COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 22 octobre 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et de M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, sur les crédits du ministère de l'Intérieur pour 2004..



2

- Information relative à la Commission

12

La Commission a procédé à l'audition de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et de M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, sur les crédits du ministère de l'Intérieur pour 2004.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, s'est déclaré satisfait, dans un contexte économique difficile, de la croissance des crédits de son ministère, de l'ordre de 4 % hors dotations aux collectivités locales et crédits consacrés aux élections. Évoquant les bons chiffres obtenus en matière de délinquance, il a jugé qu'il s'agissait ainsi pour le Gouvernement de témoigner sa reconnaissance à l'égard d'un ministère qui obtient des résultats. Il a ensuite abordé successivement les questions de sécurité intérieure, de sécurité civile et d'administration territoriale.

S'agissant de la police, 2004 sera la deuxième année de mise en œuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ; alors que cette loi prévoit une enveloppe de 5,6 milliards d'euros de moyens supplémentaires pour la police et la gendarmerie sur cinq ans, les crédits dégagés en loi de finances pour 2004 permettent d'ores et déjà de garantir 55 % de cette enveloppe dès la deuxième année d'application. Le budget de la police nationale connaîtra en conséquence une croissance de 5,7 %. Mille emplois supplémentaires seront créés, dont 750 emplois « actifs » et 250 emplois administratifs, scientifiques et techniques. Les adjoints de sécurité voient leur statut consolidé, avec un effectif stabilisé à 11 300, et leur traitement sera revalorisé. Les moyens de fonctionnement impartis à la police sont également en augmentation, afin de poursuivre l'équipement individuel en gilets pare-balle, le renouvellement des uniformes, la modernisation de la police scientifique et technique, ainsi que la remise à niveau du parc automobile.

Pour les programmes d'investissement, l'accent est mis sur la mise en chantier ou la livraison des commissariats et hôtels de police ; en dépit des difficultés et de la lourdeur de ces opérations foncières, l'engagement rapide des programmes permet de se prémunir contre un éventuel gel des crédits en cours d'année. 2004 est également une année d'accélération en programmes d'équipement en informatique de transmissions, les crédits de paiement augmentant de 20 %. Un montant de 60 millions d'euros est ainsi prévu pour accélérer le déploiement du programme ACROPOL de transmissions sécurisées de la police nationale, et 6 millions d'euros pour subventionner les partenaires du ministère - principalement la SNCF et la RATP - qui souhaitent accélérer l'installation d'ACROPOL dans les lieux souterrains. L'année 2004 sera également celle de la réforme des corps et carrières de la police nationale ; le premier objectif de cette réforme est de créer une organisation hiérarchique plus efficace, avec une réduction des effectifs des corps supérieurs, commissaires et officiers de police, afin de responsabiliser davantage les niveaux intermédiaires. Les commissaires de police doivent retrouver leur vocation initiale, qui consiste à élaborer les doctrines d'emploi et commander les structures et les opérations les plus importantes. Les officiers de police doivent redevenir de vrais cadres, plus spécialement chargés de missions de commandement opérationnel et de fonctions techniques spécialisées. À terme, l'objectif est de ramener le nombre total d'officiers de police de 15 000 à 9 000. La suppression de 550 emplois d'officiers de police et de 50 emplois de commissaires constitue un premier pas ; il doit être compensé par une forte augmentation du nombre de gardiens officiers de police judiciaire. Le budget prévoit ainsi des crédits pour permettre à 2000 agents supplémentaires d'acquérir cette qualification. La réduction des effectifs d'officiers et de commissaires ne devant toutefois pas fragiliser la structure hiérarchique, le projet de budget prévoit la création de 400 emplois supplémentaires de gradés et l'alignement des indices terminaux des brigadiers et brigadiers majors sur ceux des grades équivalents de la gendarmerie. En outre, à partir du 1er octobre 2004, sera créé un nouveau grade entre gardien de la paix et brigadier, attribué en priorité aux gardiens ayant la qualification d'OPJ. Outre ce « repyramidage » des carrières, le budget pour 2004 a pour objectif de mieux motiver les fonctionnaires de police, en introduisant les notions d'évaluation et de mérite ; dans ce cadre a été prévue une enveloppe de 5 millions d'euros destinée à récompenser les services ayant atteint des objectifs préalablement déterminés. Le troisième objectif fixé pour le budget de la police nationale est de mieux adapter le potentiel opérationnel aux besoins du service, afin de pouvoir faire face plus efficacement aux événements exceptionnels et aux pics d'activité. Conformément à ce qui avait été annoncé dans la LOPSI, 3 millions d'euros vont être dégagés pour financer la création d'une réserve civile, faisant appel aux jeunes retraités. L'annonce de cette création a déjà suscité, avant même la publication du décret, la candidature de 3 273 retraités, ce qui constitue un signe de succès.

Le budget 2004 met également l'accent sur la rénovation du travail des fonctionnaires, l'objectif étant de travailler plus et plus efficacement : à cet effet, le nombre des jours d'aménagement-réduction du temps de travail (ARTT) sera porté de 6 à 8, avec une compensation correspondante de 85 € par jour. Enfin, une enveloppe de 6 millions d'euros est prévue pour remplacer par un paiement en argent une partie des récupérations en temps, permettant ainsi de rémunérer les astreintes et les permanences.

Dans le domaine de la sécurité civile, la saison passée a montré la nécessité de dégager des moyens adaptés. L'augmentation des crédits d'équipement sera de 18 % en autorisations de programme ; elle sera complétée par le projet de loi de finances rectificative, qui devrait prévoir le remplacement des deux avions Fokker, tandis que le prépositionnement de moyens nationaux de renfort, dès le mois de juin, sera demandé et qu'apparaît la nécessité de disposer d'hélicoptères lourds adaptés aux régions montagneuses.

S'agissant des crédits de l'administration territoriale, le budget 2004 prévoit la généralisation à toute la métropole de la globalisation des crédits de fonctionnement et de rémunération. La fongibilité des crédits ainsi instaurée permet une souplesse de gestion et une responsabilisation des préfets. Cette innovation sera prochainement suivie d'une redéfinition du pouvoir de coordination du préfet de région, ainsi qu'une redéfinition des missions assignées aux sous-préfets.

Présentant les dotations de l'État aux collectivités locales, M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, a indiqué que, dans le contexte budgétaire difficile, le budget des collectivités locales concrétisait financièrement l'engagement du Gouvernement pour la décentralisation, puisqu'il permet de préserver les finances des collectivités locales, de préparer la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), de poser les bases d'une véritable péréquation et d'accompagner la décentralisation du RMI par un transfert de fiscalité.

La préservation des finances des collectivités locales passe par la reconduction du contrat de croissance et de solidarité : l'effort financier de l'État représente ainsi 59,4 milliards d'euros en 2004 soit un cinquième du budget de l'État ; cette reconduction du contrat de croissance a fait l'objet d'un débat au sein du Gouvernement, puisqu'il était également envisageable d'appliquer aux collectivités locales le même effort de rigueur que l'État s'applique à lui-même. Le Premier ministre a néanmoins tranché en faveur des collectivités locales car il eût été difficile d'imaginer, à la veille d'une nouvelle étape de la décentralisation, que l'État reprenne d'une main ce qu'il accordait de l'autre avec l'attribution de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). La progression du contrat de croissance et de solidarité sera donc en 2004 de nouveau indexée sur les prix, majorés du tiers de la croissance du PIB ; une indexation sur la moitié du PIB  réclamée par les élus locaux est apparue en revanche peu réaliste dans le contexte budgétaire actuel.

S'agissant de la réforme de la DGF, l'intégration d'un grand nombre de dotations permet de répondre à un double objectif de simplification et de soutien à la péréquation. La DGF passera ainsi de 19 à 36,7 milliards d'euros, mais conservera elle aussi ses règles actuelles d'indexation. À périmètre constant, la progression de la DGF devrait ainsi être de 1,93 %, ce qui représente une augmentation de 400 millions d'euros. Cette faible progression a des conséquences sur la dotation forfaitaire, qui connaîtra une croissance inférieure à 1 %. Il s'agit là d'une application stricte des règles de progression prévues dans le code général des collectivités territoriales, mais cela correspond également au choix clair du Gouvernement d'encourager la politique de péréquation même si c'est au prix d'une moindre progression de la dotation forfaitaire.

Le principe de péréquation est désormais inscrit dans la Constitution ; la péréquation suppose une réforme d'ensemble de la DGF et des critères de répartition des dotations ; il a toutefois été jugé prématuré de procéder à une réforme des critères sans concertation préalable et sans qu'aient été arrêtés définitivement les prochains transferts de compétences. La démarche entreprise par le Gouvernement est donc en deux temps : dans un premier temps, avec le présent projet de loi de finances, est prévue la réorganisation de l'architecture de la DGF, qui s'articule autour d'une dotation forfaitaire et d'une dotation de péréquation attribuées aux communes et leurs groupements, aux départements et aux régions ; le deuxième temps, au cours de 2004 sera la réforme des critères d'attribution, avec une réflexion portant principalement sur le calcul du potentiel fiscal et du coefficient d'intégration fiscale. En complément de cette réforme, il est prévu dans le PLF 2004 de soutenir la péréquation par un abondement de 36 millions d'euros et par l'attribution à la DSU et à la dsr de la quote-part de la régularisation de la DGF de l'année dernière. L'autonomie financière est désormais garantie par la Constitution ; une loi organique viendra préciser le principe et permettra ainsi de mettre définitivement un terme à la baisse régulière de l'autonomie financière des collectivités locales, qui s'est traduite ces dernières années par la suppression de plus de 15 milliards d'euros, transformés en dotations de l'État. Il sera ainsi précisé dans la loi organique que la situation de 2003 constitue un plancher et sera la base d'une restauration progressive de l'autonomie financière.

Le plf pour 2004 permet une première application du principe en transférant aux départements 5 milliards d'euros de TIPP au titre du financement du RMI-RMA. Le débat reste ouvert sur la question de savoir si l'attribution d'une taxe sans la possibilité d'en moduler les taux accroît l'autonomie financière ; l'engagement du Premier ministre de compléter prochainement ce transfert par une part de la taxe sur les conventions d'assurance traduit la volonté du Gouvernement de renforcer l'autonomie financière des collectivités locales. En outre, la réforme du RMI-RMA ne se fera pas au détriment des départements : un rapport sera déposé avant la fin de l'année prochaine sur les conditions de mise en œuvre de la décentralisation du RMI. Comme pour tous les transferts à venir, une attention toute particulière sera portée à la loyauté de la compensation, sous le contrôle du conseil constitutionnel.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis des crédits de la police, après avoir relevé que la complexité des procédures des marchés publics ralentissait la réalisation des projets immobiliers des administrations alors que l'article 3 de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI) avait précisément instauré des procédures simples et efficaces, a souhaité connaître, quatorze mois après l'adoption de cette loi, l'état d'avancement du décret prévu pour l'application de cet article. Ayant rappelé que l'article 29 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait largement étendu la liste des personnes dont les empreintes sont susceptibles de figurer dans le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG), il a souhaité savoir quels étaient les objectifs du ministre en termes de nombre d'empreintes pour 2004. Abordant la mise en place progressive des sûretés départementales, il a souhaité connaître l'état d'avancement de celle-ci sur l'ensemble du territoire. Évoquant le redéploiement des zones de compétence entre la police et la gendarmerie nationales, il a interrogé le ministre sur le bilan qu'il pouvait dresser de cette mesure.

Après avoir fait état de ses nombreux déplacements en Île-de-France dans le cadre de la préparation de son rapport, il a indiqué que de nombreux agents de la police y étaient en service dans le cadre de leur première affectation, mais la quittaient trop rapidement pour d'autres régions. Observant que cette situation entraînait de sérieuses difficultés de gestion du personnel, il a interrogé le ministre sur les mesures, dites de « fidélisation », permettant de faciliter le maintien de ces fonctionnaires en région parisienne.

Évoquant la mise place par le préfet de police de Paris d'indicateurs de résultats, il a demandé au ministre si leur transposition dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances était envisageable. Ajoutant que cette loi prévoyait la présentation des crédits par missions et par programmes, il a jugé indispensable, pour garantir le contrôle de l'application de la LOPSI par le Parlement, que la sécurité intérieure fasse l'objet d'une mission interministérielle comprenant un programme « police » et un programme « gendarmerie » ; s'appuyant sur les informations données en réponse au questionnaire budgétaire, selon lesquelles le ministre de la défense envisagerait de répartir les moyens consacrés à la gendarmerie dans différents programmes, il a fait part de son inquiétude et souhaité savoir quand le Gouvernement arrêterait sa position sur cette question.

Après avoir rappelé que les dramatiques incendies de l'été et la discussion prochaine d'un projet de loi de modernisation de la sécurité civile plaçait celle-ci au cœur de l'actualité, M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis des crédits de la sécurité civile, a souhaité connaître les mesures concrètes, d'ores et déjà prises ou envisagées, en matière de prépositionnement et d'organisation des moyens de secours, de composition de la flotte aérienne et de sécurité des sapeurs-pompiers. Puis il a interrogé le ministre sur les dispositions prises pour améliorer la prévention et les moyens de lutte contre la menace terroriste, en particulier contre les risques d'attaques nucléaires, bactériologiques et chimiques, ainsi que sur les projets en cours concernant la modernisation des réseaux d'alerte et de transmission et l'amélioration de l'information des populations en situation de crise. Il a conclu son propos en demandant des précisions sur la modernisation des centres de déminage et sur l'état d'avancement du projet de création du centre de stockage intermédiaire des munitions anciennes.

Après avoir rappelé qu'il avait proposé un amendement à la loi de finances pour 2003 tendant à supprimer tout lien entre les taux des différents impôts directs locaux, auquel le Gouvernement s'était opposé, M. Manuel Aeschlimann, rapporteur des crédits de l'administration générale et des collectivités locales, a souhaité savoir si, compte tenu de la modération dont avaient fait preuve les collectivités locales dans le cadre d'un aménagement de la règle du lien entre les taux, le Gouvernement serait désormais favorable à une « déliaison » totale.

Abordant ensuite les dispositions du projet de loi organique sur l'autonomie financière des collectivités territoriales qui se réfèrent à la notion de « ressources propres » et à leur « part déterminante », il a demandé au ministre de préciser la définition de ces notions. Il a souhaité également savoir ce qui justifiait le maintien du fctva et plaidé pour une solution alternative qui permettrait aux collectivités locales d'inscrire en recettes la tva acquittée sur les opérations d'investissement.

Observant que les dotations de l'État aux collectivités locales sont déterminées en fonction du potentiel fiscal de ces dernières, lui-même fondé sur les bases brutes des quatre impôts directs locaux, il s'est demandé s'il ne serait néanmoins pas préférable de se référer aux bases nettes afin de prendre en compte les différents abattements décidés par les élus locaux.

S'agissant de la police, le ministre de l'Intérieur a apporté les précisions suivantes en réponse aux rapporteurs :

-  Il est vrai que la préparation du décret d'application relatif à la location avec option d'achat, prévu par l'article 3 de la lopsi, a pris du temps, notamment devant le Conseil d'État. Mais il a été nécessaire de surmonter les fortes réticences des architectes, ainsi que les contraintes liées aux directives communautaires. La mise en œuvre de la procédure de conception-réalisation a été ralentie par les mesures de gel de crédits en cours d'année. En revanche, la maîtrise d'ouvrage déléguée aux collectivités territoriales est déjà un succès ; à titre d'exemple, parmi de très nombreuses réalisations, peuvent être citées les conventions pour la construction d'un commissariat à Ermont, dans le Val d'Oise, d'une unité canine à Saint-Martin-lès-Boulogne, du commissariat de police de Colmar, ou encore de huit opérations dans les Hauts-de-Seine.

-  Les moyens du fichier national automatisé des empreintes génétiques (fnaeg) ont été renforcés par la création de sept postes d'ingénieur et de huit autres postes, ainsi que par l'acquisition de matériel lourd, qui se poursuivra en 2004. Cet effort a permis de passer à 500 analyses par jour, au lieu de 30 en début d'année, et de multiplier par six le nombre d'empreintes inscrites au fichier ; la toute récente campagne organisée dans les prisons a permis de collecter 1 200 empreintes supplémentaires. Pour l'exercice 2004, il est prévu de multiplier par dix le nombre des empreintes traitées ; à titre de complément, le Gouvernement souhaite externaliser autant que possible le traitement des empreintes, l'objectif étant, à terme, de faire aussi bien que la Grande-Bretagne.

-  À la fin de l'année 2003, 42 sûretés départementales auront été constituées, au lieu de 14 en début d'année ; cette réforme est importante en ce qu'elle décloisonne les services d'investigation.

-  Le redéploiement entre police nationale et gendarmerie est déjà achevé dans 25 départements, il le sera dans 23 autres en 2004, puis dans 12 en 2005.

-  La question de la « fidélisation » des personnels de police dans les régions fait l'objet de discussions avec les syndicats ; il paraît souhaitable d'imposer aux fonctionnaires de rester au minimum 5 ans dans le ressort de leur première région d'affectation, et 5 ans également dans la région où ils ont pris un nouveau grade, afin d'assurer une stabilité satisfaisante des effectifs, en particulier en région parisienne. À cet égard, la question ne se pose pas seulement en Île-de-France, mais aussi dans des départements limitrophes, comme l'Oise. Le ministère de l'Intérieur travaille, en concertation avec le ministère des Finances, à la mise au point d'un programme renforcé de fidélisation tendant à augmenter le nombre de logements sociaux à la disposition des policiers, à l'attribution d'indemnités spécifiques, ainsi qu'à un système de prêts bonifiés à la construction en Île-de-France.

-  L'élaboration d'indicateurs de lutte contre la délinquance est décisive pour améliorer la réactivité des services de sécurité intérieure en ajustant leurs effectifs à l'évolution de la délinquance ; l'objectif est d'assurer un suivi quotidien de la situation par circonscription de sécurité publique, cohérent avec la culture du résultat. Dès à présent, une réunion se tient chaque fin de semaine pour suivre les résultats à Paris et ajuster les effectifs en conséquence.

-  L'inscription des crédits de la gendarmerie au budget de l'Intérieur n'a nullement été demandée ; en revanche, il est exact qu'un débat a lieu au sein du Gouvernement sur le principe d'un programme propre à la gendarmerie au sein du budget de la Défense. Le Parlement, qui a voté la lopsi, est en droit d'en contrôler l'application ; à titre d'exemple, le rapport sur l'exécution de la lopsi comporte des indications précises sur la police, mais le Gouvernement n'est pas en mesure de présenter des informations analogues en ce qui concerne la gendarmerie. Le Premier ministre devra rendre un arbitrage dans les mois qui viennent ; en attendant qu'il prenne cette décision, le soutien de la commission des Lois sera précieux.

S'agissant de la sécurité civile, le ministre de l'Intérieur a apporté les précisions suivantes :

-  Le prépositionnement des moyens de lutte contre les incendies de forêts devra être effectué dans des départements particulièrement exposés tels que la Corse, les Alpes-Maritimes ou le Var ; les efforts des collectivités locales, à l'exemple du département des Alpes-Maritimes, qui loue chaque été plusieurs hélicoptères, sont appréciables. L'utilisation d'appareils américains de grande capacité, prêtés par l'Italie, a été appréciée par les utilisateurs, ce qui doit inciter à approfondir la réflexion sur le choix des futurs matériels.

-  10 millions d'euros ont été débloqués pour accroître les équipements nrbc, qui sont aujourd'hui installés dans seize grands centres urbains ; chaque poste peut traiter trente victimes à l'heure, une partie du retard est ainsi rattrapée mais des efforts importants restent à accomplir ; vingt-huit exercices ont eu lieu en 2003, cinquante devraient être organisés l'année prochaine, toutes les grandes agglomérations ayant vocation à y participer.

-  Le réseau d'alerte des 4 500 sirènes est obsolète : dans certaines villes, à l'occasion des événements naturels récents, toutes les communications ont été coupées pendant plusieurs heures. Il est prévu de mettre en place des systèmes de rechange dans divers grands centres, tandis que plusieurs systèmes d'alerte seront installés dans les villes et villages les plus menacés.

- Les artificiers seront tous intégrés dans la sécurité civile. Un effort particulier a été fait en faveur de l'acquisition de robots favorisant la sécurité des démineurs ; le programme immobilier de modernisation a déjà permis la réhabilitation de douze centres de déminage, sept restent à réaliser. Le centre de stockage intermédiaire de munitions anciennes sera mis en service fin 2006.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales, a apporté les éléments de réponse suivants :

-  Aucune région n'a utilisé le dispositif de déliaison partielle des taux des différentes impositions locales mis en place dans la précédente loi de finances, alors que 16 % des départements, 13 % des communes et 16 % des établissements publics de coopération intercommunales ont décidé d'y recourir ; les collectivités locales ont donc utilisé cette méthode avec prudence. Il ne paraît guère raisonnable de s'engager dans la voie d'une suppression totale du lien entre ces taux, contre laquelle la commission des Finances s'est d'ailleurs prononcée.

-  Il n'y a pas à craindre que la poursuite du processus de décentralisation se traduise par une augmentation de la fiscalité locale, puisque la Constitution dispose désormais que chaque transfert de compétence s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes. Les augmentations des taux constatées ces dernières années, sans lien avec la décentralisation, sont dues à des transferts de charge résultant de la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale, de l'alourdissement des dépenses liées à l'allocation personnalisée d'autonomie (apa) ou aux services départementaux d'incendie et de secours.

-  La part déterminante des ressources propres peut être définie comme celle qui assure la libre administration des collectivités locales ; elle inclut l'ensemble des impositions locales de toutes natures, par opposition aux dotations, qui sont versées par l'État.

-  S'il peut être tentant de fonder le calcul du potentiel fiscal sur les bases nettes d'imposition plutôt que sur les bases brutes et donc de tenir compte des abattements pratiqués, un tel changement pourrait avoir des conséquences inéquitables, certaines communes prévoyant nombre d'abattements ou d'exonérations ; cette question nécessite donc à la fois une concertation et des simulations dont on ne dispose pas aujourd'hui.

-  Le système du fctva, qui représentera 3,7 milliards d'euros en 2004, est devenu très complexe, la loi de finances en modifiant les règles chaque année. Mais il s'agit d'un instrument particulièrement important dès lors que les collectivités locales réalisent 70 % de l'investissement public. La suppression de la tva sur les achats réalisés par les collectivités locales poserait inévitablement des difficultés de trésorerie ; en outre, elle serait sans doute contraire au droit communautaire.

M. Jean-Pierre Blazy a tout d'abord estimé qu'une partie des résultats obtenus en matière de sécurité était due aux efforts inscrits dans la loi de finances initiale pour 2002. Il a demandé sur quels chapitres avaient porté les annulations de crédits enregistrées à hauteur de 80 millions d'euros en 2003 et souhaité que ce type de mesure ne se reproduise pas en 2004. Soulignant que la loi sur les retraites de juillet dernier avait entraîné de nombreux départs anticipés, il a interrogé le ministre de l'Intérieur sur le nombre de départs de policiers prévus dans les années à venir et sur les effectifs réels qui seraient disponibles en 2004. Puis, ayant déploré le manque d'effectifs en région parisienne, il a demandé quelles pourraient être les fonctions de la réserve civile, autres que la surveillance de manifestations exceptionnelles. Il a demandé des précisions sur le régime et sur le calendrier de mise en œuvre du système de primes au mérite, ainsi que sur le financement prévu pour pérenniser 11 300 adjoints de sécurité. Il a posé la question du renforcement des efforts de formation dans un contexte de diminution du nombre d'officiers. Il a relevé une contradiction entre la réduction des crédits d'action sociale et la volonté affichée de conduire des actions ambitieuses dans ce domaine. Il a enfin interrogé le ministre sur la date de mise en service des nouveaux uniformes de la police nationale.

M. Christian Estrosi s'est réjoui du contenu du projet de budget, qui s'inscrit dans la continuité et dans l'action, grâce au respect des objectifs de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure, à la modernisation de l'ensemble des forces de sécurité, à la création d'emplois tant dans les services administratifs que dans les services actifs. Il a salué la volonté de réduire le nombre des officiers de police afin d'en revaloriser la fonction, ainsi que les bons résultats obtenus grâce au budget de 2003 dans la lutte contre la criminalité et dans le rétablissement des droits de chacun, sans que jamais soit perdue de vue l'indispensable considération due aux victimes, dans un souci de d'équilibre entre fermeté et respect des libertés individuelles. Il a approuvé la meilleure prise en compte des performances et résultats par le biais d'un nouveau système de primes.

Il a demandé quelles économies étaient attendues de l'attribution à l'ensemble des forces de l'ordre d'un modèle unique d'arme, ainsi que de la participation expérimentale de gardes de sécurité privés au transfèrement des personnes décidée dans le cadre du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration. Il a également demandé quel serait le calendrier de mise en place de l'Observatoire de la délinquance et quelle sera l'économie du futur régime des primes. Citant l'exemple du conseil général des Alpes-Maritimes, qui financera la construction de douze gendarmeries, il a jugé pertinente la participation des collectivités locales au logement des policiers et des gendarmes, en contrepartie de l'affectation de nouveaux effectifs sur leur territoire.

Tout en approuvant la nouvelle étape de la décentralisation, il s'est inquiété du transfert de charges sur le revenu minimum d'insertion, financé par les départements, de 600 000 personnes auparavant aidées par l'unedic ; il a souhaité obtenir des garanties de compensation au titre des nouveaux transferts de compétence pour les années à venir.

M. Francis Delattre a fait observer que, sur le terrain, l'irréversibilité de l'unité de commandement opérationnel des forces de police et de gendarmerie était quelquefois mise en doute et a appelé de ses voeux, pour dissiper les interrogations, la mise en place rapide d'un grand ministère de la sécurité. Il a ensuite souhaité savoir à quelle date la couverture du territoire par le réseau acropol serait achevée, soulignant l'importance de cet enjeu pour la sécurité des quartiers difficiles. S'agissant des départs en retraite, il a demandé au ministre quel en serait l'impact sur les effectifs opérationnels en matière de sécurité publique. S'émouvant enfin de ce que, contrairement aux prescriptions légales, les travaux réalisés par les sociétés d'économie mixte pour le compte des communes ne soient pas éligibles au fctva, il a souhaité savoir quelles instructions seraient données aux préfets pour mettre fin à cette non-application de la loi.

Dans le même esprit, le président Pascal Clément a déploré que les communes effectuant des travaux pour le compte des départements soient dans l'impossibilité de récupérer la tva auprès de ces derniers, alors même que ceux-ci étaient remboursés par l'État. Rappelant que les budgets des départements avaient été lourdement grevés par la réforme de l'allocation personnalisée d'autonomie (apa), le président Pascal Clément a craint qu'il en soit de même avec la réforme de l'allocation spécifique de solidarité, dont les conséquences financières n'ont pas été précisément évaluées.

M. Christian Vanneste s'est réjoui de ce que le ministre de l'Intérieur soit parvenu à remettre les effectifs de la police sur le terrain et à avoir une connaissance précise de leur répartition. Il s'est demandé quand serait enclenchée l'étape suivante, consistant à rééquilibrer les effectifs des forces de sécurité par rapport au nombre d'habitants par département et à leur dangerosité. Il a rappelé à cet égard que le département des Bouches-du-Rhône comptait environ un policier pour 250 habitants, alors que celui du Nord, également confronté à des problèmes de sécurité publique, n'en comptait qu'un pour 400.

En réponse aux intervenants, le ministre de l'Intérieur a apporté les précisions suivantes :

-  Si le budget de la police pour 2002 ne s'est pas accompagné d'une augmentation réelle des effectifs, c'est parce que l'équivalent de 7 800 emplois ont été perdus du fait de l'application de la réduction du temps de travail et que le ministère a enregistré 1 080 départs en retraite anticipée, liés à la réforme des retraites qui était attendue depuis plusieurs années. Ces déperditions ont dépassé les créations d'emplois.

-  Après les gels de crédits décidés pour tous les ministères en cours d'année, le dégel de 400 millions d'euros a été obtenu pour le ministère de l'Intérieur, après quoi restent 6 % de crédits de fonctionnement gelés non annulés qui seront reportés sur l'exercice 2004, à hauteur de 40 millions d'euros pour la police. Quant aux crédits supprimés, il s'agit de crédits de paiement destinés aux collectivités locales sans autorisations de programme correspondantes.

-  Les crédits nécessaires à la rémunération des 11 300 adjoints de sécurité en 2004 s'élèvent à 150 millions d'euros sur le chapitre 31-96 « Emplois de proximité. Dépenses de personnel » du budget de l'Intérieur. Cette dotation permettra de financer le nouveau régime indemnitaire : les ads recevront 60 euros supplémentaires par mois en 2004, plus 150 euros pour ceux affectés en Île-de-France.

-  Compte tenu de 3 114 départs en retraite en 2003, les effectifs des personnels actifs de la police, hors élèves, passeront de 110 545 en 2002 à 111 958 en 2003, puis à 112 166 en 2004.

-  La négociation relative à la prime de résultat unique pour 2004 s'ouvrira à l'issue des élections professionnelles dans la police qui auront lieu du 17 au 20 novembre.

-  Les crédits d'action sociale seront quasiment stables en 2004 (32,33 millions d'euros, contre 32,57 millions d'euros en 2003), et leur légère décroissance sera liée à l'échéancier défini par la lopsi : 0,5 million d'euros en 2004, après 1,5 million d'euro en 2003.

-  L'effectif des officiers de police judiciaire (opj) de la police, qui était de 18 600 en mai 2002 lorsque le Gouvernement a pris ses fonctions, atteindrait 22 000 en 2004. Le budget comprend en particulier les crédits nécessaires pour former 2 000 opj supplémentaires ; ils ne seront naturellement opérationnels qu'au terme de leur formation.

-  Le marché public commun à la police et à la gendarmerie pour commander la nouvelle arme de service, le pistolet automatique Sig Sauer (SP2022), a permis, compte tenu du volume de la commande, de ramener le coût unitaire hors taxes de 800 euros à 280 euros. Chaque fonctionnaire disposera d'une mallette personnelle numérotée pour son arme, dont la crosse sera personnalisée et qui sera dotée d'un étui de sécurité. À noter qu'un autre marché groupé, qui portait sur des quantités moindres, celui destiné à l'attribution de « flash balls » aux unités de gendarmerie, aura à lui seul permis d'économiser 60 000 euros.

-  Le conseil d'orientation de l'Observatoire de la délinquance sera installé le 4 novembre prochain.

-  L'expérience conduite en Alsace avec le ministère de la Justice, permettant de faire participer le personnel pénitentiaire à la surveillance des transfèrements d'étrangers, est susceptible de réaliser à terme, si elle est généralisée, une économie de 4 200 emplois.

-  La mise en place du commandement opérationnel unique de la police et de la gendarmerie est irréversible et les calculs d'arrière-garde fondés sur son abandon sont voués à l'échec. Il est vrai que des responsables d'unités avaient pu s'habituer à travailler dans une certaine d'autonomie, au service de leurs trois « patrons » : l'Intérieur, la Défense et les magistrats. Une telle conception est révolue ; la coordination interministérielle suppose également une procédure de « co-nomination » des commandants de groupements de gendarmerie.

-  Le programme de transmissions acropol sera achevé fin 2006.

-  Le mouvement de départs à la retraite de personnels actifs de la police, qui atteindra 5 393 fonctionnaires fin 2003, commencera à se ralentir dans les années suivantes. Un groupe de travail présidé par M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, est chargé de redéfinir les effectifs de référence dans la police. La définition des circonscriptions difficiles sera un exercice délicat, car il conviendra d'opérer des distinctions au sein des circonscriptions de sécurité publique, et même en fonction des heures de la journée.

-  La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles, qui s'appuie sur une modernisation des techniques d'intervention des CRS, sur l'adaptation de leur matériel, sur leur formation, ainsi que sur le rapprochement entre leurs cantonnements et leurs lieux d'emploi contribue à une meilleure utilisation des forces de sécurité publique. Il convient de concentrer l'action des forces mobiles sur les heures les plus difficiles, soit généralement entre dix-huit heures et une heure du matin, et sur les lieux les plus difficiles.

S'agissant des collectivités locales, M. Patrick Devedjian a donné les éléments de réponse suivants :

-  La réforme de l'allocation spécifique de solidarité (ass), qui entrera en vigueur le 1er juillet 2004, concerne environ 150 000 personnes. Le Gouvernement a accepté d'évaluer les effets de cette réforme sur les finances des départements afin d'être en mesure de respecter le principe constitutionnel de compensation financière. Les conseils généraux devront, en attendant cette compensation, faire effectivement l'avance des sommes nécessaires, qui ne seront pas nécessairement très élevées en raison des gains de productivité liés à la fusion de l'ass et du revenu minimum d'insertion.

-  En réponse à M. Christian Estrosi qui, donnant l'exemple de l'opacité de l'organigramme des centres locaux d'insertion, craignait que la réforme de l'ass ne s'accompagne pas des moyens humains correspondants, il a été précisé qu'un amendement permettrait de clarifier la situation.

Le ministre de l'intérieur a enfin donné les précisions suivantes :

-  La date de référence pour apprécier l'importance du transfert de charge en personnel induit par la réforme de l'ass a été choisie par les élus locaux, qui l'ont fixée au 31 décembre 2002 ; le Gouvernement a fait preuve dans cette affaire d'un réel souci de transparence et, depuis la réforme constitutionnelle, les élus n'ont plus à craindre de transferts de charges non compensés.

-  Alors qu'un fort courant était jusqu'alors défavorable au département, les assises régionales de la décentralisation ont permis de renforcer l'ancrage de cette collectivité dans les institutions de la République, la réforme du rmi et des services départementaux d'incendie et de secours contribuant largement à cette évolution.

*

* *

Conformément aux conclusions de ses rapporteurs pour avis, MM. Gérard Léonard pour la sécurité intérieure, Thierry Mariani pour la sécurité civile et Manuel Aeschlimann pour l'administration générale et les collectivités locales, la Commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de l'Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales pour 2004.

*

* *

Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Guy Geoffroy, rapporteur du projet de loi relatif à la parité entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse.


© Assemblée nationale