COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 71

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 septembre 2005
(Séance de 12 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de MM. Thierry Breton, Ministre de l'Économie, des finances et de l'industrie, et Jean-François Copé, Ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, Porte parole du Gouvernement, sur le projet de loi de finances pour 2006

- Informations relatives à la Commission

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Le Président Pierre Méhaignerie a souligné l'envoi, avec quelques heures d'avance, du dossier de presse relatif au projet de loi de finances pour 2006.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a rappelé que le budget 2005 avait été bâti sur l'hypothèse d'une progression de 2,5 % du PIB ; entre-temps, le prix du baril de pétrole a presque doublé, si bien que l'objectif de croissance a dû être ramené entre 1,5 et 2 %, ce qui s'est avéré réaliste. Depuis quelques mois, cependant, divers éléments donnent à penser qu'une amélioration de la conjoncture, non seulement en France mais dans la plupart des pays d'Europe, s'est enclenchée : la consommation a crû de 1,2% en juillet et de 1,5 % en août, ce qui ne s'était pas vu depuis cinq ans ; l'inflation reste contenue à 1,8 % ; l'investissement connaîtra en 2005 son meilleur niveau depuis 2000, et les 7 milliards d'euros de dotations en capital à l'AFITF, à l'ANR, à l'AII - qui atteindront 10 milliards en 2006 -devraient avoir un effet de levier non négligeable, que l'on peut estimer à un peu plus d'un demi-point de PIB.

Les hypothèses sur lesquelles est fondé le projet de loi de finances pour 2006 sont réalistes, et intègrent l'impact attendu de la politique économique du Gouvernement, notamment du plan de cohésion sociale, qui stimulera la consommation. La croissance anticipée étant comprise entre 2 et 2,5 %, il paraît raisonnable de retenir le point médian.

L'exécution budgétaire 2005 se soldera par un déficit public ramené à 3 % du PIB au lieu de 3,6 % en 2004, grâce au train de mesures de régulation budgétaire prises par le Gouvernement pour un montant total de 4 milliards d'euros, grâce aussi à la bonne tenue des recettes de l'impôt sur les sociétés, qui n'auront baissé cette année que de 2 milliards d'euros au lieu des 4 milliards redoutés, grâce enfin aux premiers effets de la réforme de l'assurance maladie.

L'ambition pour 2006 est claire : ramener le déficit en dessous de 3 %, soit à 2,9%. Ce sera difficile : il n'y aura plus la soulte d'EDF, les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales augmenteront de 3 milliards, et la CADES cessera son versement de 3 milliards au budget général, soit, au total, quelque 14 milliards à compenser. Les recettes fiscales et sociales devraient toutefois bénéficier de la croissance, car le second semestre 2005 et l'année 2006 s'annoncent meilleurs, tant en France qu'en Europe. Quant aux dépenses de l'Etat, elles sont stabilisées en volume pour la quatrième année consécutive. La réforme de l'assurance maladie aura permis de ralentir d'un point de PIB la croissance annuelle des dépenses de santé. Les dépenses des collectivités locales, en revanche, continuent de progresser au rythme de 3% l'an, ce qui constitue un motif de préoccupations.

Les deux scénarii de finances publiques à l'horizon 2009, que le Gouvernement transmettra à la Commission européenne à la fin de l'année visent l'un et l'autre, en matière d'évolution des dépenses de l'Etat, le « zéro volume », l'objectif étant d'atteindre, à terme, le « zéro valeur », c'est-à-dire le simple maintien en euros courants et non plus constants. Selon que la croissance sera, sur la période 2006-2009, de 3 % par an - premier scénario - ou de 2,25 % seulement - deuxième scénario, le déficit budgétaire sera soit résorbé totalement, soit ramené à 1,5 % du PIB. La préférence du Gouvernement va naturellement au premier scénario.

Le projet de loi de finances pour 2006 comporte deux réformes fiscales majeures. La première a trait à l'imposition des personnes : à compter de l'imposition des revenus de 2006, aucun contribuable ne pourra plus être taxé, au titre des impôts directs, de plus de 60 % de son revenu, disposition qui bénéficiera, dans près de 90 % des cas, à des contribuables en grande difficulté, dont de nombreuses victimes d'accidents de la vie, qui se trouvent actuellement devoir payer plus qu'ils ne gagnent ; autres décisions très attendues, le barème de l'impôt sur le revenu est lui-même revu et simplifié, la prime pour l'emploi est augmentée, modulée et mensualisée. La seconde concerne l'imposition locale des entreprises : afin de parer au risque de délocalisation tout en responsabilisant les collectivités locales, garantie est donnée aux entreprises que leur taxe professionnelle ne pourra dépasser 3,5 % de leur valeur ajoutée, et les investissements nouveaux seront en partie dégrevés, de sorte que l'investissement ne soit plus taxé avant même d'avoir commencé à produire de la valeur.

S'agissant des dépenses de l'Etat, les priorités retenues l'ont été en fonction de trois préoccupations : mobiliser toutes les marges de manœuvre, soit les 4 milliards d'euros du plan de cohésion sociale, au bénéfice de l'emploi ; préparer la France aux défis de l'avenir en renforçant son potentiel de recherche et en consolidant son avantage comparatif en matière d'infrastructures ; consolider les fonctions régaliennes de l'Etat. Ces priorités ont été financées dans un esprit de responsabilité, en redéployant les crédits. Le budget continue ainsi de ne pas progresser plus vite que l'inflation, et l'évolution vers le « zéro volume » est amorcée ; or, un point de dépenses en moins, c'est 3 milliards d'euros de marge de manœuvre en plus, soit presque le montant de la réforme en cours de l'impôt sur le revenu.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, a souligné que le budget 2006 ne ressemble à aucun des précédents, du fait même qu'il est le premier auquel s'applique la LOLF. Le « bleu » budgétaire est mort, bienvenue au projet annuel de performance (PAP) ! Au lieu d'être présenté ministère par ministère, dans une logique de moyens, le budget l'est désormais dans une logique de transparence et de performance, par politiques publiques, se déclinant en missions et programmes, avec pour chaque programme des objectifs et des indicateurs de performance.

La transparence, c'est d'abord de disposer de documents faciles à lire et à comprendre, comportant les effectifs réels, ministère par ministère, et programme par programme ; le tableau de financement de l'Etat, inséré dans l'article d'équilibre ; le plafond de variation nette des emprunts négociables pour l'année à venir, soit 41 milliards, le pourcentage, enfin, des crédits destinés à être mis en réserve au cours de l'exercice, fixé à 2 % pour 2006 - soit 4 milliards d'euros, c'est-à-dire la moitié des mises en réserve pratiquées en 2005 - , mais 5 % pour les crédits hors rémunérations, soit une tranche ferme de 95 %, dès le 1er janvier.

La performance se trouve inscrite pour la première fois au cœur de la procédure budgétaire. Sur chacune des grandes missions de l'Etat, apparaîtront les objectifs que se seront fixés les ministres pour l'année à venir et les indicateurs de performance permettant de juger s'ils ont été atteints : s'agissant par exemple de l'objectif « accroître la sécurité sur les routes », un ratio rapportera aux euros investis le nombre de vies épargnées par les aménagements de sécurité ; s'agissant de l'objectif « conduire tous les élèves à la maîtrise des compétences de base exigibles en fin de primaire », un indicateur mesurera le pourcentage d'élèves maîtrisant le socle commun de connaissances à l'entrée en 6; s'agissant de l'objectif « permettre le retour à l'emploi des chômeurs », il s'agira du taux d'insertion dans un emploi durable des bénéficiaires de contrats aidés dans le cadre de la loi de cohésion sociale.

Le rapprochement du Budget et de la Réforme de l'Etat permettra, avec l'entrée en vigueur de la LOLF, d'aller plus loin encore dans cette logique de performance. Dès le 1er janvier 2006, la direction générale de la modernisation de l'Etat sera en place, au lieu des quatre administrations actuellement en charge de la réforme de l'Etat. Une première vague d'audits sera lancée dès le mois d'octobre, tous les deux mois un service ou une mission sera « audité ».

Sur le fond, le budget pour 2006 met en œuvre les engagements pris par le Premier ministre pour fonder la croissance sociale. La première des priorités est de gagner la bataille de l'emploi, à laquelle sont consacrées 100 % des marges de manœuvre. La deuxième est de préparer la France aux défis de l'avenir, en encourageant la recherche, l'innovation et les grands investissements d'infrastructures. La troisième priorité est de restaurer l'Etat dans ses fonctions régaliennes, en honorant notamment les engagements pris avec les lois de programmation pour la sécurité, la justice et la défense.

La loi de finances pour 2006 met également en œuvre deux réformes majeures, trop longtemps différées malgré le très grand nombre de rapports et de colloques qui leur ont été consacrés : celle de l'imposition des personnes et celle de l'imposition locale des entreprises. Les dispositions en ont déjà été largement explicitées, qu'il s'agisse de la refonte du barème de l'impôt sur le revenu, de l'augmentation massive de la prime pour l'emploi, ou encore du double plafonnement de l'impôt direct et du gain total procuré par les diverses niches fiscales. La situation des finances locales, en revanche, est source de préoccupations, de par la dérive des dépenses constatée depuis quelques années, et qui entraîne une dérive de la pression fiscale ; or, une entreprise dont la taxe professionnelle atteint 10 % de sa valeur ajoutée, comme c'est parfois le cas, risque d'être tentée de se délocaliser. Il convient, pour parer à ce risque, de responsabiliser davantage les collectivités locales. Le déficit du budget de l'Etat s'est stabilisé, en 2005, à 46,8 milliards d'euros, alors même qu'il a fallu absorber l'augmentation de dépenses incompressibles telles que les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales, ainsi que la cessation du versement de la CADES. Il y a donc quelques raisons de « mettre sur le tapis », sans tabou aucun, l'ensemble des dépenses publiques - Etat, administrations locales organismes de sécurité sociale, et c'est pourquoi le Gouvernement a proposé la tenue d'une Conférence des finances publiques.

M. Gilles Carrez, rapporteur général, a relevé, pour s'en féliciter, que, pour la quatrième année consécutive, les dépenses n'augmentent pas au-delà de l'inflation : une telle continuité ne s'était jamais vue depuis cinquante ans ! Malgré cela, et malgré la pause opérée en 2005 quant aux baisses d'impôts, le déficit prévu en 2006 sera supérieur au déficit d'exécution de 2004, qui était de 43,9 milliards d'euros, et le sera sans doute aussi à celui de 2005, évalué à 45,2 milliards d'euros.

Cependant la persistance d'un déficit primaire, et le fait que ce déficit serve, à hauteur d'une quinzaine de milliards d'euros, à financer des dépenses de fonctionnement ne sont pas satisfaisants. On peut, certes, se féliciter que la progression de la dette soit ralentie, mais pour seulement stabiliser l'endettement de l'Etat, et arrêter l'effet de boule de neige créé par l'accumulation ininterrompue des déficits depuis 1981, il faudrait ramener le déficit de l'Etat à 35 milliards environ. Le Gouvernement confirme-t-il ce chiffre ?

La réforme de l'impôt sur le revenu, qui doit intervenir à l'horizon 2007-2008, est très positive. Elle ne s'est fait que trop attendre. Au-delà de la louable simplification qu'elle constitue, elle sert la justice fiscale, car elle bénéficiera surtout aux classes moyennes, bien davantage, au demeurant, que la précédente baisse de l'impôt sur le revenu, d'un montant de 6 milliards, opérée par Laurent Fabius en 2000-2001. Quant à la forte revalorisation de la prime pour l'emploi, elle constitue une très nette incitation au travail.

La réforme de la taxe professionnelle, désormais plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée, était indispensable : comment parler d'attractivité du territoire tout en maintenant, par endroits, des taux dissuasifs ? Ceux qui s'inquiètent de la compensation méconnaissent l'effort gigantesque consenti à cette fin par l'Etat, et qui s'élève à plus de 5 milliards, dont 2,8 milliards au titre du dégrèvement des investissements nouveaux.

S'agissant des recettes fiscales, il faut savoir qu'une croissance comprise entre 2 et 2,5 %, comme celle prévue en 2006, représente une dizaine de milliards d'euros de recettes supplémentaires spontanées. Étant donné que l'inflation génère, inversement, quelque 5 milliards de dépenses supplémentaires, la marge de manœuvre dégagée par la croissance attendue sera, elle aussi, de 5 milliards d'euros environ, qui devront être affectés en partie à la réduction de l'endettement et en partie à celle du déficit. Si l'on veut dégager des marges supplémentaires, il faudra donc aller plus loin vers le « zéro volume », c'est-à-dire reconduire en euros courants, voire réduire certains postes de dépenses. Les pays scandinaves, qui sont et restent les temples européens de l'Etat-providence, ont su, confrontés à une grave crise de leurs finances publiques il y a une dizaine d'année, se réformer, gérer mieux avec moins de moyens.

Le transfert à l'ACOSS de certaines recettes en compensation de l'allégement des charges, telles la taxe sur les salaires, qui pèse sur l'emploi, ou la TVA sur les produits pharmaceutiques, conduit à un « branchement » direct sur la sécurité sociale qui n'est pas sans dangers. Il ne faut pas oublier que ces 19 milliards s'expliquent, pour plus de moitié, par le coût des 35 heures, qu'il serait plus sain de comptabiliser directement dans les charges de l'Etat. Si l'on préfère cependant transférer ce coût à l'ACOSS, il faudrait alors réfléchir à une barémisation qui permettrait une certaine vérité des coûts.

M. Didier Migaud a souligné le très grand décalage entre les préoccupations des Français et un projet de budget situé dans la continuité des précédents, c'est-à-dire caractérisé par l'injustice, l'inefficacité et l'irresponsabilité. Il est frappant de constater que tous les indicateurs économiques et sociaux sont aujourd'hui plus défavorables qu'ils ne l'étaient en juin 2002 ! Et lorsque l'on compare les données transmises par le Gouvernement, année après année, à Bruxelles, force est de constater des ajustements incessants, qui traduisent l'incapacité des gouvernants actuels à résoudre les problèmes des Français et à stopper la dégradation des comptes publics. Il est déplorable qu'au moment même où la LOLF entre en vigueur, la transparence et la sincérité reculent dans les documents élaborés par Bercy !

Le groupe socialiste proteste en particulier contre la désinformation dont font l'objet les mesures fiscales et l'identité de leurs bénéficiaires, ainsi que contre l'injuste procès fait aux collectivités locales, au point que l'on peut se demander si leur autonomie financière, pourtant inscrite dans la Constitution, est encore d'actualité. Les compétences nouvelles qui leur ont été transférées représentent un coût très important, qui risque de paralyser leur action, pourtant décisive en matière d'investissement.

Parmi les mesures de régulation budgétaire annoncées en 2005, celles prises au cours de l'été n'ont toujours pas été communiquées aux parlementaires. Ceux-ci aimeraient également connaître l'évolution exacte des prélèvements obligatoires... S'agissant d'autre part de la maîtrise des dépenses, l'évolution réelle ne diverge-t-elle pas fortement de l'évolution apparente, dès lors que l'on intègre à l'analyse, comme l'a fait observer la Cour des comptes, les dépenses fiscales ? Un agrégat de plus qu'il serait opportun de communiquer à la représentation nationale !

Le Gouvernement se prévaut par ailleurs du plafonnement de l'effet des niches fiscales, mais le « bouclier » fiscal, qui plafonne le total des impôts directs exigés d'un contribuable à 60 % de son revenu, ne constitue-t-il pas une nouvelle « niche », plus profitable encore ? Comment le coût de ce plafonnement, estimé à quelque 400 millions d'euros, se répartira-t-il entre ses bénéficiaires ? D'autre part, l'instauration envisagée d'un seuil pour le versement de la prime pour l'emploi ne risque-t-elle pas d'exclure du dispositif certaines personnes, et si oui, combien ? L'estimation des recettes pour 2006 intègre-t-elle l'hypothèse d'un accord européen sur l'abaissement à 5,5 % du taux de TVA sur la restauration ? Où en est ce dossier ?

L'excédent primaire est une situation que la France a déjà connue, entre 1999 et 2001 notamment. Depuis, les déficits n'ont fait que se creuser...

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité faire trois observations. Premièrement, la LOLF offre aux parlementaires une chance d'apporter à l'élaboration du budget une contribution plus grande que par le passé, notamment en matière d'amélioration de la productivité du service public. Ne peut-on envisager de mettre une vingtaine ou une trentaine d'inspecteurs généraux à la disposition des parlementaires, afin de les aider à s'enquérir sur pièces et sur place de l'exécution par celui-ci de ses missions ? La seconde observation a trait à la justice sociale et au smic. L'augmentation forte et continue de ce dernier depuis 2002 ayant pu donner le sentiment à la partie des salariés qui se situait légèrement au-dessus d'être, en quelque sorte, « rattrapés » par le smic, le système de prime pour l'emploi risque encore d'aggraver ce problème pour les salariés qui gagnent entre 1,4 et 1,6 fois le smic. Ne conviendrait-il pas de mettre davantage l'accent sur les deux premières tranches du barème ?

Enfin, parler du « procès » que l'on ferait aux collectivités locales, c'est oublier le poids considérable des dégrèvements pris en charge par l'Etat. C'est oublier aussi que leurs dépenses ont crû de 4 % par an au cours des quinze dernières années, et que, parmi ces dépenses, il y a les frais généraux, qui ont parfois connu de très fortes augmentations.

M. Henri Emmanuelli s'est élevé contre ce dernier propos, qu'il a jugé démagogique. L'État doit au département des Landes 6 millions d'euros au titre du RMI. Quand les paiera-t-il ? Il ne faut pas masquer la vérité.

M. Hervé Mariton a jugé le projet de budget cohérent et dynamique, mais appelant néanmoins quelques questions. En premier lieu, l'amélioration du climat économique dont a fait état le ministre ne semble pas vraiment ressenti spontanément par les Français. On peut également s'interroger sur le fait que le « zéro volume », évoqué lors du débat d'orientation budgétaire comme étant l'objectif à viser pour l'horizon 2006, semble aujourd'hui réservé aux dépenses hors rémunérations et pensions. Peut-on espérer qu'il sera réaffirmé de façon plus explicite pour l'horizon 2007 ? Quant aux mesures de régulation budgétaire, le ministre délégué a souligné qu'elles avaient porté sur des montants moindres en 2005 qu'en 2004. Quels éléments justifient une telle évolution ? S'agissant, d'autre part, de la réforme de l'impôt sur le revenu, ne peut-on craindre qu'elle retombe dans le vieux travers consistant à accroître encore le nombre des foyers non imposables ? Sait-on combien le deviendront du fait de la refonte du barème ?

Il serait bon que les ministres précisent davantage les conditions dans lesquelles les amendements d'origine parlementaire seront accueillis, ainsi que celles dans lesquelles seront examinés les résultats de l'exécution budgétaire. Plutôt que de procéder à des audits très généralistes, portant sur des secteurs sur lesquels l'on dispose déjà de beaucoup d'éléments, mieux vaudrait des audits plus précis, plus ciblés sur les indicateurs de performance : ce serait plus conforme à l'esprit de la LOLF.

M. Thierry Breton, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, a confirmé que le niveau de déficit permettant la stabilisation de la dette était bien de 35 milliards d'euros, soit environ 2,1 % du PIB. C'est un objectif qui devrait être atteint à l'horizon 2008. M. Michel Pébereau, à qui le Gouvernement a confié une mission sur l'endettement public, devrait remettre à la fin d'octobre ou au début de novembre ses conclusions, qui déboucheront sur des décisions.

S'agissant de la dette, il faut garder présent à l'esprit que c'est la première fois que l'on stabilise la dette en pourcentage du PIB. Le retournement de la conjoncture est mesurable, par exemple, selon le nombre des créations d'entreprises, qui tournait autour de 180 000 par an depuis 2002, et qui sera de 220 000 cette année ; la productivité se sera accrue de 1,9 % en 2004 au lieu de 0,4 % en 2002, l'investissement des entreprises aura progressé de 3,4 % en 2005, les exportations de 4 % en rythme actualisé. La consommation elle-même, qui traduit assez bien la perception qu'ont les Français du climat économique d'ensemble, a connu une embellie significative en juillet comme en août. Le ministère a d'ailleurs mis au point un certain nombre d'indicateurs qui permettront au public de mieux appréhender la réalité de la situation.

Pour ce qui est du taux de la TVA sur la restauration, l'objectif du Gouvernement reste de le ramener à 5,5 %. Un ou deux Etats de l'Union européenne continuent de s'y opposer, mais la discussion doit se poursuivre au prochain conseil Ecofin. En attendant, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit le maintien de l'aide de 114 euros par salarié.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, a insisté sur le fait que la réforme fiscale ne serait pas financée à crédit, les conditions étant réunies pour amorcer une évolution de la dépense qui passe progressivement du « zéro volume » au « zéro valeur ». Les outils sont là : ce sont la LOLF et la réforme de l'Etat. Celle-ci mobilisera les inspecteurs généraux pour les audits des administrations ; ils ne seront donc guère disponibles pour assister directement les parlementaires, mais le Parlement disposera des résultats desdits audits.

Le Président Pierre Méhaignerie a fait observer que les contrôles diligentés par l'exécutif lui-même n'aboutissent le plus souvent qu'à des rapports destinés à rester dans des tiroirs. Il est souhaitable que le Parlement exerce sa fonction de contre-pouvoir en menant ses propres audits. Sinon, on en restera aux échecs maintes fois constatés : l'administration fait tout pour garder le pouvoir.

M. Henri Emmanuelli a souligné que de très nombreux rapports existent déjà, sur une très grande quantité de sujets.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la réforme de l'État, a souligné que ces audits ne resteront pas dans les tiroirs : ils seront publics et chacun pourra en tirer des enseignements, tout est affaire de volonté politique.

Les allégements de charges sociales ne sont pas des dépenses, même si la cohérence commande de les identifier, non sous la forme d'un fonds distinct comme l'était le FOREC, mais au moyen d'un transfert de recettes. Le choix qui a été fait consiste à transférer une ressource dont le dynamisme est comparable à celui de la masse salariale, sans créer pour autant de confusion avec les recettes de l'Etat. Une barémisation serait une solution opportune, mais qui suppose une expertise préalable.

La taxe professionnelle fait l'objet de divergences de conception tout à fait légitimes puisqu'elles portent sur le sens de la politique sociale et fiscale à conduire. Un vrai risque de délocalisation pèse actuellement sur les quelque 200 000 entreprises dont la cotisation représente plus de 3,5 % de leur valeur ajoutée. Le Gouvernement est pour autant très soucieux du respect de l'autonomie financière des collectivités locales, et l'Etat a fait la démonstration de sa volonté constructive en prenant en charge la totalité de l'ardoise qui avait été accumulée entre 1995 et 2004, ainsi que le dégrèvement des investissements nouveaux.

Il est également légitime d'aborder le débat sur les finances locales sous l'angle de la dépense, qui a crû de 3 % en volume ces dernières années, à telle enseigne que les comptes des collectivités locales ne sont plus équilibrés. Un besoin de financement est apparu. Les effectifs des fonctionnaires régionaux ont augmenté de 10  %. C'est un sujet qui mérite d'être évoqué à la future conférence des finances locales.

Les annulations de crédits, qui portent sur 4 milliards d'euros, seront transmises dans leur intégralité au Parlement lorsqu'elles seront finalisées, ainsi que le veut la LOLF. Si le montant des crédits annulés a pu être moindre que l'an dernier, c'est précisément parce que la LOLF a favorisé les comportements vertueux.

Le seuil de non-versement de la prime pour l'emploi est de 30 euros par an, soit moins de 3 euros par mois. Au demeurant, la philosophie du Gouvernement consiste à concentrer la PPE là où elle est le plus efficace, de façon à réduire la « trappe à inactivité » : elle est ainsi doublée pour un smic à temps partiel, et augmentée de moitié pour un smic à temps plein.

Le « bouclier fiscal » n'est pas conçu pour les plus riches, loin de là : 85 % de ses quelque 93 000 bénéficiaires sont dans le premier décile de revenu - c'est dire qu'il s'agit de Français modestes. Tous les éléments statistiques relatifs à la répartition, entre ces 93 000 foyers, des 400 millions auxquels est estimé le coût de la mesure, seront communiqués aux parlementaires. Quant au seuil d'entrée dans la première tranche de l'impôt sur le revenu, il est porté de 4.335 euros à 5.516 euros, ce qui signifie qu'un certain nombre de contribuables cesseront d'être imposables à l'impôt sur le revenu.

M. Jean-Pierre Brard s'est dit en accord avec le président de la Commission sur le nécessaire exercice par le Parlement de sa fonction de contre-pouvoir : les escouades d'inspecteurs généraux ne seront que les lansquenets du Gouvernement, il n'y a de véritable expertise qu'indépendante ! Maintenant que la France a un Premier ministre lettré, ses éminences devraient s'astreindre, afin d'être comprises de leurs concitoyens, à parler français, au lieu d'user de vocables tels que « zéro valeur », « barémisation » ou encore « retournement de conjoncture ». Les Français, à l'instar de saint Thomas, croient ce qu'ils voient ! Les ministres se sont bien gardés, dans leur présentation, d'évoquer la réalité, c'est-à-dire la remise en cause de la progressivité de l'impôt, due à Joseph Caillaux en 1913, ou bien les coffres-forts qu'ont dû acheter en grand nombre les compagnies pétrolières pour y entasser leurs profits, ou encore le fait que les contribuables locaux, y compris modestes, seront amenés à rembourser à certains redevables de l'ISF, en vertu du dispositif appelé « bouclier fiscal », une partie de leur taxe d'habitation et de leur taxe sur le foncier bâti ! Tout cela participe d'un véritable siphonage organisé entre les caisses publiques et les coffres-forts des privilégiés, et il serait intéressant de savoir quel montant, en valeur absolue, se partageront les 15 % des contribuables bénéficiaires qui ne font pas partie des « Français modestes » mis en avant par les auteurs de cet ingénieux dispositif...

M. Charles de Courson a estimé que les hypothèses économiques retenues par le Gouvernement pour échafauder son projet de budget n'appelaient pas forcément de critique, la prévision étant par définition un art difficile. Le plus grave et le plus préoccupant, selon lui, est le fait que les mesures prises ne soient pas à la hauteur de la crise des finances publiques.

Le déficit n'est en effet que maintenu, alors que la dette continuera de faire boule de neige, tant que le niveau de déficit ne sera pas réduit à 2 % du PIB. Alors que les dépenses de fonctionnement ne sont même pas couvertes, on ne réduit que de 5 000 le nombre des fonctionnaires ! L'ensemble des dépenses ne croît, en apparence, que de 1,8 %, mais, en vérité, de 2,8 % , si l'on ajoute les allégements de charges et la progression des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales - sans même parler des dépenses d'investissement transférées à l'AFITF... Quant aux prélèvements obligatoires, que le Gouvernement s'était engagé à réduire, ils seront passés de 43,4 % du PIB en 2004 à 43,9 % en 2005, et à 44 % l'an prochain - ce que même la gauche commence à trouver excessif !

Il n'est pas exact d'affirmer que les déficits publics seront limités à 3 % du PIB en 2005, ne serait-ce que parce que ce chiffre intègre un déficit des comptes sociaux estimé à 0,2 point de PIB, c'est-à-dire 4 milliards environ, alors que la commission des comptes de la sécurité sociale annonce une impasse, toutes branches confondues, de quelque 14 milliards, soit 0,7 point. En vérité, le déficit public sera environ de 3,6 % du PIB, si ce n'est de 3,7 %, et il est infiniment peu probable qu'il soit de 2,9 % en 2006, la réforme de l'assurance maladie n'ayant pu enrayer, sauf dans le secteur du médicament, le dérapage des dépenses. En outre, les annulations de crédits portent, pour moitié, sur les maigres investissements publics encore épargnés.

Début 2006, la Commission européenne ne pourra donc que constater le déficit excessif des comptes publics de la France et engager à son encontre la procédure prévue par les textes, et il en sera de même en 2007.

S'agissant de la réforme de l'impôt sur le revenu, l'UDF est pour la simplification, mais pour une vraie simplification, comme celle à laquelle avait procédé la réforme « Juppé ». Ce qui nous est proposé fait problème, en outre, quant à la justice sociale. Quelles niches fiscales entreront dans le plafonnement ? Le dispositif « Pons » pour l'outre-mer, les dispositifs « Méhaignerie » ou « Robien » pour le logement seront-ils concernés ? Comment gérer la rétroactivité de mesures pluriannuelles ? Quant à l'incorporation des impôts locaux dans le « bouclier fiscal », il s'agit d'une véritable usine à gaz, d'un favori très sérieux pour le concours annuel du dispositif le plus complexe et impossible à gérer, ex-aequo, peut-être, avec le gel des taux de taxe professionnelle sur la partie de l'assiette dépassant 3,5 % de la valeur ajoutée, système qui favorisera les collectivités les plus dépensières et pratiquant les taux les plus élevés. Au lieu de mettre en place des mécanismes de responsabilisation, on continue de dégrader l'autonomie fiscale des collectivités locales.

Le vote du groupe UDF dépendra de l'attitude du Gouvernement sur ces différents points.

M. Michel Bouvard s'est dit globalement satisfait du respect du calendrier de la LOLF, à quelques retards près, de la part de certains ministères, dans les réponses aux questionnaires budgétaires. Tous les responsables des quelque 2300 budgets opérationnels de programme ont-ils bien été désignés, et les documents feront-ils apparaître le périmètre de ces BOP ?

Par ailleurs, deux nouveaux comptes d'affectation spéciale sont apparus, l'un pour le développement agricole et rural, l'autre pour le contrôle et la sanction automatisés des infractions au code de la route sans avoir été discutées préalablement, et il faudra veiller, s'agissant du second compte, à bien suivre la destination des fonds.

S'agissant du plafond d'autorisation d'emplois, il semble qu'un certain nombre d'emplois publics, non débusqués jusqu'à présent, aient fait leur réapparition. S'agit-il d'une première opération-vérité due à la LOLF, ou les chiffres initiaux étaient-ils tout simplement imprécis ?

L'esprit de la LOLF consiste à regrouper tous les crédits relatifs à une même politique publique au sein d'une même entité, afin de mieux évaluer le coût et l'efficacité de cette politique. C'est ce principe qui a conduit à supprimer le FOREC, mais l'on peut craindre que le mécanisme qui le remplace ne permette pas, non plus, d'évaluer l'efficacité des allégements de charge dans le cadre de la politique de l'emploi.

Enfin, l'AFITF sera dotée, grâce à la privatisation des sociétés d'autoroutes, de 4 milliards d'euros, ce qui est assurément mieux que 1 milliard, mais il semble que 1,5 milliard soit destiné aux contrats de plan. Le ministère du Budget envisage-t-il de demander l'actualisation du rapport Gressier-Saint-Pulgent ?

M. Augustin Bonrepaux s'est étonné que, d'un document à l'autre, la progression des recettes de l'impôt sur les sociétés varie de 5,6 % à 8 %, et l'évolution du produit de la TIPP de -1,2 % à +0,5 % : ce n'est ni très sérieux, ni très transparent.

D'autre part, le transfert du RMI aux départements a créé, en 2004, un déficit de 430 millions d'euros, qui atteindra un milliard en 2005. Quand sera-t-il compensé ? En loi de finances rectificative ? Au budget 2006 ? Les présidents de conseils généraux attendent avec impatience une réponse. Chacun sait que le produit de la TIPP progresse moins vite que les dépenses de RMI. On veut que les collectivités locales soient « vertueuses », mais comment le pourront-elles ?

Le Président Pierre Méhaignerie a objecté que les dépenses liées aux compétences transférées peuvent progresser à certains moments - immédiatement après le transfert - et baisser à d'autres, et que rien ne prouve que le nombre des allocataires du RMI soit appelé à s'accroître indéfiniment.

M. Augustin Bonrepaux a répliqué que les radiations massives actuellement pratiquées viennent grossir les rangs des demandeurs du RMI. Les collectivités locales, qui jouissaient jusqu'à présent de la liberté fiscale, voient aujourd'hui leur taxe professionnelle plafonnée, après que le Gouvernement a amusé la galerie avec le rapport Fouquet, sans réelle intention de l'appliquer : il préfère faire payer les collectivités locales, et ce sans avoir réalisé aucune simulation préalable. Le résultat prévisible est qu'elles seront contraintes d'augmenter les impôts pesant sur les ménages.

Le Président Pierre Méhaignerie a fait valoir que les frais généraux des collectivités locales avaient parfois enregistré, aussi, de fortes augmentations.

M. Augustin Bonrepaux s'est indigné de cette accusation, contre laquelle il s'est inscrit en faux en ce qui concerne le département de l'Ariège, et a observé que les seuls contribuables non concernés par les hausses possibles des impôts locaux directs seront justement certains bénéficiaires du fameux « bouclier fiscal », en particulier les 15 % dont le Gouvernement ne parle jamais, mais qui concentreront l'essentiel de l'avantage de ce dispositif. En d'autres termes, ce sont les contribuables modestes qui paieront la taxe d'habitation et le foncier bâti à la place des assujettis à l'ISF !

M. Denis Merville s'est dit soucieux de réduire certains frais généraux des collectivités locales, et a rappelé que la tenue d'une conférence des finances publiques était une revendication ancienne de l'Association des maires de France - mais si elle n'a lieu qu'en novembre, ce sera un peu tard pour préparer les budgets 2006. Il a regretté que des gels et annulations de crédits portent sur les investissements, et appelé de ses vœux une modification des procédures. Il a insisté, enfin, pour que les incitations aux économies d'énergie et à l'utilisation des énergies renouvelables s'accompagnent de campagnes de communication - sur le chauffage ou la façon de conduire, par exemple.

M. Daniel Garrigue, après avoir approuvé la démarche de modernisation et l'effort de maîtrise des finances publiques contenus dans le projet de budget, a demandé quelles parts respectives du produit de la privatisation des autoroutes seront consacrées au désendettement et à l'investissement, si le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation dans le bâtiment sera maintenu au-delà du 31 décembre 2005 , et quel est le degré de concertation entre les Etats européens dans la préparation de leurs budgets pour 2006.

M. Pascal Terrasse a interrogé le Gouvernement sur l'évolution prévisible de la masse salariale de l'Etat, pensions comprises, en 2006, sur l'éventualité du versement d'une soulte comparable à celle d'EDF, sur les hypothèses entourant l'évolution du financement de la dette et sur l'idée, citée par un article de presse, selon laquelle la partie du produit de la privatisation des autoroutes conservée par l'Etat pourrait servir à effacer la dette, s'élevant à 8,7 milliards aujourd'hui, contractée pour la réalisation des premiers TGV.

M. Jean-Louis Dumont a demandé s'il est prévu dans les recettes, en 2006, un prélèvement sur un réseau dédié au financement du logement social et souhaité savoir ce qu'il advient des fonds détenus par le FGAS.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que le ministre délégué répondra aux questions qui viennent d'être posées lors d'une prochaine réunion le mardi 11 octobre.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a été informée :

- du dépôt d'une enquête sur les clubs de football d'Ajaccio ;

- de la parution d'un décret d'avance et d'un décret d'annulation relatifs au ministère de la Défense.

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