COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 68

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 21 septembre 2004
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen, en application de l'article 146 du Règlement, du rapport d'information sur la convention collective des personnels de l'audiovisuel (M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial)


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- Communication de M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial des crédits des Affaires étrangères et de la francophonie, à la suite de sa mission sur la gestion immobilière de l'État en Italie

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La commission des Finances a tout d'abord examiné un rapport d'information de M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial des crédits de la communication, suite à une enquête de la Cour des comptes sur la convention collective du personnel du secteur public de l'audiovisuel. Elle a procédé à l'audition des membres de la Cour chargés de ce secteur, MM. Hervé Barbaret et Philippe Rousselot

M. Hervé Barbaret, conseiller référendaire à la Cour des comptes, a souligné que c'était la première fois que la Cour menait une enquête à la demande de l'Assemblée nationale, en application de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

Il convient tout d'abord de souligner deux éléments caractéristiques du contexte dans lequel intervient cette convention collective. D'une part, il existe une certaine diversité des textes, les conventions collectives du personnel de l'audiovisuel et l'avenant à la convention nationale des journalistes formant un ensemble couvrant un large spectre. D'autre part, les entreprises couvertes sont multiples. Au début des années 80, l'objectif consistait à recréer une unité statutaire après le démantèlement de l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF) dans un secteur où les métiers étaient assez homogènes. Mais aujourd'hui, les métiers de l'audiovisuel sont extrêmement variés. Par ailleurs, de nombreuses entreprises privées interviennent dans le secteur. Ainsi, les conventions de l'audiovisuel public ne couvrent plus qu'une partie du secteur de l'audiovisuel.

L'enquête a permis de dégager quatre problématiques majeures : les rémunérations, le paritarisme, les métiers et la vie de la convention.

En ce qui concerne les rémunérations, les travaux de la Cour n'aboutissent pas à chiffrer les surcoûts qu'engendre l'application des conventions. Certes, il y a des progressions automatiques de salaires, mais les surcoûts ne peuvent pas en être chiffrés, car il n'existe pas de comparaison possible avec le privé, puisque la Cour n'accède pas aux comptes des sociétés privées. Néanmoins, la Cour estime qu'il y a une survalorisation de l'ancienneté dans le secteur public, du fait des conventions, mais également du fait d'accords d'entreprise qui rajoutent des automatismes aux grilles d'avancement. Par ailleurs, si les rémunérations sont parfois inférieures à celles du secteur privé, il existe des dispositifs assez généreux en matière de primes et de conditions de travail.

Le paritarisme occupe une place importante, dans un système inspiré de la fonction publique. Cependant la juxtaposition de principes privés et publics engendre un dispositif lourd. Il conduit à un cercle vicieux : les directions expliquent qu'elles ne mettent pas en œuvre une gestion des ressources humaines moderne à cause de la discipline du paritarisme ; de leur côté, les syndicats répondent qu'en l'absence de gestion des ressources humaines moderne, il y a un risque d'arbitraire qui justifie le maintien de dispositifs paritaires.

En ce qui concerne les métiers, les conventions définissent précisément les fonctions qui peuvent être exercées dans l'audiovisuel public, mais les grilles sont la plupart du temps obsolètes : elles sont aujourd'hui déconnectées des métiers.

Enfin, M. Hervé Barbaret a abordé la problématique de la vie de la convention. Pendant dix ans, celle-ci a connu de nombreux avenants traduisant une réelle adaptation au droit du travail. Mais, depuis 1993, la convention ne vit plus, car le texte ne prend pas en compte les évolutions du droit. C'est ainsi que la détermination du temps de travail dans la convention n'intègre pas la réforme des 35 heures.

La négociation sociale ne vit donc plus qu'au niveau de chaque entreprise, selon des régimes dérogatoires, ce qui entraîne une fragilité juridique non négligeable et met en cause l'utilité du socle conventionnel.

En conclusion, la Cour des Comptes explore deux scénarii. L'un consiste à continuer l'existant, avec un texte obsolète et des accords dérogatoires d'entreprise, qui a l'avantage d'impliquer une évolution calme mais présente le risque de fragilité juridique. L'autre passe par la dénonciation de la convention avec la définition de dispositifs alternatifs prenant en considération la réalité du secteur audiovisuel dans son ensemble. Or, on constate un déséquilibre avec un secteur public très protégé, de petites sociétés sans aucune protection et des grandes sociétés comme TF1 ou existent des accords confortables. Ces particularismes sont source de tensions et de dysfonctionnements. La récente crise des intermittents est le révélateur d'un cadre conventionnel inapproprié.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a remercié la Cour des Comptes pour son travail. L'analyse faite est très inquiétante et confirme les réticences de la Commission des finances à refuser une hausse de la redevance audiovisuelle en 2004, directe ou indirecte, tant que ne prévaudra pas une bonne évolution de la gestion de ces entreprises, dans un secteur concurrentiel. Ainsi l'augmentation plus forte que l'inflation des coûts de ces entreprises s'explique autant par la hausse des coûts de production que par les rigidités des statuts, source d'automaticité. Cette convention virtuelle, qui ne peut plus être adaptée qu'à coup d'accords d'entreprise, n'est plus acceptable ; le moment est venu de remettre les choses à plat, par exemple sur la base des métiers. Le Rapporteur général a demandé aux représentants de la Cour des Comptes ce qu'il adviendrait des personnels qui travaillent dans des entreprises qui disparaissent comme la SFP. La réforme, en cours, de la redevance audiovisuelle, avec les incertitudes qui pèsent sur son rendement final, n'a de sens que si l'on réforme en même temps les entreprises qui en sont bénéficiaires, y compris au sein de l'audiovisuel public.

M. Hervé Barbaret a indiqué que vraisemblablement les anciens salariés de la SFP ne devraient pas garder le bénéfice de la convention collective, ainsi les salariés de TDF sont-ils couverts par la convention collective de France Telecom, et, lors de la privatisation de TF1, la convention collective a cessé de s'appliquer aux personnels de la chaîne.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial, a précisé que les salariés de France 5, de France télévisions holding, pas plus que ceux d'ARTE, n'étaient couverts par la convention collective.

M. Alain Rodet a jugé inquiétant le rapport de la Cour des Comptes notamment en ce qui concerne les rigidités et a reconnu que des efforts importants doivent être réalisés. Mais il n'a pas partagé l'opinion du Rapporteur général en estimant qu'il serait réducteur de considérer TF1 comme une sorte d'étalon de gestion de l'audiovisuel public, eu égard aux obligations pesant sur les sociétés du service public. Il faut donc éviter un « procès en sorcellerie », tel qu'on a pu le connaître avec ARTE il y a dix ans, et les jugements doivent être nuancés.

M. Michel Bouvard, Président, s'est dit impressionné par l'évolution des effectifs de France 3, qui passent de 3.338 en 1994 à 4.564 en 2002 ; s'agit-il d'équivalents temps plein et est-ce le résultat des effets mécaniques constatés par la Cour des Comptes ? D'autre part, il s'est interrogé sur l'impact des 35 heures qui, selon le rapport, ont entraîné 22 jours de congés supplémentaires et pourraient expliquer cette augmentation des effectifs. D'une façon plus globale, M. Michel Bouvard a dit partager les observations du Rapporteur général. Le secteur public ne peut s'exonérer d'une réforme vers une plus grande productivité, avec une réforme de métiers et l'introduction de critères liés au mérite et à la performance. L'utilisation de l'argent public rend la situation actuelle inacceptable pour les citoyens.

M. Hervé Barbaret a répondu que les évolutions d'effectifs présentés étaient toujours calculées en équivalent temps plein. L'augmentation des effectifs de France 3 est due à trois facteurs : les conséquences des accords de réduction du temps de travail, qui n'ont pas été formalisés sous la forme d'une modification de la convention collective, à la demande des autorités de tutelle ; la pérennisation de personnels à statut précaire et le renforcement des heures de programmes régionaux et l'accroissement consécutive de l'activité. La Cour ne fait que constater cette évolution, sans y apporter d'évaluation critique.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial, a souligné que les ressources du secteur public de l'audiovisuel, depuis plusieurs années et plus particulièrement depuis le printemps 2003, font l'objet d'une réflexion approfondie de la part de la commission des Finances. Au-delà, l'audiovisuel public intéresse particulièrement le Parlement. M. Marc Tessier, président de France Télévision, vient d'être auditionné par la Commission des affaires cultures, familiales et sociales, sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens. Dans le même temps, le recours aux intermittents du spectacle dans l'audiovisuel public a donné lieu à critiques et contestations.

Il est donc apparu nécessaire de vérifier si le cadre juridique de la convention collective applicable aux personnels techniques et administratifs de l'audiovisuel public, comme celui de l'avenant à la convention collective des journalistes, spécifique à l'audiovisuel, élaborés il y a vingt ans dans le droit fil des meilleures traditions administratives et modifié pour la dernière fois au début des années 1990, étaient toujours adaptés aux besoins d'un secteur aux évolutions parfois rapides, tant dans le domaine de la concurrence que dans celui des technologies.

Pour cela la Commission a souhaité pouvoir s'appuyer sur l'analyse indépendante, contradictoire et exhaustive de la Cour des comptes, conformément à l'article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Il s'agit là de la première application de cette disposition et on ne peut que se féliciter de l'excellence de la collaboration entre la Cour des comptes et le Parlement, et du travail accompli au sein de la 3ème chambre.

S'agissant du recours à l'intermittence par les sociétés d'audiovisuel public, cette question a été traitée par le rapport de M. Gourinchas, publié au début de l'année et qui a fait l'objet d'une large concertation. Certaines de ses recommandations sont déjà en application parmi lesquelles : négocier une réorganisation du travail des permanents pour augmenter leur disponibilité réelle et assurer un équilibre meilleur entre emploi permanent et emploi précaire, inclure dans le dialogue avec les tutelles une appréciation complète de la situation de l'emploi et convenir de règles communes dans l'ensemble de l'audiovisuel pour aboutir à une régulation globale et durable de l'intermittence sous la forme d'une convention de branche.

Concernant enfin les conventions collectives et les emplois permanents, deux solutions semblent a priori devoir être écartées au profit d'une approche plus ambitieuse.

Le statu quo, pratiqué depuis dix ans, est une solution qui peut paraître séduisante, dans la mesure où, à court terme, elle ne génère aucune difficulté. Mais une telle attitude apparaîtrait particulièrement peu responsable. La convention collective ne constituerait plus alors à terme qu'un symbole social historique, témoignant, par son obsolescence, d'une véritable négligence dans la gestion publique, ou du moins du souci de prendre le moins de risques possible, sans considération des conséquences sur les entreprises publiques et leur capacité à remplir leur mission du mieux possible au regard des ressources publiques qui leur sont allouées. Le statu quo pourrait s'accompagner de la généralisation des accords d'entreprise, adaptés au cas de chacune d'entre elles, éventuellement dérogatoires à la lettre de la convention collective.

Le calendrier permet, du strict point de vue juridique, d'envisager une dénonciation de la convention collective jusqu'à la fin septembre 2004. En l'occurrence, dénoncer la convention collective de l'audiovisuel public ne constitue pas, en soi, une impasse impraticable, comme le montre le cas, maintenant ancien, de TF1, où la sortie de la convention avait été prévue par la loi de privatisation, ou celui, plus récent, de TDF. Mais TDF a pu procéder ainsi en raison de la disponibilité immédiate d'une autre convention collective préexistante : la convention collective des télécommunications.

S'agissant du cas des autres entreprises de l'audiovisuel public, le choix de la dénonciation présente incontestablement des risques importants pour leur fonctionnement et leur mission, particulièrement en l'absence de convention collective susceptible de s'y substituer.

La mise en place d'une convention de branche représenterait la solution la plus ambitieuse, avec une sortie « par le haut ». Elle relèverait du souci de construire un cadre solide à la fois pour l'audiovisuel public et, plus généralement, pour le secteur audiovisuel dans son ensemble.

La solution qui paraît la plus réaliste, mais aussi la plus ambitieuse pour l'industrie audiovisuelle, consisterait en une combinaison liant une négociation de branche pour les critères structurants et le développement, en application du principe de subsidiarité, et des accords d'entreprises adaptés au cas de chacune d'entre elles.

Une négociation globale au niveau interentreprises, mais limitée au secteur public, n'apparaît plus réellement significative aujourd'hui compte tenu de ce que, d'une part, celui-ci ne représente plus qu'une part minoritaire de l'ensemble de l'audiovisuel français, et, d'autre part, que les métiers n'ont plus réellement de socle commun entre les télévisions publiques, les radios publiques et l'INA.

La négociation d'une convention de branche présenterait de multiples avantages. Elle pourrait constituer un socle commun harmonisant les qualifications et les salaires minimaux, dans le cadre d'une démarche fondée sur la négociation collective, et succédant nécessairement à un état des lieux social commun à l'ensemble de la profession.

Elle permettrait également de poser les principes d'une protection sociale complémentaire commune et d'un niveau supérieur à celle, actuelle, de l'audiovisuel public. Elle pourrait éventuellement distinguer radio, archivage et télévision, dont les métiers, mais aussi les moyens, diffèrent sensiblement, et consolider juridiquement la production audiovisuelle, sous-secteur économique financièrement fragile.

Enfin, sinon surtout, la mise en place d'une telle convention permettrait à la profession de disposer d'une instance de concertation, enceinte indispensable pour gérer collectivement des problèmes qui se posent de manière collective, à l'instar de celui du recours à l'emploi des intermittents du spectacle.

Pour le secteur public, une convention de branche pourrait englober toutes les entreprises publiques, y compris Arte, la holding France Télévisions et France 5. Elle permettrait, en conséquence, pour le groupe France Télévisions, de mettre en place un accord de groupe, qui faciliterait naturellement la mobilité entre les sociétés, aujourd'hui trop faible.

Les circonstances sont actuellement particulièrement favorables. Cette démarche serait aujourd'hui particulièrement justifiée par le fait que l'accord national interprofessionnel «historique » du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation professionnelle tout au long de la vie, comme d'ailleurs la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, fait de la branche le niveau optimal pour sa mise en œuvre. En effet, la mise en oeuvre effective de l'accord interprofessionnel est subordonnée à la conclusion préalable d'accords de branche.

Constatant cette situation, les professionnels en ont tiré les conclusions, en décidant dès le mois de décembre 2003, avec une diligence dénotant une capacité de réaction étonnamment rapide, de mettre en place une commission paritaire nationale pour l'emploi-formation professionnelle/audiovisuel, réunissant tous les partenaires professionnels, y compris la production.

Cette démarche est d'autant plus importante que la formation professionnelle tout au long de la vie est indispensable pour valoriser le capital humain de ces entreprises et favoriser l'évolution des compétences. Pour autant, cette première étape ne saurait, à l'évidence, être considérée à elle seule comme traduisant un souhait spontané et unanime des principaux acteurs, en concurrence frontale sur le même marché, de négocier une convention de branche. En revanche, elle montre de manière indubitable que les écarts peuvent se réduire lorsque chacun y trouve intérêt, ce qui paraît être aujourd'hui le cas.

La Commission des finances a alors autorisé, en application de l'article 146 du Règlement, la publication du rapport d'information.

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Puis la Commission a entendu une communication de M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial des crédits des affaires étrangères et de la francophonie, à la suite de sa mission sur la gestion immobilière de l'État en Italie

M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial, a indiqué qu'il avait mené cette mission en Italie du 6 au 8 septembre dernier sur la gestion immobilière de l'État à l'étranger, sujet sur lequel son prédécesseur, M. Éric Woerth, avait commencé à travailler. Contrairement à ce qu'il craignait, les fonctionnaires qu'il a rencontrés semblaient tout disposés à faire des efforts pour économiser l'espace occupé et pour gérer les locaux dans une perspective interministérielle. Par exemple, l'attaché de défense, dont les effectifs ont été récemment réduits de 12 à 9 personnes, dispose de bureaux libres qu'il est prêt à mettre à la disposition de l'attaché de sécurité intérieure, qui est d'ailleurs un gendarme, ce qui permettrait une économie de 27.600 euros par an.

Les services de l'ambassade de France auprès de la République italienne occupent à Rome plus d'une dizaine de sites dont les surfaces varient entre 55 m2 et 14.000 m2. Une solution simple permettrait de rassembler la plupart des services qui ne sont pas situés au Palais Farnèse : elle consisterait à reloger ces services dans une partie des locaux que l'École française de Rome possède sur la place Navone. L'École française de Rome occupe en effet, depuis 1875, 3.500 m2 au Palais Farnèse et possède, depuis 1960, un bâtiment de 3.900 m2 sur cette place. Ce bâtiment est occupé notamment par une mission archéologique et par d'énormes volumes de matériel archéologique appartenant à l'État italien, par une salle de conférences peu utilisée et par quatorze chambres destinées à accueillir des étudiants de passage. Le ministère de l'Éducation nationale, duquel l'École française de Rome dépend, a l'intention de réorganiser le bâtiment pour un coût estimé à 3,5 millions d'euros. Il suffirait de la moitié de cet espace pour regrouper tous les services de l'ambassade qui occupent actuellement des locaux loués, ce qui permettrait d'économiser plus de 400.000 euros par an. L'ambassadeur auquel M. Jérôme Chartier a proposé cette solution ambitieuse, lui a assuré qu'il était en train d'étudier les moyens de la mettre en place.

À Florence, la présence française est assurée par l'Institut français de Florence qui occupe deux palais mitoyens, le Palais Lenzi et le Palais Pisani, pour une surface totale de 4.358 m2. Depuis la suppression du consulat général de Florence, ces locaux sont devenus trop grands. Ils sont estimés entre 14 et 16 millions d'euros. La vente du seul Palais Pisani, qui a été envisagée, ne rapporterait que 2 millions d'euros et entraînerait une dévalorisation de l'ensemble. M. Jérôme Chartier, rapporteur spécial, propose soit de garder les deux palais et d'y relocaliser les activités de l'École française de Rome qui aurait quitté la place Navone, soit de vendre l'ensemble et de réinstaller le centre culturel dans un lieu de prestige.

À la suite d'un legs reçu en 1956, le ministère de l'Éducation nationale possède, à Florence, la Villa Finaly. Propriété des universités de Paris, elle occupe plus de 10.000 m2. En 1990, ont été lancés des travaux de restauration de plus de 6 millions d'euros qui ont permis la création de dix-sept chambres et suites luxueuses. Contre une modeste participation de 60 à 80 euros par nuit, les chercheurs des universités de Paris peuvent y séjourner, mais ils le font rarement, si bien que la Villa, qui emploie sept personnes à temps plein, est très peu occupée. Le recteur des universités ne parvient pas à trouver une destination parfaitement adaptée pour la Villa, et en conformité avec les termes du legs. La Villa a un budget de 400.000 euros par an, rémunération de sa directrice non comprise. Non seulement elle est peu utilisée par les chercheurs, mais en plus elle n'est jamais mise à la disposition du centre culturel, qui souhaitait notamment y organiser une fête pour le 14 juillet. Le recteur des universités et la directrice de la Villa Finaly devraient rapidement proposer une destination à cette villa.

À l'issue de cette mission, il convient de constater que ce type de déplacement est indispensable pour se rendre compte de la situation à l'étranger et pour voir les possibilités d'économies. Celles-ci semblent en l'espèce non négligeables. Seule la mise en place d'une agence des propriétés immobilières de l'État à l'étranger, qui serait chargée de la gestion, des acquisitions et des cessions immobilières serait à même de résoudre les problèmes liés au cloisonnement entre ministères. Le fonctionnement actuel de la commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur les opérations immobilières de l'État à l'étranger est trop lourd et ne permet pas une gestion rationnelle. Une optimisation de l'occupation immobilière ne sera possible que si un ministère peut recevoir l'équivalent d'un loyer lorsqu'il met ses locaux à la disposition d'un autre. Une telle agence serait la responsable unique de la gestion immobilière à l'étranger, ce qui permettrait, plus facilement qu'une gestion assurée par chaque ministère, d'atteindre les objectifs de cessions fixés en loi de finances qu'une gestion assurée par chaque ministère. Les préconisations du rapport de M. Olivier Debains semblent particulièrement pertinentes pour le patrimoine immobilier à l'étranger.

M. Alain Rodet s'est demandé pourquoi la villa Finaly n'a pas pu passer d'accord avec l'Institut universitaire européen à Florence, alors que les deux institutions sont géographiquement très proches l'une de l'autre, sur la colline de Fiesole. Dans l'approche du sujet en général, il faut garder à l'esprit la nécessité de préserver les liens particuliers unissant la France à l'Italie, et particulièrement à Rome, qui est toujours un sujet sensible.

M. Jérôme Chartier, Rapporteur spécial, a estimé que des raisons de bas étage ont sans doute empêché un rapprochement entre la villa Finaly et l'Institut universitaire européen et qu'il convient d'y mettre fin. Pour autant, il faut d'une manière générale préserver un certain faste et le geste architectural de la présence française à l'étranger, permettant la transmission des valeurs françaises. Il faut mettre en liaison la présence diplomatique souhaitée et le patrimoine immobilier nécessaire. On ne peut ainsi pas conserver des immeubles dégradés qu'il n'est pas possible d'entretenir, faute de moyens budgétaires suffisants, comme le Palais Lenzi à Florence. Les participations immobilières de l'État doivent donc être clarifiées, par exemple, en ce qui concerne les hôpitaux encore en possession de l'État français en Turquie.

M. Edouard Landrain s'est interrogé sur les modalités de gestion de la villa Médicis et du palais Farnèse.

M. Jérôme Chartier, Rapporteur spécial, a rappelé que la villa Médicis est une propriété du ministère de la Culture, qui se charge de son entretien, et dont le nouveau directeur a souhaité l'ouverture sur l'extérieur pour manifester la présence culturelle française. Sur les 700.000 euros nécessaires au financement courant de la villa, 500.000 euros devraient pouvoir provenir de partenariats extérieurs, ce qui ne nécessiterait qu'une rallonge budgétaire de 200.000 euros, demandée au ministère de la Culture et dont on espère qu'elle pourra être accordée.

La palais Farnèse fait quant à lui l'objet d'un bail emphytéotique jusqu'en fin 2035 avec une réciprocité pour le palais Condé, siège de l'ambassade d'Italie à Paris. La France assume donc les charges de propriétaire du palais Farnèse, avec obligation de visites.

M. Jean-Jacques Descamps s'est demandé si la solution préconisée par le Rapporteur spécial, consistant en la création d'une nouvelle agence, était réaliste. Celle-ci risque d'être un monstre administratif supplémentaire, avec des frais de déplacement importants pour ses agents. Il pourrait être préférable d'envisager de confier une mission interministérielle aux ambassadeurs sur place ou aux inspecteurs du ministère des Affaires étrangères pour mieux gérer le patrimoine immobilier de l'État à l'étranger. De même, des externalisations sont possibles après un véritable travail sur l'organisation des services français à l'étranger. Une réorganisation des implantations serait plus efficace qu'une gestion immobilière seule, pour pouvoir ensuite louer des biens au secteur privé.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général a rappelé que le Gouvernement a préféré confier à une mission interministérielle présidée par M. Lourdin et placée sous l'égide du ministère de l'Économie et des finances, plutôt qu'à une agence, le soin de réaliser un inventaire du patrimoine de l'État sur le territoire national. Compte tenu de la multiplicité des affectataires et propriétaires de locaux à l'étranger (ministères des Affaires étrangères, de la Culture, des Affaires sociales, de l'Intérieur ou de l'Éducation nationale), il faudrait confier une unicité de gestion aux ambassadeurs avec des règles d'intéressement leur permettant de récupérer une partie des sommes résultant de la vente du patrimoine à l'étranger pour investir dans des locations ou des travaux.

M. Jean-Pierre Gorges a constaté que des problèmes similaires se posent dans les départements métropolitains, par exemple avec la multiplication des sites d'implantation des tribunaux. Il semble donc souhaitable de s'attaquer aux problèmes d'organisation avant l'inventaire immobilier.

M. Jérôme Chartier, Rapporteur spécial, a estimé, au contraire, qu'il valait mieux, dans le cadre de la réforme de l'Etat, partir de l'existant et d'éléments concrets. Il ne semble pas possible de confier cette tâche aux ambassadeurs, car cela remettrait en cause la gestion des crédits par missions et programmes imposée par la loi organique, qui interdit de déléguer des crédits d'une mission à une autre. On peut plutôt s'inspirer du modèle de l'Office national des forêts, lequel gère des biens appartenant à plusieurs propriétaires et a permis une juste valorisation du patrimoine forestier français.

L'agence des participations françaises à l'étranger serait chargée de l'évaluation, de la gestion active et, le cas échéant, de la cession des biens à l'étranger, dans le cadre de relations de confiance avec les ambassadeurs sur place, qui pourraient eux-mêmes faire appel aux services d'agences immobilières locales. Cette agence serait propriétaire des biens, en assumerait les charges correspondantes et pourrait les louer aux ministères concernés, sans que cela ne pose de problème de loyer fictif. On peut constater que le secteur de l'hôtellerie est déjà organisé de cette manière, avec des groupes se déchargeant des charges du propriétaire, par exemple sur des compagnies d'assurance.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général a estimé envisageable une expérimentation du mode de gestion proposé par le Rapporteur spécial dans quelques pays.

M. Jérôme Chartier, Rapporteur spécial, a estimé l'Italie particulièrement adaptée à une telle formule.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que les difficultés des réformes de structures justifient de s'attaquer d'abord à l'immobilier, ainsi que le font de grandes entreprises pour restructurer leurs sièges sociaux. Il serait ainsi souhaitable que les rapporteurs spéciaux examinent systématiquement l'aspect patrimonial de la gestion des ministères. Ainsi, il faut souligner que les locaux de la « mission en 2000 », avenue de l'Opéra, laissés sans occupation réelle, ont pu, après un travail parlementaire, être affectés au ministère du Tourisme, ce qui a généré une économie substantielle.

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