COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 18

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 27 octobre 2004
(Séance de 16 h 15)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-président,

de M. Édouard Landrain, Président d'âge,

de M. Pierre Méhaignerie, Président

puis de M. Michel Bouvard, Vice-président

SOMMAIRE

 

pages

- Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800)

Vote sur les crédits :

 

· des Départements et régions d'outre-mer (M. Alain Rodet, Rapporteur spécial)

2

· de la Culture et examen du compte d'affectation spéciale n° 902-10 (M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial)

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- Examen de la proposition de résolution de M. Augustin Bonrepaux tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'exécution des contrats de plan État-régions et l'utilisation des crédits européens (n° 1738) (M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur)

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- Suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800)

Vote sur les crédits :

 

· de la Poste et des télécommunications (M. Yves Censi, Rapporteur spécial)

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· de l'Agriculture et des articles 71 et 72 rattachés et examen du compte d'affectation spéciale n° 902-19 (M. Alain Marleix, Rapporteur spécial)


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La Commission des finances a poursuivi l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2005. Elle a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Alain Rodet, Rapporteur spécial, les crédits des Départements et régions d'outre-mer.

M. Michel Bouvard, Président, a observé que les réponses du ministère de l'outre-mer au questionnaire budgétaire ont été particulièrement tardives, ce qui n'est pas admissible. Au 4 octobre, il n'y avait aucune réponse, ce qui est d'autant plus critiquable que cette situation est isolée : nombre de ministères, et notamment ceux à qui sont adressés plus de cent questions, ont répondu dans des délais conformes à la loi organique relative aux lois de finances.

M. Alain Rodet, Rapporteur spécial, a indiqué que les crédits du ministère de l'outre-mer pour 2005 s'élèvent à 1.706 millions d'euros, ce qui fait apparaître une progression de 52 % par rapport au projet de budget voté en 2004.

Cependant, cette hausse, très importante, est liée au transfert des crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, jusqu'à cette année inscrits sur le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ; ces crédits s'élèvent en effet à 678 millions d'euros. La prise en charge de ce dispositif, prévu dans la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, accentuera le rôle de pilotage du ministère pour le développement économique et social des départements et collectivités ; elle rend aussi plus lisible le budget.

En réalité, à périmètre constant, le budget du ministère de l'outre-mer subit une diminution de 7,6 %.

Les moyens des services, qui représentent 8,7% du budget, devraient être de 148 millions d'euros, ce qui traduit une baisse de 23% par rapport à 2004. Celle-ci devrait, certes, satisfaire ceux qui sont attentifs à la gestion économe des deniers publics, mais on peut aussi s'inquiéter quant au maintien de personnels et de moyens de fonctionnement suffisants pour mener à bien les missions du ministère.

Les interventions publiques comprennent principalement les subventions obligatoires et facultatives aux collectivités locales, les crédits attribués au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, dans la collectivité de Mayotte et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM) et les crédits attribués à l'action sociale, culturelle et de coopération régionale. Ces crédits devraient s'élever à 1.295 millions d'euros. Ce montant traduit une hausse de 90% par rapport aux crédits votés en 2004. L'on retrouve dans ce titre l'augmentation de crédits liée au transfert de la compensation de l'exonération des cotisations sociales.

Les investissements exécutés par l'État financent les équipements administratifs : ils devraient s'élever à 6,75 millions d'euros, soit une baisse de 1,74% par rapport à 2004.

Enfin, les subventions d'investissements accordées par l'État comprennent principalement les crédits affectés à la politique du logement, les subventions au Fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM), et au Fonds d'investissement pour le développement économique et social (FIDES). Les crédits prévus à ce titre sont de 256 millions d'euros, en hausse de 1,27% par rapport à 2004.

Le budget de l'outre-mer ne représente que 17 % de l'ensemble des crédits que l'État consacre à l'outre-mer. L'effort financier de l'État en faveur de l'outre-mer devrait s'élever à environ 10 milliards d'euros en 2005. Il s'élevait à 7,9 milliards d'euros en 2004.

Les principales tendances qui caractérisent le budget de l'outre-mer pour 2005 sont les suivantes :

- les crédits correspondant à la dotation de continuité territoriale, concours de l'État visant à favoriser les déplacements aériens entre les collectivités territoriales d'outre-mer et la métropole, sont inscrits parmi les interventions publiques à hauteur de 31 millions d'euros : le financement en sera donc assumé en totalité par l'outre-mer et non plus par le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA) ;

- les subventions obligatoires et facultatives aux collectivités sont abondées de 2,8 millions d'euros : ce montant inclut notamment 500.000 euros supplémentaires pour la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon et 2,4 millions d'euros destinés à la collectivité de Mayotte (remboursement des dépenses qu'elle a engagées pour le fonctionnement des services de l'État et le paiement de certains de leurs personnels) ;

- le financement du ticket modérateur à Mayotte, s'élevant à 600.000 euros, est une mesure nouvelle pour ce budget, mais résultant d'un transfert ;

- la création du passeport logement, dispositif expérimental qui doit compléter le passeport mobilité.

Ces mesures doivent être approuvées.

En revanche, d'autres évolutions suscitent l'inquiétude, et leur mise en œuvre devra faire l'objet d'un suivi. Il est en ainsi de :

- la réduction de près de 90 millions d'euros des crédits du FEDOM, que le Gouvernement justifie par un recentrage des mesures en direction des personnes auxquelles elles seront les mieux adaptées. Il convient d'être vigilants à cet égard, car l'amélioration de la situation de l'emploi constatée dans ces collectivités n'est pas encore inscrite dans la durée ;

- la gestion difficile des crédits de l'outre-mer en 2003 et 2004, en particulier, la ligne budgétaire unique consacrée à la politique du logement. En effet, pendant plusieurs années, l'intégralité des crédits inscrits sur cette ligne n'a pas été consommée en fin d'exercice, générant d'importants reports. Le ministère a choisi, en 2002 et 2003, de concentrer l'effet des mesures de régulation budgétaire sur cette ligne, qui a connu en conséquence des annulations de crédits importantes et brutales. Aujourd'hui, les crédits de paiement sont devenus insuffisants par rapport aux engagements, et 20 millions de factures impayées sont en instance dans les directions départementales de l'équipement, alors que 26 millions d'euros sont gelés en 2004.

Enfin, le Rapporteur spécial a confirmé que le retard pris par le Ministère dans le traitement du questionnaire budgétaire et le caractère incomplet des réponses rend sa tâche particulièrement difficile.

M. Michel Bouvard, Président, a demandé à M. Alain Rodet s'il suggérait des thèmes d'enquêtes de la Cour des comptes ou des thèmes de mission d'évaluation et de contrôle. Il a souhaité savoir également quelle était son appréciation sur la nouvelle nomenclature budgétaire et sur les objectifs et indicateurs dans le cadre de la réforme budgétaire.

M. Alain Rodet, Rapporteur spécial, a souligné qu'un premier effort avait été fait dans le sens de la loi organique relative aux lois de finances, avec le rapatriement des crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les DOM, jusqu'à cette année inscrits sur le budget de l'emploi. Cela contribue à la lisibilité du budget. Certaines expérimentations sont prévues ou déjà en cours, portant sur les trois programmes de la mission outre-mer : emploi outre-mer, conditions de vie outre-mer, et intégration et valorisation de l'outre-mer. Cependant ce sont plus des intentions que des réalisations.

La situation du FEDOM, qui est ponctionné de 90 millions d'euros en un an, mériterait d'être étudiée par la Cour des comptes, quant à l'efficacité de l'utilisation de ses crédits, aux montants engagés et aux délais de mise en œuvre des crédits.

La politique du logement mérite aussi un examen. Elle souffre de retards importants dans sa mise en œuvre, ainsi les fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain (FRAFU), qui visent à accroître la production de logements sociaux, ne sont toujours pas opérationnels. Le coût élevé de l'immobilier n'est pas spécifique à la métropole, elle concerne aussi, de plus en plus, les DOM.

Le Rapporteur spécial s'en étant remis à la sagesse de la Commission, celle-ci a adopté les crédits des départements d'Outre-mer.

*

* *

Puis la Commission a examiné, sur le rapport de M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial, les crédits de la Culture et le compte d'affectation spéciale : Soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle.

Après avoir indiqué que le budget de la culture atteindrait 2,787 milliards d'euros en 2005, soit une progression de 5,6 %, par rapport à 2004 et de 6,5 % hors transferts, M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial, a précisé que cette hausse profiterait en priorité aux crédits de paiement pour les dépenses en capital, afin notamment de financer la poursuite du plan de sauvegarde des monuments historiques. 

Les moyens supplémentaires en faveur de l'action culturelle, sont abondés à hauteur de 25 millions d'euros. Ils seront orientés vers le financement du plan pour le spectacle vivant, la politique du livre et de la lecture et les acquisitions d'œuvres. Avec 18 millions d'euros supplémentaires, le plan pour le spectacle vivant suivra trois priorités : la professionnalisation de l'emploi artistique, l'élargissement et le renouvellement des publics, et la dynamisation de la création et de la diffusion. La mise en œuvre de la loi relative au droit de prêt en bibliothèque induit une mesure nouvelle de 2,65 millions d'euros, tandis que le fonds du patrimoine bénéficiera de 500.000 euros supplémentaires, destinés à l'enrichissement des collections des musées.

Les autorisations de programme pour l'entretien du patrimoine monumental augmenteront de 10,4 millions d'euros à structure constante et les crédits de paiement progresseront de 25 millions d'euros (+ 13 %). Le transfert aux propriétaires de la maîtrise d'ouvrage des travaux sur monuments privés se traduit par un rééquilibrage des moyens entre les chapitres. Il vise à une responsabilisation des propriétaires et à l'accélération des procédures qui devraient permettre aux 160 entreprises spécialisées d'être réglées dans de meilleures conditions. Elles emploient près de 9.000 ouvriers ou artisans dont les savoir-faire doivent être préservés. Il serait aberrant que l'État soutienne l'apprentissage dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, sans se soucier du maintien de savoir-faire indispensable à l'entretien d'un patrimoine, qui assure la renommée et l'attractivité de la France. Les grands projets immobiliers du ministère verront aussi leurs crédits de paiement progresser de 25 %.

Les subventions de fonctionnement aux établissements publics seront en hausse de 5 % et permettront le transfert en leur faveur de 101 emplois budgétaires relevant actuellement du ministère de la culture, et la création de 69 emplois non budgétaires. Leurs dotations d'investissement s'établiront à 134 millions d'euros en crédits de paiement comme en autorisations de programme.

Le ministère s'efforce de réduire ses dépenses de personnel et de fonctionnement, ce qui le conduit à ne pas remplacer 90 départs à la retraite et à stabiliser les moyens de fonctionnement des services grâce aux économies induites par l'installation d'une partie des services du ministère dans l'immeuble des Bons Enfants. Ce déménagement pourrait symboliser la modernisation du ministère.

Pour ce qui est de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, les trois programmes initialement prévus pour constituer la mission « Culture » ont été complétés par la création d'un quatrième programme rattaché à la mission interministérielle « Recherche et Enseignement supérieur ». Par ailleurs, le compte de soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle, conforme aux dispositions de la loi organique, relatives aux comptes d'affectation spéciale, constituera une mission composée de deux programmes. La mission monoprogramme proposée par le ministère a été scindée en deux à la demande de la mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Cette maquette budgétaire respecte bien les principes de la loi organique et ne devrait pas se traduire par une plus grande complexité de gestion pour les directions régionales des affaires culturelles. Le Rapporteur spécial a émis le souhait que le changement de nomenclature budgétaire s'accompagne d'un changement de « culture » du ministère en matière de gestion. En particulier, il est urgent qu'il gère davantage ses moyens d'investissement en fonction des crédits de paiement et non plus en se référant aux autorisations de programme.

Le ministère a élaboré une série d'objectifs et d'indicateurs, tantôt rattachés à un programme, tantôt rattachés à des actions, ce qui conduit à une présentation à deux niveaux, peu lisible. Si certains indicateurs rendent plus compte de l'activité du service ou des moyens mis en œuvre que de leurs résultats, d'autres sont particulièrement pertinents, qu'ils portent sur le taux d'accessibilité du public aux collections ou sur la part du chiffre d'affaires des industriels français à l'exportation. Les indicateurs relatifs à la politique en faveur de l'élargissement des publics mériteraient d'être complétés. Le ministère a aussi mis en place des objectifs et des indicateurs portant sur l'efficacité de la gestion des moyens, ce dont le Rapporteur spécial s'est réjoui. Quant à ceux rattachés au compte d'affectation spéciale, ils rendent bien compte de la diversité des actions menées, mais négligent l'efficacité de la gestion et la qualité du service rendu.

En conclusion, M. Olivier Dassault, Rapporteur spécial, a souligné la précision et la simplicité de la présentation du budget faite par le ministre de la culture. L'action culturelle doit être perçue au travers du prisme de l'attractivité du « site France ». Il ne faut pas oublier qu'elle concourt directement au rayonnement de la France et participe à la compétitivité de nombreux secteurs économiques. L'accroissement des moyens au service de l'action internationale du ministère contribuera à ce rayonnement.

Le Président Pierre Méhaignerie a appelé à une meilleure utilisation des crédits du ministère de la Culture : on constate, en effet, un taux d'absentéisme des personnels dans certains services difficilement justifiable. Il a souhaité que le Rapporteur spécial explore cette question. Par ailleurs, il a déploré la multiplication des cotisations demandées aux associations par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz. Ne doit-on pas prévoir un montant minimum quant au recouvrement de ces cotisations ? Enfin, quels sont les sujets d'enquête que le Rapporteur spécial suggère de soumettre à la Cour des comptes ?

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné que s'il partageait le souci exprimé par le Rapporteur spécial d'accorder toute sa place à la culture et de favoriser l'attractivité du territoire national, il fallait aussi rester exigeant en matière budgétaire. En effet, le budget de la culture, avec un taux d'augmentation de 5,6 %, s'accroît nettement, notamment au regard de la hausse de 1,8 % du budget de l'État. Cet accroissement est d'autant plus significatif que les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2004 étaient déjà en hausse de 5,7 % par rapport à l'année précédente. Cette situation conduit à rechercher d'autres sources de financement, telles que les actions de mécénat des grandes entreprises pour l'entretien du patrimoine, ou les recettes commerciales engendrées par les monuments historiques. Le cas de Chambord, où le visiteur est négligé, est éloquent, surtout si on le compare à Chenonceaux dont la gestion est privée. Il est souhaitable que, conformément à la lettre que lui a adressée le ministre de la Culture, la création d'un établissement public permette d'améliorer la situation sur ce point. S'agissant de la gestion des personnels, si la mise en œuvre de la loi organique permettra un contrôle plus précis des effectifs de l'État, il n'en est pas de même pour ceux des établissements publics, qui présentent, de ce fait, des risques de dérive des dépenses. Où en est, enfin, le projet de musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille ?

M. Augustin Bonrepaux a déploré une présentation du Rapporteur coupée du réel : alors que les crédits du budget de la culture augmentent, la plupart des subventions aux festivals sont, par exemple, supprimées. Il semble d'ailleurs que ceux-ci ne constituent plus une priorité. En outre, les subventions aux monuments historiques ont été divisées par deux : faut-il penser qu'elles ne participent plus de la politique culturelle ? L'accroissement des crédits permettra-t-il au moins de maintenir l'effort engagé en faveur de ces deux actions essentielles ?

M. François Scellier s'est demandé dans quelle mesure la nouvelle installation prévue pour janvier prochain d'une partie des services du ministère dans l'immeuble des Bons Enfants peut engendrer des mesures d'économies.

M. Alain Rodet a souligné que si l'on pouvait se réjouir de la subvention accordée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, supprimée l'an dernier, la réduction de 90 postes est en revanche regrettable au regard des difficultés rencontrées par l'organisation des festivals et les professions des intermittents du spectacle. S'agissant du patrimoine, évoquant le rapport de M. Jérôme Chartier, il a demandé s'il était prévu de remédier à la gestion déplorable du patrimoine français en Italie.

M. Yves Deniaud, citant également le rapport de M. Chartier, a rappelé que le patrimoine français à l'étranger était largement méconnu et qu'une partie de celui-ci n'avait pas vocation à être conservée. Cette situation justifie l'élaboration d'un inventaire exhaustif et accessible de ce patrimoine. Quel bilan peut-on faire, par ailleurs, de la politique menée en matière d'archéologie préventive ? Quels sont les résultats enregistrés au regard de l'effort important consenti par les collectivités locales en la matière ? Il faut, en la matière, assurer un « service après vote ».

M. Charles de Courson a regretté que, dans un contexte marqué par une pénurie budgétaire et le manque d'entretien de nombreux monuments, on continue à classer ou à inscrire des bâtiments à l'inventaire des monuments historiques et à doubler, ce faisant, le coût des restaurations. Ne faudrait-il pas déclasser certains monuments, alors que la protection liée au classement empêche les communes de les restaurer ? Si la politique de classement a été accélérée après la première guerre mondiale, pour compenser les dommages de guerre, la situation impose plutôt aujourd'hui de concentrer les moyens sur les monuments prioritaires. L'exemple de la Marne, qui dispose de 270 bâtiments classés, milite en ce sens.

M. Édouard Landrain, après avoir souligné les contraintes pour les communes liées à la zone de protection des 500 mètres autour des monuments classés, a déclaré partager l'idée de M. Charles de Courson, et il a souhaité avoir des précisions sur l'action internationale du ministère, en particulier s'agissant de l'accueil des artistes étrangers en France.

M. Pierre Hériaud, constatant la diminution des crédits du titre IV de plus de 150 millions d'euros de 2004 à 2005, a demandé comment avaient été utilisés les 824 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2004, montant très élevé.

M. Jean-Jacques Descamps, soulignant le faible écart entre les effectifs réels pour 2004 et les effectifs budgétaires prévus par le projet de loi de finances, a demandé des précisions sur la réduction effective du nombre d'emplois. Entre les départs et les non remplacements, et compte tenu des postes non pourvus, la diminution est-elle effective ?

En réponse aux différents intervenants, le Rapporteur spécial a apporté les précisions suivantes :

- l'absentéisme constitue, en effet, un des problèmes de gestion pour le ministère, problème qui est d'ailleurs abordé dans le rapport de la Cour des comptes ;

- s'agissant des subventions aux monuments historiques, les crédits augmentent en réalité de 25  %, pour couvrir les autorisations de programme déjà ouvertes ;

- si un plafond d'emplois est obligatoire pour chaque ministère, il n'en est pas de même - ce qui est regrettable - pour les établissements publics. Ceux-ci devraient néanmoins aboutir à en définir. La recherche de ressources propres pour Chambord comme pour les autres grands monuments constitue un objectif du ministère. La transformation en établissement public devrait y contribuer. La comparaison avec Chenonceaux montre que les établissements publics devraient plus souvent prendre exemple sur les établissements privés. La fermeture de la boutique de Chambord pendant l'été est inadmissible. Un intéressement des personnes chargées de la vente d'objets dans les boutiques des monuments historiques pourrait être envisagé dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, ce qui serait un moyen de motiver les personnels ;

- les économies prévues pour le fonctionnement des services, en dépit du déménagement dans l'immeuble des Bons Enfants, s'expliquent par le fait que le coût de fonctionnement a été surestimé dans le budget de 2004 ;

- les emplois supprimés sont des emplois administratifs, suppressions qui ne pénalisent nullement les festivals - qui bénéficient, par ailleurs, d'une augmentation des crédits d'intervention ;

- les monuments historiques à la charge des ministères doivent, en principe, être gérés et entretenus par ceux-ci ;

- s'agissant de l'archéologie préventive, on constate une baisse des diagnostics depuis le début de l'année et le comblement des déficits grâce à des redéploiements et des ouvertures de crédits en 2003 ;

- le transfert de certains monuments aux collectivités locales est en cours ; les travaux devront être concentrés sur ceux qui sont en plus mauvais état ;

- s'il est difficile de revenir sur les classements de monuments déjà intervenus, l'accroissement des dépenses liées à la poursuite des classements doit être pris en compte ;

- la politique en faveur de la francophonie et le rayonnement de la culture française à l'étranger sont financés, en grande partie, par le ministère des Affaires étrangères. L'accueil des artistes étrangers est considéré comme une priorité, de même que les bourses accordées aux jeunes artistes étrangers, qui peuvent constituer, à terme, nos meilleurs ambassadeurs ;

- s'agissant de l'évolution des emplois, les effectifs budgétaires passent bien de 13.819 à 13.613, soit une baisse de 206 emplois.

Le Rapporteur spécial a indiqué que les crédits du compte d'affectation spéciale n° 902-10 n'appellent pas de remarque particulière.

La Commission a ensuite adopté, sur sa proposition, les crédits de la culture inscrits aux titres III et IV de l'état B et aux titres V et VI de l'état C.

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La Commission des finances a ensuite examiné, sur le rapport de M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur, la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'exécution des contrats de plan État-régions et l'utilisation des crédits européens (n° 1738).

M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur, a souligné que cette proposition de résolution avait pour objectif d'infléchir la politique du Gouvernement afin d'éviter que la situation actuelle ne s'aggrave davantage. Différentes auditions ont été menées parmi lesquelles celles de Réseau Ferré de France (RFF), de la Direction des Routes, de la DATAR, de l'Association des régions de France et des demandes de renseignements ont été formulées auprès des préfectures de région. Le budget global des contrats de plan sur la période 2000-2006 représente 41 milliards d'euros, soit 17,51 milliards d'euros à la charge de l'État et 17,75 milliards d'euros à la charge des régions. Au titre des fonds structurels, la France percevra 16 milliards d'euros sur la période 2000-2006 et 1,04 milliard d'euros au titre des quatre programmes d'initiative communautaire. L'exécution des contrats de plan enregistre un retard préoccupant. Fin 2003, le taux d'engagement des crédits de l'État est de 45,7 %. Fin 2004, ce taux pourrait atteindre 58 %. Cependant, selon la DATAR, si les mesures de régulation budgétaire envisagées en 2004 devaient se traduire intégralement par des annulations, ce taux se situerait alors autour de 55 %. La DATAR estime que les contrats de plan présentent environ un an de retard. En réalité, si on part de l'hypothèse d'un taux de délégation de 58 %, le retard sera d'un an et demi en 2006. Si on part de l'hypothèse d'un taux de délégation de 55 %, le retard sera de trois ans en 2006.

En outre, les dotations de l'État deviennent de moins en moins importantes d'année en année. Par conséquent, l'idée selon laquelle l'État pâtirait du retard accumulé dans les premières années et se retrouverait en phase de rattrapage est erronée. Les crédits délégués au titre des contrats de plan ne cessent de décroître depuis 2002. Ainsi, les dotations ont représenté 76,5 % de la dotation théorique en 2000, 86,71 % en 2001, 82,67 % en 2002, 73,93 % en 2003 et devraient représenter seulement 64,99 % en 2004. Ainsi, les crédits délégués en 2000, pourtant première année de mise en œuvre des contrats, et alors même que leur conclusion présentait un semestre de retard, ont été supérieurs à ceux délégués en 2003 et 2004. Jamais aucune dotation de l'État n'a atteint le niveau de 2001. Cette situation résulte principalement des gels de crédits intervenus en 2003 et 2004. Ils ont représenté 13 % de la dotation totale en 2002, 19 % en 2003 et devrait représenter 27 % en 2004.

Ces gels sont responsables d'un retard de 7 points dans l'exécution des contrats. Ils auraient représenté, par exemple, s'agissant du volet routier, plus de 30 % des crédits en 2003 et plus de 50 % des crédits en 2004, s'agissant du volet ferroviaire, 45 % des crédits en 2003 et plus de 50 % des crédits en 2004, et s'agissant du volet enseignement supérieur et recherche, 30 % des crédits en 2003 et 40 % des crédits en 2004. Comme le souligne la DATAR : « À titre indicatif, si aucun gel budgétaire n'était venu contrarier la montée en puissance des CPER depuis 2002, le taux d'exécution serait à fin 2004 de 62,14 %, à rapprocher du taux théorique de 71,43 % (5/7èmes). Ce niveau aurait été tout à fait satisfaisant, compte tenu de la signature tardive des contrats en 2000 ». Un autre aspect particulièrement préoccupant est celui de l'avancement du programme « transport ». Le ministère de l'Équipement a présenté un taux d'exécution de 39,7 % fin 2003, soit 17,5 points de retard sur le taux théorique. Il faudra encore six années et demi pour achever ce volet à compter de 2003. C'est donc bien un retard de trois ans et demi que le ministère de l'Équipement pourrait accuser en 2006, ce qui conduirait à un achèvement des opérations programmées au second semestre 2010.

S'agissant de l'exécution du volet routier, les gels ont représenté, en 2004, 43 % des autorisations de programme, montants annulés en totalité, et 26 % des crédits de paiement, dont une partie a été dégelée. Le taux d'exécution, fin 2004, devrait être de 52,1 %, soit 19,3 points de retard sur l'objectif théorique.

Le montant prévu de crédits affectés au volet routier dans le projet de loi de finances, qui représente moins du 1/7ème théorique, loin de permettre de rattraper le retard pris, l'aggravera au contraire. Ainsi, fin 2005, le taux d'exécution devrait être de 59 % à 60 %, soit 25,7 points de retard sur l'objectif théorique, qui est de 85,7 %.

Selon la Direction des routes, à ce rythme annuel de délégation des crédits, le taux d'exécution du volet routier sera d'environ 70 % en 2006 et il faudra encore 3 ou 4 ans supplémentaires pour achever la programmation.

Par ailleurs, cette direction a indiqué que si des opérations ont été retardées en 2004, un niveau équivalent de régulation budgétaire en 2005 provoquerait certainement l'arrêt de certains chantiers. Le retard pris dans l'exécution du volet routier ne tient en rien à l'exécution des deux premières années, où le taux d'exécution était proche du 1/7ème théorique. C'est à partir de 2002 que l'exécution budgétaire s'est dégradée, s'éloignant de plus en plus, en 2003 et 2004, de l'objectif théorique du 1/7ème.

S'agissant de l'exécution du volet ferroviaire, le gel a porté sur 15 % de la programmation initiale en 2002, 45 % en 2003, et il pourrait être de plus de 50 % en 2004. Fin 2004, même en l'absence de gel, le taux d'avancement de ce secteur n'aurait été que de 40,5 %. Si le gel budgétaire en 2004 est confirmé, le taux d'avancement ne sera que de 33,4 %, soit moins que les 3/7èmes de l'engagement initial de l'État. Selon les informations fournies à votre Rapporteur par RFF, si l'exécution des crédits se poursuit sur le même rythme qu'en 2004, seul 50 % du volet ferroviaire sera réalisé en 2006, c'est-à-dire un retard de 7 ans. Certes, RFF n'était pas forcément prêt en 2000, mais 46 millions d'euros ont été délégués en 2000 et seulement 68 millions d'euros en 2004, alors que les projets sont désormais prêts.

Le retard du volet ferroviaire encore plus prononcé que celui du volet routier ne fait qu'aggraver le déséquilibre existant entre le ferroviaire et la route. Cela a des conséquences néfastes pour l'aménagement du territoire et l'environnement. La SNCF a fait savoir aujourd'hui, dans la presse, que sur près de 1.500 kilomètres du réseau ferré, la vitesse de ses trains allait devoir être réduite. À l'origine de ces ralentissements, le mauvais état des rails, qui conduit les trains à limiter leur vitesse pour des raisons de sécurité. On assiste aujourd'hui à des aberrations. Sur la ligne d'Ax-les-Thermes, par exemple, le manque d'entretien des voies oblige les locomotives à rouler à 40 kilomètres/heure alors que ces mêmes locomotives surchauffent lorsqu'elles roulent à moins de 50 kilomètres/heure. La situation est donc problématique et devrait finalement peser sur les Conseils généraux qui financent ces véhicules. La mission d'évaluation et de contrôle (MEC) a auditionné RFF et la SNCF. Le rapport de la MEC montre bien que RFF n'a pas les moyens financiers pour entretenir et renouveler les voies : 1.100 millions d'euros seraient nécessaires là où la dotation est de 900 millions. Le financement par des contrats de plan État-régions est le plus équitable, car il associe pour moitié l'État et les régions. Or, actuellement, certaines régions participent à ces contrats à hauteur de 80 % alors que l'État contribue à hauteur de 10 %. Le Président de la République a voulu intégrer la Charte de l'environnement à la Constitution pour montrer son attachement aux questions environnementales. Ceci est en totale contradiction avec l'état de la politique ferroviaire.

Un autre secteur particulièrement touché est celui de l'investissement en faveur des structures accueillant des personnes âgées. Fin 2004, le taux d'exécution de ce volet devrait être de 35,4 %. Or, ces crédits ont pour objectif l'humanisation des hospices et la mise aux normes des maisons de retraite, actions qui devraient être prioritaires depuis la canicule de 2003. Deux exemples peuvent être fournis : en Guadeloupe, sur une programmation de 8,38 millions d'euros sur la période 2000-2006, aucun crédit n'a encore été engagé au 30 septembre 2004. En Bretagne, ce volet a connu un démarrage tardif et accuse un retard important puisque l'État n'a engagé que 550.000 euros sur les 13,72 millions d'euros prévus. Seules trois opérations ont été programmées, alors que les besoins et les projets existent.

S'agissant de la programmation et de la consommation des fonds structurels européens, le Gouvernement est aujourd'hui pris en flagrant délit de mensonge. Il a été recommandé aux élus locaux de surprogrammer pour éviter des dégagements d'office en 2003. Or, ces derniers n'ayant lieu que deux ans après la programmation des opérations, le risque ne concerne que l'année 2005. Ces projets, engagés dans la précipitation, font craindre un dégagement d'office en 2005. Au total, d'après les données « Présage » au 1er octobre 2004, le montant prévisionnel des dégagements d'office est de 207 millions d'euros au titre de l'objectif 1 et de 130,78 millions d'euros au titre de l'objectif 2, soit un total de 337,85 millions d'euros.

Le désengagement de l'État en matière d'investissement dans les régions dans le cadre des contrats de plan conduit l'État à compenser par des financements communautaires ses propres carences de financements. Dans de nombreuses régions, on assiste à un retrait progressif de l'État d'une grande partie des projets, ainsi qu'à une réduction de son taux de financement.

L'enquête menée par M. Jean-Louis Dumont auprès des préfectures de régions et des conseils régionaux, et dont les résultats ont été communiqués dans le rapport spécial relatif aux affaires européennes, permet de constater des cas flagrants de substitutions de crédits communautaires aux crédits d'État. C'est le cas notamment en Aquitaine, en Bretagne, dans les régions Pays de la Loire, Rhône Alpes, Poitou-Charente, en Haute-Normandie, dans le Languedoc-Roussillon et en Midi-Pyrénées, où le Conseil régional estime le montant global de ces opérations à 112 millions d'euros. Par ailleurs, dans la région Midi-Pyrénées, on assiste à un épuisement des crédits au titre de la réserve de performance, rendant impossible le financement des contrats de pays.

Le manque d'informations de l'Assemblée nationale justifie également la création de la commission d'enquête. Les informations transmises aujourd'hui par la DATAR sur l'exécution des contrats de plan concernent l'année 2003 alors que le Parlement est en train de discuter des crédits qui seront affectés à ces mêmes contrats en 2005. Les dotations aux contrats de plan dans chaque ministère ne relèvent pas du chapitre budgétaire, mais plutôt de l'article, voire d'une répartition infra-article : il est très difficile de savoir le montant alloué à ces contrats dans chaque ministère et la réalité de leur exécution. Compte tenu des montants et des enjeux en cause, cela est pour le moins regrettable. Non seulement ces gels et annulations remettent en cause la portée du vote du Parlement, mais ils empêchent les parlementaires d'avoir une vision exacte de l'exécution. Les chiffres fournis par la DATAR sont, sur ce sujet, relativement peu précis.

Le rapport d'information de la Délégation à l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale sur la réforme des contrats de plan État-régions, privilégie la thèse de causes structurelles par rapport à celle de causes conjoncturelles. Sont ainsi évoquées : la multiplication des projets dans l'actuelle génération des contrats de plan, une gestion difficile, l'absence de fongibilité des crédits, l'insertion de projets non encore prêts, le manque d'évaluation... Mais surtout, le rapport souligne que le retard actuel serait dû aux manquements et aux retards des premières années, et serait donc imputable au précédent Gouvernement.

Or, en 2000 et 2001, le taux d'exécution des contrats de plan a été satisfaisant. Le décrochage s'est bel et bien effectué à partir de 2003 : les crédits inscrits en 2003 et 2004 n'ont jamais atteint les dotations de l'État en 2001. La réflexion actuelle sur les contrats de plan qui concerne essentiellement ses aspects structurels occulte le principal problème actuel qui est conjoncturel : les annulations massives de crédits qui les remettent fondamentalement en cause.

Le Gouvernement refuse aujourd'hui de prendre la mesure du problème. Seul un retard d'une année est reconnu, or ce retard sera probablement de 3 ans. Si le rythme de délégation des crédits continue au même rythme qu'en 2003 et 2004, le volet routier sera réalisé à 70 % en 2006 et présentera un retard de trois ans et demi, le volet ferroviaire sera réalisé à 50 % et il faudra encore 7 ans en 2006 pour achever la programmation, et le volet santé présentera un retard de 6 ans. Par ailleurs, le Premier ministre s'est engagé, lorsqu'il a reçu l'Association des Régions de France, le mardi 6 juillet 2004, à ne pas faire porter les gels de crédits sur les chantiers engagés dans le cadre des contrats de plan État-régions.

Compte tenu de l'ampleur des gels effectués en 2004, qui représenteraient 27 % de la dotation initiale et les nouvelles annulations des crédits affectés aux contrats de plan effectuées par le décret du 9 septembre 2004, il est légitime d'émettre des doutes sérieux quant à cette garantie du Gouvernement.

Il est, en outre, affirmé que l'actuelle génération de contrat de plan présente le même retard que celui enregistré lors de la précédente génération et que celui-ci serait dû à la lourdeur et à la complexité du dispositif. La précédente génération s'est achevée en 1999, suite à la décision prise en 1996 de prolonger les contrats d'une année. Or au 31 décembre 1999, les ministères avaient délégué aux préfets 92,47 % du montant total des crédits programmés. Si le rythme de délégation des crédits reste le même, et que les contrats sont prolongés d'une année, comme lors de la précédente génération, le montant total de crédits délégués sera de 14,668 milliards d'euros en 2007, soit un taux d'exécution de crédits de 82,88 %. Cela représente 10 points de retard.

Pour toutes ces raisons, une commission d'enquête s'avère tout à fait indispensable pour éclairer la Représentation nationale sur le retard préoccupant des contrats de plan et l'épuisement des crédits dans le cadre des fonds structurels.

M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur, a conclu son intervention en tenant à remercier l'administratrice pour la qualité du travail fourni, dans un laps de temps réduit et à un moment où les services de la Commission sont déjà particulièrement sollicités.

M. Louis Giscard d'Estaing a salué le travail du Rapporteur dans lequel il a retrouvé un certain nombre d'arguments déjà présents dans deux rapports d'information de la Commission des finances, celui de M. Jean-Louis Dumont relatif aux fonds structurels européens et le sien consacré, déjà, à l'exécution des contrats de plan État-régions. De nombreux points de convergence sont apparus sur le diagnostic de ces contrats qui souffrent d'un certain nombre de problèmes endémiques. La mécanique budgétaire prévue empêche en effet les reports de crédits d'une année sur l'autre, aussi les retards apparus au début de l'exécution des contrats s'accumulent-ils au fil des années.

S'agissant plus précisément du volet ferroviaire, sur lequel on constate un retard plus important que sur les autres volets, il faut souligner que l'Île-de-France est la principale source de ces retards. En effet, le contrat de plan avec l'Île-de-France sur ce volet se caractérisait par une programmation approximative et une volonté claire de produire des effets d'affichage. S'agissant du volet sanitaire et social, les retards d'exécution sont apparus dès les premières années et ne peuvent donc s'expliquer par une quelconque alternance politique.

L'enjeu aujourd'hui est de tirer les enseignements de l'exécution des contrats en cours pour proposer une méthode d'élaboration plus efficace de la prochaine génération de contrats. Ceux-ci devront être plus réalistes, plus ciblés, et surtout prévoir des crédits d'études pour préparer la génération suivante. Il s'agit là de propositions qui figurent dans le rapport de M. Le Nay, dont il est co-auteur, pour la délégation à l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale.

M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur, a souligné que si en 2001, 2002 et au début de l'année 2003 on pouvait évoquer le retard dans le lancement des projets pour justifier un moindre décaissement de crédits, cet argument n'est, depuis 2003 et surtout en 2004, plus valable. Cette insuffisance des décaissements s'explique depuis 2003 pour l'essentiel par les gels de crédits.

M. Didier Migaud a souligné l'importance et la qualité du travail fourni par le Rapporteur. Les rapports de la commission des Finances, au-delà des jugements politiques qu'ils peuvent véhiculer, doivent avant tout refléter les réalités des choses et présenter des faits concrets à l'image du rapport aujourd'hui examiné par la Commission. On constate que les gels intervenus sur les crédits des contrats de plan touchent pour l'essentiel des opérations d'investissements, ce qui, à terme, risque de nuire à l'attractivité du pays. La nécessité d'une commission d'enquête, réclamée depuis plus d'un an, est donc évidente.

M. Pascal Terrasse a souligné que selon les chiffres mêmes de la Datar, si des gels n'étaient pas intervenus à partir de 2002, l'exécution des contrats de plan aurait été raisonnable. Ainsi les conséquences négatives décrites par le Rapporteur ne sont pas les conséquences d'une sous-consommation des crédits, mais bien des gels décidés par le Gouvernement. Ceci est particulièrement dangereux s'agissant du programme d'humanisation des établissements accueillant les personnes âgées. On constate d'ailleurs que pour bénéficier des fonds de ce volet les établissements doivent conclure des projets d'établissement, qui doivent ensuite être validés par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Or, depuis 2002, aucune validation par les ARH n'est intervenue, bloquant ainsi l'engagement des crédits. Concernant le volet routier, les départements vont bientôt se voir transférée la gestion de 3.500 kilomètres de routes et le retard pris en ce domaine est donc particulièrement problématique. Se pose donc la question d'une contractualisation future entre les collectivités locales et l'État, quand ces compétences auront été transférées. L'implication de l'État dans les contrats de plan, comme les fonds structurels européens, ont souvent servi de levier à l'investissement des collectivités locales. Le tarissement des fonds structurels conjugué au non respect des engagements de l'État risque de bloquer les capacités d'investissement des collectivités locales avec les conséquences négatives que l'on sait sur la croissance et l'emploi.

M. Jean-Pierre Balligand a rappelé, qu'en tant que Rapporteur spécial, il avait étudié le sujet pendant douze ans. Il convient de souligner que le pourcentage de crédits délégués n'a aucune valeur. Seuls les crédits engagés et surtout les mandatements reflètent la réalité de l'exécution des contrats de plan. Ainsi, en Auvergne, fin 2003, 47,9 % des crédits ont été délégués, mais seulement 40,53 % ont été engagés et 21,55  % ont fait l'objet d'un mandatement. Cette situation est d'autant plus inquiétante que l'on est aujourd'hui à mi-parcours, période où traditionnellement la consommation des crédits est la plus forte. Les propos du Rapporteur quant à la nécessité d'années supplémentaires pour atteindre les objectifs des contrats de plan sont particulièrement préoccupants. En effet, les programmes d'investissement font l'objet de financements croisés avec les financements européens. Tout retard dans ce domaine risque de se traduire par une impossibilité pure et simple d'exécuter les contrats. Il s'agit là du principal enjeu de la deuxième partie des contrats de plan.

L'inquiétude porte néanmoins surtout sur le volet territorial des contrats. En effet, lors de leur signature, il avait été décidé de laisser un peu de temps aux agglomérations et aux pays pour s'organiser et se mettre en place. Or, au 30 septembre, alors que 300 chartes de pays avaient été adoptées, seuls 63 contrats avaient été signés. De même, alors que 100 projets d'agglomérations avaient été conclus, et signés par l'État, seuls 53 contrats étaient signés. Les pays comme les agglomérations ont donc été laissés pour compte. Or, ce volet territorial traduisait une vraie volonté de transversalité et d'aménagement du territoire. Ces structures ont un besoin impératif d'un engagement de l'État : même si ce dernier contribue peu financièrement à leurs projets, cette participation a un effet de levier très fort. La crainte des acteurs locaux est que la préparation de la nouvelle génération de contrats de plan se traduise par un désengagement massif de l'État, qui serait particulièrement préjudiciable au volet territorial.

M. Denis Merville a salué le travail effectué par le Rapporteur tout en soulignant son scepticisme quant à la procédure de contrats de plan État-régions. Cela a toujours été un moyen pour l'État de faire financer par les collectivités locales des investissements qui lui incombent. S'agissant du volet territorial, celui-ci est souvent venu rendre plus complexe le contrat de plan, se traduisant par un saupoudrage dangereux des crédits. En revanche, concernant le volet ferroviaire, le retard pris dans l'exécution du contrat est particulièrement inquiétant. Une réflexion est donc à mener afin de réformer la procédure d'élaboration des contrats.

M. Paul Giacobbi a insisté sur l'importance des investissements réalisés au titre des contrats de plan, qui figurent parmi les éléments les plus visibles de la réalité locale. Pourtant, la faiblesse de l'engagement financier de l'État amène à se poser une question simple : comment en est-on arrivé là ? La programmation financière pluriannuelle fonctionne mal, obérée qu'elle est par la complexité des procédures et l'importance des délais. Il n'est pas évident d'ailleurs que la nature des opérations menées dans les contrats de plan ressortisse toujours du domaine de compétence des régions.

En Corse, la conjugaison du contrat de plan et du programme exceptionnel d'investissements complexifie les enjeux de financement et masque la réalité d'un engagement financier en définitive plus faible de la part de l'État, par rapport à la métropole comme au regard des investissements réalisés en Corse avant 2000. La grande incertitude sur le montant réel des engagements de l'État en 2003 semble faire coexister une certaine forme d'affichage avec un mélange des priorités. Les chiffres fournis, même sur les engagements 2003, varient, très sensiblement, d'une source à l'autre. C'est incompréhensible et inadmissible.

Le Président Pierre Méhaignerie a salué la qualité des débats et déploré le retard accumulé dans les contrats de plan. Si ce retard n'est de toute évidence pas né en 2003 ou 2004, il s'est trouvé aggravé par l'ampleur de la régulation budgétaire, ces deux dernières années. La confusion des compétences est aujourd'hui réelle. Les dépenses de fonctionnement liées à la mise en place des 35 heures ont eu un indéniable effet quant à la capacité d'investissement de l'État. Il s'agit d'un sujet qui implique de faire preuve de transparence et de pédagogie envers nos concitoyens. La lourde machine que constituerait la mise en place d'une commission d'enquête ne convient pas à la nature de la question posée, qui doit néanmoins être abordée dans le cadre d'une mission d'information interne à la Commission. Tel est également l'avis du Rapporteur général : il ne faut pas dénaturer la procédure des commissions d'enquête.

M. Augustin Bonrepaux, Rapporteur, a fait remarquer qu'une des sources des difficultés rencontrées résulte de la lenteur du démarrage des travaux, au profit de la multiplication des crédits d'études, dans les premières années des contrats de plan, en particulier dans le domaine ferroviaire et de la santé. Les contrats de plan sont aussi un moyen de faire participer les collectivités locales à des projets d'intérêt régional. Dans un contexte d'augmentation des prix du pétrole, le réseau ferré français voit ses perspectives de régénération remises en cause, alors même que son état d'entretien est préoccupant. Un réseau d'infrastructures de qualité est une garantie, au moins aussi forte que l'outil fiscal, pour éviter les délocalisations d'entreprises, en particulier dans les zones les plus enclavées de notre territoire. Comment accélérer le volet ferroviaire des contrats de plan ? Comment - et quand - achèvera-t-on les opérations prévues dans les contrats 2000-2006. Il faut sauver les projets structurants des volets territoriaux, et en particulier les contrats de pays qui impliquent fortement les populations locales. On peut recenser de nombreux exemples de « sur-programmations » d'opérations, c'est-à-dire de projets d'investissement que l'État a laissé mettre en œuvre en rassurant les collectivités sur la mobilisation des crédits complémentaires, alors même que certains de ces projets n'étaient pas viables. Il eut été préférable de faire preuve de plus réalisme sur certains projets au financement incertain.

Tout en partageant cette analyse quant à la viabilité incertaine de nombreux projets d'investissements, notamment ceux inscrits dans certains contrats de pays, le Président Pierre Méhaignerie a suggéré de demander au Gouvernement de mener les volets territoriaux à leur terme. Une mission d'information serait la meilleure formule pour dresser un bilan objectif des opérations et indiquer des perspectives claires pour les contrats de plan.

M. Pascal Terrasse a souhaité savoir s'il s'agirait d'une mission d'information confiée à un seul député, membre du parti majoritaire, ou si une structure plus fournie serait mise en place.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'une mission d'information sur un tel sujet se devait d'associer des membres de sensibilités politiques différentes.

En conséquence, après avoir rejeté, contre l'avis du Rapporteur, la proposition de résolution, la Commission a émis un avis favorable à la proposition formulée par le Président, tendant à la création d'une mission d'information.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Yves Censi, Rapporteur spécial, les crédits de la Poste et des télécommunications.

M. Yves Censi, Rapporteur spécial, a estimé que, dans le cadre du mouvement actuel d'ouverture à la concurrence au niveau européen, telle que voulue par le Conseil de l'Union européenne, les deux secteurs des postes et télécommunications ont en commun de connaître des mutations technologiques profondes et de représenter des enjeux majeurs pour notre pays. Cette concurrence accrue s'accompagne d'une mutation profonde, source d'innovations technologiques et de baisse des coûts. Ainsi en est-il des télécommunications, d'abord, avec le développement de la téléphonie mobile et de l'Internet pour tous, mais également du courrier, avec la publicité adressée, le courrier express ou le colisage. Télécommunications et postes ont aussi en commun de remplir des missions de service public nécessaires aux Français : distribution du courrier à domicile, couverture du territoire en moyens de télécommunication etc...

Un autre point commun est l'intervention forte de l'État dans ces secteurs. La Poste et France Télécom assument des missions de service public, en particulier de couverture du territoire. A l'évidence l'État se trouve placé face à des responsabilités déterminantes dans la définition de leurs objectifs. Il convient de chercher une clarification du rôle de l'État actionnaire de ces entreprises, qui n'est plus le gestionnaire quotidien, mais qui exerce une responsabilité dans leur direction stratégique. La Représentation nationale doit pleinement exercer son contrôle de l'État actionnaire, ainsi que de la politique de service public assumée par ces deux entreprises.

Il s'agit donc de définir le plus complètement possible les missions de service public remplies par La Poste et France Télécom. L'enjeu est de clarifier leurs relations avec l'État, afin de leur permettre d'être soutenues à due concurrence des efforts engagés, et ainsi ne pas affecter leurs comptes d'exploitation. A cette condition, les opérateurs économiques français pourront sans crainte affronter la concurrence grâce aux nombreux atouts dont ils disposent.

L'importance du secteur des postes et télécommunication ne se mesure plus au montant de ses crédits affectés, s'agissant maintenant de deux entreprises largement soumises à la concurrence. L'État finance néanmoins certaines actions du secteur, soit au titre de la régulation, soit pour le financement de missions de service public. Il s'agit d'un budget modeste, mais confirmé et maintenu dans sa masse par rapport à l'an dernier.

Ce budget finance l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), (18,7 millions d'euros). M. Paul Champsaur, Président de l'ART, a fait part de sa vive préoccupation relative aux gels tardifs et répétés sur son budget, de l'ordre du million d'euros, en montants cumulés. Si on comprend la nécessité de la régulation budgétaire, il est souhaitable qu'elle soit mieux programmée afin de ne pas mettre en difficulté l'exécution budgétaire de l'ART.

Les écoles des télécommunications assurent la formation des ingénieurs en télécommunications et conduisent des activités de recherche fondamentale et appliquée. Le soutien public à l'enseignement et à la recherche en matière de télécommunications est déterminant et doit être maintenu. Il conviendra ainsi d'œuvrer pour inciter les entreprises du secteur à travailler en partenariat avec les écoles.

Les effectifs du ministère des Finances chargés des postes et télécommunications sont de 60 agents, à quoi s'ajoutent les 162 agents de l'ART et les 372 agents de l'Agence nationale des fréquences.

Il faut se féliciter de la création, en application de la LOLF, d'une action spécifique sur les deux secteurs des postes et télécommunications, qui se justifie par leur spécificité, notamment au regard des missions de service public expressément mentionnées dans la description des objectifs. Les indicateurs retenus sur la couverture en Internet haut débit sont bons, même si le seuil pourrait être fixé à 512 kilo-octets, pour répondre à l'évolution actuelle de la technologie. En outre, un autre indicateur serait utile sur la couverture du territoire en téléphonie mobile.

L'activité courrier de La Poste est ouverte à la concurrence en dessous de 100 grammes, et le sera en dessous de 50 grammes le 1er janvier 2006. Une clause de rendez-vous est prévue en 2009, où devra être prise la décision ou non de généraliser la concurrence dès le premier gramme de courrier. Les modalités de cette généralisation devront faire l'objet d'un examen approfondi par le Gouvernement. Il faudra donc veiller à ne pas exposer La Poste à une concurrence très dure sur les sources de profit, la laissant assumer seule une sorte de monopole sur les activités déficitaires dont nombre d'entre elles sont pourtant essentielles.

En effet, La Poste, sur les secteurs qui la concernent, remplit depuis longtemps des missions de service public. Elle s'adresse à tous les Français, y compris les plus démunis, que ce soit sur le plan financier ou en regard de situations d'isolement. Elle est, à ce titre, un acteur et un levier de cohésion sociale. Elle entreprend actuellement un gros effort de modernisation de son outil de production avec la redéfinition de ses centres de tri postal, dans le cadre du plan « Cap Qualité Courrier ».

Le contrat de plan signé l'an dernier entre l'État et La Poste a commencé un travail de clarification de leurs relations, notamment les conditions d'exercice des missions de service public, ainsi sur la présence postale, les tarifs de presse, le dispositif d'allègement des charges sur les bas salaires ; cet effort doit se poursuivre, avec le projet de loi en cours de discussion sur la régulation des activités postales. Il faudra en particulier mieux définir les missions de service public que l'État assigne régulièrement à La Poste. Le service universel est limité à deux obligations de base : accessibilité et distribution, et les autres obligations sont plutôt mal identifiées et résultent plus d'une tradition que des textes. Cette situation n'est ni sincère sur le volet budgétaire, ni efficace sur le plan économique pour l'entreprise. Ces missions doivent donc être mieux définies, mieux évaluées en termes de coûts, et enfin clairement financées. C'est à la condition d'une définition claire des différentes responsabilités dans les contrats de service public que La Poste pourra assumer pleinement son rôle d'entreprise compétitive dans un environnement concurrentiel. Il n'y a pas de contradiction entre l'ouverture à la concurrence d'une part, et la volonté pour l'État, d'autre part, d'intervenir dans ce secteur au titre de véritables choix nationaux comme la cohésion territoriale et sociale.

Ainsi le contrat de plan affirme le maintien des 17.000 points de contacts du réseau sur l'ensemble du territoire. Ces points de contacts pourront rester des bureaux de postes ou bien revêtir la forme de « points postes » dans des maisons communales ou même chez des commerçants selon une procédure de concertation et négociation avec les élus locaux. Pour financer la présence territoriale un fonds de péréquation doté de 150 millions d'euros est prévu et abondé grâce à un abattement des bases fiscales sur la taxe professionnelle.

De même, La Poste fournit aussi, de fait, un service bancaire ouvert aux plus démunis. Cette mission traditionnellement rendue par La Poste, son réseau de proximité comme son action contre l'exclusion bancaire lui donnent une dimension sociale et la placent aux avant-postes de la lutte contre l'isolement.

Conformément au calendrier fixé dans le contrat de plan, une solution a été trouvée en juillet 2004 au transport de presse : les éditeurs de presse accepte une augmentation régulière des tarifs et, pour sa part, La Poste s'engage à améliorer la qualité de son service. En conséquence l'État peut réduire sa contribution de 289 à 241 millions d'euros cette année.

La charge des retraites des postiers s'élève à 57 milliards d'euros. Le contrat de plan prévoit la mise en place d'une solution à son financement en 2005.

L'application des 35 heures à La Poste a entraîné un coût annuel de 450 millions d'euros sans aide publique. Le contrat de plan a prévu l'exonération des charges sociales sur les bas salaires en 2006.

La Poste n'est pas maîtresse des tarifs de deux de ses principaux produits, à savoir le prix du timbre et les taux administrés des livrets d'épargne. Il est prévu, dans le contrat de plan, une évolution des tarifs en fonction de la concurrence et des coûts, ce qui justifie une hausse d'environ 5 centimes d'euros du timbre. Cette augmentation, qui représente en moyenne 5 euros de surcoût par famille et par an, permettra à la Poste de financer sa modernisation. Le contrat de plan a inscrit la création d'un établissement de crédit postal et l'extension des activités financières au crédit immobilier sans épargne préalable.

La situation de France Télécom s'améliore nettement par rapport à l'année 2002 où cette entreprise était l'une des plus endettées au monde. L'État a joué son rôle en impulsant l'accord « 15+15+15 » assumant ainsi son rôle d'actionnaire. France Télécom est engagée dans un plan ambitieux d'amélioration de la productivité, dit plan TOP : Total Operational Performance, qui doit permettre de réduire sa dette de 15 milliards d'euros.

France Télécom exerce aussi des missions de service public. Elles sont reconnues en droit communautaire : cabines téléphoniques, tarifs en faveur des personnes les plus défavorisées, et bientôt annuaire universel qui devrait couvrir tous les opérateurs. Un fonds de service universel en répartit le financement entre les différents opérateurs. En France seul France Télécom a accepté d'assurer ces missions de service universel. L'équipement du territoire en moyens de télécommunications, c'est-à-dire essentiellement en téléphonie mobile et Internet haut débit, est un enjeu majeur.

La période récente montre un rattrapage rapide de notre pays en dégroupage de la boucle local (multiplication par 2,5 en un an) et surtout en Internet à haut débit. Il y avait 800.000 abonnés en mai 2002, il y en a près de 4,5 millions juin 2004.

La convention sur la téléphonie mobile signée le 15 juillet 2003 par l'État, les collectivités locales et les opérateurs a pleinement produit ses effets et la première phase connaît un bon niveau de réalisation. On estime à 98 % la part de la population actuellement couverte et à près de 90 % la surface du territoire couverte. L'avenant de juillet 2004 et le renouvellement des licences GSM des trois opérateurs ont accru leurs obligations. Le récent « paquet législatif » télécom a en outre obligé à l'itinérance locale dans les zones blanches, ce qui permet une utile mutualisation des moyens.

L'article L-1425-1 nouveau du code général des collectivités locales leur accorde la possibilité d'intervenir dans des travaux d'infrastructure de réseau, passifs ou intelligents. Les potentialités d'un tel usage sont évidentes. Les risques que comporte un tel développement en régie d'infrastructures, voire de services de téléphonie ou de communications électroniques, sans qu'aucune ingénierie de projet ne soit véritablement mise à disposition des collectivités, le sont tout autant. La possibilité d'étendre le service universel au haut débit et à la téléphonie mobile devra donc être examinée avec soin.

M. Alain Rodet a interrogé le Rapporteur sur les conditions de l'extension du service universel à l'Internet haut débit et à la téléphonie mobile. La situation de la presse quotidienne est de plus en plus difficile et la diminution de la contribution de l'État aggrave les choses.

M. Pascal Terrasse a regretté que La Poste réduise fortement sa présence, en se défaussant sur les collectivités locales et les commerçants. Les directives communautaires et la Constitution européenne aboutiront inéluctablement à l'interdiction des aides publiques au motif de la libre concurrence avec les entreprises privées. Or l'Internet haut débit et la téléphonie mobile dans nos territoires ruraux justifient l'intervention de la puissance publique. Rappelant que les 35 heures ont permis la création de 14 000 emplois à La Poste sans aide publique, il a demandé combien d'emplois seraient créés par l'exonération des charges sur les bas salaires, si elle se réalise. Il a mis en doute les chiffres évoqués par le Rapporteur sur la couverture du territoire en téléphonie mobile. Pourquoi la taxe professionnelle de La Poste est-elle payée par la direction nationale et pas localement ? En conclusion, la situation actuelle de louvoiement entre privé et public est préjudiciable aux services publics et met en difficulté les élus locaux.

M. Charles de Courson a également mis en doute la véracité des chiffres évoqués par le Rapporteur sur la couverture en téléphonie mobile. Le critère de réception par un opérateur devant la mairie n'est évidemment pas pertinent en zone rurale. L'extension du service universel à l'Internet haut débit pourrait se concevoir dans la situation actuelle où 98 % des centraux téléphoniques ont été équipés, les 2 % restant à la charge des collectivités locales. Mais cette extension à la téléphonie mobile entraînerait un coût substantiel et une renégociation des concessions.

M. Michel Bouvard a proposé d'activer les fibres optiques installées par les sociétés d'autoroute aux mêmes tarifs que les opérateurs privés, afin d'éviter que les collectivités locales ne se lancent dans des investissements coûteux et redondants.

En réponse aux intervenants, le Rapporteur spécial a apporté les éléments suivants :

- la presse a signé l'accord de juillet 2004 sur le financement du transport de presse ;

- s'agissant du réseau postal, il est nécessaire de clarifier les missions de service public, pour que l'État assume sa part de financement et que La Poste n'obère plus sa compétitivité. Le maillage en points de contact est conservé avec une adaptation de ses modalités d'intervention, qui devront être définies clairement par des concessions de service public ;

- le Gouvernement a pris l'engagement, dans le contrat de plan, d'accorder l'exonération des charges sur les bas salaires en 2006 ;

- les statistiques de 98 % de couverture en téléphonie mobile proviennent de l'ART, qui est une autorité administrative indépendante.

M. Charles de Courson a contesté, à nouveau, ce chiffre que M. Pascal Terrasse a jugé « scandaleux » par rapport à la réalité.

Le Rapporteur spécial a poursuivi :

- le projet de loi sur la régulation des activités postales prévoit un allègement de la taxe professionnelle de 150 millions d'euros pour alimenter un fonds de péréquation ;

- il s'agit, à ce stade, de relancer l'idée d'une extension du service universel des télécommunications, dans le cadre des dispositions communautaires qui doivent être réévaluées périodiquement.

La Commission a adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la poste et des télécommunications.

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* *

La Commission a enfin procédé à l'examen, sur le rapport de M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, des crédits de l'Agriculture, des articles 71 et 72 rattachés à ces crédits, et du compte d'affectation spéciale : « Fonds national des courses et de l'élevage ».

M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, a indiqué que le projet de budget de l'agriculture s'élève à 4,89 milliards d'euros, contre 4,98 milliards en 2004. Au-delà de ce repli apparent de 1,8 %, il convient de prendre en compte 90 millions d'euros qui seront reportés fin 2004 pour financer les bâtiments d'élevage et le programme de maîtrise des pollutions : avec ce complément de crédits garanti qui sera disponible en 2005, le budget est en reconduction par rapport à l'an dernier.

Il faut cependant rappeler que le budget du ministère ne représente qu'une partie de l'ensemble des aides publiques à l'agriculture, lesquelles se montent au total à 29,7 milliards d'euros. Les aides communautaires s'élèvent à 10,5 milliards d'euros. Par ailleurs, la protection sociale agricole est dotée de 12,5 milliards d'euros de financement public hors cotisations sociales. Enfin, les autres ministères contribuent à hauteur de 600 millions d'euros et les collectivités locales pour presque 1 milliard d'euros.

En ce qui concerne la PAC, la France a versé en 2003 15,1 milliards d'euros au budget communautaire et elle a reçu en retour 13,1 milliards d'euros. La France bénéficie ainsi du quart du budget agricole de l'Union européenne, lequel représente lui-même encore presque la moitié du budget communautaire. Sa pérennité est garantie au moins jusqu'en 2013.

Le budget du ministère de l'agriculture va permettre de conforter quatre priorités d'actions en 2005.

D'abord, le lancement de l'assurance récolte. Les agriculteurs doivent en effet faire face à des aléas climatiques qui mettent en péril leur revenu et le processus d'adaptation de l'agriculture au nouveau contexte économique. La sécheresse de 2003 a constitué une très bonne illustration de la fragilité de certains systèmes d'exploitation, même s'il s'agit d'un événement exceptionnel. Une réflexion commune entre les pouvoirs publics, les représentants de la profession agricole et des assureurs est en cours, afin de préciser les conditions d'un développement concerté de l'assurance en agriculture, qui serait mieux à même de tenir compte de la diversité des exploitations et de mieux répondre aux conséquences des sinistres climatiques sur chaque exploitation. Une provision de 10 millions d'euros est prévue dans le budget pour amorcer, dès 2005, les nouveaux instruments de couverture des risques que les établissements d'assurance devraient proposer au plus grand nombre possible d'exploitants agricoles. Elle sera bien entendu abondée, en cours d'exercice, en tant que de besoin.

Le projet de budget prévoit ensuite la création d'un fonds unique des bâtiments d'élevage. Beaucoup d'éleveurs sont en effet confrontés à des difficultés de financement de l'investissement lourd que représente l'adaptation d'un bâtiment d'élevage. Cette difficulté est particulièrement sensible dans les zones de montagne et dans les systèmes d'exploitation soumis à des évolutions rapides des marchés, par exemple la production laitière.

La nouvelle procédure permettra de regrouper sur un guichet unique l'ensemble des aides qui étaient précédemment gérées selon des procédures disparates par les services de l'Etat et par les offices d'intervention, ainsi que par le CNASEA. De même, il est proposé de doter le fonds de 55 millions d'euros d'autorisations de programme en 2005, qui seront complétés dès l'année prochaine grâce aux cofinancements communautaires, pour atteindre 80 millions d'euros.

En complément, le PMPOA nécessite un important effort de financement public, compte tenu de l'enjeu majeur que représente la restauration de la qualité des eaux dans un contexte où l'agriculture se fixe désormais des objectifs tangibles de respect de l'environnement. Une dotation de 133 millions d'euros d'autorisations de programme est donc consacrée à cet enjeu dans le projet de budget.

Troisième priorité, la dotation consacrée à l'amélioration de la qualité des productions végétales est majorée de 7 %. Elle atteint ainsi 15,2 millions d'euros de crédits d'intervention et mobilise d'importantes équipes des services centraux et déconcentrés du ministère, ainsi que des établissements publics de recherche. Cette mission répond à des impératifs de sécurité sanitaire des aliments et de santé des végétaux. Il s'agit en premier lieu de lutter contre les attaques des organismes nuisibles qui touchent de plus en plus de végétaux en raison de l'internationalisation des échanges. Il s'agit également de mieux maîtriser l'utilisation des produits phytosanitaires.

Enfin, quatrième priorité du budget, le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, qui sont dotés de 228 millions d'euros, ce qui représente une hausse de près de 5 % par rapport à 2004. En outre, ce programme est le seul du ministère qui bénéficie de la création nette d'emplois pour préparer l'avenir : plus d'une centaine de postes d'enseignants, de chercheurs et de techniciens, autrefois dispersés dans les différents programmes du ministère, sont prévus sur le budget. Ces mesures accompagnent l'organisation de l'enseignement en six pôles régionaux pour favoriser une synergie entre innovation, recherche et développement.

Il faut aussi relever une mesure nouvelle de 14,5 millions d'euros pour financer les protocoles signés avec les fédérations représentatives des établissements privés d'enseignement agricole.

Le budget 2005 conforte également plusieurs axes prioritaires de l'action ministérielle. Pour promouvoir une agriculture dynamique et respectueuse de l'environnement, 121 millions d'euros sont prévus en 2005 pour des aides agro-environnementales telles que la prime herbagère, qui bénéficie largement aux éleveurs pratiquant un élevage extensif.

En ce qui concerne les ICHN, qui permettent la présence d'agriculteurs dans les zones défavorisées et spécialement en montagne, où elles constituent un complément substantiel de revenu, un montant de 234 millions d'euros est prévu. Il semble souhaitable d'aller au-delà, conformément à l'engagement du ministre, l'année dernière, d'augmenter leur montant de 50 % sur trois ans pour les 25 premiers hectares. Après une augmentation de 10 % l'année dernière, il faudrait une dotation supplémentaire de 16 millions d'euros pour atteindre l'objectif.

Plusieurs milliers de nouveaux contrats d'agriculture durable pourront être conclus en 2005. La dotation de 232 millions d'euros tient compte en effet de la baisse des paiements sur les anciens contrats territoriaux d'exploitation. De même, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes reste en place sans découplage, y compris sa part financée sur le budget national, pour 160 millions d'euros.

Le ministère de l'Agriculture apporte également sa contribution à la maîtrise des moyens publics. Dans le cadre de cette politique, 206 départs à la retraite ne seront pas remplacés, ce qui se traduira par des économies de rémunération et de fonctionnement. Parallèlement, des mesures d'accompagnement sont prévues pour favoriser l'accomplissement de cet effort, notamment en matière de progression de la qualification professionnelle des agents. Des réformes de structures sont lancées dans les services, afin de renforcer la pertinence de leur organisation. Au niveau de l'administration centrale, après la création de la Direction générale de la forêt et des affaires rurales en 2003, le ministère va se doter d'un secrétariat général. Le ministère est également l'un des premiers à instaurer une rémunération au mérite pour tous ses directeurs d'administration centrale en fonction de la réalisation des objectifs qui leurs sont assignés par lettres de mission. Enfin, la réforme des offices agricoles va rationaliser leur organisation et permettre de maîtriser leurs coûts de fonctionnement, tout en maintenant une présence territoriale dans chaque filière agricole et agro-alimentaire.

Le ministère de l'Agriculture semble également exemplaire en ce qui concerne la mise en œuvre de la LOLF. Conformément aux souhaits de la Commission, il a ainsi été procédé au découpage du programme « Agriculture, pêche et territoires ruraux » en deux programmes, correspondant aux deux piliers de la politique agricole commune. Les indicateurs de résultats proposés semblent cohérents et pertinents.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que le budget de l'agriculture apporte des garanties réelles dans un contexte de crise de confiance des agriculteurs. Il y a un dynamisme et une qualité des hommes et des femmes qui font l'agriculture française, soutenus par un système de formation performant. La France peut également s'enorgueillir d'avoir conforté pour ses agriculteurs une protection sociale généreuse, à juste titre. Il faut également se féliciter d'une garantie de soutiens communautaires à hauteur de 10 milliards d'euros par an jusqu'en 2013, au titre du premier pilier de la PAC. Le projet de budget ajoute encore des mesures spécifiques, fort bien venues, pour les zones défavorisées, notamment en montagne.

M. Charles de Courson s'est inquiété de la pérennité du régime de sécurité sociale des exploitants agricoles. On peut douter de la sincérité des prévisions de dépenses du FFIPSA, compte tenu des risques certains de dépassements de l'ONDAM. Il faut surtout constater le manque patent de recettes, aboutissant à un déficit cumulé de 2 milliards d'euros sur deux ans, ce qui est beaucoup pour un fonds doté de 15 milliards d'euros.

On peut se demander comment vont rentrer les cotisations sociales, avec une hypothèse de croissance du revenu agricole moyen de 3,6 % par tête, compte tenu d'une diminution de 3 % des effectifs. Toujours s'agissant des cotisations, il faut déplorer le relèvement de l'assiette minimale de 400 à 600 SMIC, qui augmentera immanquablement les charges des plus petits exploitants. Enfin, il faut déplorer l'absence de versement de C3S, de TVA et de subvention d'équilibre du budget général au FFIPSA. L'engagement d'équilibrer ce fonds, qui avait été pris lors de la suppression du BAPSA par la précédente loi de finances, n'est pas tenu.

M. Michel Bouvard a demandé si le compte d'affectation spéciale des courses et de l'élevage, qui selon l'actuel projet de maquette budgétaire serait une mission monoprogramme, sera supprimé en tant que tel. Il faut aussi s'interroger sur les retours des financements communautaires pour les régions éligibles à l'objectif 2 s'agissant des bâtiments d'élevage. Il faut en effet déplorer les dégagements d'office des sommes qui n'ont pas pu être versées en 2000 ou 2001 en raison de la lenteur des négociations et de la mise à disposition des DOCUP. On essaye maintenant seulement de récupérer ces sommes.

Il faut traiter du problème de la pluriactivité, afin d'éviter que certaines zones ne deviennent des « friches agricoles », faute d'entretien par des agriculteurs qui auraient dû se tourner vers d'autres activités de manière exclusive. De même, les taux de subventions à l'hectare mériteraient d'être comparés entre certaines zones de montagne et les grandes régions céréalières. Enfin, le retour des prédateurs dans certains alpages empêche des exploitants de remplir leurs obligations au regard des CTE ou des CAD. Ils se voient ainsi retirer des aides, sans en être en rien responsables.

M. Alain Rodet a rappelé l'amélioration de la maîtrise des risques sanitaires en France, notamment après la crise de l'ESB, ce qui doit être mis au crédit d'un système vétérinaire de grande qualité. On doit quand même s'étonner d'une baisse nominale du budget de l'agriculture.

M. Marc Le Fur a noté l'évolution positive que constitue la création de l'assurance récolte. En effet, les conditions posées pour en bénéficier dans le dispositif antérieur étaient très restrictives, à savoir constater à la fois une baisse de chiffre d'affaires d'au moins 27 % sur un produit spécifique et de 14 % sur tous les produits. De ce fait, il n'était jamais possible d'obtenir une indemnisation. Les avancées sont aussi réelles pour l'enseignement agricole public et privé ; il faut s'assurer que les attentes des maisons familiales rurales seront satisfaites.

Les Haras nationaux ont conclu un contrat d'objectif avec l'Etat afin de stabiliser leurs moyens. Cependant, le nombre de dépôts des Haras diminue de 23 à 20 et il faut arrêter de fermer les stations des Haras, qui sont des structures occasionnelles au service du monde du cheval.

En réponse aux intervenants, M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, a apporté les précisions suivantes :

- le remplacement du BAPSA par le FFIPSA aboutit à supprimer tout débat parlementaire spécifique en projet de loi de finances sur ce sujet, mais ce débat pourra avoir lieu en projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il faut rappeler les nombreuses avancées apportées à la protection sociale agricole par le Gouvernement, qu'il s'agisse de la mensualisation des pensions des exploitants, du financement du régime complémentaire obligatoire d'assurance vieillesse ou des rachats d'années pour les aides familiaux. De toute façon, les prestations dues seront versées et il n'y a aucune inquiétude à avoir sur ce point. De ce fait, il faut dédramatiser le débat, qui se limite à un problème de technique financière. C'est pourquoi le Gouvernement devrait annoncer qu'il confiera à une inspection le soin d'examiner toutes les solutions de financement et d'équilibrage du FFIPSA possibles, qu'il s'agisse des compensations démographiques, des droits sur les tabacs, de la TVA ou du recours à l'emprunt. Un telle décision ne peut pas se prendre sans une expertise préalable approfondie , car elle engage les finances publiques à long terme. 15,2 milliards d'euros sont concernés, provenant pour 6 milliards d'euros de la solidarité entre régimes de sécurité sociale, 5 milliards d'euros de la solidarité nationale et 2,7 milliards d'euros de cotisations professionnelles ;

- la Cour des comptes, dans son rapport public de 2004, a suggéré la suppression du compte d'affectation spéciale « Courses et élevage », qui correspond à une technique financière obsolète ; cela ne remettrait pas en cause le soutien, nécessaire, à la politique du cheval ;

- concernant le soutien à la pluriactivité, un amendement a été discuté en première partie du projet de loi de finances, visant à augmenter le seuil de prise en compte au titre de l'impôt sur le revenu. Il a été repoussé, avec un engagement de le satisfaire dans le cadre du futur projet de loi de modernisation agricole ;

- le renoncement à certains alpages du fait de la présence du loup comporte un risque réel de perdre les ICHN et la PHAE si une inspection conduisait au constat du non-entretien des parcelles. Il faut sensibiliser le Gouvernement à ce problème de perte de revenus pour les exploitants concernés. Il en est de même, s'agissant des engagements contractualisés des CAD et des CTE ;

- il faut unanimement faire l'éloge des services vétérinaires, qui ont effectué un travail remarquable à l'occasion de la crise de l'ESB ;

- le projet de budget 2005, au-delà d'une reconduction des moyens disponibles, traduit de réelles avancées, qui pourront encore être développées lors du débat en séance, s'agissant tout particulièrement des ICHN ou de l'AGRIDIF ;

- l'ancien système d'indemnisation au titre de l'assurance récolte était considéré comme injuste, avec des possibilités de modulation obscures selon les départements ou les périodes de l'année. Le nouveau système proposé clarifiera les choses, mais sa montée en puissance nécessitera un abondement budgétaire, même en l'absence d'aléa climatique exceptionnel cette année. L'effort du ministère est très louable, car il permet de répondre à une revendication professionnelle et syndicale ancienne, mais il manque encore un peu d'ambition ;

- les maisons familiales rurales bénéficient depuis 2003 d'un rattrapage financier important qui permet de solder en 2005 les contentieux existant depuis la « loi Rocard » de 1984. Un accord pour cinq ans a été signé le 26 juillet 2004 : en contrepartie d'un engagement des maisons familiales rurales de maîtriser leurs effectifs, l'Etat s'engage à prendre en charge la formation de 50.177 élèves. Le rattrapage des 14 millions d'euros par an que l'Etat doit aux maisons familiales rurales sera réalisé d'ici 2008 ;

- en ce qui concerne l'enseignement agricole public, il est prévu le remplacement poste pour poste des MISE par des assistants d'éducation ;

- pour aider les familles, 79 % du montant des bourses sera désormais versé en début d'année. Il faudra cependant encore un rattrapage pour que tous les montants dus soient payés en 2004.

M. Charles de Courson a indiqué s'abstenir en attendant une clarification de la situation du FFIPSA.

M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, a indiqué que les crédits du compte d'affectation spéciale n° 902-19 n'appelaient pas, en l'état, de remarque particulière.

La Commission a ensuite adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, les crédits de l'Agriculture figurant à l'état B Titres III et IV et à l'état C titres V et VI.

Sur proposition de M. Michel Bouvard, Président, elle a adopté une observation par laquelle elle réaffirme son souhait de voir disparaître le compte spécial du Trésor « Courses et élevage » contraire à l'article 7 de la LOLF, qui précise qu'aucune mission ne peut être constituée d'un seul programme. Elle juge, de surcroît, ce compte obsolète.

Puis, la Commission a procédé à l'examen des articles rattachés.

Article 71 : Suppression du dispositif d'indemnisation des communes fermant leur abattoir

M. Augustin Bonrepaux s'est demandé si cet article résultait du fait qu'il n'y a plus d'abattoirs à fermer ou s'il s'agit de supprimer une aide pertinente.

M. Charles de Courson a estimé que des problèmes de concentration et de rationalisation des abattoirs publics demeurent, ce qui justifierait de conserver une ligne de crédits à cet effet.

M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, a rappelé que, sur les deux lignes budgétaires existantes, une seule est supprimée par cet article, car elle est obsolète, les problèmes sanitaires ne se posant plus dans les mêmes termes qu'en 1965. La deuxième, qui permet au ministre chargé de l'agriculture d'accorder des primes forfaitaires de fermeture volontaire et des subventions pour la conversion des abattoirs publics, subsiste.

La Commission a adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, cet article sans modification.

Article 72 : Fixation du plafond d'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture

M. Charles de Courson a estimé le taux d'augmentation proposé insuffisant pour certaines chambres d'agriculture, qui disent devoir réduire leurs activités en raison d'un poids croissant de leurs charges de personnel, faute de financement adéquat. Il serait souhaitable, pour apprécier ce taux d'augmentation, de le comparer avec celui de la réévaluation du foncier non bâti, qui devrait figurer en collectif de fin d'année.

M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, a rappelé que le taux proposé est calé sur le taux d'inflation prévisionnel retenu par le Gouvernement pour construire le budget. Une demande d'augmentation plus forte, proposée l'année dernière, n'avait pas été acceptée. Il s'agit en effet d'une charge supplémentaire pour les exploitants propriétaires. Des modulations exceptionnelles à la hausse sont toujours réglementairement possibles. L'assemblée permanente des chambres d'agriculture n'a d'ailleurs pas formulé de demande dans le sens d'un taux plus élevé.

Puis la Commission a adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 72 : Limitation du service public de l'équarrissage aux cadavres d'animaux morts dans des lieux d'élevage

La Commission a examiné un amendement de M. Marc Le Fur excluant les déchets d'abattoirs du service public de l'équarrissage.

M. Marc Le Fur a rappelé que le service public de l'équarrissage couvre l'enlèvement et la destruction des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoir. Ce service public est financé par une ligne budgétaire et, en majeure partie, par une taxe affectée au CNASEA et payée par les abattoirs, ce qui alourdit considérablement leurs charges. Cette taxe s'est substituée en 2004 à une autre taxe, payée par les grands distributeurs et les consommateurs, qui était contraire au droit communautaire.

Ce service public n'est plus équilibré depuis la crise de la « vache folle ». Sa charge repose aujourd'hui presque exclusivement sur les abattoirs, car la répercussion de la taxe en aval n'a pas bien fonctionné, sauf en partie pour la viande bovine. Il n'est plus possible de laisser le « marché » de cette quasi-concession à un duopole organisé d'équarrisseurs qui se taillent des marges substantielles. Les abattoirs devraient pouvoir traiter eux-mêmes leurs déchets ou les confier aux tiers de leur choix.

L'amendement proposé a donc pour objet d'exclure les déchets d'abattoirs du service public de l'équarrissage, afin d'en réduire le coût et de faire jouer la concurrence. Il est cependant important et utile de conserver un service public de l'équarrissage pour les cadavres d'animaux morts dans des lieux d'élevage.

Il faut par ailleurs trouver des « compensations » pour les petits abattoirs, qui ne seront pas en mesure de traiter eux-mêmes leurs déchets. Pour cela, le Gouvernement serait prêt à abonder la ligne budgétaire consacrée à l'équarrissage, pour prendre en charge le ramassage à la ferme de ces déchets. Cet abondement budgétaire pourrait être « gagé » par une augmentation de la TACA. Il convient également de tenir compte du coût supplémentaire pour les abattoirs capables de traiter eux-mêmes ces déchets. En effet, la fin de la mutualisation du traitement des déchets risque d'entraîner des surcoûts de traitement. Même si ceux-ci seraient largement compensés par l'importance des marges des opérateurs, il serait possible d'envisager une déduction de TVA pour le produit de la taxe payée par tous les abattoirs au CNASEA. Si on estime en effet que l'équarrissage est une conséquence du processus de production, il faut considérer son financement comme une charge déductible et non comme un impôt.

M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, a rappelé qu'un groupe de travail sur le sujet a été mis en place par le ministre chargé de l'agriculture, suite à l'examen par l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Cet amendement propose une solution utile qui doit être débattue en séance publique.

M. Charles de Courson s'est exprimé en faveur d'un tel amendement.

La Commission a adopté l'amendement portant article additionnel.

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