorité et de l'opposition prouvent que ce rapport n'est qu'une ébauche, qui justifie pleinement la demande du groupe socialiste de constituer une mission d'information sur l'exécution des contrats de plan en cours. Une telle initiative permettrait à M. Louis Giscard d'Estaing de compléter les réponses qu'il a commencé à apporter aux justes questions qu'il s'est posées. Il est exact que les contrats de plan permettent à l'Etat de contraindre les collectivités territoriales à financer des projets avant tout envisagés par lui, objectif que l'acte II de la décentralisation poursuivra par d'autres moyens.

Il s'est déclaré inquiet des propos du Président Pierre Méhaignerie, admettant que les contrats de plan en cours d'exécution ne seraient pas réalisés entièrement. Ces propos sont inacceptables, d'autant plus qu'ils témoignent en fait de sa volonté de limiter la dépense publique. Or, la France n'est pas un pays suréquipé, comme en témoignent les territoires en difficulté, qui doivent pouvoir bénéficier d'une politique de péréquation généreuse et volontariste.

S'agissant du rapport préliminaire de la Cour des comptes sur les résultats de l'exécution des lois de finances pour 2003, la gravité de la situation qui y est décrite, la sévérité des termes employés s'agissant de la détérioration du solde du budget de l'Etat ou encore de l'augmentation de la dépense publique, justifient d'organiser, dans les délais les plus rapides, l'audition par la Commission du Premier président de la Cour des comptes et du Ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des finances, de l'industrie. Il ne s'agit plus d'appréciations portées par l'opposition mais de celles de la Cour des comptes. L'exécution des lois de finances pour 2003 révèle que celles-ci ont été élaborées et adoptées comme des dispositions d'affichage, voire mensongères.

Il a renouvelé la demande du groupe socialiste tendant à constituer une mission d'information ou une commission d'enquête sur l'exécution des contrats de plan Etat-régions. Le travail, utile, de M. Louis Giscard d'Estaing prouve que de nombreuses questions doivent encore être posées qui appellent des réponses dépassant trois monographies régionales.

Le Président Pierre Méhaignerie a relevé que le rapport de la Cour des comptes comporte des appréciations en réalité aussi sévères pour l'actuelle majorité que pour la précédente. Il fait notamment le bilan des choix opérés par le précédent Gouvernement, qui n'a pas hésité à engager 11 milliards d'euros de dépenses supplémentaires entre 2001 et 2002. Ces dépenses de grande envergure réalisées pendant une période de croissance entravent aujourd'hui la capacité d'action des pouvoirs publics.

M. Augustin Bonrepaux a estimé très mal venu de ne pas donner suite à la demande de création d'une mission d'information sur les contrats de plan Etat-régions. A partir de cette année, la réalisation des contrats de plan devrait pouvoir se dérouler dans des conditions normales, l'année 2003 ayant été une année de transition. Si ce n'était pas le cas, le crédit de l'Etat serait atteint alors que, dans chaque département, les préfets expliquent que la parole de l'Etat doit être respectée. Il ne faut pas oublier que de nombreux contrats de pays ont été signés dans la perspective de la réalisation des contrats de plan.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé très lourde la responsabilité du précédent Gouvernement et de sa majorité. Les dépenses sociales ont augmenté de 12% en deux ans au cours de l'ancienne législature ; quant à la mise en place des 35 heures, elle s'est avérée excessivement coûteuse. Du fait de ces choix, il n'est guère étonnant que les moyens financiers manquent aujourd'hui pour réaliser les grands investissements prévus dans les contrats de plan.

M. Marc Laffineur a estimé guère surprenantes les conclusions du Rapporteur spécial lorsque l'on connaît l'histoire des contrats de plan. Lors des négociations relatives à leur élaboration, il n'est pas rare de voir les préfets, d'un côté, et les élus, de l'autre, vouloir imposer, les uns et les autres pour des raisons différentes, quelques projets en particulier. En outre, les contrats de plan en cours d'exécution ont été négociés dans une période préélectorale, ce qui incite en général les élus locaux à plaider pour la mise en place de grands projets d'équipement.

Le précédent Gouvernement ne pouvait ignorer que des réformes telles que la réduction du temps de travail ou l'allocation de prestation autonomie (APA) auraient des conséquences financières lourdes à moyen et long termes. A l'heure actuelle, on peut se demander si les contrats de plan ont encore une raison d'être. Le travail et la mobilisation de tous les acteurs nécessaires à leur préparation paraissent considérables et sans doute disproportionnés par rapport aux résultats obtenus.

M. Marc Laffineur a pris l'exemple d'un projet d'investissement sur l'axe routier entre Angers et Rennes. D'après le contrat de plan, l'Etat fournirait seulement 22,5% des fonds, le reste des financements étant assumés par les collectivités locales. Force est de constater que cette situation est représentative de la dérive actuelle. De même, la question du volume et de la nature des fonds européens mérite d'être posée et clarifiée ; dans le passé, les préfets ont souvent prétendu que ces fonds correspondaient en réalité à des financements de l'Etat, ce qui n'est pas exact. Il est par ailleurs de plus en plus difficile de faire admettre aux acteurs concernés que les fonds européens ont tendance à diminuer.

En définitive, quelles que soient les majorités concernées, la réalisation des contrats de plan Etat-régions se passe dans des conditions peu satisfaisantes.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx s'est interrogée sur le respect par les régions de la clause de renégociation des contrats de plan à mi-étape. Il était en effet prévu qu'à la mi-décembre 2003, les signataires des contrats de plan se réunissent et discutent ensemble de leurs modalités de réalisation au cours de la deuxième partie de leur mise en œuvre. Il se trouve que beaucoup de régions n'ont pas respecté cette procédure. En Aquitaine par exemple, le président du conseil régional s'y est totalement opposé pour diverses raisons d'affichage politique. Il serait intéressant de savoir avec précision dans quelles régions la procédure de renégociation s'est déroulée comme prévu et avec quels résultats.

La mise en œuvre de tout contrat de plan dépend de la bonne volonté des deux parties, c'est-à-dire non seulement de l'Etat mais également de la région. De nombreux blocages proviennent en réalité de dysfonctionnements propres aux conseils régionaux. S'agissant des investissements routiers, en Gironde par exemple, de nombreux projets sont actuellement au point mort pour la simple raison que la Région est incapable d'indiquer quelle est sa priorité et donc de s'engager pleinement dans le processus de réalisation du contrat de plan.

Le Président Pierre Méhaignerie a relevé que la prise de fonction d'élus écologistes dans les conseils régionaux allait sans doute avoir un effet sur les investissements routiers : les projets de construction de routes devraient en effet diminuer dans les années à venir.

M. Edouard Landrain a considéré que le mode de réalisation et d'exécution des contrats de plan doit être amélioré. Lors des premières générations de contrats de plan, les différents acteurs intéressés à sa réalisation se comportaient de façon solidaire ; tel n'est plus le cas désormais. Aujourd'hui, il n'est pas rare que les mêmes cabinets d'étude proposent sur l'ensemble du territoire des projets déjà « ficelés » mettant en œuvre les mêmes recettes. Il est même arrivé que les maires de communes littorales, par exemple, s'évertuent à faire financer par l'intermédiaire du FEDER des projets culturels de faible intérêt simplement pour pouvoir bénéficier de financements communautaires. En réalité, la nécessité de ne faire financer que des projets réellement structurants grâce aux contrats de plan a été progressivement perdue de vue.

En réponse aux différents intervenants, M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial, a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant de la procédure de révision à mi-parcours des contrats de plan, 7 régions ont procédé à la révision de leur contrat de plan en 2003, 3 régions en 2004 ;

- s'agissant de la notion de « contrat glissant » évoquée par M. Jean-Louis Dumont, la situation actuelle n'est pas inédite, l'exécution de la génération précédente de contrats de plan 1994-1999 ayant été rallongée d'une année ;

- il convient de noter que l'axe Clermont-Ferrand-Limoges est constitué, dans le département du Puy-de-Dôme, par une route départementale, dans le Limousin, par une route nationale, et que la voirie départementale est en bien meilleur état que la voirie nationale ;

- en réponse aux critiques concernant l'absence de fongibilité des crédits des contrats de plan Etat-régions, il convient de rappeler qu'à l'occasion de la révision des contrats à mi-parcours, certains crédits peuvent être redéployés au sein des enveloppes régionales ;

- les contrats de plan peuvent, en effet, être un moyen pour l'Etat de faire supporter aux collectivités locales des dépenses qui relèvent de sa compétence. Cette question mérite d'être soulevée dans le débat sur l'autonomie financière des collectivités locales ;

- s'agissant du coût d'élaboration des contrats de plan Etat-régions, M. Jean-Louis Dumont, dans son rapport d'information relatif aux fonds structurels européens, évalue à 85.000 euros pour la région Aquitaine le coût de traitement des dossiers au titre du bénéfice des fonds structurels européens ;

- il est vrai que l'augmentation des prix dans le secteur du bâtiment et des travaux publics n'a pas été prise en compte lors de l'évaluation initiale du coût des projets routiers ;

- afin de répondre aux interrogations soulevées sur l'utilisation des crédits issus des fonds de concours au titre du financement des contrats de plan Etat-régions, il conviendra d'effectuer un contrôle sur pièces et sur place à la direction du budget ;

- des causes structurelles concourent effectivement à l'inexécution partielle des contrats de plan Etat-régions, en raison notamment des effets d'annonce, les contrats prévoyant des opérations dont les cocontractants savent qu'elles ne seront pas réalisées ;

- le choix d'étudier plus spécifiquement l'exécution des contrats de plan dans les régions Auvergne et Limousin s'explique par le fait que ces deux régions sont géographiquement voisines, confrontées à des difficultés analogues mais de majorités politiques différentes et représentatives des difficultés rencontrées dans des régions comparables, notamment de montagne ;

- le délai nécessaire à la mise en œuvre des dispositions de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale concernant les contrats de pays explique le retard constaté dans l'exécution du volet territorial des contrats de plan Etat-régions ;

- l'Etat et les régions ne sont pas confrontés aux mêmes contraintes, le budget des collectivités territoriales étant, à la différence de celui de l'Etat, à l'abri des mesures de régulation budgétaire ;

- s'agissant du statut juridique des contrats de plan Etat-régions, il importe d'en retenir les aspects positifs, notamment le dialogue qui s'est instauré entre l'Etat et les régions, même s'il est vrai que ces contrats ne créent pas d'engagement définitif de la part de l'Etat.

Le Rapporteur général, a estimé que la création d'une mission d'information ne se justifie pas, le travail de M. Louis Giscard d'Estaing étant suffisamment complet. Le souci de l'utilisation des fonds de concours apporté au titre du financement des contrats de plan Etat-régions appartient légitimement au Rapporteur spécial. Le contrôle de l'exécution des contrats de plan Etat-régions sera poursuivi par le Rapporteur spécial et par la Délégation à l'aménagement du territoire et au développement durable du territoire.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial, a souligné la nécessité d'assurer la coordination de ses propres travaux avec ceux de la Délégation à l'aménagement du territoire et au développement durable du territoire. A cet égard, il importe que le Rapporteur spécial des crédits de l'aménagement du territoire soit membre de la Délégation. Enfin, il conviendrait qu'une ligne de crédit soit consacrée, dans les contrats de la génération actuelle, aux études préparatoires à la prochaine génération de contrats de plan afin de limiter les retards dans l'exécution des contrats futurs.

M. Didier Migaud a déploré que la proposition de création d'une mission d'information ne soit pas retenue. Il attribue ce refus à la volonté d'exclure l'opposition du suivi de l'exécution des contrats de plan Etat-régions. Il proposera en conséquence une résolution visant à créer une commission d'enquête.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que la Délégation à l'aménagement du territoire et au développement durable du territoire, instance de contrôle spécifiquement dédiée à l'aménagement du territoire, compte cinq membres de l'opposition et est pleinement associée au processus d'évaluation des contrats de plan Etat-régions. S'il y a bien un retard regrettable dans la mise en œuvre de ces contrats, les causes en sont multiples : un décalage initial, des procédures complexes, un empilement de structures, une situation budgétaire aujourd'hui tendue. Les mesures de régulation budgétaire sont communiquées à la Commission. Il est souhaitable de renouveler périodiquement l'exercice auquel la Commission vient de se livrer. Enfin, il est loisible à l'opposition de s'informer plus amplement auprès des présidents de région sur ce sujet. Les membres de l'opposition peuvent donc suivre l'exécution des contrats de plan, qui se fait en toute transparence.

M. Augustin Bonrepaux s'est indigné du refus de créer une mission d'information. Il entre pleinement dans les attributions de la Commission de contrôler avec vigilance les conditions d'exécution de la dépense, s'agissant en particulier de crédits d'investissement dont l'actuelle majorité proclame par ailleurs régulièrement l'importance fondamentale pour notre pays. Se désintéresser de l'attitude de l'Etat dans l'exécution des contrats de plan s'apparente à une véritable démission de la Commission.

En outre, l'argument d'une information pleinement disponible avancé par le Président ne tient pas. Il est impossible, au regard des divers documents portés à la connaissance de l'opposition, de se faire une idée précise des chapitres qui subiront la régulation budgétaire en 2004. Les propositions avancées montrent d'ailleurs que les concours de l'Etat aux collectivités locales ne sont en aucune manière à l'abri d'annulations. Il est même explicitement envisagé, dans certains projets de régulation, d'annuler des crédits de DGE, de DDR ou même de DGD.

L'inquiétude est donc légitime. Le refus de créer une mission d'information, qui semble constituer un précédent fâcheux, augure mal de la qualité des relations entre la majorité et l'opposition. L'opinion publique ne pourra, dans ces conditions, que tirer toutes les conséquences de ce déni de transparence.

Le Président Pierre Méhaignerie a regretté le tour polémique pris par ce débat. La Commission ne renonce en rien à faire pleinement la lumière sur l'exécution des contrats de plan : l'exposé du Rapporteur spécial en témoigne. Les deux rapporteurs spéciaux concernés continueront à l'avenir, comme ils l'ont fait dans le passé, à exercer l'ensemble de leurs prérogatives en matière de contrôle. En outre, si les taux de réalisation des investissements n'atteindront probablement pas les objectifs prévus dans les contrats de plan Etat-régions, la raison est connue de tous : la perte de maîtrise des charges de fonctionnement, liée en particulier à la mise en œuvre des 35 heures dans les collectivités locales, épuise les capacités financières des régions comme de l'Etat. Cette dérive malheureuse n'est pas le fait de l'actuelle majorité. Par ailleurs, les retards pris dans la réalisation des investissements ne sont pas une spécificité française : nos voisins européens confrontés à une conjoncture économique dégradée éprouvent des difficultés comparables. Enfin, il convient de replacer le problème des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales dans une perspective beaucoup plus large. L'ampleur des transferts consentis par le premier aux secondes doit inviter la Commission à une réflexion approfondie. Lorsque l'Etat est le premier contribuable local, acquittant parfois jusqu'à 45% du produit global de la taxe d'habitation d'une commune, peut-on légitimement parler d'autonomie financière, et quelles significations revêtent les retards à verser quelques dotations spécifiques ?

En réponse à M. Jean-Louis Dumont, le Président Pierre Méhaignerie a assuré les rapporteurs spéciaux de son entière collaboration pour les aider à obtenir des administrations l'ensemble des informations utiles et à exercer ainsi la plénitude des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place que leur confère l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a nommé M. Bernard Carayon, rapporteur pour avis sur les articles 16 et 22 du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (n° 1613).

La Commission a reçu, en application de l'article 58-3 de la loi organique relative aux lois de finances, un rapport préliminaire de la Cour des comptes relatif à l'exécution des lois de finances pour 2003.


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