COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 2 octobre 2002
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

 

pages

- Proposition de loi de M. Richard Dell'Agnola relative à la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes (n° 194) (rapport)


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- Proposition de résolution de M. Patrick Ollier modifiant l'article 36 du Règlement de l'Assemblée nationale (n° 162) (rapport)


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- Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Richard Dell'Agnola, la proposition de loi relative à la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes (n° 194).

Après avoir souligné que, avec plus de 8 000 morts et 154 000 blessés sur les routes en 2001, la France figurait parmi les pays les plus meurtriers d'Europe, le rapporteur a insisté sur la nécessité d'améliorer la sécurité routière dans notre pays, rappelant que cet objectif était désormais considéré comme une priorité nationale. Il a ensuite indiqué que la consommation de drogue avait beaucoup évolué depuis les années 70, le nombre d'usagers augmen-
tant considérablement, notamment pour le cannabis. Il a également observé que l'on était passé d'un mode de consommation solitaire et « monoproduit » à un mode collectif, notamment lors des rave parties, associant la prise simultanée de plusieurs produits, ajoutant que la nature des drogues avait elle-même évolué, la teneur en THC du cannabis passant, par exemple, de 7 à 10 % il y a une vingtaine d'années à 15 à 20 % aujourd'hui. Après avoir souligné que cette évolution de la consommation des drogues avait des conséquences incontestables sur la sécurité routière, il a fait valoir que si l'on pouvait éventuellement discuter du droit de chaque individu à mettre en danger sa propre vie par l'absorption de substances dangereuses pour sa santé, il était, en revanche, nécessaire d'interdire tout ce qui est susceptible de mettre en danger la vie d'autrui.

Présentant les différentes réflexions sur cette question, le rapporteur a rappelé que le livre blanc publié en 1995 proposait notamment de distinguer le problème des médicaments, qui ont une influence positive sur l'état de santé du conducteur, de celui des stupéfiants et suggérait d'instituer un dépistage des substances psychotropes en cas d'accident corporel ou d'infraction mettant en jeu la sécurité, avec dans un deuxième temps des contrôles préventifs. Il a ensuite évoqué la proposition, adoptée à son initiative par la commission des Lois en 1996, instituant un délit de conduite sous l'influence de stupéfiants, précisant que cette proposition n'avait pu être examinée par l'Assemblée en raison de la dissolution intervenue en avril 1997. Décrivant le dispositif adopté dans le cadre de la loi du 18 juin 1999, il a indiqué qu'il permettait, en prévoyant le dépistage systématique de la présence de stupéfiants chez les conducteurs impliqués dans les accidents mortels, de rassembler des éléments statistiques destinés à nourrir une enquête épidémiologique de grande envergure, précisant que la loi du 15 novembre 2001 n'avait fait qu'étendre ce dépistage aux conducteurs impliqués dans des accidents corporels, en le rendant toutefois facultatif.

Le rapporteur a ensuite évoqué les recommandations européennes, notamment la directive du 29 juillet 1991, et les législations en vigueur chez nos voisins européens, faisant valoir que la France était l'un des seuls pays à connaître un vide juridique en la matière. A cet égard, il a souligné l'insuffisance du dispositif répressif actuel, rappelant que l'usage de stupéfiants était très peu réprimé et que l'infraction de mise en danger de la vie d'autrui était difficile à utiliser pour sanctionner de tels comportements. Après avoir observé que l'enquête épidémiologique prévue par la loi de 1999 avait pris beaucoup de retard, il a estimé nécessaire de légiférer sans attendre, faisant valoir qu'un certain nombre d'études publiées récemment, notamment celle de Patrick Mura, concluaient à une augmentation du risque d'accident en cas de conduite sous l'emprise de stupéfiants.

Présentant le dispositif proposé à la Commission, il a observé qu'il reprenait les principales dispositions relatives à la répression de l'alcool au volant, en prévoyant un dépistage systématique de la consommation de stupéfiants en cas d'accident corporel et en instaurant un dépistage aléatoire. Evoquant l'infraction elle-même, il a souligné que les peines prévues étaient identiques à celles appliquées pour l'alcool.

En conclusion, il a estimé que l'application de ces nouvelles dispositions nécessitait la mobilisation de moyens financiers et humains importants, tout en soulignant que de nouveaux tests fiables, pratiques d'utilisation et peu onéreux seraient sans doute disponibles très prochainement.

Estimant que la proposition de loi présentée aujourd'hui constituait une nouvelle illustration d'un certain esprit de revanche de la majorité actuelle, le même texte ayant déjà été présentée juste avant la dissolution de 1997 dans une version toutefois moins répressive, M. René Dosière s'est étonné de la rapidité des conclusions du rapporteur, alors même que les résultats de l'étude épidémiologique lancée il y a un an sur le sujet ne sont pas encore connus. A cet égard, rappelant qu'il restait difficile de dépister la consommation de stupéfiants et d'en distinguer les effets de ceux induits par la consommation de médicaments, il a estimé qu'il serait préférable de faire preuve de réalisme et de ne légiférer qu'en ayant une connaissance précise du phénomène. Il a observé, en outre, que le texte présenté aujourd'hui était inapplicable en l'état, puisqu'il renvoyait à un décret en Conseil d'Etat pour les modalités pratiques de la détection de consommation de stupéfiants. Rappelant qu'il avait fallu plus de deux ans pour voir publier le décret d'application de la loi du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière, il a jugé peu probable une mise en œuvre rapide des dispositions de la présente proposition de loi alors même qu'elles ont un coût budgétaire certain. Il a estimé, en conséquence, que la proposition faite aujourd'hui relevait davantage de l'affichage politique que d'un réel souci de santé publique.

En écho aux propos de M. René Dosière, M. Bernard Roman a indiqué que le thème de la lutte pour la sécurité routière ne souffrait pas de polémique politicienne et devait rassembler les députés de gauche comme de droite. Soulignant néanmoins le paradoxe de la proposition de loi, qui tend à édicter l'interdiction de conduire sous l'emprise de stupéfiants sans évoquer à aucun moment la question de l'usage des drogues, et notamment du cannabis, il a rappelé que la consommation de stupéfiants était théoriquement passible d'un an d'emprisonnement et a estimé que le législateur et les services en charge d'appliquer la loi se décrédibilisaient en continuant à nier la réalité de la consommation de stupéfiants chez les jeunes. Rappelant que, dans de nombreux pays voisins, l'accent avait été mis sur la prévention et la responsabilisation des usagers en corollaire d'une législation plus tolérante à l'égard de la simple consommation de stupéfiants, il a considéré que l'absence d'une réflexion sur la consommation de stupéfiants et de toute politique de prévention et d'éducation révélait à quel point le monde politique était fermé à l'évolution de la société.

Rappelant que, si l'ivresse était en France juridiquement tolérée, elle était cependant condamnée au volant, M. Xavier de Roux a considéré que, de la même façon, la consommation de drogues, même dites douces, devait être sanctionnée lorsqu'elle entraînait des comportements dangereux dans la conduite automobile. Il s'est, en outre, prononcé en faveur d'un élargissement du champ de la proposition de loi à l'ensemble des substances qui, lorsqu'elles sont consommées par un conducteur, sont susceptibles de mettre en danger la vie d'autrui.

M. Guy Geoffroy a rendu hommage à la persévérance du rapporteur et à son sens de la responsabilité et s'est déclaré, à l'instar de M. Xavier de Roux, favorable à l'extension du champ de la proposition de loi à l'ensemble des substances toxiques qui altèrent la conduite des automobilistes. Il s'est, par ailleurs, félicité du message véhiculé par cette initiative qui, à la différence de certains propos de l'ancien ministre de l'éducation nationale, ne fait pas de l'usage des drogues douces une occupation légitime.

M. Jean Leonetti a souhaité replacer le débat dans sa dimension scientifique, hors de toute préoccupation morale, en soulignant que l'objectif de cette proposition était bien d'interdire la conduite sous l'effet de substances qui ont pour conséquence avérée de créer des comportements dangereux ; à cet égard, il a jugé qu'entraient dans cette catégorie, non seulement les drogues, mais également certains tranquillisants, dont la prise devrait conduire à restreindre l'utilisation d'un véhicule par la personne concernée. Puis, il a fait observer que, parallèlement à ce que l'on pouvait constater dans le domaine du dopage, le retard permanent des techniques de dépistage sur l'apparition de nouvelles molécules ne devait pas interdire au législateur d'agir. Enfin, il a souligné l'intérêt qu'il y avait à établir, une fois pour toutes, les effets réels que la consommation de cannabis peut avoir sur le comportement.

M. Christian Decoq s'est réjoui que la proposition de loi, outre sa contribution à l'amélioration de la sécurité routière, constitue un signal politique fort à l'attention de tous ceux qui luttent contre la banalisation du cannabis et de ses effets. Il a d'ailleurs relevé le caractère contradictoire des politiques menées par l'ancienne majorité, évoquant à cet égard l'exemple de Lille, où la Maison de la nature et de l'environnement abrite une association, le collectif d'information et de recherche cannabique, qui fait la promotion du cannabis, alors même que la municipalité finance, dans le même temps, des opérations de prévention contre l'usage de drogues.

Faisant état de son expérience de magistrat, M. Jean-Paul Garraud a considéré qu'il existait un lien entre absorption de drogues et conduite automobile dangereuse. Il a rappelé que les engagements de l'ancien ministre des transports de baisser de moitié en cinq ans le nombre des accidents mortels n'avaient pas été tenus, et ce malgré les efforts menés en matière de lutte contre l'alcool au volant, en raison notamment de l'absence de sanction de la conduite sous l'emprise de drogue. A ce propos, il a considéré qu'il serait contradictoire d'encourager la dépénalisation du cannabis tout en sanctionnant son usage au volant. Puis, il a fait part de l'expérience menée dans le Land de Sarre en Allemagne, dans lequel les accidents mortels engageant des automobilistes de moins de vingt-cinq ans ont baissé de près de 68 % après la mise en place d'une politique de contrôles préventifs. Il s'est déclaré persuadé que le texte examiné serait applicable dès lors que les personnels de police et de gendarmerie seraient formés à la détection de comportements résultant de la prise de drogue et pourraient ainsi imposer, dans les cas où des doutes sérieux sont permis, des prises de sang, dont l'analyse révèle sans difficulté la présence de substances toxiques.

Considérant que la question de l'insécurité routière en France constituait un véritable problème de société, M. Jérôme Lambert a dénoncé le caractère partiel du dispositif de la proposition de loi, qui se cantonne à la répression de la personne ayant conduit un véhicule sous l'influence de drogues illicites, sans traiter des effets que sont susceptibles d'avoir en cette matière la consommation de produits licites comme le tabac ou l'alcool. Puis, évoquant la très grande fiabilité des tests de dépistage de la consommation de drogues illicites actuellement employés aux États-Unis qui, dans l'état actuel de la technique, permettent de déceler chez la personne concernée un usage de produits stupéfiants datant de plusieurs semaines, il a dénoncé en conséquence la disposition de l'article 2 de la proposition de loi, qui rend passible d'une peine de deux ans d'emprisonnement toute personne dont les analyses médicales feront apparaître qu'elle a fait usage de produits stupéfiants, sans prendre en considération le temps écoulé entre la date de la consommation desdits produits et le moment du contrôle.

Intervenant en application des dispositions de l'article 38, alinéa premier, du Règlement, M. Lionnel Luca a tout d'abord tenu à féliciter le rapporteur pour sa ténacité et le caractère équilibré de sa proposition de loi. Puis, réagissant aux propos tenus par M. René Dosière, il a contesté le caractère « revanchard » de la proposition de loi et déploré que la volonté de lutter contre l'insécurité routière ne puisse faire l'objet d'un consensus politique transcendant les traditionnels clivages entre la droite et la gauche. Après avoir souligné le paradoxe du droit en vigueur, qui permet de réprimer la conduite sous l'emprise d'un produit licite, comme l'alcool, et non celle sous l'empire des produits stupéfiants, pourtant illicites, il a expliqué que cette proposition de loi poursuivait également un objectif pédagogique plus général en direction des jeunes, afin de leur faire prendre conscience des dangers et de la nocivité de la consommation de la drogue, y compris du cannabis. Dénonçant la banalisation de la consommation des drogues dites « douces » opérée par la précédente majorité, il a conclu son propos en estimant qu'il était du devoir des représentants de la nation de ne plus laisser la jeunesse française se mettre en danger, au point souvent d'en périr, comme c'est le cas aujourd'hui.

M. Sébastien Huyghe a regretté que, s'agissant d'une proposition de loi tendant à lutter contre l'insécurité routière, l'opposition ne soit pas capable de la soutenir et adopte des positions uniquement guidées par un esprit partisan. Puis, réagissant aux propos tenus par M. Bernard Roman, il a tenu à préciser qu'il était fallacieux et inexact de déduire du dispositif proposé, tendant à réprimer la conduite d'un véhicule sous l'emprise de drogues illicites, que leur consommation deviendrait licite dès lors que la personne ne conduirait pas.

M. Jacques-Alain Bénisti a estimé que l'apport majeur de la proposition de loi résidait, non dans l'interdiction en soi des substances psychotropes, qui existe déjà, mais dans la sanction dissuasive qui est proposée en cas de conduite sous l'emprise de telles substances. Il a expliqué qu'en effet, autant un piéton sous l'emprise de ce type de stupéfiants ne présentait pas un comportement anormal ni ne mettait en danger la vie d'autrui, autant un conducteur ayant absorbé de telles substances, d'une part, n'avait pas un comportement normal sur la route, d'autre part, présentait un réel danger pour autrui. A cet égard, il a rappelé le drame dont avaient été récemment victimes une jeune femme et ses deux enfants, à Vitry-sur-Seine, fauchés par une voiture conduite par un homme sous l'emprise de drogue. Il a, en conséquence, plaidé pour l'adoption rapide de mesures concrètes.

Mme Maryse Joissains-Masini s'est déclarée choquée de la teneur des arguments développés par l'opposition, suscitant un débat conflictuel sur un sujet qui imposerait au contraire que chacun s'efforce de faire œuvre constructive. Félicitant le rapporteur, notamment de l'éclairage international qu'il avait apporté, elle a exprimé le souhait que soit mise à l'étude une extension de la présente proposition à d'autres substances, notamment médicales, prescrites par exemple aux personnes souffrant de dépression. Se référant en effet à son expérience professionnelle, elle a fait valoir que, bien souvent, les auteurs de ce type de délit étaient aussi choqués que les victimes, tant ils avaient peu conscience d'avoir perdu le contrôle d'eux-mêmes au point de provoquer un accident grave, voire mortel. Rappelant qu'un véhicule automobile pouvait être une arme par destination, elle a souligné qu'il était, par conséquent, impensable de conduire sans être pleinement conscient de ses actes, par esprit de responsabilité à l'égard de soi comme d'autrui.

Rappelant que la France avait à résoudre un problème considérable en matière de sécurité routière, avec 8 000 morts par an, soit le double par rapport au Royaume-Uni pour un nombre équivalant de véhicules, M. Rudy Salles, intervenant en application de l'article 38, alinéa premier, du Règlement, a jugé que tout ce qui pouvait contribuer à améliorer la sécurité routière devait être mise en œuvre. Mettant en exergue la vertu préventive de la loi, il a estimé que les peines prévues dans le dispositif de la proposition de loi étaient insuffisantes et jugé indispensable de les durcir, comme, d'ailleurs, devraient l'être également les peines pour conduite en état d'ivresse. Il a enfin vivement plaidé pour une application effective de la loi, soulignant que, si le gouvernement entendait faire une priorité de la lutte contre l'insécurité routière, il devait y consacrer tous les moyens requis.

M. André Thien Ah Koon a rappelé qu'existait, de longue date, à la Réunion, une tradition de culture et d'utilisation du cannabis, que ce soit pour exciter les chiens ou dans le cadre des combats de coqs. Il a expliqué que cette tradition de culture du cannabis avait des conséquences importantes sur le comportement des jeunes qui, non seulement perturbaient la tranquillité de leur voisinage en se réunissant pour consommer cette drogue, mais, en outre, adoptaient des comportements dangereux sur la route, par volonté de se surpasser.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  On estime entre 15 et 20 % le nombre de conducteurs impliqués dans un accident mortel conduisant sous l'emprise de stupéfiants. L'usage de drogues au volant est avant tout un problème de sécurité routière, qui doit dépasser les clivages politiques, comme dans les pays étrangers où des dispositions répressives ont été adoptées quelle que soit la majorité en place.

-  Il ne s'agit pas de dépénaliser l'usage des stupéfiants, mais au contraire de prévoir des sanctions aggravées en cas de mise en danger de la vie d'autrui.

-  La création d'une infraction devrait avoir un effet pédagogique certain sur les jeunes, comme l'a souligné l'association Marilou, créée par les parents d'une petite fille victime d'un conducteur sous l'emprise de cannabis, qui fait de la prévention en milieu scolaire.

-  Les médicaments, qui sont des substances licites, doivent être traités à part. Il est cependant indéniable qu'une réflexion approfondie doit être menée sur cette question.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Indiquant qu'il soumettait aujourd'hui à la Commission un texte légèrement différent de celui de la proposition de loi initiale, le rapporteur a souligné qu'il n'en modifiait nullement l'économie générale. En effet, après avoir mentionné la modification du titre - afin de faire référence aux « substances et plantes classées comme stupéfiants » - par coordination avec le dispositif de la proposition de loi et le code de la route, il a souligné que les modifications apportées tendaient, conformément à la logique de la proposition initiale, à aligner les nouvelles dispositions relatives à la conduite sous l'influence de stupéfiants sur celles existant en matière d'abus d'alcool. Ainsi, il a précisé que le texte soumis à la Commission introduisait des dispositions relatives : à la possibilité d'immobiliser le véhicule et de réduire de moitié le nombre de points initial du permis de conduire en cas de commission du délit de conduite - ou d'accompagnement d'un élève conducteur - sous l'influence de stupéfiants ; au doublement des peines prévues par le code pénal en cas d'homicide ou de blessures involontaires lorsque la personne a simultanément refusé de se soumettre aux vérifications nécessaires pour établir la réalité de l'infraction en cas d'accident mortel ou corporel ; à la définition des sanctions encourues par une personne qui refuserait de se soumettre à ces vérifications lorsqu'elles sont entreprises dans le cadre d'un contrôle aléatoire. Dans la même logique, il a indiqué que le texte précisait les modalités d'annulation du permis de conduire et les peines complémentaires encourues, soit en cas de récidive de conduite sous l'influence de stupéfiants ou de refus de se soumettre à ces vérifications, soit en cas de commission simultanée d'une de ces infractions et d'un homicide ou de blessures involontaires. Enfin, la proposition de loi initiale conférant un caractère systématique au dépistage de stupéfiants en cas d'accident corporel, il a indiqué que celui-ci pourrait être confié aux agents de police judiciaire et non plus aux seuls officiers.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement présenté par M. Xavier de Roux, tendant à sanctionner également la conduite ou l'accompagnement d'un élève conducteur lorsqu'une personne se trouve sous l'influence de substances susceptibles d'affecter son comportement en mettant en danger la vie d'autrui. Défendant cet amendement, Mme Maryse Joissains-Masini a souligné les risques encourus par les personnes qui prennent le volant alors qu'elles prennent des médicaments susceptibles d'altérer leur vigilance, regrettant que les ordonnances prescrivant ces substances ne soient pas toujours suffisamment explicites à cet égard. Convenant que la conduite sous l'empire de certains médicaments est un véritable problème de santé publique, le rapporteur a souligné cependant toute la complexité de cette question et insisté sur la nécessité de poursuivre des études en la matière, notamment pour établir une classification pertinente des différents produits concernés. Rappelant que l'usage de médicaments est licite et qu'il est, dès lors, impossible de reprocher à une personne de se soigner, il a jugé que cette question ne pouvait faire l'objet d'une approche purement répressive et insisté sur le développement de mesures de prévention, telles que l'apposition de pictogrammes sur les boîtes de médicaments ou l'institution de commissions médicales compétentes en la matière. Enfin, il a considéré que la rédaction proposée dans l'amendement impliquait la définition d'un seuil en dessous duquel le comportement ne serait pas altéré, ce qu'il a jugé contraire au principe général d'interdiction d'usage de stupéfiant, et a rappelé que soumettre la réalisation de l'infraction à la mise en danger de la vie d'autrui ne figurait pas dans le dispositif sanctionnant la conduite sous l'influence de l'alcool. M. Lionnel Luca ayant fait observer que cette question pourrait utilement être abordée lors de l'examen du projet de loi sur la sécurité routière que le Gouvernement devrait prochainement soumettre au Parlement et le président Pascal Clément ayant jugé préférable de s'en tenir à une définition stricte du champ du délit, Mme Maryse Joissains-Masini a retiré l'amendement.

La Commission a ensuite été saisie d'un amendement de M. Jean-Paul Garraud, tendant à prévoir, en cas d'annulation du permis de conduire, dès la première infraction, que la délivrance d'un nouveau permis est subordonnée au fait que l'intéressé ait été reconnu apte à l'issue d'un examen médical, biologique et psychotechnique effectué à ses frais. Soulignant que les modalités de vérification aujourd'hui pratiquées ne prouvent pas nécessairement le caractère récent de la prise de stupéfiants, M. Bernard Roman s'est opposé à cet amendement. M. Jean-Paul Garraud ayant rappelé l'existence de commissions médicales du permis de conduire ayant pour mission d'évaluer l'aptitude à la conduite de certains professionnels de la route et de certaines personnes présentant des pathologies incompatibles avec la conduite, la Commission a adopté cet amendement avec l'avis favorable du rapporteur.

Elle a ensuite adopté l'ensemble de la proposition dans le texte proposé par le rapporteur ainsi modifié.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques-Alain Bénisti, la proposition de résolution de M. Patrick Ollier modifiant l'article 36 du Règlement de l'Assemblée nationale (n° 162).

M. Jacques-Alain Bénisti a évoqué les raisons qui justifiaient le dépôt par le président Patrick Ollier d'une résolution tendant à modifier l'article 36 du Règlement de l'Assemblée nationale afin de changer la dénomination de la commission de la Production et des échanges.

Après avoir précisé que la dénomination actuelle des commissions permanentes de l'Assemblée datait de 1959 et résultait de la réforme du Règlement intervenue après la mise en place de la Cinquième République, il a rappelé que les constituants de 1958, soucieux d'encadrer strictement le rôle des commissions permanentes, en avaient limité le nombre à six par chambre, de telle sorte que la compétence législative de l'Assemblée, qui était répartie entre dix-neuf commissions différentes à la fin de la Quatrième République, avait dû être redistribuée entre les six commissions permanentes désormais seules autorisées.

Soulignant que la commission de la Production et des échanges s'était vu reconnaître un champ d'attribution particulièrement large puisqu'elle s'était substituée à sept des dix-neuf commissions existantes, il a indiqué que les auteurs du Règlement de 1959 avaient choisi de lui attribuer une dénomination qui, sans rendre compte de l'ensemble de ses compétences, mettait en relief celles qui apparaissaient essentielles à cette époque, encore marquée par les exigences de la reconstruction de l'économie.

Il a estimé que cette dénomination était aujourd'hui inadaptée en soulignant qu'elle ne recouvrait que d'une manière très partielle l'ensemble des attributions actuelles de la commission et ne reflétait nullement leur poids respectif. Il a, en effet, précisé que cette commission avait pris en charge de nouvelles branches du droit qui n'existaient pas en 1959, dont en particulier les dispositions concernant l'environnement, l'écologie et le cadre de vie. Estimant que les termes de « production et échanges » apparaissaient surannés, il a souligné qu'ils étaient source d'incompréhension tant pour les députés que pour les acteurs de la vie économique.

Le rapporteur a ensuite indiqué que la proposition de résolution, adoptée à l'unanimité par les membres la commission de la Production et des échanges, le 30 juillet dernier, proposait dans son article premier de la dénommer désormais « commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire ». Il a, par ailleurs, précisé que la proposition complétait, dans son article 2, la liste des compétences de la commission pour y ajouter l'environnement dont la pratique parlementaire lui avait déjà confié la responsabilité. Jugeant la nouvelle dénomination proposée parfaitement adaptée, il a proposé, en conséquence, aux membres de la Commission d'adopter la proposition de résolution sans modification.

Après avoir salué la qualité de l'exposé du rapporteur qui a parfaitement expliqué les raisons qui justifiaient le changement d'appellation de la commission de la Production et des échanges, le président Patrick Ollier, intervenant en application de l'article 86, alinéa 5, du Règlement, a tenu à remercier le président de la commission des Lois qui a soutenu sa démarche dès le début ; il a souligné, en effet, que d'autres présidents avaient par le passé cherché à changer la dénomination de leur commission sans y parvenir. Il a également souligné que le président de l'Assemblée nationale et les présidents des autres commissions permanentes étaient d'accord avec sa proposition de résolution, précisant que son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée n'avait soulevé aucune difficulté. Insistant sur le caractère désuet des termes de « production et échanges », il a observé que la nouvelle dénomination qu'il proposait pour sa Commission permettrait à ses interlocuteurs de mieux comprendre le champ de ses attributions et de faire le lien avec la commission homologue du Sénat, dénommée « commission des Affaires économiques et du plan ». Il a tenu à préciser qu'il n'y avait pas de risque de confusion avec la commission des Finances, compétente en matière d'économie générale, tandis que les attributions de la commission qu'il préside concernent les différents secteurs d'activité économique. Il a enfin rappelé que l'appellation proposée, qui avait fait l'objet d'un débat au sein de la commission de la Production et des échanges, était le fruit d'un consensus qu'il serait donc regrettable de remettre en cause.

M. Francis Delattre a approuvé cette initiative, considérant qu'il était préférable de faire référence aux « affaires économiques » et à « l'environnement » plutôt qu'à la « production » et aux « échanges ». En revanche, il a jugé que la notion de « territoire », également présente dans la nouvelle appellation proposée pour l'actuelle commission de la Production, n'était pas suffisamment précise et risquait d'être diversement interprétée selon les régions. Il a suggéré de faire plutôt référence à « l'aménagement du territoire ».

Le président Patrick Ollier a confirmé que l'aménagement du territoire était bien la problématique visée par ce nouvel intitulé. Il a rappelé, toutefois, que la proposition de résolution, approuvée par l'ensemble des présidents de commission, faisait aujourd'hui l'objet d'un consensus et a jugé préférable de ne pas risquer de le fragiliser en remettant en cause l'appellation proposée.

Le président Pascal Clément a considéré que le plus important était de faire référence aux « affaires économiques », cette notion étant destinée à devenir l'appellation courante de l'actuelle commission de la Production.

La Commission a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Didier Quentin, rapporteur pour avis sur le projet de loi de finances pour 2003 pour les crédits des territoires d'outre-mer (en remplacement de M. Jérôme Bignon).


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