COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 67

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 juillet 2005
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

pages

- Conclusions de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur la gestion et la cession du patrimoine immobilier de l'État et des établissements publics (M. Georges Tron, Rapporteur)

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- Examen de la proposition de résolution sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2006 (n° 2441)

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- Informations relatives à la Commission

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La commission des Finances a tout d'abord procédé à l'examen des conclusions de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur la gestion et la cession du patrimoine immobilier de l'État et des établissements publics.

M. Georges Tron, Rapporteur de la MEC, a rappelé que la Mission avait mené un travail approfondi d'investigation depuis quatre mois, qui l'a conduit à dresser un constat particulièrement critique du fonctionnement de l'État en matière immobilière. Il s'agit de carences du système en tant que tel, jugement qui ne remet nullement en cause individuellement les personnes qui en ont la charge.

Il a semblé utile, dans cette démarche, de partir des attentes exprimées par les investisseurs et les promoteurs immobiliers sur la façon dont sont organisées les cessions et la gestion immobilière de l'État. Force est de constater que la gestion immobilière s'est considérablement professionnalisée au cours des dernières années et que l'État est maintenant nettement en retard. Depuis 15 ans, on observe une évolution de la gestion immobilière des grands groupes industriels et de nos voisins européens, vers une plus grande efficience avec la définition de métiers immobiliers spécifiques, nécessitant des compétences spécialisées.

En regard, les conditions de la gestion immobilière de l'État ne paraissent plus acceptables. Les investisseurs recherchent une rentabilité et une stabilité juridique qui n'est pas assurée quant à l'origine et aux servitudes des immeubles domaniaux. Les baux publics comportent souvent des clauses exorbitantes du droit commun, ainsi la résiliation unilatérale, le niveau des loyers et l'absence de TVA. Les promoteurs recherchent la possibilité de transformer les immeubles et les règles locales d'urbanisme imposent souvent des lourdes contraintes d'affectation. Ainsi le POS/PLU de Paris prévoit une affectation de 25 % des surfaces à l'habitation sociale.

Les pratiques de l'État en matière de procédures de cession sont également critiquables dans la mesure où les acquéreurs potentiels n'ont pas les informations qu'ils seraient en droit d'espérer, avec par exemple l'appel d'offre paru le 9 juin dernier : de nombreux renseignements manquent. Tous ces facteurs entraînent une baisse significative des prix de cession pouvant atteindre 30 à 50 %.

Les carences de la gestion immobilière de l'État ne sont plus acceptables. La fonction d'État propriétaire a progressivement disparu. L'administration des Domaines a reconnu, lors de son audition par la MEC, qu'elle se cantonnait à un rôle de notaire, avec l'évaluation des immeubles et l'enregistrement des transactions. La Mission interministérielle de valorisation du patrimoine immobilier de l'État (MIVPIE) a également reconnu, lors de son audition, qu'elle ne disposait pas de moyens suffisants et qu'elle devrait certainement « passer à la vitesse supérieure », au-delà de la simple constitution de listes de cessions. Son existence est jusqu'à présent sans base juridique et ses missions mentionnent « l'animation et la coordination » sous forme de simples avis. Cinq autres organismes interministériels ont été créés depuis 10 ans, sans que la situation n'en ait été améliorée pour autant.

L'État connaît mal son parc immobilier. Le tableau général des propriétés de l'État (TGPE) a, certes, été actualisé au cours des deux dernières années, afin de réaliser, en matière immobilière, le bilan patrimonial prescrit par la LOLF, qui doit être disponible au 1er janvier 2006. Mais ce tableau ne contient pas d'information sur les occupations, ne couvre actuellement que 90 % du parc (28.000 immeubles) et n'inclut pas les immeubles des établissements publics (30.000 immeubles supplémentaires). Cette mauvaise connaissance cache une sous-occupation chronique, même s'il est extrêmement difficile d'individualiser avec certitude des immeubles particuliers. Elle cache également un accroissement des surfaces, qui est de même difficilement quantifiable ; des informations font état, entre mars 2000 et octobre 2003, d'un accroissement de 660.000 m2 en Île-de-France et de 188.000 m2 à Paris. Le service des Domaines, consulté sur ces chiffres, n'a pas été en mesure de confirmer ou d'infirmer.

Les résultats des cessions sont en deçà des objectifs établis dans les lois de finances 2004 et 2005, à l'initiative de la commission des Finances de l'Assemblée nationale. On constate une grande incertitude sur les chiffres en 2004 : M. Jean-François Copé fait état de 160 millions d'euros de recettes, les Domaines parlent de 279 millions d'euros...

L'État n'a pas les moyens d'entretenir son parc immobilier, ce qui porte préjudice à la valorisation de l'immobilier et menace la sécurité de certains édifices. L'Inspection générale des finances a estimé qu'avec une maintenance préventive, il pourrait économiser près de la moitié des 2 milliards d'euros qu'il consacre chaque année à cet entretien courant.

La réforme du cadre juridique de l'immobilier de l'État est entreprise par le Gouvernement avec le déclassement des immeubles de bureau et l'assouplissement des procédures de cession, mais elle reste perfectible. Les collectivités locales disposent d'un droit de priorité et d'un droit de préemption, qui se surajoutent et augmentent les délais ; le code du domaine de l'État aurait dû être réformé par ordonnance depuis le 31 décembre 2004 en application de la loi d'habilitation de juillet 2003.

On ne peut que constater une incurie totale de la gestion des logements de fonction de l'État, telle que décrite dans le rapport de décembre 2003 de l'Inspection générale des finances. Ce rapport a totalisé 137.000 logements de fonction d'agents publics, en précisant bien qu'il s'agit d'un décompte incertain - faute de recensement fiable -, et incomplet - de par l'absence de comptabilisation des entreprises publiques, des instituteurs, des collectivités locales et des hôpitaux. La valeur locative de ce parc est estimée à 1,4 milliard d'euros, alors que le total des redevances perçues par l'État ne dépasse pas 30 millions d'euros. Près de 20 % du parc de logements de fonction des ministères de la Culture, de l'Économie et de la Justice sont vacants.

Les ministères se comportent en quasi-propriétaires. Les auditions effectuées par la MEC ont montré qu'ils ne connaissaient exactement ni les surfaces occupées ni les coûts de leur immobilier, du fait de l'absence de comptabilité analytique et de contrôle de gestion. La professionnalisation des personnels liés à l'immobilier est insuffisante. Les ministères ont tendance à acquérir toujours plus d'immeubles, et les opérations de cessions, quand elles existent, génèrent un coût de réimplantation des services supérieur aux produits et des surfaces occupées plus étendues. Les ministères ne se remettent pas en cause et les cessions marquent le pas.

L'opacité des procédures a été constatée au Ministère de la Culture, avec ses nombreux établissements publics, au Ministère de la Défense, avec la Mission de réalisation des actifs immobiliers (MRAI), et au Ministère de l'Équipement, où pas moins de sept directions s'occupent d'immobilier... Dans ce dernier ministère, le rapport « Pommelet » d'octobre 2003 avait indiqué que 3 millions de m2 pouvaient être cédés à court terme par le ministère et la SNCF, RFF et la RATP afin de contribuer à la construction de logements sociaux en Île-de-France. En 2004, seulement 120.000 m2 ont été vendus pour un montant de 37 millions d'euros... À l'opposé, grâce à une forte volonté politique, les voies du Pont Cardinet ont été libérées rapidement dans le cadre de la candidature de Paris aux Jeux Olympiques.

Partant de ce constat, la MEC a alors fait des propositions dont le point central est la nécessité d'instaurer un pilotage politique de la fonction immobilière de l'État. Pour ce faire, deux solutions ont, un temps, été étudiées : une agence centrale immobilière, telle que préconisée dans le rapport Debains, mais qui ne correspond pas au contexte administratif et politique français ; un organisme rattaché au Premier ministre, qui n'a cependant pas vocation à gérer de façon opérationnelle. La solution préconisée la plus réaliste serait alors que le Ministre en charge du Budget s'occupe directement de ce dossier, et soit assisté pour ce faire d'un « conseil de pilotage » pour lui faire des propositions et contrôler la mise en œuvre des décisions prises. Ce conseil serait composé de quatre parlementaires : un membre de la majorité et un membre de l'opposition dans chaque assemblée, de membres des corps de contrôle, des grandes administrations et de personnalités qualifiées publiques et venant des milieux professionnels. Ce conseil reprendrait les compétences de la MIVPIE et de tous les autres comités interministériels en charge de l'immobilier, qui auraient donc vocation à disparaître.

Son bras séculier serait un service des Domaines entièrement rénové, constitué sur la base d'un « service à compétence nationale » et dont la composition serait professionnalisée par l'adjonction d'experts venant du secteur privé. Il s'appuierait notamment sur les moyens opérationnels et les compétences professionnelles de la Caisse des dépôts. Ce dispositif se réaliserait sans création de structure, de locaux ou de poste de fonctionnaire. Parallèlement, les ministères centraliseraient la fonction immobilière au sein d'une direction immobilière unique. De même les préfets exerceraient leur rôle de gestion de l'immobilier de l'État dans leur ressort géographique.

Les ministères devront être responsabilisés à la gestion et aux coûts de l'immobilier par l'élaboration d'une comptabilité analytique et par l'instauration de loyers, qu'ils pourraient conserver, à titre expérimental, pendant un an en cas d'économie. Ils seraient intéressés aux cessions par un mécanisme de retour permettant de dresser un bilan global d'une opération et devant réserver 15 % du produit de la cession au désendettement de l'État. Un compte spécial devrait être créé à cet effet, et ces répartitions devraient être garanties dans la prochaine loi de finances.

Le travail d'actualisation et de fiabilisation du TGPE devrait être poursuivi et le bilan patrimonial de l'État devrait contenir une annexe décrivant les biens immobiliers des opérateurs publics.

Pour les logements de fonction, qui ne sont actuellement gérés ni par la MIVPIE ni par les Domaines, la MEC fait siennes les conclusions du rapport de l'Inspection générale des finances, notamment sur la simplification et le respect des règles en matière d'attribution et de contraintes, la mise en règle avec les obligations sociales et fiscales et l'abandon de la référence à la loi de 1948 pour l'établissement des loyers. Il conviendrait en outre de revendre immédiatement les logements de fonction situés dans des immeubles banalisés et de soumettre les logements de fonction des ministres aux règles de droit commun.

Enfin, il faudrait instaurer une plus grande transparence de la gestion immobilière des ministères, favoriser diverses formes d'externalisation comme la maintenance intégrée, les partenariats publics-privés ou le crédit-bail et inviter les Rapporteurs spéciaux à insérer dans leurs questionnaires budgétaires des questions communes sur l'immobilier.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que les mesures proposées dans le cadre de ce travail approfondi devaient être mises en œuvre rapidement.

Après avoir rappelé que si les entreprises étaient gérées comme l'État, beaucoup auraient disparu, le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'il était temps de passer aux actes en matière de gestion immobilière de l'État.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé que la circulaire d'Edith Cresson date de plus de 10 ans.

M. Yves Deniaud, Président de la MEC, s'est étonné des réactions de personnes se sentant attaquées par la MEC. Si les questions posées ont été incisives, aucune mise en cause personnelle ne peut être relevée. Les auditions se sont toutes déroulées dans un climat de courtoisie. Les parlementaires ont, simplement, fait leur travail. Il y a d'énormes distorsions parmi les chiffres que la mission a pu collecter. S'agissant du volume des cessions réalisées en 2004, le premier chiffre fourni était de 75 millions d'euros. Ce chiffre a grossi pour atteindre finalement 280 millions d'euros, sans pour autant que cette évaluation puisse être certaine. De même, l'Inspection générale des finances a avancé un chiffrage du nombre de logements de fonction, alors que les Domaines estiment n'être en mesure que de chiffrer le nombre de fonctionnaires logés. Il n'est pas acceptable que l'État n'ait pas une vision claire de ce qu'il possède. On estime aujourd'hui son patrimoine à 28.000 immeubles, d'une valeur de 33 milliards d'euros, avec une marge d'incertitude de 10 %. En outre, ce chiffre n'inclut pas les biens possédés par les établissements publics, au nombre de plus de 30.000. De plus, les Monuments historiques relèvent d'une logique spécifique.

Après avoir rappelé que le groupe socialiste était parfaitement d'accord avec les orientations de ce rapport, M. Jean-Louis Dumont a déploré que l'État ne connaisse pas le périmètre et la valeur de son patrimoine. Les deux établissements publics de l'État que sont la SNCF et RFF, pourtant placés sous la tutelle directe d'un ministre, n'ont toujours pas réussi à délimiter leurs patrimoines respectifs depuis 10 ans. Ce genre d'attitude illustre également une forme de mépris à l'égard des parlementaires. Ce rapport doit être l'occasion pour le Parlement de réaffirmer sa capacité à définir les grandes orientations qui s'appliquent à l'État et à ses établissements publics. Alors que les actions entreprises par M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, tentent d'initier une politique de construction de logements sociaux, RFF a lancé un concours d'idées avec dix organismes privés, dont un seul peut être qualité d'opérateur social, ce qui est choquant.

Les lois de décentralisation ne sont pas accompagnées d'un transfert de biens immobiliers correspondant aux compétences accordées aux collectivités territoriales. Il eût été plus adapté de transférer ces immeubles par le biais de baux emphytéotiques. Le rattachement des services chargés de l'immobilier au ministère chargé du Budget a fait l'objet d'un débat, mais l'objectif le plus important consiste à assurer la coordination de ces actions et éviter de nouvelles structures mal agencées. Si le groupe socialiste votera pour la publication de ce rapport, il convient que les rapporteurs spéciaux assurent le suivi des préconisations qui y sont formulées.

M. Augustin Bonrepaux, Président de la MEC, s'est félicité des résultats concrets des travaux de la MEC cette année. Le rapport relatif aux normes des installations sportives était particulièrement attendu par les élus locaux. Le rapport relatif à la mise en œuvre du droit d'asile, qui a tenu compte des remarques formulées par le groupe socialiste, est approuvé par ce même groupe. Enfin, le rapport présenté par M. Georges Tron montre que la gestion du patrimoine de l'État est pour le moins désordonnée. Ce rapport doit permettre d'en améliorer l'efficacité. Si, l'an dernier, les travaux de la MEC pouvaient être critiquables, cette année la Mission a fait preuve de responsabilité dans la recherche de l'intérêt général. Il est donc envisageable que, l'an prochain, la MEC s'intéresse par exemple au financement de la Défense.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a insisté sur la qualité des propositions formulées sur un sujet laissé en jachère depuis une décennie. Le pragmatisme du Rapporteur doit être salué. Plusieurs pistes ont été explorées, tout au long des auditions de la MEC, à commencer par la création d'une agence unique de gestion de l'immobilier de l'État, ou bien propre à chaque ministère. La piste de l'externalisation a également été étudiée. Finalement, la proposition faite consiste à recommander une profonde rénovation du service des Domaines. Avant la guerre, il était un service majeur de l'État. Aujourd'hui, il est cantonné à un rôle notarial. Si l'on veut des résultats concrets et rapides, la proposition du Rapporteur est la plus lucide. En outre, la fusion du ministère du Budget avec celui chargé de la Réforme de l'État doit être un atout. La création d'un service à compétence nationale ne signifie pas que l'on va transférer les Domaines de la Direction générale des impôts vers la Direction générale de la comptabilité publique. Pour assurer la réussite de cette réforme, il faut un comité de pilotage, le recours à des compétences extérieures à l'administration, ainsi que l'élaboration d'une doctrine permettant de passer d'une logique d'affectations de locaux à un système d'occupation contractuelle de ceux-ci. Le travail de la MEC est particulièrement utile, car directement opérationnel. Il conviendra cependant de s'assurer de la mise en œuvre concrète de ces propositions.

M. Charles de Courson a jugé intéressante la proposition tendant à instaurer des loyers d'occupation. Il convient en effet de centraliser la gestion immobilière et de faire payer un loyer aux services qui occupent les locaux, dans le cadre d'une comptabilité analytique. Il faut tout de même se poser la question de l'identité de l'organisme qui sera en charge de l'entretien des locaux. De plus, cette proposition doit reposer sur un système de facturation interne à l'État, qui est aujourd'hui inexistant.

Après avoir rappelé que si un consensus a pu se dégager au sein de la MEC, c'est parce que tous ses membres sont d'accord sur les objectifs et ne considèrent pas qu'il s'agissait de combler à court terme les déficits abyssaux de l'État, M. Jean-Pierre Brard a estimé que le consensus devait également être recherché avec les fonctionnaires de l'État, s'agissant des transferts de localisation des services. Le coût d'entretien des monuments historiques est évidemment hors marché, car l'Histoire a son prix. L'attribution des logements de fonction débouche parfois sur des rentes de situation. Afin d'éviter que ne se reconstituent des privilèges, pourtant abolis le 4 août 1789, il convient de réexaminer régulièrement le bien fondé de ces logements.

M. Pascal Terrasse a souligné le problème particulier que pose dans notre pays la gestion des immeubles classés ou inscrits à l'inventaire des monuments historiques. Celle-ci comporte des contraintes spécifiques comme, notamment, l'obligation de recourir à des architectes ou des entreprises agréés. Elle est également confrontée à des difficultés en matière de respect des normes de sécurité et d'accessibilité pour les handicapés. Plus largement, la gestion de l'immobilier de l'État doit être plus efficiente - en particulier s'agissant des cessions -et devra régler des problèmes tels que celui de l'amiante, comme à Jussieu par exemple. Pour les immeubles que l'État aura du mal à désamianter, se pose le problème de destruction, afin de mieux reconstruire ailleurs. Cela permettrait de réduire le coût de l'immobilier et d'assurer une meilleure gestion. Par ailleurs, la politique de déconcentration immobilière, lancée par Mme Edith Cresson lorsqu'elle était Premier ministre, mériterait d'être poursuivie.

M. Michel Bouvard, Président, a estimé que ce rapport illustre la grande opacité caractérisant la gestion des opérateurs publics, comme c'est aussi le cas, ainsi que l'a montré la Cour des comptes, en matière de gestion des effectifs et de logements de fonction. L'arbitrage selon lequel chaque ministère doit assurer l'entretien des monuments historiques relevant de son champ d'activité a été rendu lorsque Georges Pompidou était Premier ministre. Il convient de réfléchir sur le coût d'entretien de ces bâtiments et de neutraliser, pour les administrations, les contraintes spécifiques qui leur sont liées. Cela n'empêche pas pour autant d'évaluer le coût supplémentaire correspondant.

M. Georges Tron, Rapporteur de la MEC, a apporté les éléments de réponse suivants :

- tous les interlocuteurs de la Mission ont insisté sur l'urgence d'agir, liée à la fois à la dégradation de la situation et à l'opportunité, tant en termes de valeurs que de taux. Comme l'a rappelé devant lui un dirigeant de BNP-Paribas-Immobilier, « la France a entre dix et quinze ans de retard » ;

- au-delà de la gestion immobilière de l'État, c'est sur le comportement général de l'administration qu'il convient désormais de s'interroger. En témoigne notamment l'effervescence suscitée par la Mission - considérée parfois comme un « tribunal d'inquisition », alors qu'elle cherchait seulement à faire la lumière sur le sujet ;

- les observations formulées par M. Jean-Louis Dumont en matière de décentralisation sont justes. Par ailleurs, si la question du rattachement au Premier ministre est théoriquement pertinente, elle présente l'inconvénient, compte tenu du nombre d'instances interministérielles placées sous l'autorité du Premier ministre, de redonner en pratique aux ministères les compétences que l'on veut précisément centraliser et harmoniser ;

- concernant le service des Domaines, qui devrait constituer le bras séculier de la gestion immobilière de l'État, la question n'est pas de savoir à quelle direction il doit être rattaché, mais comment en réformer l'organisation et le fonctionnement, afin qu'il s'ouvre, se modernise et rende compte au futur comité de pilotage ;

- le suivi des rapports de la MEC, comme ceux de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des finances, devrait être obligatoire. D'ailleurs, le présent rapport s'appuie sur nombre de conclusions figurant dans de précédents rapports de la Cour des comptes et de l'Inspection générale des finances ;

- le ministère chargé de l'Économie travaille actuellement à l'élaboration d'une méthodologie commune de répartition des dépenses immobilières entre les programmes budgétaires. La règle générale consisterait à répartir le maximum de dépenses entre les différents programmes pour constituer des politiques publiques « à coût complet ». Mais on peut, dans un premier temps, envisager des actions de soutien grâce à la passation de conventions, comme le permet d'ailleurs la loi organique relative aux lois de finances ;

- la représentation de délégués du personnel des ministères au sein du comité de pilotage pourrait effectivement être utilement prévue ;

- la gestion des monuments historiques doit naturellement faire l'objet d'un régime spécifique, ainsi d'ailleurs que le propose le rapport ;

- s'agissant des logements de fonction, il convient non seulement d'en connaître le nombre, mais de les soumettre à des règles claires et, dans la plupart des cas, de se rapprocher du droit commun ;

- l'implantation géographique des sites doit être effectivement améliorée. Le comité de pilotage pourrait à cet égard constituer une force d'impulsion stratégique.

La commission des Finances a adopté les conclusions de la MEC et autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport.

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Puis la Commission a procédé, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, à l'examen de la proposition de résolution (n° 2441) de M. Marc Laffineur, Rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne, sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2006 (E 2902).

En préambule, le Rapporteur général a rappelé que la proposition de résolution a une portée financière indirecte non négligeable puisqu'elle touche, in fine, à un prélèvement sur recettes au profit de la Communauté européenne évalué à 16,5 milliards d'euros en 2005.

Depuis 14 ans, la Délégation pour l'Union européenne dépose une proposition de résolution sur l'avant-projet de budget présenté par la Commission européenne. En application de l'article 88-4 de la Constitution, la Commission examine puis, le cas échéant, adopte la proposition de résolution. Celle-ci devient définitive dans un délai de 8 jours suivant la distribution du rapport de la Commission si aucune demande d'inscription à l'ordre du jour n'a été présentée. Cela n'a d'ailleurs jusqu'ici jamais été le cas.

Si l'Assemblée nationale veut faire utilement connaître ses observations au Gouvernement, il faut que ce processus s'articule avec le calendrier budgétaire communautaire, plus précoce que le calendrier national. A cet égard, l'examen de l'article du projet de loi de finances autorisant le prélèvement sur recettes au profit des Communautés intervient trop tard pour modifier substantiellement les choix financiers européens.

Le Rapporteur général a remarqué que les débats portent moins cette année sur le budget communautaire pour 2006 lui-même qui, en raison de sa situation en fin de la programmation 2000-2006, consiste essentiellement à « solder » les engagements réalisés dans le passé et à financer la montée en charge des dépenses au bénéfice des pays de l'élargissement.

L'avant-projet de budget propose en effet la mobilisation des moyens prévus dans la programmation 2000-2006. A cette fin, les crédits d'engagement, à 121 milliards d'euros, conserveraient une croissance soutenue (+ 4,0% après + 5,2% en 2005 et + 11,6% en 2004), au bénéfice quasi exclusif des nouveaux États membres, conformément aux conclusions du Conseil européen de Copenhague de décembre 2002 qui avait prévu des dotations aux pays de l'élargissement atteignant 45 milliards d'euros en trois étapes (2004, 2005 et 2006). Ainsi, les fonds structurels dans les pays de l'élargissement progressent de 30% pour atteindre 10 milliards d'euros, tandis que les aides agricoles directes au bénéfice de leurs agriculteurs représentent désormais 35% des paiements dont bénéficient les agriculteurs de l'UE à 15.

Dans le même esprit, les crédits de paiement, à 113 milliards d'euros (soit 1,02% du revenu national brut - RNB) progressent fortement (+ 5,9%). La hausse de 6,7 milliards d'euros des dépenses effectives s'expliquerait pour 3,2 milliards d'euros, par la « liquidation » des engagements au titre des fonds structurels, la période de programmation 2000-2006 arrivant à son terme, ce qui impose un effort soutenu de consommation des crédits pour éviter d'accumuler un « reste à liquider » (le fameux « RAL » dans la terminologie européenne) excessif pesant sur la prochaine programmation. Elle s'expliquerait pour 2,2 milliards d'euros par un ressaut de paiements agricoles, dont 1,7 milliard d'euros liés à la deuxième étape de la mise en œuvre de la réforme 2003 de la politique agricole commune (qui a pour objet, comme le savent en particulier les députés élus dans des circonscriptions rurales, de substituer progressivement aux compensations accordées au moyen de la définition d'un prix d'intervention dans le secteur du lait des paiements directs, souvent « découplés » de la production effective). Elle s'expliquerait pour 0,9 milliard d'euros par une hausse des dépenses au titre des politiques internes, une priorité bienvenue étant accordée à la recherche dont la dotation, en progressant de 250 millions d'euros (+ 5%) devrait atteindre 5,3 milliards d'euros, le « saupoudrage » de crédits dans de nombreuses micro-politiques à l'efficacité douteuse n'étant, de façon moins opportune, guère interrompu. Cette hausse s'expliquerait enfin, pour 0,4 milliard d'euros, par une progression des dépenses administratives liées aux recrutements rendus nécessaires par l'élargissement, en particulier s'agissant des emplois de traducteurs (les effectifs de la Commission européenne progresseraient de 700 postes). Il faut à cet égard rappeler que la Commission européenne fait preuve d'un usage modéré et équilibré des ressources humaines.

Le Rapporteur général a ensuite abordé la question des négociations relatives aux perspectives financières 2007-2013 qui encadreront les budgets annuels de cette période en déterminant un plafond annuel global de dépense (en crédits de paiement) et des plafonds annuels particuliers pour chaque rubrique du budget (en crédits d'engagement). Compte tenu des nombreuses discussions qui ont déjà eu lieu, en particulier au sein de la Commission à l'occasion de l'adoption de la résolution n° TA 455, à l'initiative de MM. René André et Marc Laffineur, lors de sa réunion du 15 juin 2005, durant laquelle la majorité a notamment réaffirmé son attachement à la préservation de la politique agricole commune et au respect des engagements pris à l'automne 2002 sur son évolution à moyen terme, le Rapporteur général a limité son propos à deux éléments décisifs qui mettent en évidence la responsabilité et l'équilibre de la position soutenue par la France.

Le Rapporteur Général a d'abord souligné l'incompatibilité d'une inflation des dépenses communautaires avec l'assainissement structurel des finances publiques auquel s'astreignent de nombreux États membres, en particulier la France. Dans la mesure où l'Europe ne s'est pas encore entendue pour financer de nouvelles missions, rien ne peut justifier d'abandonner le plafonnement du budget communautaire à 1% du revenu national brut, niveau qui autorise tout de même une progression en volume de 1,6% par an des crédits d'engagements et même de 3,2% par an des paiements, ce qui apparaît très généreux, en particulier lorsqu'on rapproche ces chiffres de la norme du gel de la dépense que s'est imposée depuis 3 ans l'État en France. La proposition de la Commission européenne de porter le plafond des dépenses à 1,24% du RNB (en engagements) et à 1,14% (en paiements) ne peut dès lors être retenue sans risque majeur pour les finances publiques des États membres. Il faut d'ailleurs rappeler l'acuité de l'enjeu pour la France. Même en plafonnant le budget à 1% et en conservant le système de financement tel qu'il existe aujourd'hui, le coût de l'élargissement ne sera « absorbé » qu'en 2008, année durant laquelle l'essentiel des crédits d'engagements accordés aux dix nouveaux États membres seront couverts par les crédits de paiements qui leur correspondent. La contribution française au financement du budget européen passera dès lors, à cette date, à 20,5 milliards d'euros au lieu de 16,5 milliards d'euros aujourd'hui, pour se stabiliser ensuite autour de 18,5 milliards d'euros. En revanche, si les propositions de la Commission européenne l'emportaient, la contribution française atteindrait 23,5 milliards d'euros, soit 5 milliards d'euros de plus par an. Ces chiffres montrent bien le caractère crucial de cette question.

Le Rapporteur général a ensuite considéré que les débats récurrents sur le « rabais britannique » ne doivent pas faire perdre de vue l'essentiel : la correction dont bénéficie ce pays rend inéquitable le financement du budget européen. Ainsi, la France, qui représente 17% du PIB européen, assume 18% du financement du budget, tandis que le Royaume-Uni, dont la part dans le PIB dépasse 18%, ne contribue qu'à hauteur de 13% à la charge commune. En raison des « rabais sur le rabais » accordés au cours des années à certains États membres, la France finance aujourd'hui le tiers du coût du « chèque britannique ». Chaque année, elle dépense à ce titre 1,5 milliard d'euros des 5 milliards d'euros que coûte la correction britannique.

La Commission a ensuite procédé à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

M. François Scellier s'est interrogé sur la terminologie brutale du dernier alinéa (6) de la proposition de résolution qui dispose que l'Assemblée nationale « s'oppose » à toute réduction des dépenses agricoles.

M. Charles de Courson a douté de la portée réelle de cet alinéa en estimant que les dépenses agricoles sont des « dépenses obligatoires » dans la nomenclature européenne, qui découlent obligatoirement du traité ou des actes arrêtés en vertu de celui-ci et sur lesquelles les autorités européennes n'ont guère de marges de négociation ou d'amendement.

Le Rapporteur général a précisé, d'une part, que la notion de « dépenses obligatoires » a pour objet de confier au Conseil une compétence décisionnelle exclusive à leur sujet. Cela signifie simplement que le Conseil décide en dernier lieu du niveau de ces dépenses, quelle que soit l'opinion du Parlement. Les dépenses n'en sont pas pour autant figées dans la procédure budgétaire. Ensuite, au sein des dépenses agricoles, seules celles au titre du FEOGA-garantie, qui mobilise l'essentiel des crédits du premier pilier de la politique agricole commune, sont des « dépenses obligatoires ». En revanche, toutes les autres dépenses agricoles, en particulier celles relatives au développement rural qui représentent près de 8 milliards d'euros dans le budget européen, n'appartiennent pas à cette catégorie.

Le Président Pierre Méhaignerie a suggéré de clarifier cet alinéa de la proposition de résolution en substituant aux termes « toute réduction » des dépenses agricoles à laquelle s'opposerait l'Assemblée nationale dans la résolution les termes « une remise en cause », qui montrent clairement l'attachement de la Commission au maintien de la politique agricole commune et au respect des engagements pris à son propos en 2002.

La Commission a adopté cet amendement.

M. Didier Migaud a regretté que la proposition de résolution, qu'il a jugé terne, sans saveur et témoignant d'une absence totale de volonté, trahisse, comme trop fréquemment, une excessive timidité du Parlement dont la majorité ne parvient pas à peser réellement sur les choix européens pris par le Gouvernement. Il a rappelé que l'opposition regrette fermement la position du Président de la République dans les négociations relatives aux perspectives financières, avec en particulier un attachement dogmatique et à courte vue sur un plafonnement à 1,0% des dépenses européennes qui est manifestement contradictoire avec notre devoir de solidarité à l'égard des pays de l'élargissement et avec le financement d'une politique volontariste et efficace de croissance au niveau européen, laquelle implique à tout le moins un effort de mobilisation pour la recherche et la mise en œuvre d'une politique de grands travaux. Il est déplorable que la Représentation nationale ne se saisisse pas d'un débat de cette ampleur.

Le Rapporteur général a rappelé que l'Assemblée nationale s'est saisie des perspectives financières 2007-2013 au travers des débats ayant abouti à l'adoption de la résolution n° TA 455, à l'initiative de MM. René André et Marc Laffineur, et à l'occasion de la discussion organisée le 15 juin 2005, en séance publique, après une déclaration du Gouvernement sur le Conseil européen de Bruxelles.

M. Charles de Courson s'est interrogé sur les positions exprimées sur l'avant-projet de budget pour 2006 par les groupes politiques du Parlement européen.

Le Rapporteur général a observé que ces positions ne peuvent être connues avant que le Parlement européen ne débute l'examen du budget en septembre prochain.

La Commission a adopté l'article unique ainsi modifié de la proposition de résolution.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a désigné, pour siéger à une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie (n° 2249) :

- MM. Gilles Carrez, Philippe Houillon, Philippe Auberger, Richard Mallié, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Tony Dreyfus, Jean-Pierre Balligand, comme candidats titulaires ;

- MM. Guy Geoffroy, Jean-Jacques Descamps, Jean-Michel Dubernard, Yves Deniaud, Jean Launay, Charles de Courson, comme candidats suppléants.

Elle a également nommé :

M. Gilles Carrez, Rapporteur sur la proposition de résolution de la Délégation pour l'Union européenne sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2006 (n° 2441).

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