COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 49

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 3 juin 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Pascal Clément, président.

SOMMAIRE

 

pages

- Projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (n° 831) (M. Étienne Blanc, rapporteur) (amendements)


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- Proposition de résolution de M. Thierry Mariani sur la politique européenne d'asile (documents E 1611, E 1870 et E 2192) (n° 818) (M. Christian Vanneste, rapporteur)


2

- Proposition de résolution de M. Jacques Floch sur l'avenir d'Europol (documents E 2064, E 2197 et E 2200) (n° 820) (M. Alain Marsaud, rapporteur)


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- Information relative à la Commission

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Statuant en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Etienne Blanc, les amendements au projet de loi, modifié par le Sénat, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (N° 831)

Article 4 : Contrats de coopération entre personnes de droit public et personnes de droit privé :

La Commission a repoussé l'amendement n° 9 présenté par M. Jérôme Lambert, tendant à la suppression de l'article.

Article 5 : Législation fiscale et modalités de recouvrement de l'impôt :

La Commission a examiné l'amendement n° 3 présenté par M. Lionnel Luca habilitant le Gouvernement à modifier le code général des impôts et le livre des procédures pénales pour respecter le principe de la présomption d'innocence. Le rapporteur a estimé cette précision superfétatoire compte tenu des garanties de procédure prévues par le droit fiscal. M. Robert Pandraud a au contraire estimé judicieux d'inscrire dans la loi une telle disposition, dont il a jugé qu'elle n'était pas familière dans l'administration fiscale. M. Georges Fenech, ayant rappelé que le principe de présomption d'innocence, inscrit depuis 1993 dans le code civil, n'avait été introduit qu'en 2000 dans le code de procédure pénale, s'est déclaré favorable à son insertion dans le droit fiscal. Le président Pascal Clément s'est demandé pourquoi pareille disposition suscitait des réticences dès lors qu'elle ne faisait que rappeler, à toutes fins utiles, le droit en vigueur.

À l'issue de ce débat, la Commission a accepté l'amendement n° 3.

Article 16 : Organisation administrative et fonctionnement du système de santé :

La Commission a repoussé les amendements nos 11 et 12 de M. Claude Evin.

Article 19 : Simplification des déclarations sociales :

La Commission a repoussé l'amendement n° 7 de M. Dominique Paillé et l'amendement n° 13 de Mme Catherine Vautrin.

Article 24 : Ratification d'ordonnances relatives à la partie législative de codes rectifiés :

La Commission a accepté l'amendement n° 8 de M. Philippe Armand Martin corrigeant une erreur de référence figurant dans un article du code du travail.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Christian Vanneste, la proposition de résolution de M. Thierry Mariani sur la politique européenne d'asile (n° 818).

Après avoir noté que l'examen de cette proposition de résolution coïncidait avec la discussion du projet de loi modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, M. Christian Vanneste, rapporteur, a rappelé que la proposition de résolution portait sur deux propositions de directives, respectivement consacrées aux conditions que doivent remplir les étrangers pour prétendre au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire et à la procédure d'octroi ou de retrait du statut de réfugié, la discussion de ce deuxième texte incluant une initiative de l'Autriche tendant à fixer des critères permettant de déterminer les États tiers pouvant être considérés comme sûrs.

Évoquant tout d'abord les raisons ayant conduit à l'élaboration d'une politique européenne d'asile, le rapporteur a rappelé que l'Union européenne était destinataire de 65 % des demandes d'asile mondiales en 2002, cette proportion s'élevant à 71,8 % en comptant celles présentées dans les treize États candidats. Il a précisé que les pays recevant le plus de demandes d'asile dans le monde étaient, par ordre décroissant - et sans compter les demandes d'asile territorial présentées dans notre pays - le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Allemagne et la France. Relevant que l'Autriche recevait, en proportion de sa population, le plus de demandes d'asile - ce qui justifiait sans doute qu'elle soit à l'origine d'une proposition de règlement fixant les critères permettant de déterminer les États tiers pouvant être considérés comme sûrs - il a estimé que la mise en place d'une politique européenne d'asile se justifiait d'autant plus que l'on constatait, outre la progression des demandeurs d'asile, un détournement des procédures et des mouvements secondaires entre les États membres, dont le centre de Sangatte fut sans doute l'exemple le plus dramatique. Ayant rappelé que la question de l'asile, après avoir fait l'objet d'une coopération intergouvernementale, était entrée dans le champ des compétences communautaires, il a indiqué que le traité d'Amsterdam avait prévu une « communautarisation » partielle jusqu'au 1er mai 2004 et que le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999 avait fixé comme objectif la mise en place d'un régime d'asile commun, dont les deux propositions de directive visées dans la proposition de résolution constituent les prémisses.

S'agissant de la proposition de directive relative aux conditions d'obtention du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, le rapporteur a indiqué qu'elle conduirait à prendre en compte les persécutions et les menaces d'origine non étatique - notion qui avait précédemment conduit à élaborer la procédure d'asile territorial - et permettait également la reconnaissance d'acteurs non étatiques de protection, conduisant ainsi logiquement à admettre la notion d'« asile interne », de nature à justifier le rejet d'une demande d'asile. Il a également fait observer que la proposition de directive donnait une définition harmonisée de la protection subsidiaire, qui se substituerait à la procédure française d'asile territorial, ouvrant à ses bénéficiaires des droits voisins de ceux reconnus aux réfugiés, la validité du titre de séjour demeurant toutefois d'une durée inférieure.

Évoquant ensuite la proposition de directive relative à la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié, le rapporteur a indiqué que les discussions communautaires étaient moins avancées que sur le précédent texte et a proposé d'approuver les différentes réserves exprimées sur ce texte par la délégation pour l'Union européenne. Précisant que celle-ci avait tout d'abord contesté le caractère trop juridictionnel donné à la première étape de traitement de la demande d'asile, il a souhaité que la France puisse conserver une procédure d'examen des demandes qui soit administrative dans un premier temps - et relevant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (ofpra) - puis juridictionnelle en cas de recours contre la décision de l'Office. Indiquant ensuite que la proposition de directive comportait plusieurs dispositions de nature à accélérer la procédure d'examen des demandes, il a déclaré approuver la notion de « pays d'origine sûr », qui permet d'atteindre cet objectif tout en garantissant un examen individuel des dossiers, mais s'est en revanche opposé à l'application de la notion de « pays tiers sûr », qui permettrait de rejeter une demande sans examen. Il s'est ensuite félicité du renforcement des garanties offertes aux mineurs non accompagnés et de l'assouplissement des dispositions relatives à l'asile à la frontière qui auraient pu, si leur rédaction initiale avait été maintenue, obliger la France à remanier profondément la procédure prévue à l'article 35 quater de l'ordonnance de 1945. En conclusion, il s'est déclaré favorable à l'adoption sans modification de la proposition de résolution.

M. Robert Pandraud a regretté qu'aucune politique européenne ne permette à tout État de l'Union européenne de refuser de reconnaître la qualité de demandeur d'asile aux ressortissants de certains États tiers revenus à la démocratie, notamment des États issus de l'ex-Yougoslavie, désormais en paix, ou de l'Afghanistan, d'où affluent nombre de demandes d'asile. Se félicitant de la qualité des travaux de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des lois, il s'est cependant interrogé sur l'application à laquelle pourrait donner lieu, sur le terrain, une législation particulièrement complexe et sujette à des divergences d'interprétation. Il a rappelé que les personnes bénéficiant du droit d'asile avaient aussi des devoirs, au premier rang desquels figurait celui de ne pas s'ingérer, depuis le pays d'accueil, dans les affaires de leur pays d'origine, ajoutant que la violation de ces devoirs - qui consiste même parfois à mener de véritables opérations de recrutement militaire - devrait entraîner le retrait de la qualité de réfugié.

Tout en saluant la qualité des travaux de la délégation pour l'Union européenne, M. Christophe Caresche a estimé qu'ils anticipaient sur l'examen du projet de loi modifiant la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile et faisaient appel à des notions contestables, comme celle de « pays d'origine sûr » ou celle d'« asile interne », qui lui paraissent remettre en cause le droit d'asile inscrit dans la Constitution. Il a indiqué que le groupe socialiste, pour ces raisons, voterait contre la proposition de résolution.

Le président Pascal Clément s'est interrogé sur l'articulation entre la notion de pays d'origine sûr et l'obligation d'examiner individuellement les requêtes des demandeurs d'asile.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes.

-  L'augmentation des demandes d'asile ne met plus la France en mesure d'accueillir dans des conditions dignes les étrangers qui demandent sa protection et menace ainsi gravement la tradition française d'accueil et d'asile.

-  Le nombre de demandes d'asile présentées en France ayant augmenté de 235 % entre 1998 et 2001, une réforme des procédures s'impose pour permettre aux structures chargées de l'examen des demandes de les traiter avec davantage d'humanisme ; les réformes menées dans les autres États membres de l'Union européenne ont d'ailleurs connu des résultats spectaculaires en permettant d'identifier rapidement les demandes d'asile fondées et donc de les traiter dans les meilleurs délais.

-  Le fait qu'un demandeur d'asile soit ressortissant d'un pays considéré comme un « pays d'origine sûr » ne conduit pas à rejeter sa demande, mais à refuser son admission au séjour au titre de l'asile et à faire traiter sa demande par l'ofpra selon une procédure prioritaire. En tout état de cause, cette liste sera revue périodiquement.

À l'issue de ce débat, la Commission a adopté sans modification l'ensemble de la proposition de résolution.

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Alain Marsaud, la proposition de résolution de M. Jacques Floch sur l'avenir d'Europol (documents E 2064, E 2197 et E 2200) (n° 820).

Après avoir rappelé que l'Office européen (Europol), issu d'une convention signée par les 15 États membres de l'Union le 26 juillet 1995, était un organisme intergouvernemental de coopération policière installé à La Haye, le rapporteur a indiqué que la délégation pour l'Union européenne avait adopté une proposition de résolution qui porte à la fois sur une initiative du Royaume du Danemark tendant à modifier la Convention Europol et sur quatre projets d'accords entre l'Office et la Slovaquie, la Bulgarie, Chypre et la Fédération de Russie. Il a précisé que ces actes, qui ne soulèvent plus de difficultés et doivent être adoptés au Conseil « Justice et Affaires Intérieures » du 6 juin, avaient constitué l'occasion pour la délégation de se livrer à une analyse approfondie du fonctionnement actuel d'Europol et de formuler une série de recommandations pour améliorer son fonctionnement et permettre à la France d'en faire un meilleur usage. Il a ajouté que les recommandations de la délégation rejoignaient parfaitement les préoccupations de la commission des Lois et que le Parlement devait saisir toutes les occasions pour s'exprimer sur l'évolution d'Europol, qui, conçu à l'origine comme un simple centre d'échanges d'informations, pourrait devenir une véritable police criminelle européenne, comme l'Allemagne et la France en ont exprimé le souhait dans leur contribution commune de novembre 2002.

Le rapporteur a évoqué les trois catégories de missions confiées à Europol : l'échange d'informations par le biais d'officiers de liaison détachés, l'analyse criminelle et la coordination opérationnelle, limitée toutefois à la mise à disposition de matériels techniques et de traducteurs en appui des opérations de police des États membres. Il a souligné que son rôle serait considérablement renforcé grâce au protocole adopté en 2002 à la suite d'une initiative de la Belgique et de la Suède, qui permettrait la participation de l'Office aux équipes communes d'enquête mises en place par plusieurs États membres et l'autoriserait par ailleurs à demander à ceux-ci d'ouvrir des enquêtes.

Il a relevé que le développement d'Europol se heurtait à un certain nombre de dysfonctionnements liés à la faiblesse de ses instances de décisions, aux insuffisances de son contrôle et à son régime linguistique, avant de regretter que la France, troisième contributeur au budget d'Europol, ne soit pas impliquée dans cet organisme à la hauteur de son engagement financier, qu'elle sous-alimente Europol en informations, utilise peu ses services et est sous-représentée au sein de sa structure administrative en raison de l'absence d'une stratégie appropriée.

Abordant le contenu des recommandations de la délégation pour l'Union européenne, il a noté qu'elles tendaient à permettre un usage optimal d'Europol par la France et à renforcer le contrôle démocratique de l'Office et son efficacité. S'agissant du premier point, il a précisé que la délégation préconisait la mise en place d'un correspondant d'Europol auprès des principaux services concernés, le développement d'actions de sensibilisation et de formation pour favoriser l'émergence d'une culture policière commune entre les Etats membres et la mise en place d'une véritable stratégie de recrutement et de placement. Afin de renforcer le contrôle démocratique d'Europol et d'accroître son efficacité, il a indiqué que la délégation suggérait de simplifier le régime linguistique de l'Office, d'instaurer une présidence permanente de son conseil d'administration, de renforcer les pouvoirs de l'autorité de contrôle commune, de mettre en place une commission mixte composée de parlementaires européens et nationaux, et à terme de placer les activités d'Europol sous le contrôle d'un parquet européen.

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Évoquant les problèmes de fonctionnement d'Europol, M. Jacques Floch a souligné que la France en portait une part de responsabilité, la police française ne recourant que très rarement à ses services, puisqu'elle n'est à l'origine que de 6 % des demandes. Tout en observant que ce manque d'intérêt français à l'égard de l'Europe se retrouvait dans le recrutement de l'ensemble des institutions européennes, il a regretté que la France ne fasse pas d'effort particulier pour envoyer des fonctionnaires à Europol, rappelant que le directeur adjoint français avait été récemment remplacé par un Danois. Il a évoqué la question du contrôle d'Europol, qui a fait l'objet d'une discussion approfondie lors des débats sur le procureur européen, soulignant que ce contrôle devait être à la fois politique, par l'intermédiaire des députés européens et nationaux, et juridique, par le biais d'Eurojust. Il s'est ensuite interrogé sur la forme que pourra revêtir la participation d'Europol aux enquêtes nationales, soulignant que l'absence de dispositions législatives adaptées risquait de conduire à des annulations de procédure. Abordant la question de l'élargissement, il a fait valoir que les problèmes de confidentialité n'étaient pas limités aux relations avec les pays candidats, citant le cas des États-Unis, qui sont actuellement dans l'incapacité de garantir cette confidentialité.

M. Daniel Vaillant a observé que, pendant longtemps, la sécurité n'avait pas été considérée comme une priorité dans la construction européenne, ce qui a retardé toute avancée significative dans ce domaine. Il a cité, à cet égard, les difficultés rencontrées dans l'installation du collège européen de police et les réticences formulées à l'encontre de la proposition italienne de créer une police européenne des frontières, alors même qu'il s'agit du seul moyen de permettre la mise en place effective d'un espace de sécurité. Il a expliqué que les forces de police françaises s'interrogeaient sur la confidentialité des informations transmises à Europol et préféraient travailler avec Interpol, institution ayant déjà fait ses preuves. Après avoir souligné la nécessité de mettre en place un contrôle d'Europol, en dépit des difficultés rencontrées pour déterminer la forme de ce contrôle, il s'est interrogé sur l'état d'avancement de la transformation du système d'information Schengen (SIS).

M. Robert Pandraud a fait part de son inquiétude sur l'avenir d'Europol, observant que les difficultés actuelles risquaient de s'aggraver avec l'élargissement, alors même que le bon fonctionnement de cette institution suppose un minimum de confiance commune. Il a expliqué les bonnes relations de la police française avec Interpol par l'ancienneté de cet organisme, qui a été créé bien avant la seconde guerre mondiale.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a indiqué que la participation des agents d'Europol aux enquêtes communes était prévue par le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Il ajouté que ce texte déterminait les conditions et les limites de l'intervention des agents étrangers détachés auprès des équipes communes d'enquête, le nouvel article 695-2 du code pénal leur donnant des pouvoirs de police judiciaire analogues à ceux d'un agent de police judiciaire et une compétence nationale. S'agissant des menaces que faisait peser l'élargissement sur Europol, il a fait observer que des accords entre Europol et les pays candidats permettraient de préparer leur adhésion.

Suivant son rapporteur, la Commission a adopté sans modification la proposition de résolution.

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Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Jérôme Bignon, rapporteur :

-  de la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat, portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat ;

-  de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant réforme de l'élection des sénateurs.

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