COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 50

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 10 mai 2005
(Séance de 16 h 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen des conclusions des travaux de la MEC sur les normes édictées par les fédérations et les ligues sportives (MM. Denis Merville et Henri Nayrou, rapporteurs de la MEC)

2

Examen d'un rapport d'information sur les outils de la politique industrielle (M. Bernard Carayon, rapporteur)

8

- Examen d'un rapport d'information sur le suivi des préconisations de la Cour des comptes et de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) (MM. Yves Jego et Jean-Louis Dumont, rapporteurs)

12

- Informations relatives à la Commission

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La Commission des finances a tout d'abord examiné les conclusions de la Mission d'évaluation et de contrôle sur les normes édictées par les fédérations et les ligues sportives présentées par MM. Denis Merville et Henri Nayrou, Rapporteurs de la MEC.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est inquiété de l'absentéisme lors des réunions de la commission des Finances. Malgré la campagne électorale sur le référendum, il n'est pas normal que de moins en moins de commissaires soient présents. De nombreux députés souhaitent faire partie de la commission des Finances, si certains commissaires des Finances ne sont jamais présents, ils devront laisser leur place. Les travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les normes édictées par les fédérations et les ligues sportives ont été très satisfaisants. Ils ont permis d'associer le rapporteur spécial du budget des Sports avec un rapporteur issu de l'opposition, membre d'une autre commission. Les conclusions de la MEC apparaissent, en tout état de cause, très positives.

M. Denis Merville, Rapporteur de la MEC, a indiqué que la Mission s'était emparée d'un sujet qui, contrairement à ce qu'ont laissé entendre certains dirigeants sportifs, n'est pas du tout dépassé, comme en témoignent les nombreuses lettres de maires adressées à la MEC. Cette question, récurrente, représente non seulement une contrainte de plus en plus forte pour les élus, les dirigeants sportifs et tous les bénévoles sans lesquels le sport n'existerait pas dans notre pays, mais revêt également des conséquences sensibles sur les finances locales et le budget des clubs. Comment mieux utiliser l'argent public ? La question concerne tout autant l'État que les communes, car on estime qu'en 2002, l'effort financier consenti par l'ensemble des collectivités locales en matière de sport représentait près de 8 milliards d'euros, contre 3 milliards d'euros pour l'État.

Ce rapport a pour objectif de pacifier un débat qui repose, en grande partie, sur des malentendus juridiques et sur une insuffisance de communication et d'information. Il s'agit encore, à l'évidence, d'un sujet de conflit qui détériore les relations entre le mouvement sportif et les élus et qui tend à remettre en question la portée du pouvoir normatif octroyé aux fédérations sportives et aux ligues qui en sont l'émanation et, ce faisant, l'autorité des pouvoirs publics. Des exemples comme ceux des clubs de Niort ou d'Istres sont loin d'être isolés, mais il est vrai que les sports les plus souvent cités sont le rugby, le basket-ball et surtout le football.

Les travaux ont reposé sur de nombreux témoignages, recueillis en région, et sur une dizaine d'auditions publiques. Le 4 mai dernier, la MEC s'est mise d'accord sur vingt recommandations qui tiennent compte de l'ensemble des insuffisances actuelles, mais également des efforts déjà accomplis, avec notamment le décret du 9 juin 2004 qui renforce la place des élus locaux au sein du Conseil national des activités physiques et sportives (CNAPS) et rend plus transparentes et mieux évaluées les modifications des normes envisagées par les fédérations. Ces recommandations procèdent de trois principes d'action pouvant guider les réformes à entreprendre ou les évolutions à encourager : inciter au dialogue, renforcer la connaissance, comme l'expertise, au niveau local et clarifier le dispositif juridique actuel.

M. Henri Nayrou, Rapporteur de la MEC, a remercié la commission des Finances de son accueil chaleureux et a fait part du plaisir qu'il avait eu à travailler avec M. Denis Merville. Le contexte de la MEC est, à l'évidence, marqué par l'exaspération des élus locaux. Parmi les réactions écrites recueillies, cette phrase d'un maire semble refléter et synthétiser l'opinion de beaucoup : « Nous sommes confrontés en la matière à un véritable chantage de la part de certaines fédérations et ligues qui imposent des normes et obligations en fonction du niveau de compétition dans lequel le club concerné est inscrit. Ces normes et obligations sont changeantes en fonction des décisions prises, sans concertation avec les collectivités, par les dirigeants de ces organisations sportives ».

Le contexte est également marqué par l'avis du Conseil d'État formulé le 20 novembre 2003, qui a apporté des précisions concernant le champ de compétences normatives des fédérations. Cette compétence porte strictement, soit sur les installations édifiées sur l'aire de jeu ouverte aux sportifs, soit sur les installations qui concourent au déroulement des compétitions dans des conditions d'hygiène, de sécurité et de loyauté suffisantes. Aussi s'étonnera-t-on de la position du Président de la Ligue de football professionnel, qui a indiqué à la MEC qu'il acceptait désormais de transformer les prescriptions en « recommandations » tout en précisant immédiatement que ces recommandations, s'adressant aux seuls clubs de Ligues 1 et 2, pourraient être assorties de « sanctions commerciales » imputées sur les droits TV. Or, une recommandation assortie d'une sanction n'est-elle pas, en réalité, une norme obligatoire ? On peut raisonnablement considérer qu'un tel comportement constitue « une forme de détournement de la loi », comme l'a justement souligné la directrice des sports devant la MEC. D'autre part, un nouveau sujet de polémique est apparu, avec la question des bâches chauffantes pour les pelouses. À la suite de perturbations hivernales à répétition, la Ligue de football professionnel a souhaité rendre obligatoire, à compter de la saison 2005-2006, la protection des terrains contre les intempéries pour les clubs de Ligues 1 et 2. Certaines municipalités ont déjà dû payer l'acquisition d'une bâche chauffante, dont le coût moyen est de 55.000 euros.

La première série de recommandations de la MEC concerne le contexte de ce débat, caractérisé notamment par une mauvaise connaissance des coûts. La proposition n° 1 vise ainsi à adopter un vocabulaire harmonisé qui permettrait de pallier le manque de lisibilité des règles applicables, lié notamment à la multiplicité des acteurs. Il est essentiel de lever le flou entretenu sur les notions de « norme », de « réglementation » et de « prescription fédérale ».

Les propositions n° 2 et 3 reposent sur le constat, dressé par la MEC, selon lequel personne n'a réellement été en mesure de fournir une évaluation exhaustive et précise des surcoûts liés à l'édiction des normes, règlements et prescriptions relatifs aux équipements, sur les budgets des clubs et les finances locales. Tout cela étant mal évalué et mal connu, un outil de mesure national et un indicateur annuel s'avèrent nécessaires. Alors que le recensement national des équipements sportifs semble avoir pris du retard, la proposition n° 4 vise à s'assurer que la carte des équipements sportifs existants sera bien achevée avant la fin de l'année 2005. Il conviendra notamment de clarifier les modalités d'accès à cet outil indispensable et d'actualiser le chiffre de 42 milliards de francs issu du dernier recensement du coût des mises aux normes d'équipements sportifs, mené en 1994 par la ministre des sports de l'époque, Mme Michèle Alliot-Marie. Ce faisant, la MEC propose de lier deux questions qui ne l'étaient pas au départ : celle du coût des normes nouvelles et celle du vieillissement du parc d'équipements sportifs français.

M. Denis Merville, Rapporteur de la MEC, a précisé que la deuxième série de recommandations concerne les « règles du jeu » à appliquer, afin d'harmoniser les réglementations et de stabiliser les prescriptions nouvelles. Les propositions n° 5, 6 et 7 se donnent pour objectif d'en finir avec la surenchère, dans les normes comme dans les coûts, qui étouffe les clubs et associations les plus modestes et décourage la pratique amateur. L'impact du passage à une division ou un échelon supérieur est souvent délicat. Les ligues professionnelles doivent-elles vraiment exiger qu'un club se dote d'un équipement correspondant à une certaine position dans la hiérarchie sportive, position qu'il n'occupera peut-être pas longtemps ?

L'exemple d'Istres est le plus éloquent : la ville, ayant achevé la construction du stade de 17.500 places qui lui était demandé par la Ligue, après avoir dû jouer dans le stade de Nîmes le temps de l'achèvement des travaux, devra en réalité redescendre en Ligue 2, la saison prochaine, et supporter une situation financière fortement affectée par la charge que cet investissement important représente pour son propriétaire. Il est donc nécessaire de prévoir des délais minimums, proportionnés à la nature, l'ampleur et la difficulté des travaux, délais d'au moins trois saisons, lorsque ces prescriptions se traduisent par des investissements lourds et coûteux pour les collectivités. Il faut également prévoir, une fois un équipement réalisé, un délai minimum avant toute nouvelle mise aux normes et, en tout état de cause, laisser réellement aux élus le choix de mettre en œuvre la politique sportive qu'ils souhaitent.

M. Philippe Auberger a fait remarquer qu'à Joigny, l'homologation du terrain d'athlétisme avait été conditionnée à l'installation d'une cage de lancer de marteau et ce, alors que personne ne pratique ce sport dans la commune.

M. Alain Rodet a également fait part des difficultés qu'il rencontrait à la suite de la mise aux normes, dans sa commune, des équipements liés à la pratique du marteau.

M. Denis Merville, Rapporteur de la MEC, a indiqué, en commentant la proposition n° 8, qu'il était impératif de connaître avec précision le coût d'une norme nouvelle, en particulier pour celui qui la finance. Cette proposition est d'ailleurs cohérente avec le renforcement du dispositif des notices d'impact, que les fédérations seront tenues d'adresser au ministère et au CNAPS avant toute nouvelle édiction de norme. La proposition n° 9 constitue l'un des acquis de la MEC auprès du ministère des sports, puisque le ministre s'est engagé à publier un guide synthétique et pédagogique sur l'étendue du pouvoir normatif des fédérations, précisant la valeur juridique des prescriptions et des règlements. Il est essentiel que ce guide reçoive l'aval de la MEC, soit illustré par des exemples concrets et fasse l'objet d'une large diffusion. La proposition n° 10, qui vise en particulier les instances dirigeantes du football, s'explique par le fait que certains pourraient être tentés de réformer leurs réglementations « en catimini », sans passer par le CNAPS, et ce, avant que le nouveau décret n'entre en vigueur le 13 juin prochain. Quant à la proposition n° 11, elle vise à rendre possible la tenue d'un inventaire transparent et permanent des productions comme des initiatives des fédérations, et à alimenter une base documentaire de façon moins empirique qu'aujourd'hui.

M. Henri Nayrou, Rapporteur de la MEC, a ensuite présenté la troisième partie des recommandations de la MEC, centrées sur les relations entre les différents acteurs. Avec les propositions n° 12 et 16, émerge l'idée d'une large association des élus aux réflexions et aux décisions des instances sportives en matière d'équipements et de stades. La position des collectivités locales face aux organisations sportives doit être consolidée, notamment au niveau départemental, de la même manière que leur capacité d'expertise juridique et technique pourrait être renforcée. L'intervention des élus doit permettre de faire valoir des enjeux concrets, comme la bonne adaptation aux réalités du terrain, et de raisonner en termes de bassin d'emploi et de densité de population. Quant aux propositions n° 13 et 14, elles posent le problème du pouvoir pris par les ligues professionnelles, comme par certaines ligues régionales ou districts, qui se sont emparées d'un pouvoir que ne leur confère pas la loi. Or sur le plan juridique, il est clair que seules les fédérations nationales ont compétence pour édicter des prescriptions et que les émanations de ces fédérations ne sauraient en rajouter. Cela rend d'autant plus nécessaire la proposition n° 15, dont le ministre a assuré à la MEC qu'il la porterait, et qui est nécessaire pour lever les ambiguïtés sur ce qui est souvent ressenti comme une forme de « diktat ». Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), en raison notamment de ses structures déconcentrées, paraît être l'instance la plus adaptée pour organiser une concertation entre les différents acteurs.

M. Denis Merville, Rapporteur de la MEC, a indiqué que l'Association des maires de France (AMF) pourrait utilement fédérer l'ensemble des associations intervenant aujourd'hui, de la même manière que la convention qui avait été conclue avec les instances dirigeantes du football en matière d'intempéries pourrait être actualisée et généralisée. La dernière partie des recommandations de la MEC concerne plus précisément le cadre juridique, lequel appelle une régulation plus ferme et une intervention plus directe des pouvoirs publics. Ainsi les propositions n° 17 et 18 sont-elles inspirées par la nécessité de renforcer la position du CNAPS, lequel doit être mieux connu et reconnu, les auditions de la MEC ayant révélé que certains courriers adressés à des directeurs de ligues nationales n'étaient jamais arrivés à leur destinataire... Si la mise en œuvre du décret du 9 juin 2004 apparaît consensuelle et positive, on pourra ainsi envisager, à plus long terme, une capacité d'auto-saisine pour le CNAPS.

La proposition n° 19 représente un autre acquis de la MEC, le ministre s'étant engagé à publier, avant la fin de l'année 2005, soit 20 ans après la promulgation de la loi, un décret d'application de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. Ce décret devrait permettre de clarifier, dans le sens des précisions apportées par le Conseil d'État, le contenu de la délégation octroyée aux fédérations sportives en matière d'organisation des compétitions et de définition des règles techniques. Pourtant, si aucun progrès suffisant n'était constaté, il ne faudrait pas exclure, comme le suggère la dernière proposition, de modifier la loi de 1984 afin d'y inscrire les termes mêmes de l'avis rendu par le Conseil d'État le 20 novembre 2003, même si la concertation et le dialogue seraient évidemment une solution préférable.

M. François Scellier a cité le cas du club de football « Sannois-Saint Gratien » qui est actuellement en troisième division nationale et qui doit monter en deuxième division. La commune ne peut faire face financièrement au coût que représentent les équipements consécutifs à ce passage en deuxième division. Par conséquent, le conseil général devra apporter un budget de 6 millions d'euros dans un premier temps, puis de 6 millions d'euros dans un second temps, pour faire les travaux nécessaires. La difficulté est de faire comprendre à la Ligue que les travaux ne peuvent être faits immédiatement. Alors que le stade pouvait accueillir 2.000 à 2.500 spectateurs, 18.000 places étaient demandées. Après négociation, ce chiffre a été réduit à 5.000. Il y a donc place pour des négociations, mais il faut donner un appui aux élus locaux.

De même, les normes édictées par les lois et les règlements peuvent avoir un effet aggravant. Par exemple, s'agissant de l'accès des handicapés aux équipements sportifs, parfaitement légitime et naturel dans son principe, une tribune passant de 1.000 places à 2.000 places a nécessité la mise en place d'un ascenseur et de 26 places réservées. Ce critère a été établi en fonction du pourcentage global de personnes handicapées dans la population, sans tenir compte de la nature du handicap. Il n'y a guère que 2 ou 3 personnes handicapées, en moyenne, qui assistent à chaque match. Il est donc nécessaire de faire davantage confiance aux élus locaux, s'agissant de tels problèmes.

M. Alain Rodet a approuvé les propositions de la MEC. La France présente une gamme très étendue de sports et autant de fédérations et de clubs, ce qui est source de nombreux investissements. Le problème est particulièrement crucial pour le football, sport très important en France, qui brasse des sommes considérables et qui concerne de nombreux acteurs : fédérations, clubs, télévisions... Le maire d'Ajaccio qui a une équipe en Ligue 1 et une autre équipe qui monte en Ligue 2, toutes les deux propriétaires de leur stade, devrait être le plus heureux des hommes alors qu'il craint au contraire de ne pouvoir faire face aux investissements très importants dans les deux stades. La situation d'Ajaccio mériterait qu'une enquête soit menée par la Cour des comptes à la demande de la Commission. Le rugby et le basket connaissent les mêmes problématiques. Certaines salles pouvaient contenir 7.000 à 8.000 personnes ; en augmentant les normes techniques, pour raison de sécurité, on a baissé leur capacité d'accueil de 30 %. La France est victime des comparaisons européennes et notamment de la fascination pour l'Italie et l'Espagne. Or, ces pays ne connaissent pas du tout la même économie du sport : ils ont des clubs très puissants et des moyens financiers très importants. Il est temps d'avoir une politique plus raisonnable en matière de normes techniques. On rencontre d'ailleurs les mêmes problématiques pour les bassins de natation et les vélodromes.

M. Jean-Louis Dumont a salué l'excellent travail fait par les deux rapporteurs. Il convient de ne pas oublier le maillage territorial, constitué par les petits clubs et les bénévoles. Ce sont ces « petites rivières » qui font ce qu'est le sport aujourd'hui, c'est-à-dire une école du dépassement de soi et du respect d'autrui. Il ne faut pas que le sport d'élite cache l'activité de tous ces clubs et de tous ces bénévoles. Est-ce que les clubs sportifs, qui ont des moyens considérables, ne doivent pas être aussi considérés comme des promoteurs de spectacles et en supporter la charge ? Il faut être très attentif à ce que, au-delà de la construction d'aires de jeu et du respect des normes de sécurité, ce ne soit pas les petits clubs qui supportent l'investissement induit par le sport de haut niveau.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur les mesures à prendre si aucune suite n'était donnée au rapport, et quelles sont les échéances des propositions.

En réponse aux différents intervenants, M. Denis Merville, Rapporteur de la MEC, a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant des investissements induits par le passage du club de St Gratien en deuxième division, la proposition de la MEC de laisser un délai de trois ans pour réaliser les travaux nécessaires permet de donner des marges de manœuvre aux maires qui ne supportent pas, ainsi, immédiatement l'intégralité de l'effort financier ;

- s'agissant des suites du rapport, dans un premier temps, le dialogue et la concertation avec les fédérations et les ligues sportives devront être privilégiés. Si rien ne change, la vingtième proposition vise, dans ce cas, à modifier la loi de 1984 ;

- s'il est vrai que de nombreux sports sont pratiqués en France, mettre en place des normes trop contraignantes empêche le développement de nouveaux sports. La Mission a, par exemple, reçu le président d'un club de « flag » qui œuvre dans les quartiers sensibles du Havre et qui rencontre des difficultés pour le marquage du terrain ;

- l'exemple d'Ajaccio pose, de manière emblématique, la problématique de la propriété des équipements sportifs. Aujourd'hui 99 % d'entre eux appartiennent aux collectivités locales. Cette situation pourrait être amenée à évoluer ;

- il est nécessaire d'encourager les petits clubs sportifs, car ce sont ces clubs qui permettent ensuite de faire émerger une élite et jouent un grand rôle au niveau de la vie locale. Il est primordial de ne pas décourager ces clubs et leurs bénévoles. Certains comités départementaux veulent aller au-delà et accréditer les clubs. De tels contrôles trop stricts peuvent conduire à tuer le bénévolat.

M. Henri Nayrou, Rapporteur de la MEC, a souligné que si aucune suite n'est donnée au rapport, le ministre des sports s'engage à mettre en application l'avis du Conseil d'État. Il est nécessaire de faire respecter des normes de confort et de sécurité, mais non de favoriser des travaux superflus, liés à des aspects commerciaux. Se pose, dès lors, la problématique de la propriété des équipements sportifs. La question a été posée à M. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel. Il est clair que ce genre de réforme sera plus facile à proposer qu'à mettre en application. En tout état de cause, les travaux de la MEC montrent l'imbrication des fonctions de député et de maire. Les travaux de la mission seront par ailleurs répercutés par le groupe d'études sur le sport.

M. Michel Bouvard a souligné qu'il était nécessaire de donner la plus grande publicité possible au rapport, en le diffusant auprès d'élus et de l'association des maires de France. Il serait aussi souhaitable que le Gouvernement soit interrogé sur les suites données au rapport, lors d'une séance de questions au Gouvernement. Il faut faire comprendre aux fédérations la légitimité et l'importance de ces préconisations. Sont d'ailleurs concernés aussi bien le budget des collectivités locales que celui de l'État.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé qu'il était nécessaire de concentrer l'attention sur quelques mesures. Le guide des normes, dont la rédaction est prévue par la proposition n° 9, doit être établi en concertation avec la MEC. Il convient de se donner une clause de rendez-vous dans un an pour faire le point sur les suites données aux conclusions de la Mission.

Puis la commission des Finances a adopté les conclusions de la MEC et autorisé, en application de l'article 146 du Règlement, la publication du rapport.

*

La Commission a ensuite examiné un rapport d'information sur les outils de la politique industrielle, présenté par M. Bernard Carayon, Rapporteur.

M. Bernard Carayon, Rapporteur, a souligné que la politique industrielle était placée sous les feux de la rampe, avec les opérations récentes de restructuration concernant de grandes entreprises, comme Alstom et Aventis. Alors que le risque de perte de la substance industrielle de notre pays est fort, ainsi que l'illustrent les phénomènes de désindustrialisation et de délocalisation, la politique industrielle, qui suppose une intervention des pouvoirs publics, est longtemps restée un thème tabou.

La prise de conscience de la nécessité d'une véritable politique industrielle est aujourd'hui réelle, ainsi que l'attestent, au niveau européen, la nomination d'un commissaire européen chargé des politiques en faveur des entreprises et de l'industrie, et, au niveau national, la création de l'Agence pour l'innovation industrielle (AII) et de l'Agence nationale de la recherche (ANR), le rapprochement de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR) et de la Banque pour le développement des PME (BDPME) au sein d'une structure commune (OSÉO) ou encore la nomination d'un Haut responsable au Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN). Elle doit toutefois être renforcée, comme l'a souligné le rapport remis au Président de la République par M. Jean-Louis Beffa.

L'absence de politique industrielle en France depuis vingt ans résulte avant tout d'une mauvaise appréciation de la réalité de la compétition internationale. Elle est également la conséquence du manque d'outils statistiques permettant de suivre les phénomènes de désindustrialisation et de délocalisation. L'appréciation limitée du secteur industriel, qui a longtemps prévalu en France, explique enfin que les enjeux de la politique industrielle ont été, jusqu'à présent, limités.

La politique industrielle n'existe pas seule : elle est interdépendante d'autres politiques, comme la politique de la recherche, mais également de la formation. De nombreux outils sont par ailleurs attachés à la politique industrielle : si certains, comme la politique monétaire ou la politique de la concurrence, relèvent du niveau européen, d'autres, comme la politique fiscale, relèvent directement de la compétence nationale. Toutefois, l'efficacité des mesures fiscales et leur coût ne font pas l'objet d'une véritable évaluation.

Tous nos grands concurrents, qu'il s'agisse des États-Unis mais également de l'Allemagne et du Japon, mènent une politique industrielle active. Aussi apparaît-il plus que nécessaire que la France adopte une véritable stratégie en la matière.

Dans cette perspective, il apparaît tout d'abord souhaitable de créer des conditions favorables à la mise en place d'une politique européenne efficace. Il s'agit ainsi, en premier lieu, d'afficher une volonté politique : il conviendrait que ce dossier soit défendu par le Président de la République, au moins jusqu'à l'échéance fixée lors du sommet de Lisbonne. Il faudrait ensuite réinterpréter les règles de la concurrence dans un sens plus favorable à la politique industrielle, adopter, au niveau européen, une législation proche du Small business act (SBA) américain, créer un label européen des produits respectant la clause transversale de l'économie sociale de marché et, enfin, mettre en place un statut « d'établissement supérieur et de recherche européen », afin d'attirer les meilleurs chercheurs et de faciliter leur mobilité.

Les objectifs d'une véritable politique industrielle nationale sont le développement d'une industrie française et européenne, leader dans les secteurs stratégiques que sont la défense, la sécurité, la santé, l'énergie et l'environnement ; le développement des PME-PMI afin de leur permettre d'atteindre une taille suffisante au niveau européen ; la promotion de la sécurité économique, grâce à l'adoption d'une législation proche de la loi « Exxon-Florio » qui permettrait de protéger ce qui est identifié comme stratégique par nos entreprises, et, enfin, la mobilisation des énergies dans le cadre national.

Pour atteindre ces objectifs, il est souhaitable de rattacher au Président de la République un Conseil de la compétitivité, qui regrouperait les présidents de l'AII, de l'ANR, d'OSÉO, du Conseil économique et social et des personnalités qualifiées. L'objectif de ce comité serait d'actualiser les stratégies et de veiller à la coordination de l'ensemble. Il serait également intéressant de mettre en place un grand ministère en charge de l'économie, de l'industrie, des PME-PMI, du commerce extérieur, du commerce et de l'artisanat, qui serait, par conséquent, distinct du ministère des finances, d'instituer un ministère en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche, et, enfin, de placer, auprès du Premier ministre, un ministre du développement économique qui s'appuierait sur les services du Plan. Le rôle de ce ministère serait de reconstituer l'expertise publique économique et industrielle, de croiser cette expertise avec l'expertise privée, de travailler à l'anticipation et à la prospective et, enfin, de développer la politique publique d'intelligence économique. Ce ministère pourrait proposer la mise en place de grands programmes qui correspondraient à des besoins sociétaux, comme la création d'infrastructures permettant de généraliser l'usage de l'internet haut-débit ou qui répondraient aux défis que la France aura à relever, comme l'extinction des énergies fossiles.

Il apparaît en outre nécessaire de mieux articuler les dispositifs traditionnels avec les nouveaux outils à mettre en place. Il conviendrait notamment de stimuler la recherche, par exemple en déplafonnant les montants des rémunérations annexes des chercheurs. Une mission pourrait également être créée afin d'évaluer le coût des aides publiques aux entreprises. Par ailleurs, s'agissant de la transmission d'entreprises, il serait intéressant de permettre à l'État de prendre une part du capital d'une petite entreprise en règlement des droits de succession, que ne sont souvent pas en mesure de régler les héritiers. Une autre solution serait de permettre, en cas de difficulté à trouver un successeur ou un repreneur pour l'entreprise, l'intervention d'une fondation ; il faudrait, bien entendu, veiller à garantir le respect du statut de la fondation et, éventuellement, limiter ce dispositif à certaines entreprises.

Enfin, il serait souhaitable que des consultations juridiques préalables à la signature de contrats soient proposées dans les postes diplomatiques situés dans les pays où les entreprises françaises cherchent à s'implanter. Elles pourraient être assurées, par exemple, par des fonctionnaires du ministère de la Justice détachés auprès des postes diplomatiques ou encore par des conseillers ou des avocats agréés. Par ailleurs, le conseil de la compétitivité pourrait élaborer une liste de secteurs stratégiques qui serait adressée aux institutions européennes. Enfin, il apparaît nécessaire d'ouvrir le débat sur les class actions, l'impôt de solidarité sur la fortune, qui constitue actuellement une incitation à sortir de France, et la TVA sociale.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que certaines des propositions faites par le Rapporteur risquaient d'être ressenties par les PME comme une véritable agression. Elles attendent des mesures tendant à simplifier les formalités administratives et à alléger le dispositif fiscal. Les entreprises ne demandent pas de nouvelles structures : elles veulent de l'oxygène. Dans ce contexte, est-il vraiment nécessaire de créer un nouveau conseil ? Le sentiment d'un grand nombre d'entrepreneurs est que, pour entreprendre en France, il faut aimer vivre sous la menace. Aussi, doivent être privilégiés l'allègement des structures, la simplification administrative et la stabilité fiscale.

M. Michel Bouvard a indiqué partager le constat d'une forte imbrication de la politique industrielle avec d'autres politiques, en insistant plus particulièrement sur la politique énergétique. Il est par ailleurs impératif d'aider à la constitution de champions européens dans un certain nombre de secteurs. Il est regrettable que cela n'ait pas été fait dans le domaine de l'aluminium, ce qui aurait peut-être évité que Péchiney ne passe sous domination étrangère. Ce soutien suppose toutefois qu'un suivi des dossiers soit ensuite assuré, ce qui n'a peut-être pas toujours été le cas, notamment s'agissant d'Alstom. Dans les secteurs stratégiques, une organisation et une veille européennes apparaissent plus que nécessaires. Les propositions du Rapporteur relatives à la transmission d'entreprises sont également intéressantes.

En revanche, il n'apparaît pas opportun de mettre en place de nouvelles structures en matière de politique industrielle, qui relève de l'action du ministère en charge de l'Industrie. La création de nouvelles structures aurait d'ailleurs pour conséquence de rendre moins lisible et cohérente la maquette budgétaire, qui comprend une mission « développement et régulation économiques », au sein de laquelle doivent être intégrés tous les aspects de la politique industrielle et une mission interministérielle « enseignement supérieur et recherche ». La création de nouvelles structures d'État ne semble pas constituer l'option la plus pertinente pour régler les problèmes politiques et risque, en outre, de correspondre à une simple logique d'affichage.

M. Thierry Carcenac a jugé que le rapport constituait une base de discussion sur la politique industrielle, même si on n'en partage pas toutes les idées. L'élargissement du périmètre de nos industries, traditionnellement assises sur la transformation de matières premières, est nécessaire. Face à la primauté de la politique de la concurrence sur la politique industrielle, proclamée par certains ces dernières années, il faut au contraire affirmer un volontarisme industriel, français et européen, et certains ont payé cher de ne pas l'avoir fait. Il faut effectivement redéfinir l'architecture des institutions ministérielles. Au-delà des initiatives privées, il faut orienter la politique industrielle de façon transversale, faute de quoi on s'expose au risque de perte d'éléments de richesse.

Ajoutant l'INSEE à la liste des administrations en contact avec les entreprises, le Président Pierre Méhaignerie a précisé que l'environnement administratif est beaucoup trop complexe, avec huit ou dix administrations différentes qui souvent ne s'entendent pas entre elles, comme l'a montré tout récemment le projet, abandonné, de la fondation de M. François Pinault sur l'Île Seguin. Il faut prendre en compte l'attente d'oxygène des PME françaises.

M. Jean-Louis Dumont a noté que le rapporteur avait abordé des thèmes controversés, comme la TVA sociale, où il faut sortir des sentiers battus et ne pas s'interdire la réflexion, et l'impôt de solidarité sur la fortune. Il a rappelé qu'il avait participé au Parlement européen à une réunion de parlementaires européens et nationaux sur « la politique économique européenne : une perspective nationale et européenne ». A cette occasion de très nombreux parlementaires ont appelé de leurs voeux une lecture moins rigide et plus qualitative du pacte de stabilité et de croissance. A force de volonté, on arrive à faire bouger les choses, et la réforme récemment approuvée par le Conseil de l'Union européenne va dans ce sens, même si toutes les propositions du rapporteur n'y ont pas été reprises. Les échanges ont été plus vifs sur la fiscalité, où on constate un fossé culturel et politique entre l'Union et les États membres.

Malgré l'exemple négatif venant d'outre-atlantique, la judiciarisation gagne insidieusement la France, ainsi le prochain projet de loi du ministère du logement confie-t-il au président du tribunal de première instance la nomination de médiateurs. La France et l'Europe ont besoin d'un cadre de régulation économique, mais les efforts de simplification sur l'innovation et la recherche, tels que contenus dans le rapport, suscitent des craintes en la matière. Or, on en parle beaucoup mais les résultats sont décevants sur le terrain.

M. Michel Bouvard a souligné qu'un travail sur la sélectivité et les pôles de compétitivité est indispensable. Il a souhaité une amélioration des statistiques sur les prises de contrôle des entreprises, par l'Agence française des investissements internationaux (AFII), afin de distinguer les véritables investissements, porteurs de développement, des simples rachats, effectués aux fins de disposer d'une marque, d'un nom ou d'un réseau, voire de siphonage de trésorerie, avec le risque de la disparition pure et simple de l'entreprise. Il faut pouvoir faire cette distinction et, ainsi, disposer d'outils de mesure de la présence industrielle justes et pertinents.

M. Gérard Bapt a marqué son intérêt pour le rapport, pour la régulation et pour les structures administratives nouvelles proposées, même s'il l'on peut critiquer l'empilage ou l'opportunité de placer un organisme auprès du Président de la République. Rappelant le précédent de l'agence de sécurité alimentaire, il a estimé que l'on pouvait créer des structures, puis, dans un deuxième temps, saisir les opportunités de regroupement et d'intégration. Le rapport note justement la nécessité d'un volontarisme politique et par là même tranche avec d'autres discours ayant une approche étriquée de l'activité industrielle. Le risque de délocalisation ne porte pas seulement sur les activités de production. S'agissant du textile importé de Chine, il ne suffit pas de rappeler que l'on aurait pu s'y préparer depuis longtemps, car, par exemple, la Tunisie va perdre la moitié de ses emplois dans ce secteur, ce qui va accroître la pression migratoire vers la France. La politique de la concurrence ne suffit pas, même dans les pays libéraux, où il faudrait développer un agent de compétitivité. La TVA sociale et l'ISF sur la fortune suscitent de vrais débats.

M. Bernard Carayon, Rapporteur, a rappelé qu'il avait préparé ce rapport pour deux raisons, d'abord parce que depuis plusieurs mois le thème de la politique industrielle a envahi le débat politique, et que les choix industriels et scientifiques sont aussi des choix de destin. Une volonté industrielle, définie au niveau du Président de la République, marquerait la capacité d'un Etat et de l'Europe à l'anticipation, la mutualisation, l'action et l'expertise. La deuxième raison est pédagogique, avec une actualité récente riche en initiatives nationales et européennes, ainsi un commissaire européen chargé de la politique en faveur des entreprises et de l'industrie. Sans tomber dans la manie française de toujours créer des structures nouvelles, il faut adapter les institutions, le droit, la fiscalité et les contraintes environnementales, en s'inspirant des meilleurs exemples. Un esprit nouveau souffle, sans augmentation de la dépense publique, pour définir une véritable stratégie, et les thuriféraires de la « main invisible » ne pourront que décevoir.

S'agissant des PME, faute de pouvoir proposer un « Small Business Act » français, il faut définir, au niveau européen, un cadre permettant de réserver une part des marchés publics aux PME, et la plupart des Etats membres y sont favorables ; dans le cadre de l'agence de l'innovation industrielle et des pôles de compétitivité, les PME pourraient être associées aux projets innovants par le biais de bonifications.

La TVA sociale, telle que proposée par M. Jean Arthuis, reste un sujet tabou. Le débat sur les institutions de la politique industrielle ne peut échapper au Parlement ; le regroupement des ministères de la recherche et de l'industrie serait très souhaitable, mais le monde de la recherche y est, malheureusement, totalement opposé. Le risque de judiciarisation est effectif, et la création de class actions serait désastreuse pour les entreprises.

Le Président Pierre Méhaignerie a proposé la publication du rapport en tant que rapport d'étape, en le complétant d'une conclusion relative à la nécessité de l'assouplissement des règlementations, de la simplification et des allégements, dans le cadre du contrôle de la dépense publique institué par la LOLF. Un nouveau rapport sur ces thèmes sera nécessaire.

M. Michel Bouvard s'est également prononcé pour la publication du rapport, qui constitue un utile document de réflexion, provisoire même s'il ne fait pas l'unanimité sur toutes ses propositions.

La Commission des finances a alors autorisé la publication du rapport, en application de l'article 145 du Règlement.

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La Commission a, enfin, examiné un rapport d'information sur le suivi des préconisations de la Cour des comptes et de la Mission d'évaluation et de contrôle présenté par MM. Yves Jego et Jean-Louis Dumont, Rapporteurs.

M. Yves Jego, Rapporteur, a indiqué que plusieurs motifs justifiaient d'examiner les suites données aux préconisations de la Cour des comptes, en particulier l'utilité de celles-ci pour rationaliser l'emploi des fonds publics et favoriser la réforme de l'État.

Il a rappelé qu'il s'était - avec M. Jean-Louis Dumont - entretenu avec M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Ils ont également interrogé la juridiction, ainsi que plusieurs ministères. Vu le champ couvert par les contrôles de la Cour - qui concernent tant les administrations de l'État, que celles des collectivités territoriales, des entreprises publiques, de la Sécurité sociale ou des organismes bénéficiant d'une subvention publique ou faisant appel à la générosité publique - le rapport s'est limité à la période la plus récente, soit entre 2000 et 2005. Par ailleurs, il était nécessaire, au-delà des considérations générales sur le mode de suivi des recommandations de la Cour, par elle-même et par les administrations, de focaliser la réflexion sur quelques thèmes. Ceux-ci ont été sélectionnés en coordination avec la Cour, afin de retenir ceux qui revêtaient une importance significative et pouvaient être traités dans le délai imparti pour la réalisation du rapport. Il a par ailleurs été jugé souhaitable de tirer profit de ce rapport d'information pour aborder également les suites réservées aux propositions de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC). Des questionnaires ont donc été envoyés aux administrations à cet effet, en particulier sur les thèmes recoupant ceux retenus concernant la Cour des comptes. Les rapporteurs avaient également souhaité organiser des auditions de membres de la Cour - notamment des présidents de chambre. Il n'a malheureusement pas été donné suite à cette demande, malgré de multiples relances.

Il ressort néanmoins des contacts établis et des réponses aux questionnaires trois constats principaux. En premier lieu, les préconisations de la Cour, qui sont nombreuses et recouvrent un champ vaste et complexe, sont davantage suivies d'effet qu'on ne le croit. Plusieurs exemples l'attestent. Cela étant, la formulation des recommandations présente souvent une certaine ambiguïté, qui tient à plusieurs facteurs : les critiques de la Cour ne donnent parfois pas lieu à la formulation de préconisations ; celles-ci peuvent être plus ou moins explicites. Elles ne sont pas toujours bien identifiées. Enfin, elles sont d'une précision inégale et pourraient être parfois davantage opérationnelles. En outre, le suivi par la Cour de ses propres préconisations est variable. Les chambres disposeraient toutes, cependant, au minimum, d'un tableau de bord plus ou moins précis. Le refus opposé aux rapporteurs d'entendre les présidents de chambre n'a pas permis d'apprécier la réalité et la portée de ce suivi. Celui-ci peut s'effectuer en fonction des besoins ou de l'actualité. En tout état de cause, force est de constater qu'il n'est ni systématique, ni harmonisé. Il n'en est, en outre, rendu compte publiquement que partiellement, au travers de telle ou telle publication de la Cour, notamment le rapport public annuel.

S'agissant de la MEC, il est difficile d'apprécier l'état d'application de ses propositions, dans la mesure où toutes les administrations interrogées n'ont pas répondu, et certaines l'ont fait tardivement. Dans l'ensemble, au vu des informations communiquées par les ministères, les propositions de la MEC semblent avoir été assez largement prises en compte.

Le deuxième constat principal que l'on peut faire est que, de manière générale, trop de préconisations de la Cour demeurent lettre morte, alors qu'elles sont source d'économies et de performance pour l'État. Les huit thèmes majeurs de préconisations évoqués dans le rapport en témoignent. Il s'agit de la « refondation indemnitaire » dans la fonction publique de l'État, du ministère de la Recherche et du CNRS, des agences de l'eau, des pensions des fonctionnaires civils de l'État, du Fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) et du Fonds d'aide à l'emploi dans les DOM (FEDOM), de la gestion du système éducatif, du contrôle de la navigation aérienne et de la réforme de la politique autoroutière.

Dans l'ensemble, sur ces thèmes, les préconisations de la Cour n'ont été que partiellement mises en œuvre. Si celle-ci est en mesure de fournir des éléments plus ou moins récents de suivi, les réponses communiquées attestent que ce suivi n'est pas systématique. Par ailleurs, elle n'a fourni quasiment aucune information sur les causes de la non application des mesures préconisées, ni sur les solutions qui pourraient y remédier. Il en est de même de l'évaluation de l'impact budgétaire ou financier de ces mesures. On observe enfin que les administrations n'ont en général guère apporté d'éléments d'information sur le suivi qu'elles réservent aux recommandations de la Cour dans ces domaines - fait sans doute révélateur de la faible importance qu'elles leur accordent.

Plusieurs mesures s'imposent pour remédier à cette situation. Il convient en premier lieu d'améliorer la formulation des recommandations. Cinq propositions sont faites à cet égard : mieux identifier les recommandations, en leur consacrant une partie dans les rapports et les communications administratives ; hiérarchiser les préconisations en fonction de leur importance ou de leur priorité ; évaluer leur impact budgétaire et financier, ce qui est essentiel pour en apprécier la portée ; clarifier et préciser, autant que possible, le contenu des préconisations et préférer des recommandations opérationnelles, tenant pleinement compte de l'avis et des contraintes des administrations.

Il est nécessaire, en deuxième lieu, d'inciter les administrations à mieux prendre en compte les observations de la Cour. Trois mesures sont proposées : distinguer les recommandations sur lesquelles les administrations sont d'accord et qu'elles s'engagent à suivre, obliger les administrations, dans un rapport annuel destiné au Parlement, à répondre aux préconisations de la Cour et de la MEC et publier un tableau de suivi actualisé des recommandations de la Cour.

Enfin, il serait souhaitable de permettre au Parlement de tirer les conséquences politiques des contrôles de la Cour. Cela suppose d'abord de préciser la mission d'assistance de la Cour des comptes au Parlement dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF. Le défaut de réponse aux demandes d'audition des présidents de chambre conduit à cet égard à suggérer au rapporteur spécial compétent de faire un point précis sur l'organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes, en particulier dans sa mission d'assistance au Parlement.

Trois autres mesures iraient également dans le sens d'une meilleure prise en compte politique des préconisations de la Cour : recentrer les priorités de la MEC sur des sujets stratégiques, tenant compte du programme de contrôle de la Cour et de l'application de ses recommandations, réserver un examen systématique des recommandations de la Cour dans les rapports spéciaux, et organiser un débat parlementaire annuel sur les suites données aux observations de la Cour, à l'occasion de la remise de son rapport public annuel. De ce débat, la Commission tirerait toutes les mesures qu'elle juge opportunes pour permettre la mise en œuvre des préconisations qu'elle estime essentielles.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a souligné le rôle clé que doivent jouer les rapporteurs spéciaux dans le suivi de ces préconisations. Ce rôle doit être renforcé, y compris pour suivre la mise en œuvre des propositions de la MEC. Il leur revient notamment d'identifier les mesures recommandées qui doivent être prioritairement adoptées.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est déclaré très favorable à la publication de ce rapport. Il a regretté que ne soient pas mieux prévus des moyens à l'encontre de ceux des ministères qui ne suivent pas du tout les recommandations de la Cour des comptes.

M. Michel Bouvard a exprimé son accord total avec les préconisations du rapport. Seule la quatrième, relative au débat sur le rapport de la Cour des comptes, mériterait peut-être d'être revue. Elle semble en effet être en retrait par rapport à la position prise par la commission spéciale sur la réforme de la loi organique relative aux lois de finances. Celle-ci avait en effet prévu qu'un débat sur le suivi des recommandations de la Cour, aussi bien dans son rapport annuel que dans ses rapports particuliers, puisse être organisé en séance publique. Le Sénat a rejeté cette proposition, mais il sera indispensable de revenir sur ce point lors de la seconde lecture de ce texte, qui doit avoir lieu au mois de juin. Il est donc nécessaire que le présent rapport conclue dans les mêmes termes que ceux adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture. Par ailleurs, il serait utile que tant les projets annuels de performance que les rapports annuels de performance intègrent une présentation des suites données aux préconisations de la Cour.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a souligné le rôle fondamental que devra jouer le rapporteur spécial de la future mission « Conseil aux pouvoirs publics ». Il est à espérer que celui-ci aura, conformément à la LOLF, un accès direct aux présidents de chambres, ce que n'ont pu obtenir les rapporteurs.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx s'est étonnée de cette difficulté. En effet, dans le cadre de la MEC sur la politique en faveur des demandeurs d'asile, elle a pu rencontrer deux présidents de chambre, qui lui ont ouvert de nombreuses pistes de réflexion, lesquelles seront très utiles.

M. Yves Jego, Rapporteur, a répondu que sur un sujet précis, la coopération peut effectivement être fructueuse. Peut-être la Cour n'a-t-elle pas voulu, en l'espèce, qu'une évaluation globale de ses méthodes de travail et de leurs disparités soit menée par les rapporteurs ?

M. Michel Bouvard a rappelé que le statut des députés auxquels la Commission des finances décidera, grâce à la modification de la LOLF actuellement en discussion, de confier une mission ponctuelle, permettra de leur conférer des pouvoirs identiques à ceux des rapporteurs spéciaux. Quelle sera leur accessibilité à la Cour des comptes et aux ministères et quels seront concrètement leurs pouvoirs d'investigation ?

M. Thierry Carcenac a exprimé son profond accord avec la conclusion du rapport, selon laquelle le contrôleur doit également être contrôlé.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur, a rappelé, en prenant l'exemple de la recherche, que lorsque les préconisations de la Cour ne sont pas suivies par les ministères, il peut en résulter des conséquences dommageables.

La Commission a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a nommé :

- M. Camille de Rocca Serra, rapporteur sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les activités de la Compagnie française pour l'assurance du commerce extérieur (COFACE) pour le compte de l'État et leur lien avec l'évolution de l'aide publique au développement, présentée par M. Jean-Paul Bacquet (n° 2221).

- M. Gilles Carrez, Rapporteur général, rapporteur sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 2249).

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