COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 7 octobre 2004
(Séance de 11 heures)

12/03/95

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

page

- Audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, du travail et de la cohésion sociale, sur les stratégies ministérielles de réforme et sur le budget du ministère.

2

La commission des Finances a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, du travail et de la cohésion sociale, sur les stratégies ministérielles de réforme et les crédits du ministère.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est déclaré heureux d'accueillir M. Jean-Louis Borloo afin de poursuivre les auditions sur les stratégies ministérielles de réforme et le budget. Le taux de réponses au questionnaire parlementaire est satisfaisant s'agissant du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, ce dont il faudra féliciter les services. Ce ministère s'est également mis en ordre de marche pour la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Une information précise quant aux indicateurs de performance envisagés serait cependant utile.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, a indiqué que le budget est en parfaite cohérence avec le plan pluriannuel de cohésion sociale. Ainsi, à structure constante, ce budget s'inscrit parfaitement dans le cadrage budgétaire pluriannuel du plan annoncé. Au-delà des crédits du plan (+ 1 milliard d'euros), le budget est stable : les économies et les augmentations de crédits s'équilibrent. Il existe en tout cas une absolue détermination à ce que les financements demandés correspondent à des actions précises et évaluées en permanence. Si le programme ville augmente de 25 %, cette augmentation doit être consacrée à la correction des dysfonctionnements de la société qui entrent désormais directement dans nos écoles. Ce ministère n'a pas vocation à gérer, de près ou de loin, l'éducation nationale, mais l'éducation nationale seule ne peut réussir à régler ce problème.

S'agissant de la gestion 2004, le ministère a pu passer avec Bercy un contrat de gestion afin de réduire les « stop and go » particulièrement dispendieux pour les finances publiques et pour l'action du ministère. L'essentiel des crédits gelés a ainsi pu être dégelé, sauf 140 millions d'euros, en échange d'un engagement ferme de respecter les lignes votées par le Parlement.

S'agissant de l'organisation par missions, il va être procédé au recrutement d'un secrétaire général, qui aura vocation à travailler sur les services des deux ministères : Travail-Affaires sociales et Santé.

Il est essentiel, pour la réussite du plan de cohésion sociale, que l'ensemble des services, centraux et déconcentrés, du ministère s'investissent dans le projet. Le ministre a ainsi rappelé qu'il avait pris l'initiative de rassembler, en présence du Président de la République et du Premier ministre, l'ensemble des services déconcentrés et les préfets, ces derniers ayant un rôle moteur à jouer dans l'animation des services au niveau local. Le succès de ce plan passe, bien évidemment, par la mobilisation de tous les acteurs.

M. François Grosdidier, rapporteur spécial des crédits de la Ville et de la rénovation urbaine, s'est interrogé sur les capacités de l'agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) à consommer l'ensemble des crédits votés. La même question peut se poser s'agissant des zones franches urbaines. Le rythme des dépenses à réaliser semble aléatoire. On peut par ailleurs s'interroger sur les résultats très contrastés de ces zones franches urbaines. Quel sera l'impact de la réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ? Enfin, s'agissant de la réforme budgétaire, où en est-on de l'élaboration des indicateurs de performance, particulièrement difficiles à définir pour la politique de la ville, et dispose-t-on d'un bilan des expérimentations ?

M. Alain Joyandet, rapporteur spécial des crédits du travail, a exprimé son accord avec la philosophie du plan de cohésion sociale présenté par le ministre, car il renoue avec un volontarisme, indispensable pour ce type de politique. Il traduit une analyse précise et pertinente des problèmes de terrain. Pour autant, s'agissant de la mise en œuvre de ce plan, une grande latitude doit être laissée au terrain et il conviendra d'éviter d'être trop directif au niveau national. Le danger, par exemple pour les maisons de l'emploi, est d'alourdir le système et de le complexifier en multipliant les instructions nationales.

M. François Scellier, rapporteur spécial des crédits du logement, s'est félicité de l'approche qu'avait le ministre du problème du logement, dont les solutions ne peuvent se trouver que dans la durée. Il importe de procéder à un examen d'ensemble de la chaîne et on constate en effet une fluidité de moins en moins forte dans les logements sociaux, beaucoup de locataires y demeurant alors qu'ils pourraient prétendre à d'autres logements. On constate cependant, chez les élus locaux, un manque d'intérêt pour la construction de nouveaux logements. Il est urgent de leur redonner une volonté en la matière en multipliant les contractualisations, comme le permet l'article 55 de la loi SRU. Par ailleurs, les pouvoirs d'attribution des logements doivent être réorientés vers les maires. Enfin, il convient d'associer les élus locaux aux demandes de l'agence nationale de la rénovation urbaine dès le début de la procédure.

S'agissant des dispositions financières, l'ANAH fait de plus en plus appel aux conseils généraux pour financer son action. Il est essentiel que l'État compense le coût de ses demandes.

Enfin, le problème de disponibilité des terrains en région parisienne est particulièrement aigu, les deux grands opérateurs que sont la RATP et la SNCF semblent avoir parfois de grandes difficultés à identifier leurs propriétés. Or, il est impératif de disposer d'un nombre de logements qui corresponde aux besoins.

Après avoir souligné que la création de l'ANRU opère une vraie simplification des procédures en matière de politique de la ville, M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s'est inquiété de la précision du découpage administratif du ministère. En effet, le partage de compétences avec le ministère de la Santé n'est pas très clair et le ministère de l'équipement a conservé la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction. Le poste de secrétaire général couvrira-t-il la partie relevant des affaires sociales ? Comment vont s'articuler les compétences du ministère avec les services déconcentrés, sachant que les directions départementales des affaires sanitaires et sociales voient leurs compétences réduites au profit des collectivités territoriales ?

Dès la fin de l'année 2002, la Commission des finances a attiré l'attention sur l'évolution incontrôlable des crédits de l'aide médicale d'État. Le traitement des demandes d'asile est assuré par le ministère des Affaires étrangères, le ministère de l'Intérieur et le ministère des Affaires sociales. Peut-on imaginer une simplification du traitement de ces demandes ? Faut-il confier aux préfets une responsabilité transversale ? Par ailleurs, le ministère des affaires sociales ayant la réputation d'être sous encadré, est-il envisagé de recourir à des consultants extérieurs ?

Après avoir exprimé les espoirs que suscitait le plan de cohésion sociale, le Président Pierre Méhaignerie s'est inquiété de la complexité administrative qui pourrait en résulter. Par ailleurs, l'article 14 du projet de loi de finances prévoit une mesure de 330 millions d'euros en faveur de la lutte contre les délocalisations. Cette proposition suscite la perplexité quant à la définition des « zones d'emplois » qui pourront bénéficier de cette manne financière. Il conviendrait de concentrer ces efforts sur les principaux sites touchés ainsi que sur les hommes et les femmes qui sont les perdants de ces délocalisations, et notamment les ouvriers des petites et moyennes industries.

M. Gérard Bapt a relevé que les décrets relatifs à l'accès aux soins des étrangers et la mise en œuvre du ticket modérateur pour ces mêmes personnes n'étaient toujours pas publiés, alors même qu'il faut faire face à des situations d'urgence. Il s'agit d'un problème de santé publique.

M. Augustin Bonrepaux a souligné que la mobilisation de moyens en faveur du développement urbain ne peut reposer sur les efforts des départements les plus pauvres. En effet, les offices d'HLM doivent contribuer au financement de l'ANRU. Dans des départements ruraux comme l'Ariège, la situation du logement social empire, car le coût du foncier augmente du fait de l'implantation de ressortissants de l'Union européenne et d'un coût de la construction plus élevé. Dès lors, les offices d'HLM doivent compter sur des financements provenant des communes et du département. S'il faut, en plus, contribuer à l'ANRU, un déséquilibre intolérable apparaît. La dotation de solidarité urbaine est prélevée sur les contributions versées aux autres départements. Seuls les bourgs-centres des zones de revitalisation rurale verront leur dotation progresser. Pour toutes les autres zones, les crédits sont figés. Sur 24 départements ruraux éligibles à la dotation de solidarité rurale, 20 n'ont de garanties sur le montant de la dotation que pour 2005. La mesure visant à lutter contre les délocalisations ne semble être qu'un gadget, car ce problème se pose sur l'ensemble du territoire et non dans les seules zones de compétitivité. Il est par exemple envisagé la création d'un pôle textile à Roanne, or le département de l'Ariège dispose lui aussi d'industries textile qui ne seront donc pas couvertes par ce dispositif, au risque d'une désertification de certaines zones de notre territoire.

Après avoir porté un jugement positif sur le plan de cohésion sociale, M. Hervé Novelli s'est inquiété du fait que la décentralisation pouvait être une source de conflit latent entre les administrations déconcentrées de l'État et les élus locaux. Par exemple, s'agissant des « maisons de l'emploi », s'oppose la conception du service public de l'emploi à celle des élus locaux. Il faut donc veiller à une bonne articulation du plan de cohésion sociale au niveau local. L'activation du marché de l'emploi est d'autant mieux acceptée qu'existent de réelles chances de retrouver un emploi. La récente mission de la Commission des finances au Danemark a permis de montrer que la bonne flexibilité du marché du travail en était une condition. Paradoxalement, le sentiment d'insécurité des travailleurs est d'autant plus grand que la rigidité du marché du travail est forte. La flexibilité, en effet, constitue une réelle chance de retrouver un emploi rapidement.

M. Pierre Bourguignon a souligné que 150 à 170 communes sont dans une situation financière telle qu'elles ne peuvent pas abonder les opérations financées par la dotation de solidarité urbaine selon les règles fixées. Il convient de se mobiliser pour que ces ensembles urbains fassent l'objet d'une prise en compte collective.

M. Jean-Louis Dumont a souligné que le plan de cohésion sociale devait être particulièrement ambitieux, car la paupérisation est croissante et le chômage endémique. Si l'idée de faire de l'ANRU un guichet unique est bonne, il s'avère qu'en pratique les décisions sont prises de manière centralisée à Paris. Il faut également veiller à ce que les opérations de renouvellement urbain ne conduisent pas à nouveau à concentrer la pauvreté. Les opérateurs du logement social se mobilisent fortement sur ce plan de cohésion sociale. Cependant, il est à craindre qu'il se heurte aux freins habituels. Le ministre affiche des moyens supplémentaires. Il conviendra de vérifier que ces crédits seront effectivement consommés. Sur la dotation supplémentaire de 1 milliard d'euros annoncée pour 2005, une somme de 550 millions d'euros est d'ores et déjà destinée à financer les promesses faites aux restaurateurs. Il convient aussi de ne pas oublier le milieu rural. La mise en œuvre concrète de ce plan doit reposer sur toutes les énergies locales, et notamment celles des élus. Les acteurs de terrains ne souhaitent pas préserver leur parcelle de pouvoir, il faut simplement que les missions de chacun soient claires et précises.

Après avoir rappelé que sa commune comportait 34 % de logements sociaux dans une agglomération où leur proportion dépasse 40 %, M. Jean-Pierre Gorges a exprimé son inquiétude sur les opérations menées par l'ANRU. En effet, la plupart des opérations financées par l'ANRU sont à très court terme (5 ans). Il existe donc un risque de tomber dans les travers observés dans les années 1960 et 1970 et d'aboutir à l'édification des mêmes types de complexes. Il faut plutôt privilégier les processus lents, car il s'agit de réurbaniser des zones entières. Les critères nationaux ne sont pas toujours adaptés à certaines zones. Il conviendrait aussi de pouvoir comptabiliser, avec les logements sociaux, les logements ayant fait l'objet d'une accession à la propriété. Alors même que ces opérations sont socialement très utiles, il convient qu'elles ne fassent pas baisser optiquement le nombre de logements sociaux. En outre, quand la construction de logements HLM est amortie, la loi devrait permettre de les donner gratuitement à leurs occupants. Une initiative sera prise en ce sens : il faut privilégier le don plutôt que d'obliger la collectivité à assumer un entretien coûteux.

M. Jean-Michel Fourgous s'est félicité de la mise en place de maisons de l'emploi destinées à résoudre le problème récurrent de la coordination entre les différents acteurs publics et privés qui interviennent dans le rapprochement entre l'offre et la demande de travail. Cette nouvelle structure doit jouer un véritable rôle de coordinateur au-dessus de celui rempli par les missions locales. Les objectifs du ministre en matière d'apprentissage sont ambitieux. Ne faudrait-il pas trouver une solution pour les jeunes gens âgés de 14 à 16 ans qui sont en situation d'échec scolaire, mais qui sont obligés de continuer à aller en cours ? Ils perdent ainsi un temps qui pourrait être mieux utilisé à un apprentissage, un retour à l'école après une phase d'apprentissage étant toujours possible.

M. François Grosdidier s'est interrogé sur la nécessité de maintenir des sous-préfets à la ville. L'ANRU est indispensable à la réalisation de gros projets mais n'intervient pas sur les petits projets financés dans le cadre de contrats de ville et dont les délais d'instruction par les communes et par les préfectures sont si longs que l'accord intervient souvent après l'achèvement de l'opération.

Si le volontarisme du ministre en matière de logements sociaux est une bonne chose, M. Philippe Auberger a fait part de ses inquiétudes quant à la structure de leur financement. 8 à 10 % sont pris en charge par l'État, 70 % à 75 % peuvent être couverts par des prêts de la Caisse des dépôts mais le financement de la partie restante est problématique. Il peut être assuré par le « 1 % logement » mais celui-ci est de plus en plus engagé dans la Foncière de logement, ce qui réduit les crédits disponibles pour les programmes sociaux. Les collectivités locales peuvent aussi intervenir, mais les conditions ne sont pas très incitatives pour elles. Il apparaît donc nécessaire de mettre en place un nouveau mode de financement complémentaire.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur le caractère dilatoire de certains recours devant la commission des réfugiés et sur les délais de traitement des dossiers par l'OFPRA et par la commission.

M. François Scellier a évoqué la nécessité d'un nouveau système de mutualisation des garanties d'emprunt.

En réponse, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, du travail et de la cohésion sociale, a précisé que l'ANRU n'était en aucun cas financée par une taxe payée par les départements. Cet organisme a vocation à aider les territoires grâce à des financements de l'État ou provenant du « 1 % logement », ce qui provoque un effet de levier. Alors que 400 à 600 millions d'euros étaient auparavant prélevés chaque année sur le produit du 1 % logement, celui-ci est désormais entièrement utilisé au profit de la rénovation urbaine. Les travaux de rénovation sont normalement à la charge des organismes de logement social ; le rôle de l'ANRU est transitoire et consiste essentiellement à garantir des financements initialement prévus pour 5 ans, mécanisme que tous les organismes HLM ont approuvé.

Le programme de rénovation urbaine est global, même s'il est limité dans le temps, si bien qu'il n'est pas nécessaire d'être le premier arrivé pour être le premier servi. Alors que le besoin global avait été chiffré à 25 milliards d'euros, on sait maintenant que 36 à 38 milliards d'euros seront nécessaires pour une remise à niveau, qui s'étalera non plus sur 5 ans mais sur 8 ans. L'allongement de la durée s'accompagne d'un accroissement de l'enveloppe financière, sans augmenter la dotation budgétaire inscrite dans l'immédiat.

La règle selon laquelle à un logement social détruit doit correspondre un logement reconstruit ne s'entend qu'à un niveau global. L'essentiel est que l'offre de logements sociaux ne soit pas diminuée. Ce principe est modulé par le fait qu'il faut plutôt qu'il s'applique au niveau d'un bassin d'emplois, et par l'existence d'un taux de vacance des logements sociaux de l'ordre de 20 % en moyenne, ce qui, en pratique, confère une marge de manœuvre dans l'application du principe. Mais l'ANRU a vocation à intervenir sur tout le territoire. Enfin, il faut souligner que le problème peut, dans certaines zones, moins concerner la démolition-reconstruction que les équipements urbains. Il faut donc gérer ce système avec une grande souplesse. Si un risque existe, il porte sur l'extension du champ des dérogations permises par l'article 6, qui concerne seulement des opérations ponctuelles. Il faut aussi souligner que l'ANRU agit sur un territoire et pas seulement sur le logement ; des opérations d'équipement public peuvent être menées grâce à son financement. Le dispositif allie souplesse et territorialité, ce qui suppose un chef de file local efficace.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est inquiété des réactions des structures locales : accepteront-elles de travailler ensemble à un même objectif ?

M. Jean-Louis Borloo a rappelé qu'il n'existait pas de taux de financement par l'ANRU mais qu'une masse globale de crédits était accordée à chaque programme, selon les conditions locales.

Les maisons de l'emploi peuvent être immatérielles. L'essentiel est que les efforts de chacun se fédèrent. Les chômeurs n'appartiennent ni aux ASSEDIC ni à l'ANPE ! Tous les partenaires, y compris les organismes de formation, doivent travailler ensemble. Des indicateurs de performance seront mis en place dans chaque site pour juger de l'efficacité de la collaboration des services.

Les responsables locaux ne peuvent réclamer à la fois un instrument très souple et des règles contraignantes et uniformes ! Les personnels dont le recrutement est prévu dans le budget seront embauchés aux niveaux locaux, mais des comités d'évaluation et des cabinets de conseil seront mis à disposition pour aider les collectivités.

M. Daniel Garrigue s'est dit favorable aux maisons locales et a indiqué qu'il en avait créé une dans sa commune, mais qu'il s'était heurté au refus de participation des ASSEDIC. Le paritarisme qui les régit les mettrait en porte-à-faux. Comment cette difficulté peut-elle être surmontée ?

M.  Jean-Louis Borloo a signalé que l'association des ASSEDIC aux maisons de l'emploi avait été possible dans certaines villes et qu'il était indispensable de poursuivre les efforts dans cette direction. Mais il est vrai que l'incompatibilité des systèmes informatiques de l'ANPE et des ASSEDIC démontre que chacun peut chercher à garder son pré carré.

Deux ministères régaliens sont en charge de la politique de l'asile, le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l'Intérieur, mais c'est le ministère de l'Emploi qui est le financeur. La situation était inacceptable et les trois principaux problèmes ont été réglés : les demandes manifestement dilatoires pourront être traitées rapidement dans le strict respect du contradictoire, 144 recrutements sont en cours, et le déménagement de la commission des recours est proche. Il fallait remédier à une situation dans laquelle les délais de traitement augmentent en France de 12 % quand les autres démocraties les réduisent : un pays comme le Royaume-Uni les réduit de 49 %. À la question du Président Pierre Méhaignerie et de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, sur les retards de parution des décrets réformant la procédure de traitement des demandes d'asile et de l'OFPRA, M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, du travail et de la cohésion sociale, a répondu que ces retards ne s'expliquent pas par des motifs techniques.

Puis il a poursuivi ses réponses : le Secrétaire général va recevoir la mission de proposer pour le ministère une nouvelle architecture de l'administration centrale et des services déconcentrés. Aujourd'hui, le ministère souffre de ne pouvoir recruter suffisamment de personnels de bon niveau, les structures sont trop nombreuses et trop cloisonnées, et certaines rémunérations insuffisantes. Il s'agit d'un vrai sujet de management et de motivation des agents.

M. Jean-Louis Dumont a tort lorsqu'il impute les 500 millions d'euros destinés à la réforme du SMIC hôtelier sur le milliard d'euros d'augmentation du budget du ministère. En réalité, ce budget est construit en deux blocs, l'un équilibré, le deuxième en augmentation d'un milliard d'euros. Avoir financé la fin du SMIC hôtelier, qui était un scandale, est un motif de fierté. Les recrutements dans ce secteur étaient difficiles et le travail des employés à ce point pénible que le taux de fidélité de la profession, mesuré par le maintien de l'apprenti dans son poste pendant plus d'un an, atteignait à peine 21 %.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a salué cette mesure.

M. Jean-Louis Borloo a ensuite répondu que :

- le modèle danois évoqué par le Président Pierre Méhaignerie est meilleur que celui de la France, d'une part en raison de la représentativité très supérieure des signataires des accords, qu'il s'agisse des employeurs ou des salariés, et d'autre part en raison d'un taux d'indemnisation du chômage différent. Au-delà, c'est le modèle économique global du marché de l'emploi qui diffère du nôtre. Il n'est pas exclu que la France puisse s'orienter vers un tel modèle de mobilité-sécurité ;

- s'agissant des délocalisations, et plus particulièrement des call centers, le critère décisif à prendre en compte n'est pas tant celui du coût horaire de la main-d'œuvre que celui du coût de cette dernière lorsque l'activité est basse. Le problème provient donc de l'insuffisante flexibilité de la durée du travail. Donneurs d'ordres et clients ont été réunis au ministère afin de réfléchir aux adaptations à conduire pour limiter ces phénomènes de délocalisation. Il est évident que le secteur des services est celui où la France peut faire valoir un écart de performance par rapport à d'autres pays. Tel est le prochain grand chantier du ministère. Les pôles de compétences, dont la création est annoncée, sont également des solutions porteuses d'avenir, et il est souhaitable que la commission des Finances et le ministère des Finances puissent être associés au ministère de l'Emploi pour construire la réponse française aux délocalisations. On ne peut pas, pour l'instant, chiffrer le nombre de créations d'emplois induites par la réforme du SMIC hôtelier. Sur la question de l'accès aux soins des étrangers, le ministre chef de file est celui de la santé et de la protection sociale, les décrets relatifs à l'asile étant, eux, parus.

En conclusion, si le risque de délocalisation en matière de services existe, il faut prendre des mesures adaptées et ne pas oublier que les délocalisations comportent aussi des victoires pour notre pays.

__________


© Assemblée nationale