COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 58

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 15 juin 2004
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

puis de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Philippe Auberger, Président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et de M.  Francis Mayer, directeur général

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La Commission des finances a procédé à l'audition de M. Philippe Auberger, Président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et de M. Francis Mayer, directeur général.

Après avoir indiqué que l'audition de M. François Logerot, préalable au débat d'orientation budgétaire, aura lieu le 23 juin à 16 heures 15, que celle de MM. d'Aubert et Bussereau, sur les crédits de la recherche se tiendra le 22 juillet à 10 heures et que M. Patrice Martin-Lalande fera une communication devant la commission, suite à l'enquête menée par la Cour des comptes sur la convention collective des personnels de l'audiovisuel, le 21 juillet à 15 heures, le Président Pierre Méhaignerie a salué la présence de M. Philippe Auberger, Président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et de M. Francis Mayer, directeur général.

M. Philippe Auberger, Président de la Commission de surveillance, a présenté le rapport annuel de la Caisse des dépôts et consignations, qui reflète les résultats d'une année 2003 nettement meilleure que 2002. Si la conjoncture économique est demeurée tendue en 2003, un net redressement des marchés financiers d'actions et une bonne collecte de l'épargne expliquent la diminution des risques et des provisions par rapport à 2002. Les résultats des fonds d'épargne ont doublé en 2003, s'établissant à 1,13 milliard d'euros, dont 932 millions d'euros déjà prélevés par l'État. Les résultats de l'établissement public ont connu un triplement par rapport à 2002 évoluant de 227 millions d'euros à 759 millions d'euros. Le résultat des filiales a atteint 822 millions d'euros. Le dividende qui en résulte pour l'État s'élève à 527 millions d'euros versés par l'établissement public. Au total, si l'on prend en compte le versement représentatif de l'impôt sur les sociétés et la prise de contrôle de la Société nationale immobilière (SNI), l'apport net au budget de l'État provenant de la Caisse en 2004, au titre de 2003, se situera entre 2,5 et 3 milliards d'euros. Il s'agit de l'une des plus notables et des plus stables recettes diverses de l'État, peu d'établissements publics pouvant se prévaloir d'un tel résultat.

Dans le domaine des fonds d'épargne, l'encours se situe à 217 milliards d'euros et les résultats s'élèvent à 1,13 milliard d'euros. La Caisse met en œuvre les recommandations du rapport de MM. Nasse et Noyer. Le taux du livret A a été abaissé de 3 % à 2,25 %. Étant donné les évolutions du taux d'inflation et de l'Euribor, il n'est pas prévu d'augmentation de ce taux au 1er août 2004. Le principe de l'indexation automatique des taux des prêts au logement est mis en œuvre. Quant aux mesures nouvelles relatives au financement du logement, elles passent par le développement des prêts locatifs sociaux et des prêts Palulos, ainsi que par une plus grande participation à l'effort en matière d'accession à la propriété. Outre la mise en place de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), il faut souligner que les prêts d'infrastructures, souscrits au taux de 3,65 % sur 30 à 35 ans (y compris le financement de la participation des collectivités locales), seront portés à environ 4 milliards d'euros, dont 500 millions d'euros pour les transports urbains en site propre. Enfin, la réforme de l'épargne logement de la Poste, en cours, pose deux questions : le niveau des fonds propres, dans la perspective de l'application de l'accord « Bâle II » d'ici 2007, et le niveau des commissions, étant entendu que le comité des fonds d'épargne a recommandé une diminution de leurs taux, notamment pour les caisses d'épargne et la Poste.

S'agissant des missions d'intérêt général et des résultats de l'établissement public, le nouveau partenariat avec les caisses d'épargne est rendu possible par l'accord « Refondation » et par les possibilités offertes par la loi de finances initiale pour 2004 et par la loi de finances rectificative pour 2003, afin de sortir des situations conflictuelles passées, tout en simplifiant les structures. Le nouvel ensemble ainsi constitué, détenu à 65 % par les caisses d'épargne et à 35 % par la Caisse des dépôts, constitue le troisième groupe bancaire français. C'est le Parlement qui a voté les certificats coopératifs d'investissements ayant permis de parvenir à ce résultat. La participation de la Caisse des dépôts dans le nouvel ensemble sera maintenue jusqu'au moment de la cotation des titres sur le marché. La commission de surveillance a fait réaliser un audit sur ce projet, dont les conclusions ont été suivies, avec l'accord du Gouvernement. Cette opération sera très profitable à la Caisse des dépôts. Par ailleurs, cette dernière s'est vu confier la mise en place du Fonds de réserve des retraites et du régime de retraite complémentaire pour les fonctionnaires. L'année 2003 a également permis la prise de contrôle de la SNI, alors qu'il reste à prévoir le rôle que tiendra la Caisse dans le cadre du capital-risque et dans la nouvelle agence de financement des infrastructures de transport.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que la commission des Finances était très attachée à la préservation du rôle et de l'autonomie de la Caisse des dépôts et consignations.

M. Philippe Auberger a observé que l'évolution des filiales avait été marquée par la vente d'Egis Ports et par celle de Medica France. La participation de la Caisse des dépôts dans la Compagnie des Alpes est passée de 53,3 % à 40 %, à la suite de la reprise effectuée par les banques de Savoie, les élus ayant été informés préalablement de cette opération. Restera à régler la question de l'évolution de Villages Vacances Famille (VVF), celle du partenariat de Transdev avec la RATP et de l'avenir du groupe Egis et de Dorsch.

Enfin, dans le domaine de la gouvernance, la Caisse des dépôts a élaboré un règlement intérieur, lequel figure en annexe du rapport présenté au Parlement. Le comité d'examen des comptes et des risques et le comité des fonds d'épargne, tous deux présidés par M. Pierre Hériaud, poursuivent leur travail. Un comité consultatif a également été mis en place, à l'initiative du directeur général, pour la gouvernance des participations de la CDC dans les sociétés cotées. Des progrès restent à faire au niveau de la représentation de la Caisse dans ces sociétés. Si la loi relative aux nouvelles régulations économiques et la loi de sécurité financière doivent être correctement appliquées, le rôle de la Caisse des dépôts dans les sociétés cotées passe probablement par un développement des investissements de long terme, là où le marché n'est souvent animé que par une vision à court terme. Le souci porté sur les investissements de long terme doit permettre de protéger l'épargne tout en préservant la rentabilité des opérations engagées. La dernière opération menée par la Caisse des dépôts est un désengagement de sa participation dans le Club Mediterranée, dont les difficultés actuelles reflètent probablement l'obsolescence du modèle économique sur lequel il se fonde, et une participation accrue dans le groupe Accor, ce qui s'avère très certainement être un choix plus judicieux. Accor est un groupe de dimensions plus importantes aux activités plus diversifiées et plus rentables. Ce type de partenariat doit donc être privilégié.

M. Francis Mayer, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, a présenté les résultats du groupe en 2003 ainsi que les orientations stratégiques pour 2004.

L'année 2003 peut être qualifiée d'excellente puisque les résultats financiers ont été en hausse à environ 1,5 milliard d'euros. L'objectif d'avoir un retour sur capitaux propres de plus de 10% a été tenu, puisque ce retour s'établit à 12,8 %. L'évolution du résultat net consolidé a été bonne, progressant de 710 millions d'euros à plus de 1,5 milliard d'euros, ce qui représente une progression de 123 %, et de 25 % hors résultats exceptionnels. Ce résultat témoigne d'un équilibre satisfaisant entre les contributions des filiales (822 millions d'euros) et celles de la maison-mère (760 millions d'euros). La maîtrise des frais généraux a progressé, contribuant à cet excellent résultat, et doit progresser encore. On notera que la contribution au résultat net du groupe provient de façon équilibrée des filiales, pour 52%, et de la maison-mère, pour 48%. Cet équilibre est meilleur que celui de l'année dernière, où les filiales contribuaient à l'essentiel du résultat net. Les résultats boursiers, en amélioration, ont profité à la Caisse des dépôts, dont les investissements en actions sont importants. Certaines filiales ont bénéficié de l'amortissement exceptionnel de l'investissement fait aux États-unis (Invest), qui est pour partie à l'origine d'une progression de 216 millions d'euros du résultat.

Le total du bilan consolidé s'élève à 380 milliards d'euros, et les capitaux propres après distribution (13,8 milliards d'euros), qui n'ont pas été amputés, permettent à la Caisse des dépôts de continuer à investir en actions dans les entreprises françaises. L'existence de ces capitaux propres est le fondement de la notation « triple A » dont bénéficie la Caisse, ce qui lui permet d'investir en actions.

L'affectation du résultat 2003 se partage, de façon égale, en trois tiers : les fonds propres, le dividende versé à l'État et les investissements d'intérêt général. Parmi ceux-ci, trois catégories sont particulièrement importantes : la rénovation urbaine et l'investissement immobilier liés aux besoins des collectivités locales (pour 150 millions d'euros), l'équipement numérique des territoires (pour 70 millions d'euros) et l'affectation, vers les fonds propres des PME et l'innovation. Pour cette dernière catégorie, la Caisse des dépôts s'est engagée à verser 150 millions d'euros par an, sur une durée de trois ans, extensible à cinq ans, si l'affectation se déroule bien.

Le résultat net des fonds d'épargne a été de 1,13 milliard d'euros. L'équilibre menacé de ces fonds a été rétabli grâce à la baisse du taux de rémunération du livret A en août 2003 ; les taux antérieurs comparativement élevés rendaient difficile le refinancement à long terme pour l'investissement dans la construction de logement HLM, par exemple.

La stratégie du groupe est de rester au service du pays. La Caisse veut demeurer le gestionnaire de long terme de l'épargne et des retraites des Français, le numéro 1 du financement à long terme du logement social, le partenaire neutre des collectivités territoriales en appui de la décentralisation, et, enfin, le grand investisseur de long terme dans les entreprises : PME, sociétés cotées, participations stratégiques. C'est cette notion de long terme qui constitue la plus value apportée par le groupe. La CDC a conforté ses participations stratégiques. Elle devient l'actionnaire de référence de la nouvelle Caisse nationale des Caisses d'épargne (CNCE) en détenant 35 % de son capital. Cet accord avec les Caisses d'épargne a été validé par le gouvernement et approuvé par le Parlement, ce qui était très important. Pour la première fois, la CDC va avoir accès aux résultats du réseau des Caisses d'épargne régionales. La Caisse des dépôts a racheté la SNI, qui gère près de 80.000 logements, en particuliers pour les personnels du ministère de la Défense ; la Caisse est désormais prête à participer à l'externalisation des actifs immobiliers de l'État.

En 2003, le groupe a poursuivi le développement de ses missions d'intérêt général. Il s'agit des retraites (notamment avec le régime additionnel de retraite des fonctionnaires), le rééquilibrage durable des fonds d'épargne, la Caisse intervient à nouveau, ce qu'elle n'avait pas fait depuis dix ans, dans le financement des infrastructures à taux préférentiel et, enfin, comme investisseur au service des équipements collectifs.

Le groupe entreprend de nouvelles actions en 2004. En qualité de prêteur sur fonds d'épargne, il consacrera 4 milliards d'euros pour les infrastructures de transport et a pris l'initiative de consacrer 2 milliards d'euros, au cours des cinq prochaines années, pour la rénovation de 100.000 logements HLM supplémentaires, grâce à des prêts à moins de 3 %, bonifiés sur ses fonds propres. Il est très important, et très bien perçu dans le milieu HLM, d'accélérer la réhabilitation de tels logements, dans la mesure où 1,5 millions de logements sur les 4 millions que compte le parc sont dégradés. C'est un dossier sur lequel il est indispensable d'agir rapidement. Le groupe poursuit l'ouverture ou le développement de filiales avec les Caisses d'épargne, CNP assurances, CDC Entreprises, la SNI, et, enfin, C3D. La Caisse des dépôts ne doit pas se réduire comme peau de chagrin pour aboutir à un démantèlement.

La gouvernance du groupe devient plus transparente, notamment grâce aux modalités d'exercice de la Commission de surveillance, qui est placée sous l'égide du Parlement. La gouvernance de la nouvelle Caisse nationale des caisses d'épargne a connu des changements fondamentaux avec l'entrée de personnalités extérieures au Conseil de surveillance, la mise en place d'un comité d'audit et d'un comité de nomination et de rémunération qui propose les nominations de présidents de directoire des caisses régionales, ce qui est une innovation considérable. Enfin, la perspective d'une entrée en bourse de la CNCE constitue une forte incitation pour la meilleure gouvernance possible, dans le sens de la transparence. De la même manière, la gouvernance de la SNI inclut des personnalités extérieures.

En conclusion, M. Francis Mayer a rappelé que la CDC poursuit des missions d'intérêt général, mais qu'elle doit aussi continuer à investir et conforter sa rentabilité. Le principal bénéficiaire de cette bonne gestion est l'État puisqu'il perçoit un tiers de son résultat sous forme de dividende ; s'y ajoutent les recettes fiscales. C'est pourquoi l'effort a été fait de réduire les frais généraux, actuellement de 5 %. Le groupe s'efforce de préserver la notation financière triple A afin de pouvoir se refinancer sur le marché de façon optimale.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné l'amélioration des résultats de 2003, le recentrage de la CDC sur ses missions d'intérêt général, la simplification de son organigramme et l'amélioration des règles de gouvernance. La loi de finances initiale pour 2004 a inscrit 1,6 milliard d'euros au titre de la garantie des fonds d'épargne, 168 millions d'euros au titre de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés et 1,33 milliard d'euros de dividendes, cette somme se décomposant en 500 millions d'euros de dividendes normaux et environ 800 millions d'euros de dividendes exceptionnels provenant de la cession de CDC IXIS. Quel niveau de valorisation de CDC IXIS est-il inscrit dans l'accord signé avec les caisses d'épargne ? Quel est le niveau de participation de la CDC dans le nouvel ensemble et combien de salariés de CDC IXIS disposent-ils d'une possibilité juridique de retour au sein de la CDC ?

Revenant sur les règles de fonctionnement de la CNCE et sur la présence de la CDC en son sein, M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s'est interrogé sur les modalités d'une éventuelle entrée en bourse du nouvel ensemble et sur la vision stratégique de l'actionnaire de référence qu'est la CDC pour la nouvelle banque universelle ainsi constituée.

La CDC a signé une convention avec l'État dans le cadre de la mise en place de l'ANRU. Au-delà, quel type de partenariat la CDC a-t-elle l'intention de nouer avec cette agence ? Cette dernière va-t-elle faire appel à l'expertise de la Caisse ?

En ce qui concerne la Société nationale immobilière (SNI), le ministère des Finances semble avoir soudainement découvert qu'un appel à la concurrence est indispensable. Le dossier a donc régressé, ce qui est très inquiétant. Il ne sera pas possible d'atteindre la recette de 500 millions d'euros prévue en loi de finances initiale pour 2004 si de tels obstacles viennent encore retarder des dossiers qui semblaient sur le point d'aboutir. Ne serait-il pas possible de traité de gré à gré ?

M. Philippe Auberger, Président de la Commission de surveillance, a indiqué que si 1,6 milliard d'euros avaient bien été inscrits en loi de finances initiale pour 2004 au titre de la garantie des fonds d'épargne, seulement 932 millions d'euros ont été versés à ce jour. Le montant restant à verser fait encore débat, à la fois sur la provision pour intérêt compensateur, de l'ordre de 700 millions d'euros, sur le niveau des commissions, sachant que 1/10ème de point représente 130 millions d'euros, et sur le niveau optimal des fonds propres.

Les dividendes normaux devraient atteindre 530 millions d'euros auxquels s'ajouteront la plus-value de cession de CDC IXIS, dont le montant, qui n'est pas encore fixé exactement, devrait être de l'ordre de 500 millions d'euros, et le versement des impositions sur la plus-value dues par la Caisse d'une part et par ses filiales d'autre part, pour des montants qui ne sont pas encore arrêtés. Au total, le groupe versera à l'État entre 2,5 et 3 milliards d'euros.

M. Francis Mayer, Directeur général, a répondu sur les points suivants :

- La valorisation de CDC IXIS s'élève globalement à plus de 7 milliards d'euros. Dans le cadre de l'accord passé avec les Caisses d'épargne, la cession portera sur un montant de 4,3 milliards d'euros. Ce projet a été soumis la semaine dernière à la Commission des participations et des transferts, qui doit rendre un avis le 17 juin. Plus de 3 milliards d'euros d'actifs de CDC IXIS remonteront à la Caisse des dépôts. 700 personnes, soit 350 fonctionnaires et autant de cadres privés assimilés, sont, juridiquement, susceptibles de demander leur retour à la CDC. Il n'y a pas d'inquiétude particulière à avoir en ce qui les concerne, car ils ont toute leur place dans la nouvelle structure. Il n'y aura pas de rupture brutale, comme cela avait été le cas au moment de la cession de Dexia. Les conventions collectives resteront en vigueur. Aucun mouvement de grève n'a eu lieu, ce qui témoigne de l'absence de l'inquiétude des personnels. D'ailleurs, 5 organisations syndicales sur 6, représentant plus de 70 % des personnels, ont signé l'accord social ;

- la stratégie de la CNCE est à replacer dans le contexte actuel des sept grandes banques de détail. Alors que les deux réseaux privés présentent des lacunes d'implantation géographique et que le crédit mutuel et la Banque populaire n'ont guère d'activité en matière de banque d'investissement, le Crédit agricole et les caisses d'épargne constituent les deux réseaux les mieux implantés localement, en tant que banque de détail. L'investissement de la Caisse, qui percevra 40 % des résultats distribués par la CNCE, est bon pour l'avenir et devrait lui rapporter 500 millions d'euros dès la première année ;

- il n'y a pas lieu de parler d'un « recentrage » de la Caisse sur ses missions d'intérêt général, dans la mesure où elle continue d'investir pour obtenir de bons résultats. C'est à cette condition qu'elle pourra financer ses missions d'intérêt général ;

- en ce qui concerne la SNI et le problème de la gestion des logements des gendarmes, un débat juridique est actuellement ouvert, mais une solution rapide devrait être trouvée ;

- la Caisse participe au conseil et au comité d'engagement de l'ANRU. Elle continue d'être chargée de l'instruction des dossiers et apportera sa contribution financière lorsque l'ANRU l'aura décidé. L'essentiel est d'éviter que l'existence de l'ANRU ait pour conséquence un allongement des délais, lorsqu'une intervention rapide est nécessaire.

M. Philippe Auberger, Président de la Commission de surveillance, a précisé qu'il fallait distinguer les 500 millions d'euros provenant de la SNI, qui alimenteront un compte d'affectation spéciale, des recettes diverses attendues de l'externalisation de la gestion des logements de gendarmes. Il semble que le paiement en un seul versement de la redevance exige une disposition législative, ce qui fait l'objet d'une proposition déposée par le sénateur Philippe Marini.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a regretté que cette disposition ne figure pas dans le projet de loi de simplification récemment discuté par l'Assemblée nationale, contrairement à ce qui avait été initialement envisagé.

M. Jean-Louis Dumont a souligné que la Caisse joue un rôle déterminant dans les régions en étant à la fois actionnaire, prêteur et conseil. En Île-de-France, un fonds de minoration permet de réduire le coût des prêts, qui peuvent désormais atteindre une durée de 50 ans. Quelle est la politique de prêt de la Caisse en matière foncière ? S'agissant du renouvellement urbain, des lignes globales de financement ont été mises en place. Ce système fonctionne à Lyon, devrait être mis en œuvre à Nancy et des problèmes sont à régler à Bordeaux. Le renouvellement urbain doit s'appuyer sur un partenariat fort des acteurs. Il faut donc éviter les effets d'annonces, raccourcir les délais de traitement des dossiers et mieux cibler les financements afin de faire porter l'effort sur les projets de meilleure qualité. L'action de l'ANRU laisse parfois une impression de « tout ou rien », et de choix pris au niveau de l'État qui ne privilégient pas nécessairement les critères de qualité : à l'accord local correspond souvent un refus national. La Caisse ne doit pas se cantonner à intervenir dans les zones urbaines classées en Z.R.U. Elle ne peut se désintéresser de zones, parfois à la périphérie de celles-ci, qui ont aussi besoin de crédits. S'agissant des cessions de l'immobilier public, il ne faut pas ignorer que jusqu'ici un certain équilibre existait entre les opérateurs. La SNI remettra-t-elle en cause cet équilibre ? Enfin, sur les fonds d'épargne, quel est le coût de la transformation statutaire de la CNCE et quel est le taux des diverses commissions ?

Le Président Pierre Méhaignerie a fait part de son inquiétude sur la question des agences foncières. Si certaines villes n'ont pas constitué de réserves foncières, alors que c'était leur devoir, il ne paraît pas opportun, pour autant, de créer une structure bureaucratique supplémentaire pour les y inciter.

Après avoir rappelé qu'il était particulièrement sensible à l'amélioration des capacités d'investissement de l'État, M. Michel Bouvard s'est interrogé sur la gestion du risque vieillesse de la caisse de sécurité sociale des mines. La réponse de l'État à la proposition de la caisse n'est toujours pas intervenue. Les délais seront-ils respectés ? Le financement de certaines infrastructures tels que les tramways ou les TGV pourrait s'appuyer sur des partenariats publics-privés. Or, ce dispositif n'est toujours pas connu. La Caisse travaille-t-elle dans une logique de partenariats publics-privés s'agissant de la mise en place de l'Agence de financement des infrastructures ? Si oui, quelle stratégie a-t-elle préconisée ?

Quelle sera la nature de l'intervention de la Caisse dans l'opération concernant le réseau de transport électrique ? Une vision stratégique dans certains secteurs industriels est nécessaire. En effet, des activités génératrices de croissance et d'emplois nécessitent des investissements que les banques traditionnelles ne peuvent pas toujours assumer. Le rapport de M. Bernard Carayon, présenté en commission des Finances, propose que la France ait une vision stratégique en matière d'intelligence économique. La Caisse développe-t-elle une vision stratégique en matière industrielle ?

M. Augustin Bonrepaux a souhaité savoir si toutes les activités concurrentielles de la Caisse seraient privatisées. Pourquoi la Caisse préfère-t-elle recevoir un produit financier ponctuel plutôt qu'une ressource annuelle ? Le ministère de l'économie et des finances a-t-il donné des consignes en ce sens ? La Caisse participe au financement d'Eurodisney et aurait pu participer à l'opération de rachat d'Editis. Dans quelle mesure ces opérations sont-elles compatibles avec la réglementation européenne ? Quel est le niveau de participation de la Caisse au capital du Futuroscope ? Selon quels critères la Caisse prend-elle des participations dans des sociétés d'économie mixte locales ?

M. Pascal Terrasse a rappelé que les partenariats publics-privés seraient évoqués demain en Conseil des ministres, malgré les interrogations formulées par le Conseil d'État. Le déficit de trésorerie de l'ACOSS est faramineux. La Cour des comptes, dans son rapport préliminaire de juin 2004, estime que ce déficit dépassera 24 milliards d'euros à la fin du mois de juin et 33 milliards d'euros à la fin de l'année. La Caisse pourra-t-elle faire face à ces besoins de trésorerie ? Les avances de trésorerie de la Caisse sont souvent considérées comme trop chères. Comment la Caisse compte-t-elle maintenir son partenariat privilégié avec la sécurité sociale ?

La Caisse gère le fonds de réserve des retraites (FRR) dont l'abondement a été stoppé par l'actuel gouvernement. La loi sur les retraites étant muette sur ce point, le FRR va-t-il être réorienté vers la prise en charge du déficit de la caisse nationale d'assurance vieillesse qui devrait apparaître dès 2004 ? Enfin, quelle est la position de la Caisse sur la procédure de la Commission européenne en cours concernant le livret bleu distribué par le Crédit mutuel ?

Prenant l'exemple du rachat de la SNI, M. Thierry Carcenac s'est interrogé sur les modalités d'évaluation du patrimoine de l'État avant une cession et sur les critères ayant conduit à inscrire 500 millions d'euros de recettes cette année. Il serait utile que la Commission des finances débatte de la gestion des actifs immobiliers de l'État, en s'appuyant sur le rapport de la Cour des comptes.

M. Jean-Pierre Brard a souligné que le directeur général de la Caisse avait récemment déclaré que l'État pouvait demander à la Caisse de jouer un rôle de sentinelle mais qu'il était logique, dans ce cas, qu'elle gère elle-même ses activités de banque d'affaires. Un article d'un quotidien économique va dans ce sens. Il ne faut donc pas que la Caisse se réduise à une peau de chagrin. Il n'est pas possible de comparer la Caisse avec une « tirelire », car cette dernière est faite pour ne pas être cassée. La Caisse est trop souvent perçue comme un « jackpot » pour le Gouvernement. Le Président Philippe Auberger a indiqué que la Caisse n'avait pas de politique nationale. Que signifie cette déclaration ? Le taux de rentabilité est supérieur à 10 %. Qu'est-ce qui justifie l'écart avec le taux de croissance du PIB ? Les salariés de CDC-Ixis s'adapteront probablement à la nouvelle structure. Le financement des lieux de culte, dans le cadre du respect de la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905, est très préoccupant. En effet, cette loi prévoit la liberté de pratiquer la religion de son choix. Celle-ci n'est pas garantie si les lieux de culte sont financés avec de l'argent provenant de l'étranger. Il convient donc de mettre en place un système de financement de la construction de lieux de culte, identique à celui existant pour le logement social, afin de régler ce problème, en parfaite conformité avec la loi de 1905.

En réponse aux différents intervenants, M. Francis Mayer, directeur général, a apporté les précisions suivantes :

- dans le domaine du logement social, la Caisse des dépôts et consignations, par l'intermédiaire des directions régionales a pour mission de répondre aux demandes des collectivités territoriales et de s'adapter à la diversité des situations. Certaines collectivités ont mis en place des établissements publics fonciers, d'autres ne l'ont pas fait. La Caisse des dépôts a une fonction d'expertise, elle n'est pas pour autant chargée d'inventer les concepts. Par exemple, en Île-de-France, des prêts à conditions bonifiées ont été institués. La Caisse des dépôts apporte le financement, à ses conditions, et c'est la région qui apporte la bonification. Il reste vrai qu'il existe trop de structures en France dans ce domaine et de nombreux élus de tous bords souhaitent une simplification ;

- s'agissant du financement des organismes HLM, la Caisse des dépôts souhaite mettre en place des procédures de financement décentralisées. Cela est déjà le cas de la communauté urbaine de Lyon et cela devrait être prochainement le cas de Bordeaux et de Nantes. Cette politique pourra être étendue à l'ensemble du territoire, si elle correspond à la demande des élus. Cette réforme devrait être globale et s'étaler sur trois années ;

- 160 sites sont concernés par la politique de rénovation urbaine. Il est fondamental que les députés fassent part de leur point de vue sur l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Il ne faut pas que ce système soit un facteur de complexité. En dehors de ces 160 sites, la Caisse des dépôts est bien sûr présente ;

- en ce qui concerne la SNI, la prise de participation de la Caisse des dépôts, qui était de 25 % et qui est désormais de 100 %, ne changera pas la politique existante. M. André Yché, son Président, poursuivra les mêmes orientations, avec l'objectif de la rentabilité de cette société. Il sera répondu à toutes les questions des élus sur ce sujet ;

- s'agissant de la rémunération de l'épargne sur le livret A, il convient de préciser que le coût de la ressource est de 2,25 %, auquel s'ajoute la commission de La Poste, qui est de 1,5 %, ou celle des Caisses d'Épargne, qui est de 1,2 %. Le coût de la ressource est donc de 3,6 % en moyenne ; si l'on réduisait le coût de ces commissions, les prêts aux organismes HLM seraient facilités ;

- le régime de vieillesse de la Caisse des mines, qui est un régime particulier, devrait intégrer prochainement la Caisse des dépôts. Celle-ci est prête à en assumer la gestion. Un décret devrait être signé avant la fin du mois de juin ;

- les ordonnances partenariat public/privé ont été examinées par le Conseil d'État, et le prochain Conseil des ministres devrait les adopter. Ces partenariats devraient être développés, comme c'est le cas dans la plupart des pays européens. Il existe un juste milieu entre la politique menée par exemple au Royaume-Uni et l'absence de tout partenariat public/privé, situation actuelle de la France, alors que tous les pays européens ont mis en place de tels dispositifs.

- 3,5 milliards d'euros ont été débloqués par le ministre de l'économie afin de financer des infrastructures.

- s'agissant de l'Agence de financement des infrastructures de transport, il appartient au gouvernement de fixer sa stratégie. Si le ministre de l'équipement demande à la Caisse des dépôts d'en assurer la gestion administrative et financière, elle assumera ce rôle. Néanmoins, il serait peut-être nécessaire d'apporter quelques simplifications au système ;

- une prise de participation de la Caisse des dépôts au capital du gestionnaire de réseau de transport d'électricité (RTE) est envisageable. Cependant, il appartient au Gouvernement et au Parlement de décider de l'avenir du capital de RTE. Le Président d'EDF est favorable à cette évolution. Il convient de rappeler que la Caisse des dépôts ne reçoit pas d'instruction du Gouvernement. Si une ouverture du capital était décidée, il faudrait alors examiner si cela constituerait une bonne opportunité d'investissement.

M. Philippe Auberger a précisé que la Commission de surveillance n'avait jamais délibéré sur ce sujet. Elle devrait le faire si la Caisse envisageait de s'engager dans le capital de RTE. L'avenir de RTE dépend du projet de loi actuellement en débat qui prévoit, pour l'instant, une participation publique à 100 %. En cas d'évolution, il faudrait moduler la prise de participation de la Caisse des dépôts en fonction de ses liquidités. De même, des précisions doivent être apportées sur les charges, comme la dette, qui relèvent de RTE et d'EDF. Une clarification comptable sur ce qui relève de l'actif et du passif est nécessaire, avant tout engagement. De même, il est nécessaire de déterminer l'organisme qui fixera le montant des péages. La rentabilité sera davantage assurée si ceux-ci sont déterminés par une autorité indépendante ou un système automatique.

M. Jean-Louis Dumont s'est interrogé sur la compatibilité de l'évolution du statut de RTE avec les directives européennes sur les gestionnaires des transports. Il ne faudrait pas que la réforme de RTE soit source de contentieux.

M. Philippe Auberger a répondu que cette question, qui ramène à celle de l'euro-compatibilité de la réforme de RTE, serait abordée lors du débat en séance publique.

Puis, M. Francis Mayer, directeur général, a apporté les réponses suivantes :

- le rapport de M. Bernard Carayon sur la stratégie de sécurité économique nationale souligne que le problème spécifique à la France est le manque de centres de décisions qui interviennent en matière économique et investissent en fonds propres pour les PME. La Caisse des dépôts y contribue à hauteur de 150 millions d'euros, mais cela n'est pas suffisant et il importe de créer des fonds de capital-risque permettant d'accompagner les entreprises dans leur développement. Les délocalisations sont dues à la faiblesse du financement en actions et aux charges excessives pesant sur les entreprises. La mise en place de fonds de capital-risque est un moyen de résoudre ces problèmes, à condition qu'il y ait, à plus ou moins long terme, un retour sur investissement, ce qui est la logique même de l'intelligence économique ;

- la Caisse des dépôts ne privatisera pas l'ensemble de ses activités concurrentielles. Elle a ainsi refusé de céder sa participation dans la Caisse nationale des caisses d'épargne. Le pacte d'actionnaires de la CNP, reconduit jusqu'en 2008, lui permet d'y conforter sa position de premier actionnaire. S'agissant de la Compagnie des Alpes, elle a décidé de limiter sa participation à 40 %, dans l'intérêt et à la demande de la compagnie, qui se trouve ainsi plus légitime à intervenir dans son secteur d'activité, sans pour autant que la Caisse des dépôts ne perde sa capacité de contrôle du management : il n'y a donc aucune idéologie du démembrement ;

- la Caisse intervient, dans des cas très limités, à la demande ou pour le compte de l'État dans certaines affaires industrielles, mais il n'entre pas de son rôle de mener, en tant que telle, une politique industrielle. En sa qualité d'actionnaire, elle peut et même doit accompagner des stratégies industrielles d'entreprises, mais elle le fait en préservant ses intérêts patrimoniaux ;

- la Caisse n'a pas été sollicitée ni n'a pris d'engagements pour le Futuroscope de Poitiers, qui est en phase de redressement par un nouveau management ;

- la Caisse des dépôts est engagée, à la demande de l'État et avec sa garantie, à hauteur d'1 milliard d'euros, en prêts à Eurosdisney. La solution trouvée apparaît satisfaisante ;

- la Caisse des dépôts est parfaitement en mesure de financer les besoins de trésorerie de l'ACOSS, compte tenu des perspectives de reprise de dette par la CADES. À ce titre, elle emprunte sur les marchés, avec une signature triple A et ne refacture que quelques points de base supplémentaires à la sécurité sociale.

M. Philippe Auberger a indiqué que, sur un découvert total autorisé de 33 milliards d'euros, la Caisse des dépôts devrait assurer la couverture de 25 milliards d'euros. La commission demandée est très faible.

Puis M. Francis Mayer, directeur général, a indiqué que :

- le Fonds de réserve pour les retraites dispose actuellement de 16 milliards d'euros de ressources cumulées, et de 19 milliards d'euros à la fin de 2004. Son alimentation, même limitée, va lui permettre d'investir l'ensemble de ces fonds sur les marchés financiers, pour la moitié en actions, suite à la décision unanime du conseil de surveillance du fonds associant partenaires sociaux et parlementaires ;

- le contentieux, en cours depuis très longtemps, concernant le Crédit mutuel semble être réglé suite à l'accord de la Commission européenne de valider le livre bleu et la commission perçue par le Crédit mutuel ;

- la Caisse a retenu une méthode simple de valorisation de la SNI, suite à une négociation difficile avec le ministère des Finances, permettant de tenir compte des flux de revenus du patrimoine immobilier sur longue période ;

- la Caisse des dépôts souhaite obtenir un taux de retour sur investissement, d'environ 10 %. Ce chiffre, empirique, correspond au coût de l'immobilisation sur longue période de capitaux importants. Il est nécessaire pour la Caisse d'avoir des objectifs de retour financier, assumés en toute transparence comme pour toute banque d'investissements. Tel n'est pas le rôle de CDC-Ixis qui intervient sur les marchés financiers ; celle-ci, contrairement à ce que peut indiquer la presse, n'agit pas dans l'investissement à long terme et n'en a pas l'intention ;

- les fonds propres de la Caisse s'élèvent à 14 milliards d'euros environ ;

- les personnels de CDC-Ixis ne souhaitent pas nécessairement réintégrer l'établissement public notamment parce que les règles de rémunération sont plus avantageuses dans le cadre d'une banque d'investissements que dans le cadre de la fonction publique.

M. Philippe Auberger a apporté les précisions suivantes :

- la Caisse des dépôts doit disposer de revenus permanents provenant de l'ensemble de ses participations, tant pour verser un dividende à l'État que pour réinvestir dans des missions d'intérêt général ;

- la Caisse n'a pas pour objectif de jouer à un quelconque « mécano industriel » mais de garantir un retour sur ses fonds propres pour réinvestir, de manière avisée, à long terme. De ce fait, elle a pour objectif un taux d'actualisation de 10 % qui permet de tenir compte de l'intérêt à long terme de certaines opérations.

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