COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 octobre 2004
(Séance de 11 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. François Fillon, ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les stratégies ministérielles de réforme et sur le budget du ministère


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La commission des Finances, de l'économie générale et du Plan a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les stratégies ministérielles de réforme et sur le budget du ministère.

Le Président Pierre Méhaignerie a tout d'abord fait part du caractère satisfaisant du niveau de réponses aux questionnaires budgétaires et prié le ministre de transmettre les remerciements de la Commission aux services compétents. Les stratégies ministérielles de réforme représentent un défi pour la réforme de l'Etat. Leur mise en œuvre soulève notamment la question de leur articulation avec la nouvelle nomenclature budgétaire. Il convient, en particulier, de déterminer la convergence existant entre les éléments de réforme proposés et la manière dont ils seront appréhendés à travers les indicateurs et les objectifs, au sein des projets annuels de performance.

M. François Fillon, ministre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a indiqué que le projet de budget pour 2005 est marqué par la priorité gouvernementale en faveur de l'enseignement et de la recherche, puisque les budgets de l'enseignement scolaire, de l'enseignement supérieur et de la recherche progressent plus vite que l'ensemble des dépenses de l'Etat. Mais comme un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente, il convient de préciser qu'il repose sur des choix, qui sont raisonnables, mais qui permettent de répondre aux priorités du Gouvernement.

Dans la mesure où le budget pour 2005 est présenté à la veille du dépôt des projets de loi sur l'école et sur la recherche, il ne peut pas, de manière anticipée, en tirer les conséquences. Néanmoins, l'effort engagé, notamment s'agissant de la recherche, représente une première étape.

Dans l'enseignement scolaire, le choix est d'augmenter les effectifs de personnels dans le premier degré et de les diminuer dans le second degré, suivant en cela les évolutions prévues pour le nombre d'élèves. Conformément aux engagements pris, le nombre de postes ouverts aux concours est augmenté afin de préparer l'avenir, dans une perspective de hausse des départs à la retraite. En outre, afin de donner aux étudiants la visibilité qu'ils réclamaient à juste titre, le nombre et la répartition des postes offerts sont annoncés au moment même où s'ouvrent les inscriptions, contrairement à la pratique antérieure.

Un effort tout particulier est prévu, par ailleurs, pour l'enseignement supérieur et la recherche, afin de rattraper le retard de la France dans ce domaine. L'emploi scientifique progressera à nouveau en 2005, après l'effort considérable effectué cette année. Des moyens supplémentaires permettront non seulement d'assurer dans les meilleures conditions possibles le respect des engagements pris pour les contrats de plan Etat-région en matière de constructions universitaires, par exemple, mais aussi de garantir le financement de projets nouveaux, notamment par la nouvelle agence nationale de la recherche.

Enfin le ministère prend toute sa part aux chantiers de modernisation de la gestion publique. S'agissant de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, des expérimentations de grande ampleur sont engagées : en 2005, l'ensemble des académies gèrera le programme du premier degré selon les modalités de la LOLF, ce qui représente plus de 300.000 emplois et presque 10 milliards d'euros.

Au sein des pays de l'OCDE, la France se singularise par un budget de l'enseignement bien supérieur à la moyenne, en troisième position après les Etats-Unis et l'Italie, s'agissant de l'enseignement secondaire et largement inférieur pour l'enseignement supérieur, tandis qu'elle se situe dans la moyenne pour l'enseignement primaire. Cette situation s'explique notamment par l'absence de prise en compte de l'évolution des effectifs. En effet, le coût de l'enseignement scolaire résulte en particulier des choix qui ont été retenus en ce qui concerne les effectifs. Alors que, jusqu'en 2002, le nombre d'élèves a diminué de façon continue, le nombre d'enseignants a augmenté sensiblement, notamment dans le secondaire. En revanche, depuis 2002, l'évolution des effectifs d'enseignants accompagne celle du nombre d'élèves, avec une augmentation dans le primaire et une baisse dans le secondaire. Pour le budget 2005, la démographie constitue le principal élément explicatif de l'évolution des postes d'enseignants titulaires. Ainsi, dans le premier degré, où la hausse prévisible du nombre d'élèves à la rentrée s'élève à 51.000, 1.000 postes d'enseignants sont créés ; dans le second degré, où le nombre d'élèves devrait diminuer de 44.700, 3.400 postes sont supprimés. Le volume de la baisse du nombre d'enseignants dans le second degré est donc plus important que celui de la hausse dans le premier degré. Ceci s'explique par plusieurs facteurs techniques, notamment la différence de taux d'encadrement, ainsi que la prise en compte des évolutions passées. En 2003, par exemple, la hausse constatée des effectifs s'est située très en deçà des prévisions.

2.100 postes de contractuels ne sont pas renouvelés, soit un effort comparable à celui des années passées, obtenu grâce à des gains d'efficacité, notamment, conformément aux SMR, par une amélioration du remplacement.

S'agissant des emplois administratifs, un partant sur deux sera remplacé, ce qui devrait se traduire par une réduction de 600 emplois, hors transferts aux caisses d'allocations familiales, auxquelles incomberont, pour l'ensemble des budgets, le versement des prestations sociales. S'agissant de l'Éducation nationale, ce transfert se traduit par 200 suppressions d'emplois supplémentaires. Ainsi, au total, ce sont 800 emplois qui seront supprimés.

Le budget propose, en outre, un effort très important pour des mesures catégorielles. Pour les personnels enseignants, une provision de 34 millions d'euros en année pleine est prévue pour renforcer l'attractivité des carrières. S'il est souhaitable que cette mesure soit ciblée sur les enseignants en début de carrière, la question de son affectation demeure néanmoins un sujet ouvert, qui sera soumis aux syndicats dans les prochains mois. Pour les personnels administratifs, 32,1 millions d'euros sont prévus afin de combler, progressivement, le retard qui existe en matière indemnitaire entre les personnels de l'Éducation nationale et ceux des autres ministères.

Le budget prévoit également une hausse significative des postes ouverts aux concours, qui devraient passer de 25.500 en 2004 à 26.500 en 2005, l'augmentation se décomposant en une diminution de 500 postes pour le premier degré et une hausse de 1.500 pour le secondaire. Il s'agit ainsi de mieux prendre en compte les départs en retraite et les prévisions d'évolution des effectifs. La répartition des postes par discipline a déjà été annoncée. Ainsi, l'annonce est faite avec quatre mois d'avance par rapport au calendrier de l'an dernier : les étudiants ont donc connaissance des postes au moment où ils vont s'inscrire aux concours.

L'enseignement supérieur constitue une priorité budgétaire. 1.000 emplois sont créés au total. A la suite de la crise de la recherche, 1.000 postes avaient été annoncés dans l'enseignement supérieur, se décomposant en 700 postes de professeurs et de maîtres de conférence, 150 postes de personnels IATOS et 150 postes ATER. Les 1.000 postes inscrits au budget ne sont pas tout à fait les mêmes : 850 servent à consolider les emplois annoncés, soit 700 postes de professeurs et maîtres de conférence et 150 postes de personnels IATOS, et 150 correspondent à des recrutements nouveaux de maîtres de conférence, qui interviendront à la rentrée 2005. Par conséquent, les 150 postes d'ATER annoncés en 2004 ne figurent pas dans ce total, mais ils sont néanmoins bien pris en compte dans le budget pour 2005. Cette décision traduit la volonté du gouvernement de poursuivre son soutien à l'enseignement supérieur en 2005 et de l'inscrire dans la durée, après l'effort très important de 2004.

Les crédits d'équipement de l'enseignement supérieur font également l'objet d'une attention particulière, alors que les contrats de plan Etat-région entrent aujourd'hui dans leur phase de réalisation. Si les premières années ont été marquées par un niveau élevé d'autorisations de programme, afin de permettre le lancement des chantiers, un rattrapage important est nécessaire s'agissant des crédits de paiement, afin d'assurer le financement des travaux. Les crédits de paiement font donc l'objet d'un effort très significatif, qui devrait également permettre d'assurer le financement de deux opérations importantes : l'ouverture du musée du quai Branly, prévue pour début 2006, et l'accélération du chantier du campus de Jussieu. 21 barres, sur un total de 38, devraient avoir été désamiantées courant 2005.

Enfin, le projet de budget mobilise 1 milliard d'euros supplémentaires pour la recherche. Cette masse financière se décompose en trois parties. Tout d'abord, 356 millions d'euros sont inscrits sur le budget civil de la recherche et développement (BCRD), destinés à hauteur de 97 % aux personnels et aux laboratoires des établissements de recherche et des universités. Ces crédits permettront de rattraper intégralement les retards en termes de crédits de paiement, et au-delà, de financer une hausse significative des moyens pérennes des établissements. 350 millions d'euros, issus des recettes de privatisations, iront à l'Agence nationale pour la recherche, afin de financer des projets innovants. Enfin, 300 millions d'euros seront consacrés à l'innovation et à la recherche privée dans les entreprises, via des mesures fiscales, notamment le crédit d'impôt recherche et les mesures en faveur des pôles de compétitivité.

En ce qui concerne la mise en œuvre de la loi organique, il convient de souligner l'ampleur des expérimentations engagées par le ministère. Dès 2004, les académies de Bordeaux et Rennes ont expérimenté le programme du premier degré. En 2005, ces académies vont gérer l'ensemble du budget pratiquement dans les conditions de la LOLF. De plus, toutes les académies vont être concernées par l'expérimentation dans le premier degré, ce qui représente 332.000 emplois et 9,6 milliards d'euros : il s'agit de l'expérimentation la plus importante du budget de l'Etat.

S'agissant de la stratégie ministérielle de réforme mise en œuvre au ministère de l'Education nationale, dont les questions pédagogiques sont exclues car elles ont vocation à être abordées dans le prochain projet de loi sur l'école, une attention particulière est accordée à l'amélioration du remplacement. L'objectif est de porter le rendement net, c'est-à-dire le nombre de journées de remplacement rapporté au potentiel théoriquement mobilisable, à 78 % en 2005, alors qu'il s'élevait à 66 % en 2002. Il pourrait se stabiliser autour de 80 %. L'objectif de 100 % est impossible à atteindre, dans la mesure où il faut assurer les remplacements dans 8.000 établissements et 130 disciplines principales.

Le deuxième sujet important de la stratégie ministérielle est la réforme des examens et concours : l'objectif est de réduire progressivement le nombre de sujets et d'épreuves, dans la mesure où il est démontré qu'un nombre excessif d'épreuves n'améliore pas la sélectivité et la qualité du recrutement. Il s'agit ainsi d'alléger la charge de travail des personnels. Pour le bac général, la baisse du nombre de sujets devrait être de 60 en 2005 et 70 en 2006. Pour les concours de recrutement du personnel, 20 épreuves devraient être supprimées et 10 simplifiées, par réduction des options ou des sujets, s'agissant des enseignants en 2005 tandis que le nombre de concours de recrutement des personnels IATOS devrait être réduit de moitié dès 2004 grâce aux listes complémentaires et à la mutualisation des procédures de recrutement.

Enfin, le dernier objectif fixé est de réduire le nombre d'enseignants se trouvant dans des disciplines en sureffectifs. Il est ainsi demandé aux enseignants, soit d'élargir le champ des établissements dans lesquels ils interviennent, soit d'enseigner dans une discipline proche de leur discipline d'origine. Par exemple, la réglementation permet de donner un demi-service de lettres à un professeur de philosophie ou de langue.

Le Président Pierre Méhaignerie a observé que l'enseignant pouvait refuser une telle proposition.

M. François Fillon, ministre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a confirmé cette observation. Les surnombres de disciplines représentent 0,63 % des professeurs du second degré, soit 2.400 équivalents temps plein. Les sureffectifs se situent actuellement pour moitié dans six disciplines : philosophie, allemand, physique, génie électrique, électronique et lettres-anglais. L'objectif est que 50 % des personnels enseignant dans des disciplines en sureffectifs soient concernés par l'une des mesures proposées à la rentrée 2004 et que ce pourcentage soit porté à 100 % à la rentrée 2005.

M. Jean-Yves Chamard, rapporteur spécial pour le budget de l'enseignement scolaire, a exprimé sa satisfaction quant à la présentation de l'avant-projet annuel de performances relatif à l'enseignement scolaire, qu'il juge a priori très utile : « on passe du latin au français » en matière de compréhension des documents budgétaires. Ce document devrait non seulement permettre de mieux comprendre la politique menée, mais aussi de suivre avec plus de précision, grâce aux indicateurs, l'évolution des dépenses et l'utilisation des crédits.

Le second degré d'enseignement coûte en France environ 25 % de plus que dans les autres pays développés. Si l'on avait prolongé les courbes d'évolution du nombre de professeurs de 1996, le ministère comporterait aujourd'hui 35.000 postes de moins. Les critiques relatives à l'insuffisance des créations de postes ne paraissent donc pas justifiées, d'autant qu'elles reposent sur le présupposé selon lequel l'accroissement du taux d'encadrement permet l'amélioration des résultats. Or, quasiment toutes les études réalisées montrent que cette corrélation n'est pas prouvée, à l'exception de quelques cas particuliers, tel que l'enseignement dans les zones difficiles. Des surdotations d'enseignants existent dans certaines disciplines, comme par exemple en éducation physique et sportive, en allemand ou dans certaines classes d'enseignement professionnel. Quelles décisions seront prises en la matière ?

Quelles mesures seront mises en œuvre, dans les deux ans à venir, pour améliorer les performances du système éducatif. Comment, en particulier, le Gouvernement entend-il remédier aux nombreuses critiques formulées par la Cour des comptes sur la gestion du système ? Est-il envisagé, au-delà des études existantes, telle que l'enquête PISA, de développer davantage la comparaison internationale dans le cadre des projets annuels de performance, et si oui, de quelle manière ?

Le malaise des enseignants est dû, pour une bonne part, à une mauvaise gestion des ressources humaines. Quels progrès sont envisagés dans ce domaine ? Quelles devraient être, plus largement, les orientations de la future loi sur l'école ?

M. Christian Cabal, rapporteur spécial du budget de la recherche, a estimé que le projet de budget de la recherche, qui mobilise un milliard d'euros de crédits supplémentaires, répond largement aux besoins et aux demandes de ce secteur. Cette dotation supplémentaire est équitablement répartie entre le budget civil de recherche et développement (BCRB), l'Agence nationale pour la recherche, et l'innovation et la recherche privées dans les entreprises, par le biais de mesures fiscales. Ce budget permet d'accorder des moyens satisfaisants aux établissements.

Si la création de 200 emplois pour attirer des scientifiques de haut niveau est significative, se pose le problème de leur rémunération pour que ces postes soient pleinement attractifs. L'action financière en faveur des fondations sera amplifiée avec la création de l'Agence nationale pour la recherche, qui a conduit à anticiper partiellement sur la future loi d'orientation sur la recherche. Cela était rendu nécessaire par le besoin de concilier le budget du ministère avec le contenu de cette future loi. Les crédits accordés à l'Agence (350 millions d'euros) ainsi que les reports prévus de 2004 sur 2005 (150 millions d'euros) permettront à cet égard de doter celle-ci de moyens budgétaires suffisants, notamment au regard du financement des EPST et des partenariats entre les secteurs public et privé.

Bien que le soutien à l'innovation des entreprises reste encore éloigné des critères fixés au Conseil européen de Lisbonne, le financement prévu du crédit impôt-recherche devrait permettre de développer fortement ce secteur. Cela étant, la lisibilité du dispositif demeure complexe pour les entreprises et sa mise en œuvre nécessite un effort de clarification. Enfin, la création de pôles de compétitivité devrait permettre à la fois de promouvoir la recherche et de satisfaire les personnels de ce secteur.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, après avoir rappelé les engagements du précédent ministre pour améliorer les taux de remplacement et simplifier les concours et examens pour les enseignants et les élèves, a demandé quelles mesures étaient prévues pour satisfaire d'autres engagements : la réorganisation du ministère, notamment dans sa dimension internationale, celle des relations entre les inspections académiques et les services déconcentrés des rectorats et la création envisagée d'un secrétariat général du ministère.

Le projet de budget pour 2005 est très intéressant, mais on peut regretter que la stratégie ministérielle de réforme ne s'accompagne pas d'engagements sur des objectifs chiffrés. Est-il possible d'être plus précis à cet égard ?

Compte tenu des critiques de la Cour des comptes sur l'organisation des options, en particulier dans le domaine des langues et de l'enseignement professionnel, qui comportent des effectifs relativement faibles, des regroupements et simplifications sont-ils envisagés ? Par ailleurs, dans quelle mesure la réforme de l'apprentissage a-t-elle une incidence sur l'organisation de l'enseignement professionnel ?

Le cas de l'inspection académique du Val-de-Marne démontre qu'il est indispensable de disposer d'éléments d'information plus précis sur la corrélation entre le nombre d'élèves par classe et les résultats scolaires.

Il convient de s'interroger sur le fait que la stratégie ministérielle de réforme ne couvre pas l'enseignement supérieur. S'agissant de la mise en œuvre de la LOLF et de la présentation des projets annuels de performances (PAP), à titre d'exemple, quels sont les indicateurs retenus, notamment concernant le remplacement des titulaires ?

M. Michel Bouvard, Rapporteur spécial du budget de l'Enseignement supérieur, a exprimé sa satisfaction de constater que, pour la première fois, l'effectif des enseignants suit l'évolution de l'effectif des lycéens et étudiants. Il est logique de voir l'effectif des enseignants accompagner la diminution de la démographie scolaire, eu égard aux progrès réalisés ces dernières années.

Dans le domaine des stratégies ministérielles de réforme, il s'est joint à l'observation faite par Jean-Yves Chamard sur les surnombres par discipline. La Cour des Comptes a relevé la rigidité de la gestion des personnels liée à la monovalence des enseignants. Envisage-t-on, dans le cadre des stratégies ministérielles de réformes, d'inclure davantage de polyvalence dans les enseignements dispensés dans les IUFM ? Si l'on aborde des réformes pour améliorer l'attractivité des carrières, pourquoi ne pas envisager d'assurer des rémunérations supérieures aux enseignants qui accepteraient, à l'avenir, d'enseigner dans deux ou trois matières ? Un tel système favoriserait une plus grande souplesse pour les remplacements et pour mieux pourvoir les postes au sein d'un même établissement, en zone rurale particulièrement, où un même enseignant pourrait enseigner plusieurs disciplines dans un seul établissement au lieu d'assurer des cours dans plusieurs établissements, parfois éloignés les uns des autres.

La carte de l'enseignement supérieur fait apparaître 53 départements d'IUT en attente, et ils ne sont pas toujours créés là où il existe déjà des IUT. Les élus locaux souhaitant souvent la multiplication des établissements pour un maillage du territoire satisfaisant. Cependant les universités sur des sites multiples génèrent aujourd'hui des coûts de structure importants et connaissent des problèmes de gestion du fait du manque de personnel IATOS. Il conviendrait de s'interroger sur la carte des IUT et des établissements délocalisés et, pour répondre aux préoccupations des élus locaux, d'assurer un peu plus de souplesse sur la délivrance de BTS, car on constate aujourd'hui de grandes difficultés pour en obtenir la création.

La maquette actuelle de la LOLF prévoit un programme interministériel « enseignement supérieur et recherche », plutôt issu des structures existantes. Ne serait-il pas préférable, ainsi que beaucoup d'interlocuteurs l'ont souhaité, d'aller vers des programmes plus spécialisés et plus axés sur les disciplines, et comment faire évoluer la maquette dans ce sens ? Quant aux futurs plafonds d'autorisation d'emplois, le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de finances pour 2003 met en évidence la difficulté à évaluer les emplois au sein du ministère. Ces plafonds seront-ils fixés dans les délais impartis ? S'agissant des universités, comment mettre au point un système de connaissance plus fine des capacités réelles des universités ? On ne connaît que très imparfaitement le patrimoine des universités, pas plus que les ressources propres des universités notamment les ressources extra-budgétaires, faute d'un système informatique permettant de disposer d'une évaluation et d'une consolidation. En conséquence, on méconnaît aussi les capacités des universités à recruter sur leurs ressources propres pour leurs activités de recherche.

Le contrôle financier empêche en pratique les universités de valoriser leurs actions de recherche par des brevets en leur imposant un véritable parcours du combattant lorsqu'elles veulent contractualiser pour participer à des sociétés et mettre des ressources propres dans des projets de valorisation, ce qui n'aboutit en général pas.

M. Alain Claeys a craint que le milliard d'euros annoncé pour les crédits de la recherche ne soit en trompe-l'oeil par rapport aux évolutions des crédits en 2003 et 2004. Quand le Parlement aura-t-il connaissance des principaux éléments du projet de loi sur la recherche ? On ne peut mener une réforme de la recherche sans l'enseignement supérieur : sera-t-il inclus dans le futur projet de loi, alors que le projet de modernisation des universités est, quant à lui, en panne ?

M. Jean-Louis Idiart a déploré qu'un certain nombre de professeurs d'allemand restent sans affectation. Alors que les plus hautes autorités ont commémoré récemment le Traité de l'Élysée, qu'une mission parlementaire a eu lieu dans le cadre de la réflexion sur l'avenir de l'Office franco-allemand de la jeunesse, il semble que ces efforts ne portent aucun fruit au sein des établissements et auprès des parents d'élèves. Même s'il s'agit d'une tendance lourde difficile à inverser, quels sont les efforts accomplis par le ministère afin que la langue allemande retrouve un public, ce qui paraît d'autant plus important dans le cadre de la construction européenne, où les échanges entre la France et l'Allemagne sont particulièrement importants ? Les proviseurs doivent mener une action sur le terrain, relayés par les professeurs, action totalement absente pour le moment.

Les regroupements pédagogiques intercommunaux constituent une démarche importante en milieu rural, soutenue par les collectivités locales. Or il est, depuis dix ans, impossible d'obtenir une reconnaissance administrative de ces regroupements, notamment s'agissant des postes de directeur d'école. Chaque école étant considérée, malgré le regroupement, comme une résidence administrative, elle doit avoir un directeur. Étant donné la difficulté de pourvoir à ces postes, ils restent vacants ou sont pourvus de façon temporaire, générant une instabilité permanente dans les écoles.

Après le transfert des TOS aux conseils généraux, ceux-ci seront dirigés par les principaux de collège et les directeurs, mais rémunérés par les conseils généraux : quelle est la cohérence dans ce système ? Enfin, vu la disparition des emplois aidés, comment les conseils généraux vont-ils répondre à la demande des principaux de collège qui s'adresseront à eux ?

M. Daniel Garrigue a relevé que le projet de budget comportait d'excellents éléments sur les effectifs, les remplacements et les crédits eux-mêmes. Des expérimentations ont été menées dans deux académies pour la mise en œuvre de la loi organique. Cependant, tout dysfonctionnement constaté a été attribué à cette expérimentation : le Ministre peut-il présenter le bilan des expérimentations ?

Quel sera le rôle de l'Agence nationale pour la recherche ? Se contentera-t-elle de répartir les moyens entre les organismes de recherche ou pourra-t-elle assurer un véritable pilotage de la recherche ? Son rôle devrait être suffisamment développé pour réorienter la recherche française dans des domaines d'avenir où elle reste faible aujourd'hui, comme les sciences du vivant, par exemple.

Enfin, il convient de partager les remarques faites au sujet de l'enseignement de l'allemand, délaissé et pourtant fondamental sur le plan économique et commercial, dans la viticulture en particulier

M. Édouard Landrain s'est interrogé sur la situation des directeurs d'école et l'évolution de leur fonction.

M. Alain Rodet a souhaité connaître les mesures envisagées pour améliorer le logement des étudiants.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que la recherche de performance et d'économies dans l'Éducation nationale ne signifie pas l'assassinat de l'éducation mais aboutit à plus de pouvoir d'achat pour les contribuables. Dans ce débat comme dans beaucoup d'autres, il faut répondre à la démagogie. Pourquoi construire autant de nouveaux établissements, alors que de nombreuses marges de productivité existent au sein du patrimoine de l'État ? L'un des problèmes les plus graves dont souffre l'Éducation nationale réside dans le maintien en activité de certains enseignants malheureux, qui rendent leurs élèves malheureux : comment assurer la mobilité de ces personnels ? Comment, enfin, réagir à la jurisprudence accordant un droit à la retraite à 50 ans à certains fonctionnaires pères de trois enfants ?

En réponse, M.  François Fillon, ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a apporté les précisions suivantes :

- toutes les études - sauf une - révèlent que le rapport entre le taux d'encadrement et la réussite scolaire n'est pas clairement corrélé au nombre d'enfants par classe. A contrario, il est évident que les classes surchargées ne garantissent pas la réussite scolaire ! La dégradation des conditions d'encadrement scolaire implique de se poser les bonnes questions, en prenant notamment en compte la grande variété des situations et les singularités des diverses zones d'enseignement, afin d'apporter une réponse adaptée. C'est cette problématique qui est au cœur du futur projet de loi d'orientation, qui n'entend pas faire table rase du passé, mais qui a pour objectif de mieux organiser le système éducatif, pour de meilleurs résultats ;

- l'enjeu central pour la réussite de l'ensemble des réformes concernant l'école consiste à déterminer le socle de connaissances qui doit être transmis aux jeunes ;

- certaines disciplines, sport ou philosophie par exemple, demeurent sur-dotées en postes d'enseignants. Toutefois, les filières universitaires doivent être organisées en fonction de préoccupations de plus long terme. Par exemple, si les filières Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) sont actuellement sur-dotées, les projections montrent que les besoins seront plus importants d'ici trois à quatre ans ; il convient donc de lisser le nombre de postes plutôt que de procéder à des variations trop brusques de nombre de postes d'enseignants ;

- quoique l'exercice se révèle difficile, les comparaisons internationales se développent, notamment dans le domaine des langues et des compétences de base ;

- les difficultés liées à l'affectation des enseignants résultent d'abord du caractère national des concours, ce qui explique qu'il soit difficile de répondre favorablement à tous les souhaits d'affectation. L'essentiel est de veiller, en toute circonstance, aux besoins du service, mais des efforts peuvent être entrepris pour avancer le calendrier de la procédure afin d'avertir les enseignants sur leur affectation bien avant la rentrée. Toutefois, ces modifications se heurtent à de nombreuses difficultés pratiques ;

- le niveau de rémunération des 200 emplois supplémentaires de chercheurs sera de 50 % supérieur au niveau de rémunération en début de carrière ;

- la nouvelle agence nationale pour la recherche répond d'abord au besoin de disposer, à partir de recettes affectées, d'une structure de financement sur projets, même si ce critère n'est pas exclusif. C'est la raison pour laquelle cette agence prendra, en 2005, la forme d'un groupement d'intérêt public, qui pourra évoluer par la suite en fonction des besoins de financement et de la nature des projets ;

- 100 postes en administration centrale seront supprimés en 2004 et 130 en 2005 ;

- la mise en place d'un secrétariat général impliquerait de regrouper les fonctions financières, juridiques et de gestion des ressources humaines. Ce projet est à l'étude, mais il n'est pas encore abouti ;

- développer l'apprentissage implique un travail en commun avec la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, ainsi qu'une concertation avec les régions, désormais dotées des compétences principales en cette matière ;

- la stratégie ministérielle de réforme comporte une proposition de simplification des modalités de pilotage des universités, ainsi que des pistes pour améliorer le fonctionnement des rectorats et des inspections académiques. Si les SMR sont moins précises et moins détaillées s'agissant des universités, c'est avant tout parce que le système est plus autonome ;

- en ce qui concerne la question de la bivalence des enseignants, le projet de loi d'orientation constitue une étape préalable. La carte de l'enseignement supérieur révèle un éclatement probablement excessif du dispositif national, qui implique de procéder à certains regroupements ;

- les universités se sont engagées dans une démarche de certification de leurs comptes et de mise en place d'outils d'analyse de leurs ressources propres et de leurs réserves ;

- la mise en place du plan de retour à l'emploi permet de résorber les surnombres trois ans ;

- les universités seront concernées par la réforme du système de recherche. Pour autant, il ne faut pas inclure dans cette réforme l'ensemble des questions liées à l'université, à commencer par celles de l'autonomie ;

- la revitalisation de l'enseignement de l'allemand procède d'une vraie volonté politique. Depuis trop longtemps, le sentiment d'une certaine inutilité de l'apprentissage de cette langue s'est diffusé parmi les jeunes. Il faut communiquer davantage sur les débouchés réels que la connaissance de l'allemand facilite, et, en particulier, sur les nombreux emplois qui ne sont pas pourvus, faute de candidats germanophones. Des mesures seront prises pour renforcer l'enseignement de l'allemand à l'école primaire. Un manuel franco-allemand d'histoire sera rédigé. Les réflexions actuelles portent sur les moyens de valoriser le choix de l'allemand dans le parcours d'un élève, ce qui implique probablement de trouver des solutions innovantes ;

- les techniciens et ouvriers de service (TOS) seront sous l'autorité fonctionnelle des chefs d'établissement et resteront membres de la communauté scolaire. La loi maintient la communauté scolaire ;

- les enseignants dans les écoles demeurent encore hostiles à l'instauration d'une fonction d'autorité comparable à celle des principaux et proviseurs. La revalorisation de la fonction de directeur d'école pose la question du lien entre la commune et l'école : si l'émergence de réseaux d'écoles implique de prendre en compte des établissements d'une dimension suffisante, on ne peut pas rompre ce lien. Il s'agit d'une question difficile, et la mise en place des réseaux d'école n'est peut-être pas la solution la plus adaptée ;

- les expérimentations locales de mise en œuvre de la loi organique ont donné de bons résultats, notamment en matière de maîtrise de la masse salariale, de résorption des restes à payer en matière d'examens et de concours et d'autonomisation des établissements ;

- il est prévu de réhabiliter 70.000 logements étudiants et d'en construire 50.000 sur les dix prochaines années. À la rentrée 2005, 4.000 nouveaux logements seront disponibles et, à partir de la rentrée 2006, le rythme de construction sera de 5.000 logements par an, contre 1.100 à la rentrée 2004 ;

- des efforts de rationalisation des lycées professionnels seront proposés dans le cadre du projet de loi d'orientation, afin de permettre à la fois une meilleure efficacité et une plus grande lisibilité de cet enseignement ;

- les pères de famille de trois enfants, à qui les tribunaux ont donné droit à une retraite à 50 ans après 15 ans de service, ont bénéficié d'une décision de justice dont les effets sont choquants, mais ceci concerne l'ensemble de la fonction publique ;

- quant aux enseignants malheureux enfin, il s'agit d'une question récurrente sur laquelle on ne peut plus faire l'impasse. Il est désormais établi qu'un petit nombre d'enseignants n'est pas du tout adapté à ce métier. Des solutions devront être trouvées dans le cadre du projet de loi d'orientation, afin d'offrir une seconde carrière à ces enseignants au sein d'autres administrations et de donner plus d'autonomie aux académies pour résoudre ces difficultés.

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