COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 16

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 26 octobre 2004
(Séance de 17 h 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

puis de M. Michel Bouvard, Vice-président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n°1800) :

Vote sur les crédits :

 

· de la Défense : articles 48 et 49 et examen des comptes d'affectation spéciale n°904-03, 904-05 et 904-20 (M.  François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial)

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· de l'Écologie et du développement durable (M. Philippe Rouault, Rapporteur spécial).

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· de la Solidarité (Mme Marie-Hélène des Esgaulx, Rapporteure spéciale)

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· des Services généraux, du Conseil économique et social, du Plan et du budget annexe des Journaux officiels (lignes figurant aux articles 50 et 51, I et II) (M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial)

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· des Transports aériens et du budget annexe de l'aviation civile (lignes figurant aux articles 50 et 51, I et II (M.  Charles de Courson, Rapporteur spécial)

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La Commission a poursuivi l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

Elle a tout d'abord procédé, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, à l'examen des crédits de la Défense retracés dans les articles 48 et 49, du projet de loi de finances.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a tout d'abord indiqué que le projet de budget de la Défense met en œuvre la troisième annuité de la loi de programmation militaire 2003-2008. Il conforte la très nette inflexion en faveur des crédits de défense, fixés à 42,42 milliards d'euros (+ 2,07 %). En ce qui concerne la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la mission « Défense » regroupe l'essentiel des crédits de l'actuel ministère (84 %), soit 35,68 milliards d'euros. Cette mission serait subdivisée en quatre programmes. Le programme « Environnement et prospective de défense » représente 4,5 % de ces crédits, le programme « Préparation et emploi des forces » en représente 57,6 %, le programme « Équipement des forces », 28 %, et le programme « Soutien de la politique de la défense », 7,9 %. La répartition des crédits et des responsabilités ainsi que la déclinaison opérationnelle des programmes sont le fruit d'un long travail interne au ministère qui a mobilisé l'ensemble des services depuis 2001. Des difficultés restent à résoudre, mais cette situation ne doit pas masquer les efforts notables de modernisation du ministère.

Le programme « Environnement et prospective de la défense » regroupe des crédits de diplomatie de la Délégation pour l'armement (DGA), de l'État-major des armées (EMA) et de la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) avec des crédits de recherche de la DGA et des crédits du renseignement. La pertinence de ce programme n'est pas flagrante. En outre, le directeur de la DAS en serait le responsable, alors qu'il n'est pas certain qu'il dispose des moyens administratifs et politiques pour assumer cette tâche. Le programme « Préparation et emploi des forces » est le plus important de la mission « Défense ». De ce fait, il suscite de nombreuses critiques. Il est vrai que sa taille peut nuire à la qualité du contrôle parlementaire, mais il faut aussi souligner que le renforcement du rôle du Chef d'état-major des armées doit conduire à une utilisation plus efficace des crédits. Confier un programme à chacune des armées peut sembler une idée séduisante, mais, en réalité, cette solution conduirait à l'immobilisme. La réussite de la réforme du ministère de la Défense justifie que l'étude d'un éventuel redécoupage de ce programme n'intervienne qu'après un ou plusieurs exercices budgétaires.

Le programme « Équipement des forces » vise à mettre à la disposition des armées les équipements leur permettant de remplir leurs missions. Le ministère propose que ce programme ait deux responsables : le Chef d'état-major des armées et le Délégué général pour l'armement. Dans ce schéma, les choix capacitaires seraient formulés par le CEMA, tandis que la conduite des programmes d'armement serait assurée par le DGA. Il n'est pas certain que cette solution soit compatible avec la loi organique. Il conviendra donc de trouver une solution qui préserve cet équilibre. Il faut également rappeler que le Parlement doit être informé en détail du contenu des programmes et des actions. Les avant-projets annuels de performance sont très significativement moins détaillés que les actuels bleus budgétaires. Le Parlement est en droit d'attendre un niveau de précision au moins équivalent dans les documents que le Gouvernement lui présentera. Il convient également d'être vigilants sur la pertinence des indicateurs présentés. Ces remarques ne concernent pas que la Défense, mais beaucoup de ministères. Il faut que les Rapporteurs spéciaux contrôlent effectivement la mise en place de la loi organique dans chacun des ministères.

Les dépenses d'équipement sont conformes, pour la troisième année consécutive, à la programmation. Le ministère présente ainsi un projet de budget d'équipement atteignant 15,2 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de plus de 2 %. Il faut également rappeler que ces crédits avaient augmenté de 9,2 % en 2004 et de 11,2 % en 2003. La mise en place du conseil des systèmes de forces, au début de l'année 2004, doit permettre d'améliorer la conduite des programmes d'armement et l'efficacité de la dépense publique en renforçant le pouvoir d'arbitrage du Chef d'état-major des armées. Sous sa présidence, le conseil des systèmes de forces réunit périodiquement le Délégué général pour l'armement, la Secrétaire générale pour l'administration, le contrôle général des armées, les chefs d'état-major des forces et le Directeur général de la gendarmerie nationale pour analyser collégialement les différentes options possibles d'arbitrage en matière d'acquisition d'équipements des forces armées.

Cet été est née une polémique sur une supposée « surconsommation » des crédits de la Défense. En effet, le niveau des dépenses militaires s'établissait à 17,6 milliards d'euros au 30 juin 2004, soit une progression de 12,6 % par rapport à l'année précédente. À cette date, les seules dépenses d'équipement militaire progressaient de 16,7 %. En réalité, les dotations de dépenses en capital progressaient de 9,2 % en loi de finances initiale, soit une hausse de 1,26 milliard d'euros. En outre, les ouvertures tardives de crédits de paiement en loi de finances rectificative ont conduit à des reports de crédits de 2003 sur la gestion 2004 atteignant 1,5 milliard d'euros, soit 11,3 % des crédits ouverts. Au total, les dotations disponibles en début de gestion se fixaient à 16,4 milliards d'euros, soit 10 % de plus que la dotation inscrite en loi de finances initiale pour 2004. Le niveau des dépenses du budget de la Défense reflète donc uniquement la progression des crédits disponibles, le rythme de consommation étant normal.

S'agissant des livraisons, le satellite Syracuse III A sera mis en orbite en 2005. Un bâtiment de projection et de commandement, les dix premiers avions Rafale Air, 70 missiles SCALP-EG, 8 hélicoptères Tigre et 66 véhicules blindés légers seront livrés. 30 chars AMX 10 RC seront rénovés. En matière de maîtrise du milieu aéromaritime, seront livrés un hélicoptère NH90, un système PAAMS et 50 missiles Aster. Le ministère commandera 2 avions de transport à long rayon d'action, 1.089 systèmes de combattant futur FELIN ainsi que les 8 premières frégates multimissions.

Le budget de fonctionnement apparaît contraint, malgré une croissance de 1,26 % des crédits du titre III, hors pensions. Le projet de loi de finances pour 2005 conduit globalement à la suppression nette de 879 emplois, dont 759 emplois de civils. Les trois armées vont voir leurs effectifs budgétaires se réduire. Les crédits de rémunérations et de charges sociales connaîtront une croissance modérée de 0,8 %. L'évolution de ces crédits recouvre des mesures diverses, mais elle traduit globalement une volonté de conforter l'assise de l'armée professionnelle. Le fonds de consolidation de la professionnalisation sera renforcé par une mesure nouvelle de 11 millions d'euros. Le plan d'amélioration de la condition militaire sera doté d'un volet social de 3 millions d'euros. Le montant total de l'action sociale sera en progression de 5,7 %. Les crédits destinés à l'activité des forces sont stabilisés. En 2004, compte tenu de la charge que représentent le financement des opérations extérieures et le renchérissement du prix des carburants, l'activité des forces n'atteindra pas les objectifs fixés. Le financement des opérations extérieures pèse toujours sur l'exécution du budget. La loi de finances pour 2004 contenait, pour la première fois, une provision de 24 millions d'euros destinée à couvrir ces dépenses, les abondements s'avérant toujours insuffisants. Cette provision est portée à 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances. Elle demeure insuffisante au regard des surcoûts prévisibles, qui devraient dépasser 650 millions d'euros.

La MEC pourrait utilement s'intéresser au financement des opérations extérieures.

M. Pierre Méhaignerie, Président, a remercié le Rapporteur spécial pour son exposé et l'a interrogé sur d'éventuelles suggestions d'enquêtes à proposer à la Cour des comptes.

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a déclaré plutôt songer à des thèmes de prochains rapports d'information, sur l'Europe de la défense ou l'Agence européenne de l'armement, par exemple.

M. Charles de Courson a interrogé le Rapporteur spécial sur la provision destinée à couvrir les dépenses des opérations extérieures. Elle n'est que de 100 millions d'euros, alors que 500 ou 600 millions d'euros seraient nécessaires. Quels redéploiements de crédits pourront couvrir les dépenses supplémentaires prévisibles ? Par ailleurs, il convient de s'interroger sur l'évolution des dépenses de personnel et sur l'absence de provision au titre de l'éventuelle revalorisation du point d'indice de la fonction publique. Les dépenses d'équipement, compte tenu des coûts des armements, posent également problème : elles permettent tout juste de financer « un demi régiment de chars » par an. La structuration de la future mission « Défense » est particulièrement opaque. Sur 35 milliards d'euros, le programme « Préparation et emploi des forces » monopolise 21 milliards d'euros dont l'utilisation sera, de fait, illisible. Ce programme semble dépourvu d'objectif précis : disposer d'une armée n'est pas, en soi, un objectif ! Quant au découpage au sein des programmes, où chaque armée est une action, il est le reflet d'une sorte de « syndicalisme militaire ». Enfin, il faut déplorer que les durées d'entraînement continuent de diminuer : pour la Marine, par exemple, des entraînements de moins de 100 jours par an ne sont pas suffisamment efficaces.

M. Alain Rodet s'est enquis de la régulation budgétaire sur l'exercice 2004, les gels de crédits ayant atteint un niveau « ubuesque ». Il s'est ensuite ému de ce que l'armée de terre soit la grande perdante de ce projet de loi de finances, comme c'est souvent le cas. Les dépenses consacrées aux opérations extérieures doivent d'ailleurs être examinées avec attention, car elles concernent, au premier chef, l'armée de terre. Il a enfin souhaité avoir des informations sur les conditions de construction et de financement du second porte-avions.

M. Jean-Jacques Descamps s'est étonné du montant des reports de charges de 2003 sur l'exercice 2004 et de la réduction des durées d'entraînement. À tout prendre, il serait plus pertinent de disposer d'effectifs moindres mais mieux entraînés. Par ailleurs, comment s'explique l'augmentation du nombre de certaines catégories de sous-officiers ?

M. Michel Bouvard a jugé que les deux plus gros programmes constituaient une véritable « boîte noire », rendant impossible un contrôle parlementaire efficace. Il est nécessaire de découper ces programmes, de les structurer en actions détaillées et de les doter d'indicateurs précis. Les opérations extérieures, elles, sont très largement sous-dotées, alors que 90 % d'entre elles sont prévisibles. Elles pourraient sans doute faire l'objet d'un programme propre. Selon la presse, celui-ci est même demandé par le ministère. S'agissant des effectifs, il est étonnant qu'ils diminuent globalement de 879, mais que le nombre d'officiers augmente, lui, de 1.024.

M. Michel Bouvard a également demandé au Rapporteur spécial si les crédits inscrits au projet de loi de finances permettraient d'honorer l'engagement de l'État à l'égard de l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), qui est lié au ministère de la défense par un contrat d'objectifs et de moyens pluriannuel. Enfin, il serait intéressant de faire le point sur l'état de la réalisation des actifs immobiliers du secteur de la Défense.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, est revenu sur la question d'une éventuelle « surconsommation » des crédits de la défense au premier semestre 2004. Apparemment, cette forte consommation serait liée aux reports de crédits de l'exercice 2003 sur l'exercice 2004 (1,5 milliard d'euros) et par une forte dotation en crédits de paiement en 2004. Sait-on à combien se monteront les reports de crédits de 2004 vers 2005 ? Le respect de l'enveloppe budgétaire globale adoptée par le Parlement pour 2004 dépend en effet très largement de la situation des crédits de la Défense. Le ministère de la Défense et le ministère des Finances se sont-ils mis d'accord sur le financement des opérations extérieures dans la future loi de finances rectificative pour 2004 ?

M. François Cornut-Gentille, Rapporteur spécial, a apporté les éléments de réponses suivants :

- le financement des opérations extérieures pourrait être couvert en loi de finances rectificative pour 2004. Il est souhaitable que, comme l'an dernier, au moins les deux tiers des surcoûts soient pris en charge, mais aucun arbitrage définitif n'est encore intervenu ;

- la consolidation des crédits du titre V a nécessité, en contrepartie, de faire des efforts sur les crédits du titre III. C'est, en quelque sorte, la fongibilité asymétrique « avant l'heure » ;

- la réduction des coûts de programmes d'armement, du fait des commandes globales, varie, selon les programmes, entre 5 % et 10 %. Il serait intéressant de connaître les économies générées par un programme multinational ;

- s'agissant de la nomenclature de la mission « Défense », il faut se réjouir qu'à l'inverse d'autres ministères, le découpage des programmes, en particulier le programme « Préparation et emploi des forces », ne soit pas une simple reprise des structures administratives existantes. Certes, on doit s'inquiéter des risques d'opacité, mais sans nécessairement se focaliser sur la seule question du découpage des programmes. Il faut surtout s'assurer que leur mise en œuvre, par leur déclinaison en budgets opérationnels de programme (BOP), aille dans le sens de la clarté et de la transparence. S'il ne faut évidemment pas s'interdire de redéfinir les programmes présentés cette année, il importe prioritairement de s'assurer que les budgets opérationnels de programme ne se borneront pas à reproduire le découpage en trois armées, ce qui serait un réel échec dans la mise en œuvre de la loi organique ;

- les indicateurs de performance proposés, même s'ils ne sont pas suffisants, traduisent un réel effort de réflexion de la part du ministère. C'est maintenant au Parlement qu'il appartient de les améliorer ;

- l'armée de terre est effectivement celle qui a connu les plus lourdes restructurations, suscitant ainsi des sentiments d'être la « mal-aimée ». En revanche, à la vue des chiffres, il serait excessif de prétendre qu'elle soit «  sacrifiée » par le projet de budget ;

- la construction du second porte-avion bénéficiera d'une première enveloppe de 600 millions d'euros au cours de la programmation 2003-2008. Le partenariat avec le Royaume-Uni, dont les conditions exactes restent à définir, se justifie aussi par sa dimension politique. La réalisation éventuelle de gains sur le coût d'une telle opération n'est pas l'unique objectif. Le type d'avion choisi sera déterminant ;

- s'agissant de la réalisation des actifs immobiliers, la question se pose pour l'ensemble des ministères. Une réflexion d'ensemble de la Commission des finances sur le patrimoine immobilier de l'État serait donc nécessaire.

Le Président, Pierre Méhaignerie, s'est demandé si la Commission pouvait, en l'état, se satisfaire de la nomenclature des programmes proposée par le Gouvernement, qui réduit la capacité d'amendement des parlementaires.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé que la présentation des crédits selon les règles de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances n'était qu'indicative cette année et qu'il serait possible de revenir sur ces questions de découpage des programmes lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

M. Michel Bouvard a réitéré son souhait de voir un programme, et non une simple action, entièrement consacré aux opérations extérieures. Ceci permettrait de régler le problème récurrent de leur financement, qui apparaît comme un véritable « mensonge budgétaire » annuel.

S'agissant des cessions de terrains, le ministère met en avant la nécessaire dépollution préalable à la vente, tandis que les autres services soulignent l'impossibilité de procéder à des opérations de dépollution du fait du caractère « secret défense » de ces emprises. Enfin, il conviendrait qu'un programme spécifique soit consacré au nucléaire.

Puis, la Commission a procédé à l'examen des crédits :

Article 48 : Mesures nouvelles. Dépenses ordinaires des services militaires

La Commission a adopté, conformément à la position du Rapporteur spécial, cet article sans modification.

Article 49 : Mesures nouvelles. Dépenses en capital des services militaires

La Commission a rejeté un amendement présenté par M. Jean-Louis Dumont tendant à réduire de 5 millions d'euros les crédits de paiement affectés au second porte-avions. M. Alain Rodet a souligné que le Parlement n'était pas suffisamment informé sur le déroulement de ce programme.

La Commission a adopté cet article sans modification, conformément à la position du Rapporteur spécial.

Le Rapporteur spécial a indiqué les crédits des comptes d'affectation spéciale n° 904-03, 904-05 et 904-20 n'appelaient pas de remarque particulière. Il a ensuite présenté deux observations.

Puis, la commission des Finances a adopté la première observation selon laquelle elle prend acte de la volonté de réforme et de modernisation qui a animé le ministère de la Défense dans la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances et qui implique notamment le renforcement du rôle du Chef d'état-major des armées. Cependant, elle observe que cette volonté se traduit, en l'état, par la mise en place d'un programme « Préparation et emploi des forces » d'une taille faisant obstacle à l'effectivité du contrôle parlementaire. Elle souhaite, dans l'immédiat, que la définition des budgets opérationnels de programme permette d'assurer pleinement ce contrôle et, à terme, qu'un redécoupage soit étudié.

Puis, la Commission a adopté la seconde observation selon laquelle elle souhaite que soit amplifié l'effort de transparence budgétaire conduisant à l'inscription en loi de finances initiale d'un montant de crédits adapté au coût prévisible des opérations extérieures. À cette fin, elle souhaite que le projet de loi de finances pour 2006 intègre une dotation suffisante pour couvrir le coût des opérations extérieures en cours. Une telle démarche permettrait de respecter pleinement le principe de sincérité de la loi de finances rappelé par l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Philippe Rouault, Rapporteur spécial, les crédits de l'Écologie et du développement durable.

M. Philippe Rouault, Rapporteur spécial, a indiqué que l'idée de maîtrise de la dépense publique a sous-tendu la construction du budget du ministère de l'écologie. Ce budget s'élève en effet à 825 millions d'euros en moyens de paiement, à comparer aux 856 millions d'euros de l'année 2004 (- 3,6 %). Cette baisse fait suite à la forte hausse de l'année dernière (+ 11,5 %), due pour une bonne part à la budgétisation du Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE). Cette diminution des crédits s'explique par un recul des dépenses ordinaires de 7,1 % (615 millions d'euros au lieu de 662). Les principales baisses de crédits touchent l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dotée de 63 millions (- 37 millions) et le fonctionnement des services (- 3 millions). Les principales hausses concernent le chapitre « protection de la nature et de l'environnement » (+ 2 millions) et le personnel (+ 7 millions) : les emplois budgétaires augmentent de 3.564 à 3.650. La recherche bénéficie d'1,35 million d'euros supplémentaire (+ 0,6 %) en faveur de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Les dépenses en capital s'élèvent à 210 millions d'euros (+ 8,2 %) et les autorisations de programme à 423 millions d'euros (+ 23 %). Le mouvement de rééquilibrage entre dépenses d'investissement et dépenses ordinaires doit cependant être relativisé, car ce sont les titres V et VI qui portent les crédits globalisés des expérimentations menées pour préparer l'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Ce budget pourrait être abondé par 141 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 2004, qui seraient répartis entre l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (3 millions d'euros), le Conservatoire du littoral (8 millions d'euros) et l'ADEME (130 millions d'euros). Ces crédits supplémentaires, même s'ils nuisent à la clarté du budget de l'Écologie, sont tout particulièrement nécessaires pour l'ADEME.

Dans un tel contexte, loin de procéder à un « saupoudrage », ce budget est marqué par la volonté d'effectuer de vrais choix quant aux politiques à conduire. Cinq priorités sont établies : la lutte contre le changement climatique, la prévention des risques technologiques et naturels et la lutte contre les pollutions, la préservation de la biodiversité, la rénovation de la politique de l'eau et la promotion du développement durable.

La lutte contre le changement climatique bénéficie de 23 millions d'euros en crédits de paiement et de 98 millions d'euros en autorisations de programme, inscrits sur la dotation de l'ADEME. Un crédit d'impôt devrait en outre être voté, en deuxième partie du projet de loi de finances, en faveur des équipements performants écologiquement, tels que les chauffe-eau solaires. La prévention des risques technologiques et des pollutions recevra, elle, 72 millions d'euros, essentiellement consacrés à l'application de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels. En matière d'installations classées, le projet de loi de finances propose la création de 50 emplois supplémentaires dans les Directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), sous la forme de 25 nouveaux emplois et de 25 emplois transférés depuis le ministère des Finances. Il serait cependant préférable que le renforcement du contrôle des installations classées se fasse à effectifs constants.

La préservation de la biodiversité et du patrimoine naturel est également confortée par ce projet de budget, l'agrégat « protection de la nature, des sites et des paysages » progressant de 109,95 millions d'euros en 2004 à 122,69 millions d'euros. Parmi les actions phares qui bénéficieront de cette progression, figure la construction du réseau européen Natura 2000. Une autre orientation du ministère de l'Écologie, qui devrait avoir une traduction législative dans les mois qui viennent, est la rénovation de la politique de l'eau. Les crédits consacrés à la protection de l'eau et des milieux aquatiques passent de 108,5 millions d'euros en 2004 à 95,4 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005. Cette baisse s'explique principalement par des économies réalisées sur les moyens de fonctionnement et par une amorce de redistribution des rôles entre l'État et les agences de l'eau. L'État devrait se recentrer sur ses missions essentielles, telles que la police de l'eau, alors que d'autres actions seront davantage prises en charge par les budgets des agences de l'eau (lutte contre les pollutions d'origine agricole, restauration des cours d'eau et des zones humides). Une question se pose cependant : la volonté du ministère de l'Écologie de rationaliser la dépense ne s'est-elle pas faite de façon excessive, au détriment du domaine de l'eau ? Enfin, l'agrégat « soutien aux politiques environnementales », doté de 222,8 millions d'euros, est marqué par une légère baisse, due notamment à une diminution des moyens de fonctionnement de 4,5 %.

Concernant la mise en œuvre de la loi organique, la mission « Écologie et développement durable » serait dotée en 2005 de 574,2 millions d'euros, soit 70 % du budget du ministère. Elle est composée de trois programmes : « Prévention des risques et lutte contre les pollutions », « Gestion des milieux et biodiversité » et « Soutien aux politiques environnementales et développement durable ». Ce découpage est logique et correspond aux différentes politiques menées par le ministère de l'Écologie. La question de la création d'un programme spécialement consacré à la politique de l'eau peut cependant être posée, étant donnée la spécificité de ce thème. Le ministère de l'Écologie est également partie prenante du programme « Recherche dans le domaine des risques et des pollutions » de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». Pour 2005, cette participation représenterait 251 millions d'euros, soit 30 % du budget du ministère.

La mise en œuvre de la loi organique a donné lieu à une expérimentation de globalisation des crédits en 2004 par la DIREN de Midi-Pyrénées. En 2005, cette expérimentation sera étendue aux régions Bourgogne, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'azur. En outre, afin d'appréhender l'intervention des établissements publics dans le nouveau cadre budgétaire, l'ADEME expérimentera, elle aussi, l'application de la loi organique. Deux questions essentielles se posent par ailleurs sur les emplois : d'une part, le rattachement de l'ensemble des crédits de personnel au futur programme « soutien » conduit à fortement alourdir ce programme (il représenterait 36,3 % de la mission en 2005) ; d'autre part, une solution, telle que la délégation de gestion par exemple, devra être trouvée à l'égard des emplois et crédits inscrits sur le budget du ministère de l'Écologie transférés chaque année vers d'autres départements ministériels assurant la gestion des corps des fonctionnaires concernés (équipement, agriculture, finances, santé).

Enfin, l'avant-projet annuel de performances traduit plusieurs progrès : les indicateurs proposés ne se contentent pas de reprendre les indicateurs existants dans les actuels agrégats, ils intègrent des objectifs d'efficacité socio-économique, de qualité de service et d'efficacité de gestion et la plupart seront mis au point d'ici à l'année prochaine et pourront donc être renseignés dès le projet de loi de finances initiale pour 2006.

Toutefois, plusieurs critiques peuvent être émises : certains objectifs et indicateurs semblent trop larges ou trop vagues, comme par exemple l'indicateur fondé sur la quantité des émissions de gaz à effet de serre. D'autres relèvent plus d'une logique d'activité ou de moyens que d'une logique d'optimisation de la dépense publique.

Le Président Pierre Méhaignerie a interrogé le Rapporteur spécial sur des thèmes d'enquêtes pouvant être proposés à la Cour des comptes et sur des sujets dont pourrait se saisir la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC).

M. Philippe Rouault, Rapporteur spécial, a suggéré, comme il l'avait fait l'année dernière, que la Cour des comptes se saisisse de la situation financière de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Cet Office connaît en effet, depuis plusieurs années, une situation financière difficile, qui a conduit l'État à lui verser des subventions de fonctionnement. Malgré cela, il sera vraisemblablement encore en déficit de plusieurs millions d'euros en 2005.

M. Alain Rodet a souhaité avoir davantage d'informations sur deux sujets : le contrôle des installations classées d'une part, les nouvelles mises aux normes des incinérateurs d'autre part.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé, dans le domaine de l'Écologie comme dans les autres secteurs de l'action publique, la nécessité de progresser dans la réforme et la simplification des services déconcentrés. L'éclatement des compétences et l'éparpillement des organismes sont tels que les décisions et les arbitrages sont trop complexes. Il est temps d'envisager des fusions de services.

M. Pascal Terrasse a jugé que les effectifs de l'administration centrale étaient trop importants par rapport à ceux des services déconcentrés qui, eux, manquent souvent de moyens. La DIREN de Rhône-Alpes en est un exemple. En matière de lutte contre les inondations, il est nécessaire qu'au lieu de seulement impulser ou inciter, l'État s'engage réellement. Des études, réalisées, restent impayées, des annonces, comme celle de la couverture radar, demeurent sans suite, et les élus locaux sont dans l'incapacité d'agir, que ce soit en ce qui concerne la lutte contre les inondations ou la protection des forêts. Il y a là une très réelle difficulté. Il appartient à la Commission des finances de s'intéresser de près à l'utilisation concrète des crédits en la matière, afin d'y voir plus clair.

M. Denis Merville s'est inquiété de la lourdeur de l'administration centrale, ainsi que du morcellement des crédits, éparpillés entre de multiples organismes. Au-delà des financements, ce sont aussi les structures qui doivent être clarifiées et simplifiées. De ce point de vue, la transformation de l'Institut français de l'environnement (IFEN) en service à compétence nationale est une évolution positive. Les réglementations doivent également être allégées. Par exemple, il est anormal qu'il faille parfois près de dix ans pour mener à terme un Schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). De même, la réforme de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'est pas satisfaisante. S'agissant des choix budgétaires du ministère de l'Écologie et du développement durable, il n'est pas sûr que les moyens en faveur de la lutte contre le changement climatique soient à la hauteur de la « priorité » annoncée. Les crédits en faveur des réseaux de lutte contre la pollution atmosphérique semblent, eux, insuffisants. Enfin, les sommes prélevées exceptionnellement sur les agences de l'eau pour abonder les crédits de l'exercice 2004 ont-elles réellement bénéficié à l'ADEME ?

M. Michel Bouvard a souscrit au besoin de simplification exprimé par les précédents intervenants. Il a indiqué que certains des problèmes soulevés pourraient être résolus par la création, plusieurs fois suggérée par la Commission des finances, d'une mission interministérielle « Écologie et maîtrise des risques », rassemblant les crédits de la sécurité civile et des Directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Il est regrettable que le ministère de l'Écologie ne soit pas partisan d'un tel rapprochement et privilégie une logique de « ghetto ». Un autre sujet d'inquiétude est le risque de dérives des dépenses de personnel, en dépit des constatations et recommandations faites récemment par l'Inspection générale de l'environnement. Les aides aux associations doivent, elles aussi, faire l'objet d'un examen approfondi. La réforme des parcs nationaux, dont il est question depuis 2003 avec les propositions faites par M. Jean-Pierre Giran, semble être restée lettre morte. Il faut en outre regretter que le ministère modifie les règles du jeu en permanence, ce qui crée un climat de suspicion et exacerbe les conflits. Enfin, il faut s'interroger sur la cohérence qu'il y a dans le fait d'assurer, par des crédits publics, des actions de promotion de certaines espèces de prédateurs, par exemple le loup.

M. Jean-Louis Idiart s'est inquiété de l'évolution des crédits en faveur des parcs nationaux et des réserves naturelles, ainsi que de l'utilisation des fonds confiés aux associations agissant dans le domaine de l'environnement.

M. Charles de Courson a fustigé la pratique consistant à présenter les crédits du Conservatoire du littoral en baisse, puis à les compléter ensuite, grâce à un prélèvement sur les agences de l'eau pour l'exercice 2004 et grâce à des crédits supplémentaires en loi de finances rectificative cette année. Cette opération porte sur 8 millions d'ours cette année.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité connaître le montant des crédits alloués au réseau Natura 2000.

M. Philippe Rouault, Rapporteur spécial, a apporté les éléments de réponse suivants :

- sur la gestion des déchets, l'Union européenne a fixé un taux maximal de rejet de dioxines par les incinérateurs d'ordures ménagères. La rénovation de son parc d'incinérateurs et la mise aux normes doivent être terminées d'ici 2006. Par ailleurs, les déchets organiques peuvent avoir d'autres destinations, en particulier la valorisation agricole ;

- le prélèvement exceptionnel sur les agences de l'eau de 210 millions d'euros a été réparti entre la restauration des cours d'eau et des ouvrages de protection contre les inondations (59 millions d'euros), le maintien du bon état écologique des cours d'eau (16 millions d'euros) et, surtout, l'ADEME (135 millions d'euros) ;

- pour l'exercice 2005, l'ADEME devrait à nouveau bénéficier d'une « rallonge », cette fois par voie budgétaire, par l'intermédiaire de la prochaine loi de finances rectificative ;

- il est dommage que l'idée d'une mission interministérielle « Écologie et maîtrise des risques » n'ait pas été retenue ; la Commission des finances doit continuer à plaider en ce sens ;

- les liens entre DIREN et DRIRE devraient être renforcés par la réforme de l'administration territoriale initiée par le Gouvernement et par la création de pôles régionaux « environnement et développement durable » ; en outre, certaines régions expérimenteront un rapprochement des structures de la DIREN et de la DRIRE ;

- sur les dépenses de personnel, les 69 emplois supplémentaires de l'Institut français de l'environnement sont la conséquence nécessaire du changement de statut de l'Institut ; les autres créations d'emploi sont plus contestables ;

- le rapport comportera un développement sur les aides financières apportées aux associations par le ministère ;

- les crédits de paiement en faveur des parcs nationaux diminuent d'environ 1,4 million d'euros ; ceux des réserves naturelles diminuent d'environ 800.000 euros, en investissement, et progressent d'un montant comparable en fonctionnement ;

- s'agissant des parcs nationaux, les crédits sont en hausse d'environ 2,8 millions d'euros ; le projet de réforme continue d'être examiné par le ministère de l'Écologie et les différents partenaires, afin d'aboutir à une version définitive du projet de loi ;

- le réseau Natura 2000 bénéficie d'un effort budgétaire particulier pour 2005. Ses moyens en crédits de paiement seront d'environ 21,1 millions d'euros en 2005, contre 17,8 millions dans la loi de finances pour 2004 ;

- une MEC sur les coûts de collecte de l'eau serait très utile.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Michel Bouvard, tendant à réduire de 679.791 euros les crédits de rémunération inscrits à l'article 20 du chapitre 31-94.

Par cet amendement, M. Michel Bouvard a déclaré vouloir adresser un message au ministère de l'Écologie et ouvrir un débat sur les crédits de personnel, en particulier sur la création de 50 nouveaux emplois pour l'inspection des installations classées provenant pour la moitié de transferts, pour l'autre moitié de créations. Compte tenu des problèmes de fonctionnement de cette administration, il convient de poser le problème.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits de l'Écologie et du développement durable, figurant aux états B (titres III, ainsi modifié, et IV) et C (titres V et VI).

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de Mme Marie-Hélène des Esgaulx, Rapporteure spéciale, les crédits de la Solidarité.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, Rapporteure spéciale, a expliqué que les principales caractéristiques du budget de la solidarité en 2005 sont, comme en 2004, la décentralisation d'une part, et l'effort de maîtrise de la dépense, d'autre part. S'y ajoute cette année le volontarisme renforcé de la politique de lutte contre l'exclusion conduite par le Gouvernement qui permettra de doter de moyens conséquents des actions visant à l'insertion des populations fragilisées et à l'intégration des étrangers.

Les crédits de la lutte contre l'exclusion, de l'intégration et des rapatriés s'élèvent à 1,19 milliard d'euros. À structure constante, ces crédits étaient de 1,068 milliard d'euros en 2004. Les crédits du Ministère de la Parité et de l'égalité professionnelle sont en stricte reconduction. Les crédits relatifs à la gestion des politiques de santé et de solidarité n'augmentent que très modérément. Enfin, les crédits de la politique de développement social connaissent une très forte diminution, du fait de la décentralisation d'une grande partie des actions.

Le périmètre des crédits de la solidarité connaît de nouvelles modifications. Le premier changement concerne la formation initiale des travailleurs sociaux et les bourses aux étudiants, qui seront transférés aux régions, ce qui entraînera le basculement des crédits correspondants au budget de l'intérieur. Les fonds d'aide aux jeunes et les fonds « d'impayés énergie » sont, quant à eux, transférés aux départements. Au total, le transfert portera sur 165 millions d'euros, montant correspondant à la moyenne des dotations des trois dernières années.

L'autre changement est le rattachement des crédits de l'aide au logement temporaire des personnes défavorisées à la section « santé-solidarité » en provenance du Logement, changement qui confère donc plus de cohérence à ce budget.

À structure constante, les crédits de la solidarité augmenteront de 4,92%. Les ouvertures d'autorisations de programmes passeront de 41,4 millions d'euros à 60,92 millions d'euros, soit une progression de 47%, les crédits de paiement augmentant de 62%.

Les crédits alloués à la politique de lutte contre l'exclusion sont fortement majorés, compte tenu de l'effort prévu par le plan de cohésion sociale en faveur de l'hébergement d'urgence (77 millions d'euros supplémentaires), du contrat d'accueil et d'intégration, rendu obligatoire (20 millions d'euros supplémentaires) et du renforcement du lien social à travers le développement des points d'accueil-écoute jeunes et du guichet unique (10 millions d'euros supplémentaires). Une mesure nouvelle de 11 millions d'euros est prévue pour les rapatriés, ce qui aboutit à un doublement des moyens qui leur sont consacrés.

Avec la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, pour laquelle est prévue une mesure de 10,7 millions d'euros, il s'agit au total de 122 millions d'euros de mesures nouvelles.

La Rapporteure spéciale a rappelé que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit la création de 12.300 places supplémentaires d'accueil et d'hébergement d'urgence sur les trois prochaines années : 9 800 places seront créées ou transformées et 2400 places ouvertes au titre du plan hiver 2002-2003 seront pérennisées.

Pour 2005, ce sont 23,26 millions d'euros supplémentaires qui devraient être affectés au financement du fonctionnement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

Pour ce qui concerne les maisons-relais, le projet de loi de programmation prévoit une montée en charge du dispositif, pour passer d'environ 2000 places, aujourd'hui, à 6000 places en 2007, ainsi qu'une majoration de l'aide accordée par l'État pour chaque place, portée de 8 à 12 euros par jour et par place.

Le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile comporte actuellement 16.700 places. Même si la capacité d'accueil a été multipliée par 2,5 depuis 2002, il convient de l'augmenter encore pour répondre à la pression continue de la demande d'asile : le projet de loi de programmation prévoit de porter à 20.000 le nombre de places disponibles en CADA en 2007. Aussi les crédits correspondants sont-ils augmentés pour 2005, passant de 146 millions d'euros en 2004 à 175 pour 2005. Ces crédits sont d'ailleurs constamment abondés en gestion depuis 2001, qu'il faut désapprouver.

L'évolution des crédits de l'aide médicale de l'État est également préoccupante. Instituée en 2000 pour les personnes étrangères résidant en France qui ne remplissent pas les conditions d'admission au bénéfice de la couverture maladie universelle, c'est-à-dire, pour l'essentiel, en situation irrégulière, l'aide médicale a connu une montée en charge rapide : le nombre des bénéficiaires est passé de 75.000  fin 2000 à 170.000 fin 2003. Ce nombre a toutefois quelque peu diminué au 30 juin 2004, soit 156.000 personnes.

Le montant des crédits inscrits en loi de finances initiale a été modeste au départ : 75 millions d'euros la première année. Cependant les retards de la facturation émanant des hôpitaux, transmise aux CPAM puis à la CNAM, a eu pour conséquence l'apparition d'une créance importante à partir de 2002.

L'envolée du coût budgétaire constatée en 2002 et 2003 - la prévision initiale ayant été quintuplée - s'explique par l'augmentation du nombre des étrangers en situation irrégulière informés de leurs droits, par l'obligation de régulariser les dettes apparues entre 2000 et 2002, et aussi par la sous-dotation initiale de cette nouvelle prestation dont le coût devait s'avérer très supérieur à la prévision initiale.

Face à la fois à cette augmentation des dépenses facturées et à la nécessité de résorber la dette, un abondement massif des crédits a dû être effectué, chaque année depuis 2001, en loi de finances rectificative.

Le retard de facturation des hôpitaux est aujourd'hui résorbé, comme l'a constaté la Cour des Comptes. Cependant, en 2003, le besoin total de crédits s'est établi à 442 millions d'euros. La dépense pour 2004 est évaluée à environ 600 millions d'euros et celle pour 2005 n'est pas encore appréciable, mais une baisse de la dépense est attendue. Pour 2005, un montant de 233 millions d'euros est inscrit, mais ce montant s'avérera très probablement insuffisant.

Le dispositif a déjà fait l'objet de deux réformes législatives. La condition de résidence de trois mois sur le sol français et la suppression de l'admission immédiate à l'aide médicale en cas d'urgence sont entrées en vigueur. Cependant, l'instauration d'une participation du bénéficiaire au coût des soins (forfait hospitalier de 10 euros par jour et ticket modérateur de 10% du montant des soins de ville), est en attente. Deux décrets doivent être pris pour adapter le droit en vigueur aux nouvelles dispositions législatives, et pour préciser et harmoniser les conditions d'accès au dispositif.

Il n'est pas nécessaire de réformer le système aujourd'hui, dans la mesure où l'on observe au cours des derniers mois une stabilisation des entrées dans le dispositif, et alors que les dépenses marquent un infléchissement. En revanche, il est nécessaire de compléter les deux réformes adoptées par le Parlement par les textes réglementaires qui s'imposent.

La relance de la politique d'intégration des étrangers s'effectuera notamment à travers le contrat d'accueil et d'intégration, mis en œuvre dans 26 départements, et qui va se généraliser à l'ensemble du territoire d'ici le 1er janvier 2006. Le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) devra accompagner cette généralisation ; sa dotation totale sera de 171,6 millions d'euros pour 2005.

La politique entreprise par le Gouvernement dans le domaine des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes est à la fois large et ambitieuse. L'objectif du ministère est aujourd'hui de renforcer les moyens du fonds de garantie pour l'aide à la création d'entreprise par les femmes, d'apporter une aide complémentaire aux associations qui assurent l'écoute téléphonique et le conseil aux victimes de violences conjugales et, enfin, de permettre d'augmenter le nombre de contrats d'égalité professionnelle et de contrats de mixité signés avec les entreprises. La dotation pour 2004 est reconduite à hauteur de 17 millions d'euros.

Les crédits du soutien à la protection sociale outre-mer sont reconduits.

La gestion des services communs est conforme aux orientations stratégiques du Gouvernement, marquée par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. La suppression de 129 emplois est prévue, correspondant à la moitié des 260 départs en retraite prévisibles. L'effectif global est établi à 14.829 emplois pour 2005 ce qui traduit une baisse de 0,8%.

Enfin, la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances progresse.

Une expérimentation de justification au premier euro est prévue dans le cadre du programme « Accueil des étrangers et intégration ». Elle concernera les crédits relatifs au financement déconcentré de l'hébergement des demandeurs d'asile. L'avant-projet annuel de performance présente des objectifs et indicateurs définis. Il s'agit aussi bien d'indicateurs quantitatifs que qualitatifs et mis en rapport avec des objectifs de réinsertion, le taux de sortie des personnes accueillies en hébergement vers le logement social, par exemple. Cependant, beaucoup d'indicateurs restent à construire.

Les ministères manifestent une certaine inquiétude face à l'entrée en application des indicateurs. Ainsi par exemple, pour le programme « Accueil des étrangers et intégration », les services concernés observent que les objectifs sont souvent dépendants d'évolutions juridiques et organisationnelles sur lesquelles ils n'ont aucune maîtrise. Pour l'aide médicale également, l'administration estime particulièrement difficile, pour le responsable de ce programme, de fixer des objectifs, car il n'a de prise sur aucun élément déterminant la dépense. De façon générale, on peut s'interroger sur l'inscription de l'aide médicale de l'État dans ce programme plutôt que dans celui relatif à la santé, le dispositif se fondant en réalité sur un impératif de santé publique.

M. Charles de Courson a interrogé la Rapporteure spéciale sur la date de parution future des décrets réformant l'aide médicale de l'État et sur les raisons d'un tel retard. Il a observé que 233 millions d'euros étaient prévus pour financer ce dispositif en 2005, mais que chaque année des crédits plus importants que les crédits initiaux sont demandés en gestion. Ainsi, il serait prévu de demander 410 millions d'euros supplémentaires en loi de finances rectificative pour 2004. Un tel procédé, réitéré d'année en année, n'est pas acceptable. Le Gouvernement fait croire au respect de la rigueur budgétaire, puis des sommes importantes sont demandées en loi de finances rectificative.

Il serait souhaitable que la Commission adopte une observation émettant une réserve sur cette sous-dotation récurrente, de même qu'elle l'a fait pour le budget de la Défense.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, Rapporteure spéciale, a répondu que l'adoption des réformes législatives de l'aide médicale, en 2002 et 2003, avait été suivie d'une période de concertation et d'étude pour définir la manière dont les bénéficiaires allaient participer au coût des soins. En même temps, des études ont été nécessaires pour mettre au point le système de gestion informatique, notamment d'un nouveau système pour intégrer cette participation. Par ailleurs, il faut dire que l'instauration de cette participation financière a suscité des réactions très négatives de la part de certaines organisations humanitaires. Cependant, les décrets sont prêts aujourd'hui et il est souhaitable qu'ils entrent en vigueur rapidement.

Effectivement, les années 2002 à 2004 ont vu une augmentation des dépenses liées à l'aide médicale : les crédits budgétaires alloués s'élèvent à 442 millions d'euros en 2003 et pourraient dépasser 600 millions en 2004. Néanmoins ces montants incluent des reliquats de dettes : les crédits pour 2003 contribuaient à régulariser les dettes apparues entre 2000 et 2002, et les crédits pour 2004 contribueront à régulariser 160 millions de dettes constituées pour les soins de 2003. Cependant, le retard de facturation des hôpitaux est aujourd'hui résorbé et la facturation transmise par les hôpitaux et les CPAM a tendance à s'accélérer, aussi la situation devrait-elle s'améliorer. On peut aujourd'hui évaluer une année normale de soins à un montant d'environ 500 millions d'euros, au maximum.

M. Michel Bouvard, Président, a approuvé la proposition visant à adopter une observation sur la sous-dotation de l'article relatif à l'aide médicale car il s'agit d'un élément important dans la perspective de la création d'une mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur ce sujet. Il n'est pas possible de faire comme si l'on n'avait rien vu !

M. Charles de Courson, a constaté que les décrets d'application des dispositions législatives se font attendre depuis deux ans alors qu'un consensus semble exister sur le besoin d'aménager l'aide médicale. Il a demandé quelle était la part de blocage dans ce retard.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx, Rapporteure spéciale, a considéré qu'il existait une volonté de trouver un consensus sur la mise en œuvre de ces réformes. Elle a jugé cette évolution d'autant plus importante que des économies substantielles, de 100 à 150 millions d'euros par an sont attendues des réformes déjà votées et de leur transposition réglementaire.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Michel Bouvard, Président, tendant à minorer les crédits de l'article 10 du chapitre 37-04 de 5,35 millions d'euros, son auteur expliquant sa volonté de limiter le budget de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. En effet, le montant de ce budget est très élevé pour un organisme qui vient d'être créé, surtout si on le compare aux crédits de la parité et de l'égalité professionnelle de 17 millions d'euros, en année pleine.

M. Jean-Louis Idiart a rappelé que la présentation médiatique de la Haute autorité a insisté sur le fait que ces crédits devaient, au fil des ans, augmenter.

M. Charles de Courson a approuvé cette réduction de moitié des crédits. Il a observé qu'était déjà prévue pour l'année 2005 la création de l'Agence de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), heureusement par fusion avec l'Office des migrations internationales. Il n'y a donc pas lieu d'approuver la création d'un nouvel organisme.

À la demande de M. Michel Bouvard, Président, concernant des thèmes d'enquête à soumettre à la Cour des comptes ou des thèmes de MEC, la Rapporteure Spéciale a indiqué que l'évolution de l'aide médicale de l'État pouvait en effet être soumise à l'examen de la MEC. Ce dispositif a déjà fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes. En ce qui concerne la nouvelle nomenclature budgétaire, la Rapporteure spéciale a soulevé le problème du rattachement de l'aide médicale au programme « Accueil des étrangers et intégration ». Un rattachement à la mission santé serait plus logique, d'une part car le fondement de ce système relève de la santé publique, d'autre part, parce que le gestionnaire actuel n'a aucune prise sur l'évolution du dispositif.

M. Jean-François Mancel a demandé si un amendement de suppression pure et simple de l'aide médicale d'État était envisageable.

Mme Marie-Héléne des Esgaulx, Rapporteure spéciale a répondu que cela n'était pas envisageable, vu les impératifs de santé publique auxquels cette aide répond et le besoin d'enrayer, par exemple, toute apparition d'une maladie très contagieuse, considérant qu'il s'agit de populations très vulnérables et parfois atteintes de pathologies graves.

La Commission a alors adopté l'amendement de M. Michel Bouvard.

La Commission a également adopté l'observation de la Rapporteure spéciale sur le fait que les crédits inscrits pour financer l'aide médicale de l'État doivent être adaptés aux besoins inéluctables, dès la loi de finances initiale et non pas au cours de l'exercice budgétaire.

La Commission a adopté, sur proposition de la Rapporteure spéciale, les crédits de la Solidarité ainsi modifiés.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, les crédits des Services généraux du Premier ministre, du Conseil économique et social, du Plan et du budget annexe des Journaux officiels.

M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, a précisé qu'il est chargé de présenter les crédits correspondant à cinq fascicules budgétaires distincts : les Services généraux du Premier ministre, le Conseil économique et social, le Plan, le Budget annexe des Journaux officiels et un Compte spécial du Trésor : le compte de commerce de la Documentation française.

Le projet de budget des Services généraux du Premier ministre pour 2005 s'élève à 829,8 millions d'euros, en diminution de 326,9 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2004. Cette diminution globale est due pour l'essentiel au transfert sur le budget des charges communes des crédits d'exonération de la redevance audiovisuelle.

Au sein de cette enveloppe totale, les agrégats consacrés à l'administration générale et aux autorités administratives indépendantes représentent 425,8 millions d'euros, en augmentation de 55,8 millions d'euros par rapport à 2004.

Les dépenses ordinaires de l'agrégat concernant l'administration générale augmentent de 17 %. Cette augmentation s'explique principalement par une mesure d'abondement des crédits d'indemnisation des victimes des législations antisémites et des actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale, en application des dispositions du décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes de tels actes.

Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre du programme « ADministration ÉLEctronique 2004/2007 », des transferts de crédits et d'emplois en provenance de divers ministères sont réalisés au bénéfice de l'Agence pour le développement de l'administration électronique, à hauteur de 13,8 millions d'euros de crédits de fonctionnement et de 51 emplois budgétaires.

La création du Conseil d'analyse de la société implique la mise à disposition de 150.000 euros de crédits à ce nouvel organisme.

Les crédits destinés aux autorités administratives indépendantes, notamment au Médiateur de la République, diminuent de 1,4 % grâce à des ajustements et à des efforts de gestion.

L'année prochaine, l'ensemble de ces crédits relèvera de la mission Direction de l'action du Gouvernement. En réponse à la demande de la Commission de créer plusieurs programmes relevant des services du Premier ministre, le Gouvernement a proposé une maquette avec deux programmes distincts. Le premier programme porte sur la Coordination du travail gouvernemental, en incluant également, sans grande cohérence, les autorités administratives indépendantes. Le second programme est consacré à la Fonction publique, la réforme de l'État et la prospective. On peut regretter que n'ait pas été retenue la suggestion de créer un programme dédié aux relations avec les citoyens, distinct de la coordination du travail gouvernemental. La présentation d'objectifs et d'indicateurs cohérents en sera d'autant plus difficile.

Le projet de budget du Commissariat général du Plan et des organismes rattachés s'élève à 18,5 millions d'euros, en diminution de 6,2 millions d'euros par rapport à 2004, en raison essentiellement du transfert vers d'autres sections budgétaires de trois organismes : le CREDOC, le CEPREMAP et l'OFCE. On notera que, sous l'impulsion du nouveau Commissaire, M. Alain Etchegoyen, le Plan ne réalise plus de travaux d'évaluation mais s'est exclusivement centré sur la prospective. De ce fait, il constituera, l'année prochaine, l'action Prospective du programme Fonction publique, réforme de l'État et prospective. Mais on ne sait toujours pas à quel organisme le Premier ministre entend confier la réalisation de l'évaluation des politiques publiques et des contrats de plan État-régions.

Le projet de budget annexe des Journaux officiels s'élève à 157,9 millions d'euros, en diminution de 11,2 millions d'euros. La poursuite de la dématérialisation électronique des principales publications des Journaux officiels a des conséquences importantes sur le budget annexe, compte tenu de l'accélération de la baisse concomitante des travaux d'impression sur support papier. Elle pose également des problèmes certains d'accès au droit, avec la disparition d'un nombre important de textes du JO Lois et décrets en version papier, par exemple les nominations ou la régulation budgétaire.

Un contrôle sur pièces et sur place est prévu aux JO, le 2 novembre, pour étudier les conséquences de la dématérialisation sur le fonctionnement des services et de l'imprimerie. Il permettra notamment d'étudier pourquoi les JO ne se chargent plus désormais de la confection du JO des débats parlementaires, ce qui a entraîné un surcoût certain pour le budget des assemblées.

L'évolution des recettes et des dépenses du compte de commerce de la Documentation française traduit la variation de l'activité commerciale de ce service à caractère éditorial. Après un ralentissement marqué en 2001 et 2002, l'année 2003 a connu un début de redressement, qui s'amplifie en 2004 grâce au recentrage des publications. La poursuite d'une progression modérée du chiffre d'affaires en 2005 s'accompagnera de la continuation de la mise en œuvre du plan de consolidation établi en 2003, qui prévoit une forte réduction des effectifs, étalée jusqu'en 2007, et l'arrêt de certaines activités. On est cependant encore en attente d'une décision du Premier ministre en ce qui concerne le rapprochement éventuel de la Documentation française et des Journaux officiels, qui a été mis à l'étude.

Enfin, le Conseil économique et social, dont le budget s'élève à 32,9 millions d'euros, en augmentation de 0,46 %, n'appelle aucune observation particulière. En revanche, il faut regretter que, dans la future nomenclature budgétaire, le Conseil demeure une mission mono-programme, en dépit des demandes réitérées de la Commission sur ce point. Il sera toujours possible de faire évoluer la nomenclature par voie d'amendement lors de la discussion du premier budget en format LOLF.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur les montants de crédits envisagés au titre de l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie. Il a demandé des précisions sur l'évolution des deux articles du chapitre 46-02 : si l'un semble augmenter de 20 millions d'euros en raison de la mesure nouvelle que constitue le décret du 27 juillet 2004, pourquoi l'autre ligne, qui doit correspondre aux indemnisations dues au titre du décret du 13 juillet 2000, augmente-elle encore de 12,6 millions d'euros alors que le « stock » doit être aujourd'hui épuisé ?

Il a aussi constaté que les indemnités des membres du Conseil économique et social atteignent, en 2005, 20,5 millions d'euros, alors que l'on peut s'interroger sur l'assiduité et sur la quantité de travail de certains de ses membres. Ces rémunérations sont-elles dûment acquises, en cas d'activité restreinte et du fait d'un mode de nomination si peu représentatif ?

M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, a estimé ne pas partager une telle opinion car le Conseil économique et social a fortement accru le nombre de ses publications et avis ces dernières années. Ses membres effectuent donc un travail réel et utile à la collectivité. Leur rémunération est statutairement fixée au tiers du montant de l'indemnité parlementaire. Enfin, le récent renouvellement des membres du Conseil permet de se demander qui a bénéficié, cette année, du mode de nomination.

En ce qui concerne les actions en faveur des victimes des législations antisémites en vigueur pendant l'occupation et des victimes d'actes de barbarie durant la deuxième guerre mondiale, il faut bien distinguer les deux lignes budgétaires finançant des actions différentes : une ligne concerne le versement d'une indemnité en capital ou d'une rente aux orphelins concernés, sous le régime du décret de 2000 et sous celui, plus étendu en termes de champ des bénéficiaires, du 27 juillet 2004. En revanche, l'autre ligne budgétaire concerne les indemnisations accordées au cas par cas par l'État, s'il y a eu des spoliations, par décision du Premier ministre prise sur recommandation de la Commission chargée de l'indemnisation des victimes des lois antisémites. Elle peut donc continuer à augmenter.

La commission a ensuite examiné un premier amendement de M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, réduisant les crédits des services généraux du Premier ministre de 150.000 euros.

M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, a indiqué que cet amendement s'applique aux crédits de collaborations diverses inscrits au chapitre 37-30. Il aboutit à supprimer les moyens budgétaires accordés au Conseil d'analyse de la société créé par un décret du 8 juillet 2004. Ce nouvel organisme, placé auprès du Premier ministre, a pour mission « d'éclairer les choix politiques du Gouvernement, par l'analyse et la confrontation des points de vue, lorsque les décisions à prendre présentent des enjeux liés à des faits de société. »

Or, il semble inutile de créer une instance spécifique pour ce rôle, qui relève de l'appréciation politique du Gouvernement et du Parlement. Une décision de nature politique est par nature liée à des enjeux de société. Il revient donc aux politiques eux-mêmes, dans le cadre des réunions de ministres et des débats parlementaires, d'apprécier la nécessité de prendre telle ou telle décision, en s'appuyant sur tous les travaux de tous les organismes d'évaluation et de prospective déjà existants.

M. Charles de Courson a demandé si le président du Conseil était rémunéré.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission, a estimé qu'il fallait affirmer une volonté de simplification pour éviter l'empilement de structures, sans naturellement attaquer les personnes. Pour avoir le débat sur ce sujet, il serait donc possible de réduire de façon limitée les crédits, non pas de la totalité, mais par exemple de la moitié de leur montant. La Commission lancerait ainsi un avertissement clair contre les nouvelles structures, sans faire d'attaque ad hominem.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que, pour la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, la Commission avait adopté une réduction limitée à la moitié seulement des crédits.

M. Jean-Louis Idiart a considéré qu'il est toujours difficile de réduire les crédits d'une instance qui est déjà en place. C'est pourquoi il faut éviter ab initio la création de toute nouvelle structure. Il ne faut pas vouloir faire du nouveau pour faire du nouveau. Il faut être honnêtes : une réduction de la moitié conduira inévitablement cette initiative à un échec.

M. Louis Giscard d'Estaing a estimé lui aussi qu'une mesure intermédiaire ne réglerait pas la question. Une fois un organisme créé, il perdurera dans son être. Il faut donc le supprimer, sinon une rallonge budgétaire sera demandée chaque année. On peut rappeler que la Commission avait obtenu la suppression, difficile, de l'IHEADT, qui cherche maintenant à renaître sans financement public.

M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, a expliqué que le président du Conseil devait être rémunéré au moyen de vacations. Il faut mettre de la cohérence dans l'action publique et se demander qui fait quoi. Dans ce cadre, on ne voit guère l'utilité de ce nouveau Conseil, créé par voie de décret. La même question se pose en ce qui concerne le Commissariat général du Plan. C'est pourquoi un amendement de même nature sur ce sujet est présenté.

La Commission a donc examiné un second amendement de M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, réduisant les crédits du Commissariat général du Plan de 1.100.000 euros.

M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, a proposé de réduire, à titre d'appel, les moyens budgétaires accordés au Commissariat général du Plan pour l'évaluation des politiques publiques et des contrats de plan État-régions. En effet, depuis la nomination par le Premier ministre de M. Alain Etchegoyen comme Commissaire au Plan en avril 2003, cette institution ne fait plus que de la prospective et a laissé en jachère le chantier de l'évaluation qui lui avait été confié en 1998.

Il s'agit donc de mettre en conformité la situation budgétaire avec la réalité du travail de l'institution, afin que le Premier ministre annonce, enfin, à quelle instance il souhaite confier la mission, essentielle, d'évaluation des politiques publiques, et quel rôle il entend conférer à la DATAR en la matière.

M. Louis Giscard d'Estaing a suggéré de réduire les crédits du Plan de seulement 950.000 euros. En effet, si le Gouvernement estime utile de disposer d'une expertise sur les questions de société relevant du Conseil d'analyse de la société, dont les crédits pourraient être supprimés par l'amendement précédent, il pourra très bien la demander au Plan, sans être obligé de doter une structure nouvelle de moyens spécifiques.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la Commission, a souhaité que toutes les sensibilités politiques de la Commission se rejoignent pour marquer leur opposition à la multiplication des structures.

M. Michel Bouvard, Président, a proposé au Rapporteur spécial de rectifier son second amendement dans le sens proposé par M. Louis Giscard d'Estaing, ce qui permettra d'adopter les deux amendements et d'intégrer le Conseil d'analyse de la société dans le Commissariat général du Plan.

M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, a accepté cette modification, qui recueille un accord des membres de la Commission et se traduit par un signal clair en faveur de la suppression du Conseil d'analyse de la société, en tant que tel.

La Commission a adopté le premier amendement et le second, ainsi modifié.

M. Michel Bouvard, Président, a proposé une observation rappelant, s'agissant de la place du Conseil économique et social au sein de la nouvelle maquette budgétaire, qu'il ne saurait y avoir de mission constituée d'un seul programme, conformément à l'article 7 de la loi organique.

M. Pierre Bourguignon, Rapporteur spécial, a soutenu cette observation. S'agissant de la maquette budgétaire, la nomenclature proposée pour les services généraux du Premier ministre pose un problème de cohérence. En effet, les deux programmes retenus par le Gouvernement, Coordination du travail gouvernemental et Fonction publique et réforme de l'État, correspondent en fait à une séparation entre, respectivement, moyens d'action et moyens d'intervention. Il s'agit d'une logique de moyens qui ne permettra pas de connaître le coût complet d'une politique publique déterminée. En fait, le gestionnaire de programme n'appartient pas, financièrement parlant, au programme qu'il gère : il ne sera donc pas concerné par la fongibilité des crédits au sein du programme.

Par exemple, l'Agence pour le développement de l'administration électronique disposera de crédits de fonctionnement dans le programme Coordination du travail gouvernemental et de crédits d'intervention dans le programme Fonction publique et réforme de l'État.

Cette présentation devra être revue car elle est contraire aux objectifs de la LOLF, qui consistent à suivre une politique publique à coût complet, et elle ne permet pas de disposer d'indicateurs de performance pertinents. Les indicateurs ne permettent pas de suivre l'activité de chaque institution, par exemple le Médiateur de la République ou le Commissariat au Plan. À trop globaliser, on perd tout sens du suivi de l'action. C'est le contrôle parlementaire qui en pâtira.

La Commission a adopté l'observation.

La Commission a ensuite adopté, contrairement aux propositions du Rapporteur spécial, les crédits des Services généraux du Premier ministre figurant à la ligne IV des services du Premier ministre, inscrits à l'état B titre III, ainsi modifiés, puis les crédits du titre IV de l'état B, et les autorisations de programme et les crédits de paiement inscrits aux titres V et VI de l'état C. Elle a ensuite adopté les crédits du Plan figurant à la ligne IV des états B (titre III, ainsi modifié, et titre IV) et C (titre VI).

Puis, elle a adopté les crédits du Conseil économique et social figurant à la ligne III des services du Premier ministre aux états B, titre III et C, titre VI, ainsi que les crédits du budget annexe des Journaux officiels figurant aux articles 50 et 51, paragraphes I et II du projet de loi de finances.

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La Commission a enfin examiné, sur le rapport de M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, les crédits des Transports aériens et du budget annexe de l'aviation civile.

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé que ces crédits étaient répartis entre le budget annexe de l'aviation civile, deux sections du budget général, et le fond d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA) dont la suppression a été votée en première partie de la loi de finances et dont les moyens figureront désormais aussi sur le budget général. La maquette proposée par le Gouvernement pour présenter les crédits en application de la loi organique relative aux lois de finances témoigne d'un souci de clarification. Les indicateurs proposés couvrent uniquement les crédits du budget général et apparaissent très hétérogènes. Si certains indicateurs portant sur Météo France, relatifs à la fiabilité des prévisions à plus ou moins long terme notamment, sont très pertinents, d'autres mesurent davantage l'activité ou les moyens des services que l'efficacité de leurs actions. Le rapport présentera quelques propositions d'indicateurs plus pertinents. Mais la maquette traduit un réel effort d'application de la LOLF.

La stratégie ministérielle de réforme vise à réorganiser la direction générale de l'aviation civile pour que ses directions correspondent aux différents programmes de la mission « Transports aériens ». À compter du 1er janvier 2005, elle comportera un pôle régalien, un pôle chargé de la surveillance et de la certification, et un pôle regroupant la navigation aérienne et la formation aéronautique. À terme, cette administration a vocation à s'intégrer dans une grande agence européenne chargée de l'optimisation de la circulation aérienne.

Si les recettes du budget annexe de l'aviation civile augmentent de 2,5 %, elles ne nécessiteront pas d'augmentation de la taxe d'aviation civile et devraient même permettre une baisse du taux des redevances, qui sera fixé en fin d'année. La hausse des recettes repose sur l'hypothèse d'une augmentation du trafic modérée et sur une quotité de répartition de la taxe d'aviation civile plus favorable au budget annexe.

Le rapprochement entre le produit des redevances et l'ensemble des coûts qu'elles sont censées couvrir d'une part, et entre la taxe d'aviation civile et les missions qu'elle doit financer d'autre part, montre qu'il n'y a pas une adéquation parfaite. Une partie non négligeable de l'augmentation des dépenses du budget annexe résulte de la réintégration de la direction des opérations aériennes d'Aéroports de Paris, en prévision du changement de son statut. Les dépenses de personnels devraient progresser de 4,73 %, les deux tiers de cette hausse étant la conséquence de la mise en œuvre du protocole du 17 mars 2004 qui prévoit un nombre de création d'emplois particulièrement élevé. Pour ce qui est de la section des opérations en capital, la dette est stable et le taux d'auto-financement correct.

La budgétisation des actions du FIATA est aussi l'occasion de rattacher aux crédits de l'outre-mer la dotation de 31 millions d'euros destinée à la continuité territoriale. L'évolution la plus importante concerne les subventions aux dessertes aériennes réalisées dans l'intérêt de l'aménagement du territoire : leur niveau est réduit de 23 %, mais l'importance des reports prévus entre 2004 et 2005 devraient les porter à hauteur de 28 millions d'euros, soit un montant nettement supérieur aux crédits effectivement consommés en 2004. La disparition de la compagnie Air Littoral a contribué à la sous-exécution de ces crédits.

Les attaques de Boeing contre les avances remboursables accordées à l'aéronautique française interviennent à quelques mois de la renégociation de l'accord communautaire sur les aides d'État à la recherche et au développement. Elles remettent en cause la situation créée par l'accord de 1992 entre les États-Unis et l'Union européenne. Le calcul des taux d'intérêt actuariels a posteriori montre pourtant que les avances remboursables ne constituent pas un dispositif particulièrement favorable aux entreprises. Ces avances ne peuvent être considérées comme à l'origine du succès de ces programmes ; elles limitent seulement les pertes financières de l'entreprise en cas d'échec. La baisse des enveloppes prévues pour les avances remboursables est liée à l'avancement des programmes. L'encours de prêt dépasse 7 milliards d'euros. M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, s'est dit favorable à l'accélération du rythme des remboursements et à la réutilisation d'une partie de ces recettes en faveur des subventions à la recherche. Les entreprises du secteur, qu'il a interrogées, y sont favorables, mais le Gouvernement n'a pas répondu à cette proposition.

Les dotations à Météo France augmenteront de 1,37 %. L'établissement public développe les services marchands et a des résultats qualitatifs très honorables. Il s'autofinance à hauteur d'environ 25 %, mais commence à subir la concurrence d'entreprises étrangères, ou d'entreprises françaises qui lui achètent les données brutes.

M. Louis Giscard d'Estaing a approuvé le rattachement de la dotation de continuité territoriale aux crédits de l'outre-mer et a demandé si, dans la même logique, les subventions aux dessertes dans l'intérêt de l'aménagement du territoire ne devraient pas être rattachées à la mission consacrée à l'aménagement du territoire.

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, s'est dit favorable à cette proposition et a souligné que l'intitulé de « régulation économique » était particulièrement inadapté. La direction générale de l'aviation civile a visiblement rencontré beaucoup de difficultés pour élaborer des indicateurs sur cet objectif. Il conviendrait d'utiliser un modèle du type « horaires-tarifs-temps » pour évaluer le coût de l'économie de temps qui devrait être rapporté au nombre de passagers. Le taux de remplissage des lignes subventionnées constitue aussi une information utile. Ces subventions représentent des montants limités pour l'État, mais ils sont abondés par les collectivités locales et les chambres de commerce. Faire gérer la participation de l'État par la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) semble pertinent, mais la même logique devrait être suivie pour les subventions aux autres modes de transport, à commencer par le train.

M. Michel Bouvard a ajouté qu'il serait utile que ces différentes politiques de subventionnement soient dotées des mêmes indicateurs, afin que des comparaisons soient possibles. L'idée d'utiliser, en faveur de la recherche, le surplus de remboursement au titre des avances semble intéressante.

M. Charles de Courson, Rapporteur spécial, a précisé qu'il avait écrit au ministre des Finances pour lui proposer cette idée. Si l'accord de 1992 interdit de modifier les conventions en cours, les conventions futures pourraient contenir des clauses permettant les remboursements anticipés. En 2005, les remboursements devraient atteindre 205 millions d'euros pour 216 millions d'euros de dépenses au titre des avances. La Cour des comptes vient de terminer un contrôle sur ces avances.

La Commission a adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits des Transports aériens et du budget annexe de l'aviation civile figurant aux lignes correspondantes des articles 50 et 51, paragraphes I et II, du projet de loi de finances.

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