COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 14 octobre 2003
(Séance de 18 heures 15)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, et de M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, sur les crédits du ministère pour 2004.



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- Examen du rapport pour avis sur les crédits de ce ministère (M. Bernard Derosier, rapporteur)

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- Information relative à la Commission

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La Commission a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, et de M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État pour 2004.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, a développé deux points dans son exposé liminaire : l'évolution des crédits de son ministère et les priorités de la politique du Gouvernement pour la fonction publique et la réforme de l'État.

· Les crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État pour 2004 s'élèveront à 220,45 millions d'euros. Ce budget est construit selon deux principes : l'intensification de l'effort du Gouvernement en faveur de la réforme de la fonction publique après le chantier des retraites et l'application au budget du ministère de la fonction publique des principes de la réforme que ce ministère défend pour l'ensemble des administrations publiques. Ainsi le montant des crédits demandés ne peut être comparé avec les 211 millions d'euros autorisés dans la loi de finances initiale pour 2003, mais avec les 266 millions d'euros que le ministère a réellement gérés en 2003, compte tenu d'un important volume de reports de crédits inemployés, hérités des gestions passées qui privilégiaient l'affichage. L'objectif est de parvenir à une construction budgétaire pour 2005 en base zéro.

L'action sociale interministérielle, incluant les aides et prêts à l'installation, l'aide ménagère à domicile, les chèques-vacances et les prestations crèches, fait l'objet d'une demande de crédits pour 2004 s'élevant à 117,3 millions d'euros au lieu de 118 millions d'euros en 2003. Cette diminution sera compensée par un prélèvement sur le fonds de roulement de la mutuelle de la fonction publique. La subvention aux établissements publics enregistre une augmentation de 3,62 % pour un total de 65,45 millions d'euros. Cette progression résulte, d'une part, de l'accroissement des moyens des institutions régionaux d'administration conformément à l'objectif de renforcement de l'encadrement intermédiaire de la fonction publique, et, d'autre part, de la hausse de la dotation de l'École nationale d'administration après deux années consécutives de prélèvement sur le fonds de roulement pour assurer le fonctionnement de l'école.

Les crédits finançant les études et la communication publique progresseront de 14,58 % pour s'établir à 2,36 millions d'euros, conformément à la volonté de faire de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (dgafp) une véritable direction des ressources humaines susceptible de conseiller l'ensemble des ministères sur cette question, qu'il s'agisse de la réforme des retraites, de la négociation salariale et de la politique des rémunérations ou de la réforme de la formation et de l'encadrement supérieur. Les subventions pour la formation et l'insertion seront portées de 6,86 millions d'euros à 7,64 millions d'euros. Parmi ces crédits, 5,5 millions d'euros financeront des actions en faveur de l'insertion des handicapés en milieu professionnel dans la fonction ou d'aide à la vie quotidienne des travailleurs handicapés, dans le prolongement de « l'année du handicap ».

La dotation du fonds pour la réforme de l'État enregistrera une augmentation de 24,6 %, de 14,5 à 18 millions d'euros, ce qui traduit une « opération de vérité » sur les coûts réels. Jusqu'à présent, le fonds fonctionnait grâce aux crédits ouverts dans la loi de finances ainsi qu'avec des reports de crédits correspondant à des actions non engagées dont le Parlement n'avait pas connaissance. Ces reports ayant été critiqués par la Cour des comptes, ils seront supprimés et un effort de sélectivité plus grande sera entrepris en cours de gestion. Les crédits d'équipement feront l'objet, en apparence, d'une progression d'un million en 2003 à 5 millions d'euros en 2004. Le montant très important des crédits disponibles en gestion, soit 45 millions d'euros, correspondait à des crédits inemployés depuis la budgétisation, en 2000, du fonds d'aménagement de la région Île-de-France. En cours de gestion 2003, ces crédits ont été ramenés à 16,3 millions d'euros. Cet effort se poursuivant en 2004, la dotation dans le projet loi de finances initiale a été augmentée en contrepartie. Ces crédits permettront de financer des opérations de rénovation de certains restaurants inter-administratifs ainsi que des opérations de logement des fonctionnaires, dont le pouvoir d'achat peut, dans certaines régions, être fortement amputé par un coût de la vie plus élevé.

· La politique en matière de fonction publique et de réforme de l'État s'articule autour de trois priorités. La première consiste à moderniser la gestion des ressources humaines dans les trois fonctions publiques. Cette action passe d'abord par une nouvelle politique de recrutement avec le développement de formules de pré-recrutement par concours, sur la base des besoins exprimés par les ministères, et par le biais de dispositifs d'aide, de tutorat, de formation en alternance, ouverts aux jeunes sélectionnés qui auront choisi la fonction publique. Par ailleurs, la validation des acquis professionnels sera favorisée, ce qui permettra de renforcer la professionnalisation des agents. Les agents de la fonction publique territoriale qui auront été embauchés par une collectivité locale avant la fin de leur formation initiale ne pourront l'être qu'à condition que cette collectivité rembourse le coût de la formation. De plus, les règles de gestion seront assouplies grâce, notamment, à l'introduction de règles de promotion plus fluides et par l'approfondissement de la déconcentration. L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes sera encouragée. Enfin, l'encadrement supérieur verra ses responsabilités accrues : il est ainsi envisagé de soumettre l'attribution de certains postes de responsabilité à la validation de capacités managériales. Les fonctionnaires qui exerceront certains mandats électifs pourraient, dans un objectif de plus grande équité, se voir imposer une mise en disponibilité alors qu'ils bénéficient aujourd'hui de la position de détachement.

La deuxième priorité porte sur l'introduction d'une véritable culture de la performance, ce qui passe par une meilleure reconnaissance du mérite des agents à travers les rythmes d'avancement et par l'individualisation plus forte du lien entre la performance et le salaire des fonctionnaires de l'encadrement supérieur.

La mise en cohérence de l'approche salariale avec les réalités économiques constitue une troisième priorité. La première réunion, qui s'est tenue ce jour, du collège des employeurs des trois fonctions publiques a conclu à la difficulté de trouver des marges de manœuvre pour l'année 2003. Il a été proposé aux organisations syndicales de se joindre à une conférence destinée à repenser l'approche de la politique salariale et des rémunérations, au-delà de la seule variation de la valeur du point fonction publique en niveau et en glissement. Enfin, un observatoire des salaires de la fonction publique sera créé.

En complément de ces actions prioritaires, le Gouvernement s'attachera à moderniser, à la suite du rapport remis par M. Guy Berger, les règles de déontologie relatives aux départs dans le secteur privé, à adapter notre fonction publique aux changements qui interviennent en Europe, à engager des discussions sur l'évolution des outils du dialogue social, à diffuser une information claire à destination des administrations sur la réforme des retraites et à réformer, selon des orientations qui seront fournies le 22 octobre prochain, l'École nationale d'administration. Le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État s'est lui-même engagé dans un effort de réforme, qui se traduira par la suppression du contreseing sur les arrêtés d'ouverture de concours, par le transfert de la gestion des prestations familiales aux caisses d'allocations familiales entraînant une économie d'emplois de l'ordre de 1 200 postes, mais aussi par l'amélioration de la gestion de l'action sociale interministérielle et du fonds pour la réforme de l'État et par la modernisation de la dgafp.

Évoquant les priorités énumérées il y a tout juste un an devant la commission des Lois, M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, a indiqué que l'objectif de simplification s'était traduit en juillet dernier par l'adoption d'une loi d'habilitation prévoyant la publication, d'ici à juillet 2004, de quarante ordonnances. Il a précisé que plusieurs d'entre elles avaient d'ores et déjà été adoptées en conseil des ministres, citant celles relatives à la santé et à la suppression de l'instruction mixte à l'échelon central. Il a annoncé qu'un nouveau projet de loi simplifiant la vie des Français serait déposé au début de l'année prochaine et a précisé qu'il comprendrait un article de ratification des ordonnances permettant au Parlement d'avoir un large débat sur le contenu de celles-ci. Évoquant l'accélération de la numérisation des services publics, il a indiqué qu'un plan stratégique avait été validé en conseil interministériel et observé que les premiers chiffres faisaient apparaître en l'espace d'un an une hausse sensible de la fréquentation des sites publics, permettant ainsi à la France de rejoindre le peloton de tête des pays européens. S'agissant du management, il a précisé que l'accueil dans la fonction publique serait amélioré grâce au lancement d'un référentiel de qualité, qui serait décliné dans chaque service. Il a conclu en annonçant que, dans le cadre de la loi de finances, chaque ministre présenterait sa stratégie pour réformer l'administration dont il a la charge, mettant ainsi fin à la tradition de la Ve République qui voulait que cette question ne fasse pas l'objet d'un débat au Parlement.

M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis des crédits de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, a fait part de l'inquiétude des fonctionnaires, qui sont actuellement l'objet de dénigrement de la part des responsables politiques et économiques, alors même qu'on leur demande des efforts importants de réorganisation avec des moyens constants, voire en diminution. Il a exprimé la crainte que, dans ce contexte, la fonction publique n'attire plus les jeunes talents, dont elle aura pourtant un besoin croissant, compte tenu des perspectives démographiques. Évoquant la réforme de l'État, il a regretté la démarche adoptée par le Gouvernement en matière de simplification administrative, jugeant inapproprié le recours à une loi d'habilitation d'une ampleur inégalée dans une matière où le débat public est un gage de réussite et de transparence, comme l'a prouvé la polémique sur la réforme des marchés publics. Il a ensuite souhaité connaître le nombre d'ordonnances effectivement publiées et la date de présentation du prochain projet de loi d'habilitation. Estimant que l'on pouvait douter de l'impartialité des réformes élaborées par l'administration elle-même, il a souhaité que le ministère se tourne davantage vers le Parlement. Après avoir rappelé que, parallèlement à la création d'une direction de la réforme budgétaire prévue par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un décret du 21 février 2003 avait créé une délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'État, il a exprimé la crainte que cette dualité de structures engendre des doublons et des mésententes dans le pilotage interministériel de la réforme.

Abordant le volet de la réforme de l'État propre à l'évolution de la fonction publique, il a souhaité savoir si 2003 serait une année blanche en termes de revalorisation salariale. Tout en reconnaissant que ce terme n'avait pas été évoqué par le ministre, il s'est interrogé sur le rôle du mérite dans les rémunérations, considérant que cette notion ne devait pas être un moyen de légitimation de la stagnation des salaires et a mis en cause l'utilité de la création d'un Observatoire sur les salaires dans la fonction publique. Il s'est ensuite interrogé sur la conséquence du gel de 20 % des crédits déconcentrés en matière de formation. Rappelant que la diminution nette d'emplois serait de 4 568 postes, après la suppression nette de 701 emplois intervenue en 2003, il a souhaité savoir si le Gouvernement s'appuyait sur une étude cohérente, quelles missions de l'État seraient compromises par ces suppressions d'emplois et selon quelle méthode seraient choisis les services qui les subiraient. Il a également demandé si le Gouvernement envisageait de revenir sur les 35 heures dans les trois fonctions publiques.

Évoquant ensuite la réforme budgétaire, il a interrogé le ministre sur les conséquences attendues de la nouvelle présentation des crédits budgétaires par mission et par programme, craignant qu'en pratique celles-ci soient faibles en raison de l'absence de réflexion globale sur les politiques de l'État. Il a regretté que les programmes ne soient pas encore connus et a demandé si le Parlement pouvait être associé à leur élaboration.

S'agissant des transferts de compétences décidés dans le cadre de la décentralisation, il a souhaité savoir si une étude sur les disparités régionales avait été menée, estimant que l'Observatoire de l'emploi public serait une structure adaptée pour mener cette étude ; il a néanmoins regretté que le décret portant création de cette institution, en ne prévoyant qu'un seul député et qu'un seul sénateur, en ait exclu l'opposition et a appelé de ses vœux une modification du texte sur ce point.

Le président Pascal Clément a appuyé la remarque de M. Bernard Derosier concernant la représentation des parlementaires au sein de l'Observatoire de l'emploi public, en estimant qu'il convenait de prévoir la participation de deux députés et de deux sénateurs.

À ce propos, M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, ayant rappelé que le principe de participation d'un seul parlementaire avait été décidé par le précédent gouvernement, a admis que la majorité et l'opposition devraient être représentées au sein de l'Observatoire et précisé que le Gouvernement ne verrait que des avantages à une suggestion de la commission des Lois en ce sens.

En réponse aux questions relatives à la réforme de l'État, M. Henri Plagnol, secrétaire d'État à la réforme de l'État, a apporté les précisions suivantes :

-  S'il est vrai que la loi d'habilitation de juillet 2003 est d'une ampleur sans précédent, le Parlement en a établi la « feuille de route » avec une précision également sans précédent, avant que le Conseil constitutionnel ne valide entièrement la démarche retenue par le Gouvernement, en considérant que la finalité poursuivie répondait à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Ainsi que l'a constaté le Conseil constitutionnel, la longueur des débats parlementaires sur chacun des quarante textes traités par ordonnance aurait été de nature à encombrer gravement l'ordre du jour parlementaire. Enfin, les articles de ratification prochainement déposés pourront donner lieu à un débat au Parlement.

-  Trois députés et trois sénateurs participeront aux travaux du Conseil d'orientation de la simplification administrative ; la possibilité pour le Parlement d'y être entendu est une condition de réussite de la réforme.

-  Le deuxième projet de loi de simplification du droit est en cours d'élaboration en vue d'une adoption en Conseil des ministres au mois de décembre. Il est frappant de constater que les préfectures, consultées, ont formulé plus de 400 propositions de simplification. Pour leur part, les administrations sociales ont exprimé des demandes du même ordre de grandeur : les services de l'État sont donc demandeurs.

-  La mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances relève à titre principal de la compétence de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, qui travaille en coopération avec les commissions des Finances des deux assemblées. Il s'agit bien de donner au Parlement les outils nécessaires à l'exercice d'un vrai contrôle du budget de l'État et, à cet effet, d'instaurer une culture de l'évaluation. Le Gouvernement partage le vœu de la Commission de traquer les « doublons » qui subsistent dans l'administration.

En réponse aux autres questions, M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire, a donné les éléments d'information suivants :

-  Jusqu'à présent, les dates de négociation dans la fonction publique relèvent de la libre décision du Gouvernement. Il conviendrait d'instaurer la règle de négociation salariale annuelle. L'approche des salaires en moyenne et non plus en glissement doit également être généralisée. L'objectif est, plus généralement, de faire en sorte que chaque ministère devienne gestionnaire de sa masse salariale, et qu'il traduise dans son budget l'incidence des mesures catégorielles qui lui sont propres. Tel est le cas, par exemple, des mesures salariales décidées pour la police nationale dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. De la sorte, pourra être développée une approche en termes de management des ressources humaines et seront conciliées la logique de l'employeur soucieux de maîtriser la masse salariale et la préoccupation des syndicats de tenir compte tant de l'évolution des prix que de la progression liée aux mesures individuelles de promotion.

-  La difficulté de parvenir à un accord dans les négociations salariales est accrue par le fait que les différents instruments statistiques disponibles, qu'il s'agisse des indicateurs de l'insee ou des données budgétaires, fournissent des chiffres différents. Le Gouvernement a donc décidé d'élaborer, pour le 1er janvier 2005, des bases statistiques qui seront partagées avec les organisations syndicales. Il n'en demeure pas moins que la prochaine négociation salariale dans la fonction publique s'annonce difficile, même si nul ne croit possible un rattrapage de l'ordre de 3,6 milliards d'euros en une année, dans la situation de croissance très faible que connaît la France.

-  La réforme budgétaire progresse, en partenariat avec le Parlement, dans le souci de définir des missions, des indicateurs d'objectifs et des moyens pertinents pour assurer tout à la fois le contrôle parlementaire et une gestion modernisée des ressources humaines. À titre d'exemple, il n'est pas admissible que les fonctionnaires de l'Éducation nationale n'aient appris que par leur relevé bancaire le montant exact des retenues pour fait de grève, les fiches de paie ayant été établies avec retard. Il en va du respect de l'État. Un exemple de réforme intéressante est apporté par la décision récente de confier aux caisses d'allocations familiales la gestion des prestations familiales des fonctionnaires de l'État ; il convient d'en remercier M. Jacky Richard qui, au nom de son administration, a fait la proposition de cette expérience de modernisation susceptible d'assurer une économie de l'ordre de 1 200 emplois.

-  S'agissant de la réforme des 35 heures, plutôt que d'en maintenir par principe une application brutale qui pèserait sur le bon fonctionnement des services publics, il convient de faire prévaloir le bon sens et le pragmatisme, en particulier dans le service public hospitalier. Le dispositif initialement prévu s'étant révélé source de graves difficultés d'application, six organisations syndicales ont accepté, en janvier 2003, de passer un accord d'assouplissement comportant plusieurs options.

M. Jacques-Alain Bénisti a jugé rassurant pour les fonctionnaires le projet de budget de la fonction publique. Il a salué l'effort de financement des actions sociales, en particulier en faveur du logement des jeunes fonctionnaires, de l'ordre de 10 millions d'euros pour l'année 2004, ainsi que les progrès de la titularisation des contractuels, avant d'insister sur le développement des passerelles entre fonction publique d'État et fonction publique territoriale. Faisant état des attentes très fortes des fonctionnaires en ce domaine, il a également exprimé sa satisfaction à l'égard des actions de formation, qui sont en progression de 12 %. Il a ensuite commenté les propositions faites par le ministre sur le déroulement des carrières des fonctionnaires exerçant des mandats électoraux, en souhaitant une rupture entre mandat électoral et carrière administrative. Il a approuvé la rénovation du dialogue social, dans les conditions exposées par le ministre, en rappelant les avancées obtenues par cette méthode pour la réforme des retraites, puis il s'est félicité du programme de titularisation des contractuels, programme qui répond aux attentes des intéressés. S'agissant des crédits consacrés à l'éna, il a jugé suffisant le niveau actuel du fonds de roulement imparti à l'école. Estimant que l'action du ministère avait été de grande ampleur sur une période relativement courte, il a conclu en se félicitant de la progression globale des crédits consacrés à la fonction publique dans un contexte difficile.

M. Jérôme Lambert a rappelé que le secrétaire d'État à la réforme de l'État avait indiqué, lors du débat sur la loi d'habilitation, que les parlementaires seraient étroitement associés à la rédaction des ordonnances. Il l'a donc interrogé sur les ordonnances en cours et sur la façon dont le Parlement était associé. Il a jugé peu satisfaisante la méthode consistant à introduire un simple article de ratification dans un nouveau projet de loi d'habilitation, ce qui ne permettrait pas de débattre du contenu de toutes les ordonnances déjà édictées. Évoquant le projet consistant à obliger les fonctionnaires à choisir entre l'exercice de leur mandat et leur carrière administrative, il a demandé au ministre de préciser quels mandats électifs seraient concernés par cette réforme.

M. Xavier de Roux a souhaité savoir comment pourrait être concilié le respect de la grille des salaires avec la décentralisation d'une part et la gestion par objectifs d'autre part. Il a ensuite évoqué la question de l'application des 35 heures dans la fonction publique, en considérant que l'écueil majeur résidait dans la difficulté de procéder à des recrutements, notamment dans la fonction publique hospitalière.

M. Christian Decocq a souhaité connaître les modalités de la réforme de gestion des carrières dans le cas d'un fonctionnaire exerçant un mandat électoral. Il a plaidé à ce sujet pour qu'un débat ait lieu au Parlement, par la voie d'un projet de loi, afin de ne pas laisser à la seule administration le soin de piloter la réforme. Il a ainsi mis en garde le ministre contre l'immobilisme engendré par le dialogue syndical et la difficulté de réformer dans ce contexte.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Paul Delevoye a apporté les éléments de réponse suivants :

-  Si l'on ne peut être que frappé par la faiblesse, dans un pays qui subit de fortes mutations sociales, des outils de régulation que sont les partis politiques et les syndicats et s'il est évident qu'il faut les moderniser afin d'en accroître l'attractivité, faut-il pour autant renoncer à l'application des principes républicains concernant la question de l'engagement de fonctionnaires dans des mandats politiques ? Il serait pour le moins paradoxal que ceux qui font respecter ces principes ne se les appliquent pas à eux-mêmes. Or, lorsqu'un fonctionnaire exerce un mandat qui requiert un engagement politique à temps plein, il n'est pas équitable qu'il continue de bénéficier du déroulement normal de sa carrière : il en résulte en effet une rupture d'égalité, d'une part, avec ses homologues qui effectuent toute leur carrière en tant que fonctionnaires, d'autre part avec les détenteurs de mandats politique issus de professions libérales dont l'engagement politique fait peser un risque sur la pérennité de leur activité professionnelle initiale.

-  Le problème de l'application des 35 heures dans la fonction publique hospitalière pose la question de l'attractivité de cette dernière. Dans un contexte de déficit potentiel annoncé en infirmières diplômées, notamment à cause de l'attractivité du secteur privé ou des conditions de travail dans les pays frontaliers, il est nécessaire de réfléchir à l'amélioration des modalités de recrutement et de déroulement des carrières. L'instauration d'un temps partiel destiné aux fonctionnaires préparant un concours, qui serait particulièrement utile aux femmes devant concilier vie professionnelle et vie de famille, pourrait constituer une piste intéressante.

-  À la veille de la mise en œuvre de la deuxième étape de la décentralisation, qui vise à la simplification, la clarification et l'efficacité de l'action publique, il est nécessaire de redéfinir la mobilité entre les trois fonctions publiques. La réforme de l'État a notamment pour objectif d'introduire souplesse et respiration dans une fonction publique souvent lasse d'un système paralysant et neutralisant les initiatives individuelles, d'une part, peu favorable à la réactivité d'autre part, alors qu'il s'agit d'une dimension essentielle dans une économie mondialisée où les systèmes administratifs aussi sont en concurrence. Il s'agit aujourd'hui d'inverser la tendance, en définissant un contrat de confiance, et non de méfiance.

M. Henri Plagnol a ensuite apporté les précisions suivantes sur la mise en œuvre de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit :

-  Si le Gouvernement n'a jamais prétendu confier au Parlement le soin de rédiger avec lui les ordonnances prévues par la loi - qui a été jugée conforme à la Constitution car suffisamment précise dans ses termes et dans les délais qu'elle comporte - il s'efforce en revanche d'associer les élus à l'élaboration de ces ordonnances sous des formes renouvelées, par exemple en consultant les associations d'élus ou en constituant un groupe de travail parlementaire pluraliste, à la demande du ministère des finances, sur la question de la réforme des marchés publics et du partenariat entre les secteurs public et privé.

-  Procéder à la ratification de ces ordonnances par le vote d'un article unique est conforme à la lettre de la Constitution et à la logique de la loi du 2 juillet 2003, en laissant au Parlement le soin de se prononcer sur les orientations politiques, sans avoir à examiner le détail de chaque ordonnance.

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Après le départ des ministres, la Commission a procédé à l'examen pour avis des crédits du ministère chargé de la fonction publique et de la réforme de l'État pour 2004.

Tout en constatant que ce budget comportait des points positifs, notamment pour les bénéficiaires des prestations sociales interministérielles, M. Bernard Derosier, rapporteur pour avis, a estimé que des efforts devaient néanmoins être consentis pour améliorer la répartition de ces crédits. Par ailleurs, jugeant nécessaire que le Gouvernement précise quelles missions il entend confier à la fonction publique pour les années à venir, il a proposé à la Commission de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de ce ministère.

Contre l'avis du rapporteur, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État pour 2004.

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Information relative à la Commission

La Commission a élu M. Arnaud Montebourg vice-président de la Commission, en remplacement de M. Patrick Braouezec, démissionnaire.


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