COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 65

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 8 juillet 2004
(Séance de 15 heures 30)

Présidence de M. Augustin Bonrepaux, Doyen d'âge.

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution (n° 1723) présentée par M. René André au nom de la Délégation pour l'Union européenne sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2005 (M. Gilles Carrez, Rapporteur général)


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- Information relative à la Commission

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La Commission a procédé, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, à l'examen de la proposition de résolution (n° 1723) de M. René André, Rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne, sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2005 (E 2605).

En préambule, le Rapporteur général a rappelé que la proposition de résolution a une portée financière indirecte non négligeable puisqu'elle touche, in fine, à un prélèvement sur recettes au profit de la Communauté européenne évalué à 16,4 milliards d'euros en 2004.

Depuis 13 ans, la Délégation pour l'Union européenne dépose une proposition de résolution sur l'avant-projet de budget présenté par la Commission européenne. En application de l'article 88-4 de la Constitution, la Commission examine puis, le cas échéant, adopte la proposition de résolution. Celle-ci devient définitive dans un délai de 8 jours suivant la distribution du rapport de la Commission si aucune demande d'inscription à l'ordre du jour n'a été présentée. Cela n'a d'ailleurs jusqu'ici jamais été le cas.

Si l'Assemblée nationale veut faire utilement connaître ses observations au Gouvernement, il faut que ce processus s'articule avec le calendrier budgétaire communautaire, plus précoce que le calendrier national. A cet égard, l'examen de l'article du projet de loi de finances autorisant le prélèvement sur recettes au profit des Communautés intervient trop tard pour modifier substantiellement les choix financiers européens.

L'avant-projet de budget général pour 2005 sera arrêté par le Conseil à la fin du mois de juillet, pour être examiné par le Parlement européen dans le courant du mois de septembre. Son élaboration coïncide avec les négociations conduites actuellement sur les « perspectives financières 2007-2013 », qui constituent la prochaine programmation pluriannuelle ayant vocation à encadrer les futurs budgets communautaires annuels.

En effet, depuis 1998, ceux-ci sont prédéterminés par une programmation qui fixe les plafonds annuels de crédits (d'engagement et de paiement) à ne pas dépasser. Chaque programmation est l'expression d'une nouvelle étape de la construction européenne :

- le « paquet Delors I » (1988-1992) traduisait la montée en puissance des politiques structurelles, avec l'accession de l'Espagne et du Portugal, sans remise en cause de la politique agricole commune (PAC) ;

- le « paquet Delors II » (1992-1999) a conjugué une accélération des politiques structurelles, pour favoriser la convergence des économies dans la future zone euro, et des dépenses PAC toujours dynamiques. De ce fait, les dépenses communautaires ont connu un fort ressaut en passant de 1,05% à 1,23% du revenu national brut ;

- les budgets actuels s'inscrivent dans le cadre de l'« Agenda 2000 » (2000-2006), qui montre le souci d'une plus grande discipline budgétaire. Le plafond de dépenses a été stabilisé à 1,23% du RNB et le financement des dépenses d'élargissement doit être assuré par une diminution des fonds structurels à destination des quinze autres États membres et une stabilisation des dépenses agricoles. Le budget communautaire effectif représente aujourd'hui environ 1% du revenu national brut (RNB) européen et reste donc sensiblement inférieur au plafond fixé dans l'Agenda 2000. Il subit cependant de fortes pressions liées, en particulier, aux besoins des dix nouveaux États membres : ceux-ci sont estimés à environ 0,20% du RNB européen et doivent s'inscrire, entre 2004 et 2006, dans une enveloppe de 45 milliards d'euros de crédits d'engagement et 35 milliards d'euros de crédits de paiement.

Le volume du budget communautaire est le principal point de débat des négociations sur les perspectives financières 2007-2013. Six États (France, Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Autriche et Suède) se sont prononcés pour un stabilisation à 1% du RNB. La Commission européenne propose d'augmenter le plafond à 1,24% du RNB d'ici 2013 (en crédits d'engagement), privilégiant l'addition de priorités nouvelles aux politiques existantes.

Quel que soit le choix qui sera finalement effectué, le budget communautaire devra aussi repenser ses priorités. Pour la PAC, un effort considérable de discipline budgétaire a déjà été consenti (notamment par la France) : les dépenses devront progresser de 1% par an en valeur d'ici 2013 en incluant les dépenses réalisées dans les nouveaux États membres. Ceci implique une nette diminution des dépenses en volume chez les quinze autres États membres. Le cœur du débat sur les priorités porte désormais sur les fonds structurels. Les nouveaux États membres ne souhaitent pas voir diminuer les crédits structurels dont ils bénéficient sur la période 2004-2006. Ces crédits sont, certes, limités par la barrière des « 4% » (montant maximal des transferts dont peut bénéficier un État, en pourcentage de son PIB), mais ils devront être intégralement versés, au nom de l'impératif de solidarité et pour le bon fonctionnement du marché commun, car leur PIB par habitant est inférieur de moitié à la moyenne communautaire. Les transferts correspondant représentent 0,20% du RNB communautaire. Cette contrainte implique de revoir les dotations dont pourront bénéficier les quinze autres États membres. Cinq positions s'affrontent :

- la Commission européenne propose de porter l'enveloppe des actions structurelles de 0,40% à 0,46% du RNB ;

- les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni veulent limiter les fonds structurels aux pays d'Europe centrale et orientale, en réduisant ces dépenses à 0,25% du RNB ;

- l'Espagne, le Portugal et la Grèce veulent conserver le bénéfice des aides actuelles (à eux trois, ces pays ont reçu plus de 100 milliards d'euros entre 2000 et 2006), ce qui porterait le volume total des actions structurelles à 0,60% du RNB européen ;

- la Belgique, la Finlande et la France ont une position plus équilibrée : ils approuvent l'augmentation des aides au profit des nouveaux États membres, mais demandent le maintien d'une masse significative de crédits pour les régions des autres États, y compris si certaines d'entre elles ne relèvent plus de l'« objectif 1 ». Entre 2000 et 2006, la France bénéficie de 18 milliards d'euros d'aides structurelles, dont 3 milliards d'euros pour les départements et territoires d'outre-mer, 10 milliards d'euros pour les régions et 5 milliards d'euros pour l'emploi et la formation ;

- l'Autriche, le Danemark et peut-être l'Allemagne se prononcent pour une forte concentration des crédits au profit de la convergence et une limitation de leur montant à 0,34% du RNB.

Il faut noter que des économies sont possibles sur les crédits des politiques communautaires. Vingt domaines variés (éducation, culture, justice, audiovisuel, écologie, etc.) mobilisent 2 milliards d'euros de crédits pour une profusion de microprojets à l'efficacité mal mesurée. Le doublement des crédits afférents à la recherche (représentant 5 milliards d'euros aujourd'hui) est une bonne idée mais doit être assorti d'un redéploiement d'autres dépenses.

Enfin, il faut tirer partie de la négociation des perspectives financières 2007-2013 pour remettre en cause la « correction britannique », qui devient de plus en plus inacceptable. En effet, les raisons qui ont motivé sa création en 1984 ont disparu. A l'époque, la ressource TVA était la principale recette du budget communautaire et le Royaume-uni avait, en proportion du PIB, une consommation plus forte que les autres États membres. Par ailleurs, le Royaume-uni recevait moins de « retours européens » puisque la principale dépense communautaire résultait de la PAC, dont le secteur agricole britannique bénéficiait peu. Aujourd'hui, la TVA ne représente que 10% du financement européen et la part de la PAC dans les dépenses décline fortement, tandis que son bénéfice s'élargit aux pays d'Europe centrale et orientale.

Obsolète, la correction britannique est également devenue inéquitable. En raison du « rabais sur le rabais » négocié à Berlin en 1999, principalement au profit de l'Allemagne, la France et l'Italie assument désormais, respectivement, 30,5% et 25% de la correction. Ceci représente un surcoût annuel de 1,5 milliard d'euros pour la France, soit près de 10% du total de la contribution française au budget des Communautés. Alors qu'en 2003, le PIB britannique représente 18,2% du PIB de l'Union européenne, la part de ce pays dans le financement du budget communautaire n'atteint que 12,9%. En revanche, la part de la France dans le financement du budget communautaire atteint 17,9% alors que son PIB ne représente que 16,8% du PIB de l'Union européenne.

L'avant-projet de budget pour 2005 est satisfaisant. Il consacre des sommes importantes aux nouveaux États membres, en raison de l'effet en année pleine des dépenses consenties en fraction d'année en 2004. Cela représente 15 milliards d'euros en crédits d'engagement et 10 milliards d'euros en crédits de paiement (inclus dans l'enveloppe globale de 45 et 35 milliards d'euros, respectivement, pour la période 2004-2006).

Parallèlement, il préserve la discipline budgétaire. Certes, les crédits de paiement bondissent de 10% (soit 10 milliards d'euros), mais cette hausse s'explique :

- par l'augmentation des crédits de paiement dans les pays de l'élargissement (+ 4 milliards d'euros) avec les premiers versements des aides directes de la PAC (2 milliards d'euros) ;

- par le retour à la normale des dépenses agricoles. En effet, la sécheresse en 2003 avait rendu nécessaire le versement d'avances aux agriculteurs, compensées par une diminution des dotations inscrites dans le budget 2004 ;

- par l'accélération de la consommation des fonds structurels. Sous la menace du dégagement d'office des engagements dormants pendant plus de deux ans et grâce aux réformes engagées par les États membres, le taux d'exécution des engagements est passé de 66% à 78% entre 2002 et 2003. En particulier, la France a simplifié la gestion de certains crédits en 2002 et a délégué à la région Alsace, à titre expérimental, la gestion directe des fonds communautaires. Ces réformes permettent de lutter efficacement contre un phénomène maintes fois dénoncé par la Commission, à savoir le décalage entre la mise en place des crédits d'engagement et le versement des crédits de paiement, qui traduit des retards de consommation.

Les dépenses administratives progresseraient de 3,9% en 2005, notamment sous l'effet du recrutement de 700 personnes supplémentaires lié à l'élargissement. Depuis une quinzaine d'années, l'effectif des fonctionnaires communautaires est stabilisé à 20.000 personnes environ (c'est-à-dire moins que celui de la ville de Paris). Entre 2004 et 2007, l'élargissement devrait conduire à augmenter les effectifs de 10 à 15%, soit 3.000 personnes.

La Commission a ensuite procédé à l'examen des amendements à l'article unique de la proposition de résolution.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel présenté par le Rapporteur général, la Commission a examiné un amendement présenté par le Rapporteur général, visant à supprimer la dernière phrase du neuvième alinéa (4.) de la proposition de résolution estimant excessive la croissance des crédits de paiement programmée en 2005 en faveur des actions structurelles, compte tenu des excédents budgétaires constatés en 2003 pour cette rubrique.

Le Rapporteur général a estimé contradictoire de reprocher aux institutions communautaires une sous-consommation chronique des crédits, peu conforme aux règles de bonne gestion, pour suggérer ensuite d'inscrire dans le budget un écart important entre les engagements et les paiements. De fait, une forte disproportion entre le montant des crédits d'engagements et celui des crédits pour paiement aurait pour effet d'augmenter encore le volume des engagements dormants (le « reste à liquider » dans la terminologie européenne) qui est déjà excessif s'agissant des fonds structurels.

La Commission a adopté l'amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Augustin Bonrepaux, rectifié après les observations de M. Pierre Hériaud, tendant à insérer un paragraphe demandant, d'une part, le maintien des actions structurelles en faveur du développement territorial des zones défavorisées et, d'autre part, une progression du budget communautaire à 1,25% du RNB communautaire dans les perspectives financières 2007-2013.

M. Augustin Bonrepaux, Président, a considéré que l'adhésion des derniers États membres de l'Union ne doit pas avoir pour conséquence la disparition des fonds structurels dont bénéficient jusqu'à ce jour les Quinze. Certes, l'élargissement fournit l'occasion de réaliser des économies budgétaires, mais il ne faudrait pas pour autant que disparaisse l'indispensable solidarité communautaire. L'amendement proposé insiste donc sur le rôle essentiel des actions structurelles dans les territoires défavorisés, notamment les zones de montagne, dans les plus anciens États membres comme dans les nouveaux. Ce souci implique d'augmenter la taille du budget communautaire pour porter ses dépenses non pas seulement à 1,10% du revenu national brut (RNB) de l'Union européenne, comme le proposait récemment un Commissaire européen français, mais à 1,25%.

Le Rapporteur général, soulignant l'importance de ce sujet, s'est opposé à cette dernière proposition. Six États membres, l'Allemagne, l'Autriche, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, ont adressé en février dernier une lettre au Président de la Commission européenne pour lui faire part de leur souhait que les dépenses du budget communautaire à échéance 2013 ne dépassent pas 1% du RNB communautaire. La phase de négociation sur les perspectives 2007-2013 est en cours, une décision définitive du Conseil européen sur la programmation pluriannuelle étant attendue à la fin du premier semestre 2005. Il serait inopportun de figer les positions françaises avant que cette négociation n'aboutisse. Il est d'ailleurs tout à fait possible de dépenser mieux dans le respect de l'enveloppe actuelle du budget européen. Il existe des possibilités d'économie budgétaire : par exemple, plus de 2 milliards d'euros sont consacrés chaque année à de très nombreuses actions hétéroclites sans qu'un réel examen de leur efficacité ait à ce jour été réalisé. La maîtrise des dépenses de fonctionnement reste perfectible. Le Rapporteur Général s'est en revanche déclaré favorable au rappel de la nécessité de préserver des actions structurelles significatives chez les Quinze.

La Commission a adopté l'amendement modifié après que M. Augustin Bonrepaux, Président, eut accepté de supprimer le dernier alinéa relatif à l'augmentation du budget communautaire.

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par le Rapporteur général, visant, au dernier alinéa, à demander au Gouvernement de veiller à la suppression de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni sur sa contribution au budget communautaire.

Le Rapporteur général, approuvé par MM. Augustin Bonrepaux, Président, et Pierre Hériaud, a rappelé que les raisons qui avaient justifié en 1984 l'octroi de cet avantage ont aujourd'hui disparu. Il a en outre souligné que la correction britannique représente pour la France l'équivalent de 10% de sa contribution au budget communautaire, soit un coût annuel de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a adopté l'article unique ainsi modifié de la proposition de résolution.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a nommé :

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, comme rapporteur de la proposition de résolution (n° 1723) présentée par M. René André au nom de la Délégation pour l'Union européenne sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2005.


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