COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 44

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 29 mars 2005
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,
puis de M. François Scellier, doyen d'âge

SOMMAIRE

 

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- Communication de M. le Président sur le rôle des rapporteurs spéciaux

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- Examen du projet de loi (n° 2119) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance (M.  Philippe Auberger, Rapporteur)

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- Informations relatives à la Commission

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- Liste des rapports spéciaux pour le projet de loi de finances pour 2006

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En préalable, M. Michel Bouvard s'est interrogé sur l'approche que devait retenir la Commission sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. En effet, il n'est peut-être pas opportun de se saisir pour avis de ce texte. Il serait sans doute plus pertinent de réunir une commission spéciale, à l'image du travail mené sur le projet de loi organique relatif aux lois de finances.

M. Charles de Courson a rappelé que l'examen de la loi organique du 22 juillet 1996 relative au financement de la sécurité sociale avait fait l'objet d'une commission spéciale. Il serait donc logique, par parallélisme des formes, qu'une commission spéciale soit également constituée pour le projet de loi organique le modifiant.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé qu'il avait formulé cette demande en Conférence des Présidents, mais que le Président de la commission des Affaires familiales, culturelles et sociales s'y était opposé. Dès lors, le Règlement prévoit qu'un projet de loi organique est renvoyé, au fond, à la commission des Lois.

M. Charles de Courson a indiqué qu'il appartenait aux instances parlementaires d'accepter ou non la demande de création de commission spéciale.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que, faute de consensus, la solution d'un renvoi à la commission des Lois avait été retenue.

M. Pierre Bourguignon a regretté, lui aussi, cette solution.

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Puis, le Président Pierre Méhaignerie a fait une communication sur les rapports spéciaux. Premièrement, la maquette des missions, dont le caractère définitif est désormais probable pour l'essentiel, a guidé la définition de la grille des rapports spéciaux, tout en tenant compte du changement relatif à la Cour des comptes. Le principe retenu est qu'à une mission du budget général correspond un seul rapporteur spécial. C'est la logique de la LOLF. Ce principe connaîtrait deux exceptions. Il est en effet justifié, pour quelques programmes, de prévoir un rapporteur spécial. Ainsi est-il proposé le maintien du rapport Tourisme, mais aussi de ceux portant sur la Ville, la Recherche et la Fonction publique ; même si ces crédits ne constituent pas une mission mais un programme, compte tenu de la nature de ces thèmes, ce maintien est justifié. S'agissant de la Fonction publique, il est logique d'y rattacher l'article sur le plafond d'emplois par ministère, afin d'enrichir le débat parlementaire. Par ailleurs, deux missions ne feraient pas l'objet d'un rapport spécial exclusif. La première est celle des institutions de conseil aux Pouvoirs publics, qu'il est proposé de regrouper avec la mission Pouvoirs publics, afin de renforcer l'autonomie de la Cour des comptes, mais aussi de permettre au rapporteur spécial, s'il le souhaite, de développer un contrôle sur les Pouvoirs publics. La seconde est la mission Provisions qui ne justifie pas un rapport spécial exclusif et qu'il est proposé de regrouper avec les engagements financiers de l'État.

Deuxièmement, le nombre de rapports spéciaux demeure pratiquement inchangé, car le calendrier d'examen de la deuxième partie, en commission comme en séance, est déjà très contraint. Il ne faut pas morceler à l'excès les compétences. À l'exception d'un rapport sur les entreprises publiques qui est maintenu, il est proposé, dans le même ordre d'idée, de rattacher chacun des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor à un rapporteur spécial compétent pour le budget général, puisque chaque compte spécial constitue désormais une unité de vote. En revanche, il n'est pas proposé de faire figurer, dans la liste des attributions, le compte spécial Courses et élevage, dont la suppression a été demandée à plusieurs reprises.

Troisièmement, les équilibres politiques entre la majorité et l'opposition doivent être parfaitement respectés, compte tenu du consensus qui a présidé à l'examen du projet de loi organique. Le groupe communiste se voit proposer un rapport et le groupe socialiste en aura huit. Ces propositions devraient donner satisfaction à l'opposition. Le travail de contrôle n'incombe pas seulement aux membres de la majorité.

Dans cette perspective, l'opposition verrait certains portefeuilles inchangés : Tourisme, Affaires européennes, Aide publique au développement ou encore Santé, par exemple, mais elle obtiendrait un rapport nouveau sur les Pouvoirs publics. En outre, elle se verrait attribuer l'intégralité de l'Outre-mer et des régimes sociaux et de retraites. Il convient que la mise en œuvre de la loi organique ne puisse en aucune manière être interprétée comme une volonté de modifier la frontière de répartition des rapports spéciaux. Si des modifications de compétences s'imposent, comme la suppression des rapports Commerce et artisanat et Commerce extérieur, ou comme la fusion DOM-TOM, d'autres rapports spéciaux sont créés, en parfaite logique avec la maquette. C'est le cas de la Sécurité civile, de la Sécurité sanitaire ou du programme Environnement et prospective de la politique de la défense.

S'agissant des questionnaires, la mise en œuvre de la LOLF doit être l'occasion d'un vaste toilettage et d'une réduction du nombre de questions. On ne peut pas exiger des réponses de qualité si on pose trop de questions. C'est essentiel.

Enfin, il convient de réfléchir sur les conditions du débat. En particulier, il semble opportun d'instituer un débat sur la fonction publique. Mais il faut également envisager de raccourcir les débats, compte tenu, désormais, de l'existence d'amendements de deuxième partie, et, aussi, de mener une réflexion sur les commissions élargies.

Après avoir rappelé qu'il avait accepté de ne plus rapporter sur les crédits de la Sécurité civile, M. Marc Le Fur a indiqué qu'il ne comprenait pas pourquoi il ne rapporterait plus sur les crédits de l'administration territoriale.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que la mission Sécurité était interministérielle, puisqu'elle regroupe les crédits de la police nationale et de la gendarmerie nationale, et que ces crédits atteignent 14 milliards d'euros. Il s'agit donc là d'un rapport substantiel. En revanche, les crédits relatifs à l'administration territoriale n'atteignent que 2,3 milliards d'euros et peuvent faire l'objet d'un rapport spécial distinct, puisqu'il s'agit d'une mission différente de la Sécurité. Par ailleurs, il convient de ne pas avoir un nombre excessif de rapporteurs pour une mission. Le découpage proposé paraît optimal, compte tenu de la structuration de la maquette.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné que la répartition des rapports spéciaux avait été guidée par le souci de faire coïncider cette grille avec la maquette du budget de l'État. Dès lors que des redéploiements de crédits seront possibles entre les programmes d'une même mission, il faut que le rapporteur spécial ait une vision d'ensemble de ces crédits. Les parlementaires disposeront de possibilités d'action nouvelles. Il convient d'ailleurs que les rapporteurs spéciaux se rapprochent de leurs homologues rapporteurs pour avis, pour que l'information sur la LOLF soit la plus large possible. Dans ce contexte, il est proposé de doter chaque mission d'un seul rapporteur spécial, à quelques exceptions près. Ainsi, en ce qui concerne l'accueil des étrangers et les questions d'intégration, il semble opportun d'instaurer un suivi spécifique, qui serait confié à Mme Béatrice Pavy. Un deuxième exemple peut être trouvé dans la mission Ville et logement pour laquelle un suivi distinct des crédits de la ville et du logement peut être préservé.

M. Charles de Courson a insisté sur la nécessaire coordination avec les commissions saisies pour avis pour éviter qu'à un rapporteur spécial correspondent quatre rapporteurs pour avis, comme c'est le cas actuellement pour l'agriculture.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a rappelé que les présidents des Commissions saisies pour avis devaient aussi tenir compte des demandes de leurs commissaires.

M. Charles de Courson a souligné que la multiplication des rapporteurs pour avis affaiblit le poids de ces commissions. Si la logique consiste à faire plaisir à un maximum de personnes, alors la commission des Finances devrait nommer vingt rapporteurs spéciaux supplémentaires et le Gouvernement comporter soixante portefeuilles ministériels !

M. Michel Bouvard a ajouté que certains secteurs feront l'objet de documents de politique transversale. Les rapporteurs spéciaux pourront s'intéresser à ces documents, afin d'avoir une vision synthétique sur ces politiques.

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Puis la commission a procédé à l'examen du projet de loi (n° 2119) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a souligné que le projet de loi a trait à un sujet d'actualité : la libre prestation de services et la liberté d'établissement dans l'Union européenne. Il s'agit ici d'un domaine particulier de services : l'assurance. Ce texte transpose dans le droit français la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 janvier 2003 sur l'intermédiation en assurance, ainsi que certaines dispositions de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie. La transposition de la première aurait dû intervenir avant le 15 janvier 2005.

L'intermédiation en assurance est définie à l'article premier. Les intermédiaires d'assurance les plus connus sont les agents généraux et les courtiers. En réalité, il en existe beaucoup d'autres, qui exercent une activité d'assurance à titre complémentaire. Par exemple, les agences de voyage proposent des assurances qui couvrent les risques d'annulation, de rapatriement et de perte de bagages. Tous les intermédiaires sont inclus dans le champ de l'article premier. Si les salariés des entreprises d'assurance en sont exclus, en revanche, les salariés des courtiers, des agents généraux, ceux des grandes surfaces qui vendent des produits d'assurance et tous les salariés intermédiaires sont inclus dans cette définition.

La directive prévoit l'immatriculation des intermédiaires. Pour être inscrits au registre des intermédiaires, ceux-ci devront remplir des conditions d'honorabilité, de capacité professionnelle, être couverts par une assurance de responsabilité civile et justifier d'une garantie financière. Cette immatriculation, subordonnée à des conditions similaires dans tous les États membres de l'Union européenne, permettra aux intermédiaires d'exercer en régime de libre prestation de service ou de liberté d'établissement dans l'ensemble des États de l'Union. Si tous les salariés des intermédiaires ne sont pas soumis à l'obligation d'immatriculation, en revanche, tous devront remplir les conditions d'honorabilité et de capacité professionnelle. Enfin, l'article 1er définit l'obligation d'information et de conseil des intermédiaires à l'égard de leurs clients.

L'article 2 précise l'étendue du rôle de la Commission de contrôle des assurances, s'agissant des intermédiaires.

L'article 3 est celui qui pose le plus de problèmes. Il modifie les conditions d'information des souscripteurs de contrats d'assurance-vie. Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 132-5-1 du code des assurances, réécrit par le présent article, regroupe deux types de dispositions : d'une part, les informations devant être communiquées au souscripteur d'un contrat d'assurance-vie, d'autre part, les conditions d'exercice du droit de renonciation dont il dispose : l'assuré peut renoncer au contrat sans conditions, et se faire restituer l'intégralité des sommes versées, dans un délai de 30 jours à compter du premier versement ; le défaut de remise des documents et informations prévus entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation, jusqu'au trentième jour suivant la remise effective des documents.

Les modifications proposées sont de deux ordres : certaines concernent la mise en cohérence avec des dispositions de la directive ; les autres consistent en une présentation plus claire des dispositions actuelles, dont l'application donne lieu à de nombreux contentieux entre assurés et assureurs, et limitent à cinq ans la prorogation du délai de renonciation au contrat, en cas de défaut d'information. Ces contentieux concernent principalement des contrats en unités de compte, dont la valeur a pu baisser en même temps que les cours de référence. Les conditions d'information sont très précises et, dès lors qu'un document fait défaut, les souscripteurs considèrent qu'ils peuvent renoncer au contrat. Lorsque les cours de bourse ont chuté, certains souscripteurs ont exercé leur droit de renonciation et demandé à se faire rembourser, y compris lorsqu'ils avaient déjà fait des actes de gestion, prouvant bien par là même qu'ils n'ignoraient pas la nature du contrat. Certains avocats en ont même fait un fonds de commerce. Or, la prorogation du délai de renonciation en cas de défaut d'information est une sanction automatique, qui s'applique que le souscripteur soit ou non de bonne foi, et que le défaut d'information lui ait porté préjudice ou non. Il s'agit donc de limiter la prorogation du délai de renonciation à cinq ans, et de clarifier les dispositions relatives aux obligations d'information qui donnent lieu à des interprétations divergentes, sans porter atteinte à la protection des consommateurs. Il va de soi que les modifications apportées ne doivent pas être rétroactives. Elles ne seront d'aucun effet sur les contentieux en cours. Un amendement lève à cet égard toute ambiguïté.

M. Patrice Martin-Lalande a souligné qu'il y avait eu, dans sa circonscription, une escroquerie d'un agent général portant sur 18 millions d'euros, ce qui lui a donné l'occasion de se pencher sur la législation de ce secteur. Ce texte est cohérent et permet d'augmenter la protection des assurés, quelle que soit la qualité des intermédiaires, c'est-à-dire qu'ils exercent cette activité à titre principal ou à titre secondaire. Pourra-t-on conserver le niveau de garantie actuel, lequel permet une meilleure protection que dans d'autres pays européens ? Les conditions d'exercice de l'activité de courtier sont vérifiées par les greffiers des tribunaux de commerce. Compte tenu du volume de travail de ces derniers, seront-ils en mesure d'assumer cette charge ? Est-il prévu d'interdire le paiement de la prime avant l'écoulement d'un certain délai, permettant à l'assuré d'effectuer les vérifications nécessaires ?

S'agissant de l'état de catastrophe naturelle décrété suite à la sécheresse de 2003, de nombreuses familles ont perdu ou vont perdre leur patrimoine immobilier. Le ministre a été interrogé sur ce sujet, la réponse n'est pas pour l'instant satisfaisante. Quelques communes ont été classées en état de catastrophe naturelle, d'autres vont l'être, mais le niveau d'indemnisation semble en deçà du niveau souhaitable. Dans le département du Loir-et-Cher, 180 communes ont été candidates, aucune n'a été retenue, en tout 7.000 sont candidates sur le territoire, 1.000 ont été retenues, et 3.000 maximum pourraient être indemnisées. La solidarité nationale est primordiale lorsque surviennent les catastrophes naturelles. S'agissant de la sécheresse de 2003, un financement annuel de 1,2 milliard d'euros est prévu. Il n'est pas suffisant. Un financement pluriannuel, ainsi qu'un traitement au cas par cas pour connaître l'ampleur des dégâts sont aujourd'hui nécessaires.

M. Charles de Courson a souligné, au nom du groupe UDF, qu'à l'occasion de la transposition de cette directive, et pour répondre à la pression exercée par les entreprises d'assurances, des mesures contraires au droit communautaire et dégradant la protection des assurés pourraient être introduites dans notre droit national. Il ne faudrait pas que les Français aient le sentiment que le droit communautaire entraîne une diminution de leurs droits, alors que cette directive a, au contraire, pour objectif d'augmenter la protection des assurés. Ce détournement serait particulièrement mal ressenti.

Premièrement, le texte est mal rédigé, car la protection des assurés est affaiblie et, ce, rétroactivement. Deuxièmement, lorsque l'assureur n'a pas donné tous les éléments d'information, le délai de prescription de trente ans est ramené à cinq ans. Il y a actuellement 200 contentieux en cours, cette mesure va protéger les assureurs pour les fautes qu'ils ont commises. Troisièmement, il est impératif de maintenir la notice d'information dans les contrats d'assurance vie, qui permet à chacun de comprendre le contenu et la portée du contrat. Quatrièmement, la loi permet de ne plus faire figurer dans le contrat la valeur de rachat, mais simplement la méthode de calcul de la valeur de rachat, souvent incompréhensible. Des personnes non spécialistes des assurances ne peuvent faire ce calcul elles-mêmes. Il est très critiquable, sous couvert de transposition d'une directive, d'adopter des mesures anti-communautaires qui restreignent la protection des assurés. C'est pourquoi le groupe UDF déposera quatre amendements.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Auberger, Rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant des garanties offertes par les courtiers, la transposition des directives n'apporte aucune modification. Les courtiers sont déjà tenus de présenter une garantie d'ordre professionnel. La directive se contente d'étendre cette obligation à tous les intermédiaires, dont des intermédiaires « cachés ». Le registre des courtiers existe déjà ;

- s'agissant du délai pour le versement de la prime, il existe une possibilité de renoncer dans un délai de trente jours. En outre, les professionnels ont une obligation d'information sur leurs garanties professionnelles ;

- s'agissant de l'indemnisation de catastrophe naturelle, la direction du Trésor et le ministère de l'Intérieur sont à même d'apporter les précisions nécessaires ;

- lors des travaux du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF) au sein duquel siègent aussi des représentants des consommateurs et des assureurs, l'article 3 du projet de loi n'a suscité aucune discussion et aucune contestation de la part des représentants des consommateurs. Ces dispositions n'ont pas, non plus, soulevé d'objection au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), qui est une instance de concertation entre professionnels et consommateurs. Depuis, les associations de consommateurs ont seulement fait une remarque sur une ambiguïté du texte, qui semblait indiquer l'effet rétroactif d'une mesure, alors que le Conseil des ministres avait précisé que la réforme n'avait pas d'effet rétroactif. Un amendement sera déposé pour remédier à cette ambiguïté et supprimer tout effet rétroactif ;

- lorsque le contrat est en unités de compte, et non en euros, il n'est pas possible aux professionnels de donner les valeurs de rachat au moment de la souscription. La loi exige donc que soit fourni un mécanisme de calcul dont les modalités seront précisées par voie réglementaire ;

- il existe aujourd'hui un certains nombre de contentieux, mais les requérants ne sont pas toujours de bonne foi. Certains requérants cherchent à se faire rembourser l'évolution défavorable de leur assurance vie, compte tenu de la dégradation de la bourse intervenue ces dernières années. Il existe déjà beaucoup d'assurance vie en obligations. En effet, les contrats d'assurance-vie représentent près de 850 milliards d'euros, dont les 3/4 sont souscrits en obligations. Si on veut maintenir la possibilité de développer ce type de produits en actions, il ne faut pas les pénaliser par un régime juridique inapplicable.

M. Charles de Courson a indiqué que s'agissant du contentieux, les avocats exploitent l'article L.131-5-1 du code des assurances, qui précise que lorsque la restitution par l'entreprise d'assurance intervient au-delà de la durée légale, les sommes non restituées produisent de plein droit intérêt au double du taux légal. La transposition n'apporte aucune modification à ce sujet.

Puis la Commission a procédé à l'examen des articles du projet.

Article premier : Transposition de la directive sur l'intermédiation en assurance

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du Rapporteur, puis l'article ainsi modifié.

Article 2 : Contrôle des intermédiaires et incapacités professionnelles

La Commission a adopté deux amendements, rédactionnels, du Rapporteur, puis l'article, ainsi modifié.

Article 3 : Modification des conditions d'information des souscripteurs de contrats d'assurance vie

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Louis Dumont, prévoyant la fourniture d'informations dans la proposition de contrat avant toute souscription.

M. Thierry Carcenac a indiqué que l'amendement visait à modifier la rédaction proposée pour maintenir, à tout le moins, les dispositions protectrices des assurés contenues dans la législation actuelle en matière d'information sur les contrats d'assurance vie.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a émis un avis défavorable à cet amendement en suggérant que le débat ait lieu sur deux amendements suivants, plus substantiels.

La commission a alors rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques présentés par M. Charles de Courson et par M. Jean-Louis Dumont relatifs à l'obligation d'information incombant aux assureurs.

M. Charles de Courson a expliqué que les assureurs devaient aujourd'hui fournir aux assurés, à l'appui d'un contrat d'assurance vie, une note d'information. Le projet de loi permettrait une forme de fusion des deux documents, ce qui conduirait à affaiblir la protection des consommateurs. Cela serait particulièrement regrettable, s'agissant du premier produit d'épargne des Français. Il faut donc maintenir l'obligation de fournir une note d'information, pour les éléments essentiels du contrat.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a reconnu que les notes d'information présentent un réel intérêt pédagogique, même si elles ne sont pas toujours claires. Cependant, à l'instar des notes d'information soumises à l'Autorité des marchés financiers (AMF), les notes jointes aux contrats d'assurance vie ne pourront que renvoyer au contrat qui, seul, a valeur juridique. Mais dans le souci de l'intérêt des consommateurs, cet amendement peut être adopté.

M. Charles de Courson a insisté sur l'importance d'un contrôle exercé par l'AMF.

M. Pascal Terrasse a émis un avis favorable à cet amendement, déposé à l'identique par le groupe socialiste. La note d'information doit aussi être lisible et transparente que possible, ce qui s'inscrit d'ailleurs dans une démarche de simplification administrative.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a tenu à préciser que l'AMF n'intervenait aujourd'hui que pour un petit nombre de contrats d'assurance vie : ceux qui sont libellés en parts de fonds communs de placement ou de SICAV.

M. Charles de Courson, indiquant qu'il souhaitait une extension du rôle de l'AMF, a demandé au Rapporteur s'il y était favorable.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a répondu qu'il s'agirait d'un important surcroît de travail pour l'AMF que de viser l'ensemble des contrats et des notes, compte tenu de la propension des banques à multiplier les créations de produits d'assurance vie, parfois à durée limitée.

M. Tony Dreyfus, tout en reconnaissant que les « actions collectives » déclenchées par certains cabinets d'avocats peuvent susciter des interrogations, a souhaité que l'on évite toute forme de contrat d'adhésion entre l'assuré et sa compagnie d'assurance. La Caisse d'épargne elle-même a vu sa responsabilité récemment recherchée et reconnue en ce domaine. Un examen des notices d'information par l'AMF est donc la moindre des choses ; il contraindrait les assureurs à prévoir des notices brèves et claires.

La Commission a adopté ces deux amendements.

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques, présentés par M. Charles de Courson et M. Jean-Louis Dumont, visant à modifier les dispositions du projet relatives aux valeurs de rachat des contrats d'assurance vie.

M. Charles de Courson a fait valoir que l'obligation de faire figurer explicitement la valeur de rachat dans les documents fournis à l'assuré était, certes, techniquement complexe, mais néanmoins indispensable. On pourrait à la rigueur n'accepter que la mention de fourchettes de valeur, mais ne communiquer que des mécanismes de calcul aboutit indéniablement à un amoindrissement de l'information des assurés. Au demeurant, ces informations sont très faciles à fournir dans le cas de contrats obligataires. Le Rapporteur serait fondé à exiger que la valeur de rachat soit précisée, ne serait-ce que dans les cas où aucune clause de garantie n'est prévue, ou bien en fixant un seuil au-delà duquel cette précision deviendrait obligatoire. Le texte n'est absolument pas satisfaisant sur ce point.

M. Pascal Terrasse a estimé que de telles précisions sur les valeurs de rachat font partie d'une réelle protection des souscripteurs. La difficulté technique de calcul qui est opposée aux amendements doit être surmontée dans l'intérêt des assurés. La Commission de contrôle des assurances a elle-même émis une mise en garde à ce sujet.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, est convenu de la simplicité de l'information demandée lorsqu'on a affaire à des contrats en euros ; mais pour les contrats dont le support est en actions, l'opération est impossible. Quant aux contrats garantis, chacun sait bien, et les consommateurs au premier chef, qu'ils ne sont pas du tout attractifs. En outre, il convient de préciser qu'avant la réunion du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières, le projet de loi a été soumis pour avis au Comité consultatif du secteur financier, au sein duquel siège M. Pierre Hériaud. Les organisations de consommateurs y sont représentées et le Comité n'a émis aucune observation sur le thème des valeurs de rachat. Il y a donc quelque exagération à se prévaloir, sur ce point, d'une prétendue exigence des consommateurs. Enfin, il est à la fois logique et juridiquement pertinent de laisser au pouvoir réglementaire le soin de fixer de tels détails. Le Président de l'Assemblée nationale a d'ailleurs lui-même rappelé récemment le nécessaire respect des domaines respectifs de la loi et du règlement. Quant au fond, il faut laisser les assureurs proposer des contrats garantis et les consommateurs intéressés y souscrire, s'ils le souhaitent.

M. Charles de Courson, citant le texte du projet, a maintenu que la disposition relative aux mécanismes de calcul des valeurs de rachat était beaucoup trop vague. Par exemple, si un contrat d'assurance vie est libellé à 90 % en obligations et à 10 % en actions, le texte permet à l'assureur de ne mentionner aucune valeur de rachat. Même sans parler de contrats garantis, des ordres de grandeur pourraient figurer au contrat. Des risques d'abus existent.

M. Pascal Terrasse a adhéré à cette argumentation.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a répété que ces éléments auront vocation à figurer dans l'arrêté qui sera pris en application de la loi. On peut imaginer que dans le cas d'un contrat libellé à 99 % en obligations, une valeur de rachat puisse être mentionnée. Les organisations représentatives des consommateurs n'ont pas souhaité que la loi soit encombrée par de tels détails.

M. Charles de Courson a souhaité savoir si un projet d'arrêté avait été communiqué au Rapporteur.

M. Thierry Carcenac a indiqué que, nonobstant l'attitude initiale des organisations de consommateurs lors des réunions des différents comités consultatifs, de nombreux consommateurs alertaient aujourd'hui les pouvoirs publics. Même s'il n'est pas apparu ab initio, le problème est bien réel.

Le Président Pierre Méhaignerie a conclu que le Gouvernement aurait certainement à cœur d'entendre tous les arguments. Il reste que le partage des domaines de la loi et du règlement ne doit pas être ignoré.

La Commission a rejeté ces amendements.

Puis la Commission a examiné deux amendements identiques de M. Charles de Courson et de M. Jean-Louis Dumont tendant à supprimer le délai de cinq ans au terme duquel le souscripteur d'un contrat ne pourra plus se prévaloir d'un défaut d'information de la part de son assureur.

M. Charles de Courson a expliqué qu'en l'état actuel du droit, le consommateur dispose d'un délai de rétractation de 30 jours, délai pouvant jouer à tout moment, dès lors que l'assureur n'a pas rempli son devoir d'information. Une telle situation peut surgir sans limite dans le temps autre que le délai de prescription de droit commun, à savoir trente ans. Le délai de cinq ans prévu par le projet de loi est-il compatible avec la jurisprudence communautaire ? La question mérite d'être posée à la lumière de l'arrêt Heininger du 13 décembre 2001 par lequel la Cour de justice des Communautés européennes a privé d'effet une disposition de droit allemand fixant à trente jours, puis à un an, un tel délai de rétractation. Dès lors qu'un assureur a commis la faute de ne pas informer correctement un souscripteur, il n'y a aucune raison de le protéger avec ce délai de cinq ans et la directive européenne n'y oblige pas.

M. Thierry Carcenac a approuvé ce raisonnement.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a émis un avis défavorable à l'encontre de ces amendements. La directive ne crée certes aucune obligation, mais laisser les parties dans un état d'incertitude aussi long est illogique. En effet, comment comprendre qu'un assuré qui verse régulièrement des primes pendant des années puisse, de bonne foi, prétendre qu'il n'est pas informé des conditions du contrat ? Il n'est pas acceptable de voir l'attitude des souscripteurs fluctuer au gré des cours de bourse. Certains assurés contestent aujourd'hui leur contrat, alors qu'ils ont arbitré sur des valeurs, ce qui prouve qu'ils connaissaient leurs droits. Un minimum de rigueur oblige à fixer un délai raisonnable. Sachant que le délai normal de prescription en matière d'assurance est de deux ans et qu'en Allemagne il est de trois ans, les cinq ans prévus par le projet de loi apparaissent satisfaisants. Les organisations de consommateurs ne demandent d'ailleurs pas la prorogation de ce délai. Les contentieux en cours sont, le plus souvent, le fait de clients fortunés, qui utilisent tous les silences des textes actuels.

M. Charles de Courson a contesté cette attitude consistant à opposer « petits » et « gros » souscripteurs. C'est bien plutôt de la faute commise par les assureurs dont il est question, quand ceux-ci omettent d'informer correctement les souscripteurs. Il n'est pas acceptable de protéger ainsi des assureurs alors que 200 contentieux sont en cours. On pourra toujours pointer le cas d'un ou deux contrats très importants, mais ce sont des millions d'assurés qui sont concernés. Dans le cas du contentieux précité portant sur la réglementation allemande, la Cour de justice s'est appuyée sur le 49ème considérant de la directive de 2002 qui impose la sanction du non respect des dispositions de la directive. Dès lors, il convient bien de s'interroger sur la compatibilité entre ce considérant et le délai de cinq ans fixé par le projet de loi. Un délai de 8 ans était à la rigueur envisageable, compte tenu de la durée de vie moyenne des produits d'assurance vie. L'essentiel est de ne pas protéger les fautifs, en l'espèce quelques grandes compagnies d'assurance vie.

La Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Louis Dumont ne rendant applicable les dispositions du présent article qu'aux contrats conclus à compter de la publication de la loi.

M. Thierry Carcenac a fait remarquer que cet amendement avait, là encore, pour vertu de ne pas renvoyer à un arrêté ministériel des dispositions pouvant être précisées dans la loi. Il est essentiel de limiter explicitement l'effet, pour les souscripteurs, des dispositions de l'article 3 aux seuls nouveaux contrats.

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a indiqué qu'il avait déposé un amendement similaire à un autre endroit du texte et qu'il proposait le retrait de cet amendement au bénéfice du sien.

M. Charles de Courson a confirmé que la seule difficulté posée par cet amendement était celle de sa place dans le texte du projet de loi.

Après que M. Thierry Carcenac a retiré cet amendement, la Commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 : Dispositions applicables aux incapacités des intermédiaires en activité à la date d'entrée en vigueur de la loi

Après avoir adopté deux amendements rédactionnels du Rapporteur, la Commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.

Article 5 : Dates d'entrée en vigueur

M. Philippe Auberger, Rapporteur, a présenté un amendement précisant que les dispositions de l'article 3 ne s'appliquent pas aux contrats en cours et n'ont aucun effet sur les contentieux en cours.

La Commission a adopté cet amendement, ainsi qu'un amendement identique de M. Charles de Courson.

Après avoir adopté trois autres amendements, rédactionnels, du Rapporteur, la Commission a adopté l'article 5, ainsi modifié.

Article 6 : Extension du dispositif à Mayotte et à Wallis-et-Futuna

La Commission a adopté cet article, sans modification.

Elle a ensuite adopté le projet de loi, ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a nommé :

- M. Bernard Carayon, rapporteur pour information sur les outils de la politique industrielle.

- M. Yves Bur, rapporteur pour avis sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.

- Elle a également nommé des rapporteurs spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2006 conformément à la liste jointe.

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LISTE DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
POUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2006
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1.- Action extérieure de l'État

M. Jérôme CHARTIER

2.- Administration générale et territoriale

M. Jean-Pierre GORGES

3.- Affaires européennes

M. Jean-Louis DUMONT

4.- Agriculture

M. Alain MARLEIX

5.- Aide publique au développement

M. Henri EMMANUELLI

Prêts à des États étrangers

 

6.- Culture : création ; transmission des savoirs ;
Cinéma et audiovisuel

M. Olivier DASSAULT

7.- Patrimoines

M.  Christian CABAL

8.- Défense

 

- Environnement et prospective de la politique de défense

M. Bernard CARAYON

9.- Préparation, soutien, équipement des forces

M. François CORNUT-GENTILLE

10.- Développement et régulation économique

M. Hervé NOVELLI

11.- Direction de l'action du Gouvernement

N...

- Coordination du travail gouvernemental

Journaux officiels

 

12.- Fonction publique, réforme de l'État ;
Prospective

M. Georges TRON

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

 

13.- Écologie et développement durable

M. Philippe ROUAULT

14.- Engagements financiers de l'État ; Provisions

M. Daniel GARRIGUE

15.- Enseignement scolaire

M. Jean-Yves CHAMARD

16.- Gestion et contrôle des finances publiques

M. Thierry CARCENAC

Monnaies et médailles

 

17.- Justice

M. Pierre ALBERTINI

18.- Médias

M. Patrice MARTIN-LALANDE

Soutien aux médias

 

19.- Mémoire et liens avec la Nation

M. Jean-Claude MATHIS

20.- Outre-mer

M. Alain RODET

21.- Politiques des territoires

 

- Aménagement du territoire

M. Louis GISCARD d'ESTAING

22.- Tourisme

M. Augustin BONREPAUX

23.- Pouvoirs publics, Conseil aux Pouvoirs publics

M. Pierre BOURGUIGNON

Recherche et enseignement supérieur :

 

24.- Recherche

M. Jean-Michel FOURGOUS

25.- Formations supérieures et vie étudiante

M. Michel BOUVARD

26.- Régimes sociaux et de retraite

N...

Pensions

 

27.- Relations avec les collectivités territoriales

M. Marc LAFFINEUR

Avances aux collectivités territoriales

 

28.- Remboursements et dégrèvements

M. Jean-Jacques DESCAMPS

29.- Santé

M. Gérard BAPT

30.- Sécurité

M. Marc LE FUR

31.- Sécurité civile

M. Georges GINESTA

32.- Sécurité sanitaire

M. Richard MALLIÉ

Solidarité et intégration

 

33.- Solidarité

Mme Marie-Hélène des ESGAULX

34.- Accueil des étrangers

Mme Béatrice PAVY

35.- Sport, jeunesse et vie associative

M. Denis MERVILLE

36.- Stratégie économique et pilotage des finances publiques

M. Camille de ROCCA SERRA

Accords monétaires internationaux

 

Transports

 

37.- Transports aériens et météorologie, Contrôle et exploitation aériens

M. Charles de COURSON

38.- Transports routiers, ferroviaires, fluviaux et maritimes

M. Hervé MARITON

39.- Travail

M. Alain JOYANDET

Ville et logement

 

40.- Rénovation urbaine et équité territoriale

M. François GROSDIDIER

41.- Logement

M. François SCELLIER

42.- Participations financières de l'État

M. Michel DIEFENBACHER

Avances à divers services de l'État

 

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