COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 36

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 12 mai 2004
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

 

pages

-  Examen, en application de l'article 88 du Règlement, des amendements au projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n° 1155) (M. Guy Geoffroy, rapporteur) (amendements)




2

-  Projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement (n° 992) (Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteur)


3

-  Informations relatives à la Commission

19

Statuant en application de l'article 88 du Règlement, la Commission a examiné, sur le rapport de M. Guy Geoffroy, les amendements au projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (n° 1155) .

Article 1er : Définition de la notion de catégorie de collectivités territoriales :

La Commission a été saisie de l'amendement n° 165 présenté par M. René Dosière excluant la Polynésie française de la catégorie de collectivités locales assimilées aux régions pour le calcul des ratios d'autonomie financière ; l'auteur de l'amendement a souligné la spécificité de cette collectivité, qui bénéficie d'un pouvoir exclusif sur l'assiette et le taux des impôts de toute nature. Tout en convenant de cette particularité, le rapporteur a indiqué que l'article 1er invitait à raisonner en termes de moyenne et non au cas par cas, et considéré que l'exclusion ou l'intégration de ce territoire jouait peu dans le calcul de cette moyenne ; il a de surcroît exprimé la crainte qu'une telle exclusion ne soit pas conforme à la Constitution, qui ne réserve un sort particulier qu'à la seule Nouvelle-Calédonie. Il s'est dès lors déclaré défavorable à l'amendement, qui a été repoussé par la Commission.

Article 2 : Définition de la notion de ressources propres :

La Commission a repoussé les amendements nos 158 à 161 de M. Charles de Courson.

Après l'article 2 :

La Commission a repoussé l'amendement n° 3 de M. André Chassaigne.

Article 3 : Définition des notions d' « ensemble des ressources » et de « part déterminante » :

La Commission a repoussé les amendements nos 151 à 155 de M. Augustin Bonrepaux visant à fixer dans la loi organique un pourcentage déterminé de ressources propres, identique pour toutes les collectivités locales, le rapporteur ayant souligné qu'ils auraient pour effet d'exclure du champ d'application de la loi organique certaines catégories de collectivités locales, telles que les régions, qui ont subi ces dernières années des amputations importantes de leur pouvoir fiscal. Elle a ensuite repoussé les amendements nos 162 et 163 de M. Charles de Courson.

Après l'article 3 :

La Commission a repoussé les amendements nos 4 à 8 de M. André Chassaigne, ainsi que l'amendement n° 166 de M. René Dosière visant à inscrire dans la loi organique le principe du libre recours à l'emprunt par les collectivités locales, le rapporteur ayant estimé qu'une telle inscription n'apportait pas de garantie supplémentaire, puisque le Conseil constitutionnel serait amené à déclasser une disposition qui ne revêt pas un caractère organique.

Article 4 : Mécanisme de mise en œuvre de la garantie :

La Commission a repoussé l'amendement n° 168 de M. René Dosière rendant l'observatoire des finances locales compétent pour l'élaboration du rapport constatant l'évolution des taux d'autonomie financière. Elle a repoussé l'amendement n° 9 de M. André Chassaigne, puis elle a repoussé l'amendement n° 167 de M. René Dosière réduisant à un an au lieu de trois le délai dans lequel le rétablissement du taux d'autonomie financière doit être prévu en loi de finances, avant d'adopter un amendement du rapporteur proposant la réduction de ce délai à deux ans.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement (n° 992).

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteur, a rappelé, à titre liminaire, l'enga-gement du Président de la République « d'inscrire le droit à l'environnement dans une charte adossée à la Constitution, aux côtés des droits de l'homme et des droits économiques et sociaux », le présent projet étant la traduction de cet engagement. Elle a formulé d'abord quatre observations générales pour justifier la nécessité d'une Charte de l'environnement. Elle a indiqué en premier lieu que la soixantaine d'auditions conduites au cours de ses travaux préparatoires avaient apporté la démonstration que la protection constitutionnelle de l'environnement rencontrait l'attente des Français, lesquels sont conscients de la gravité des risques à l'échelle planétaire et de l'impératif de responsabilité qui en découle. En deuxième lieu, elle a noté que le droit français de l'environnement n'était pas un instrument juridique à la hauteur de ces enjeux, et se présentait comme un droit proliférant, appelant une remise en ordre autour de quelques principes clairs. Quoique la « loi Barnier » du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ait joué un rôle précurseur, elle a constaté que son autorité juridique n'était pas suffisante, seul un texte de valeur supra-législative pouvant prévaloir sur les lois ordinaires.

Elle a souligné que d'autres normes s'imposaient aujourd'hui au législateur, à savoir celles du droit européen : alors que le Traité sur l'Union européenne se réfère à l'environnement et au principe de précaution sans les définir, le droit communautaire, que doivent respecter le législateur et le juge français, est en expansion constante, du fait d'une jurisprudence très dynamique de la Cour de justice des Communautés européennes. Elle a donc fait valoir que seul un texte de valeur constitutionnelle, disposant de la légitimité et de la stabilité, permettrait à la France de faire prévaloir ses conceptions, et relevé qu'un examen détaillé des articles de la Charte montrait que les définitions qu'elle contient présentent l'avantage d'être précises et circonscrites, particulièrement en ce qui concerne le principe de précaution, étroitement encadré par l'article 5 de la Charte.

Elle a souligné en dernier lieu que, si dans les négociations internationales, la France défendait avec force l'environnement et une application raisonnée du principe de précaution, paradoxalement, son droit constitutionnel, qui les ignorait, était en retard sur ceux de la plupart de ses partenaires, de sorte que la Charte de l'environnement, inscrite dans le bloc de constitutionnalité à côté des droits de l'homme de 1789 et des droits économiques et sociaux du Préambule de la Constitution de 1946, redonnerait à la France un caractère exemplaire.

Le rapporteur a ensuite exposé en quoi la Charte lui paraissait aller dans le sens du progrès et de la responsabilité. Après avoir indiqué que le texte s'inspirait d'une écologie humaniste, tendant à protéger l'environnement parce qu'il est utile à l'homme, elle a signalé que cette inspiration était détaillée dans sept considérants, destinés à guider l'interprétation des articles. Parmi les principales dispositions, elle a d'abord commenté la garantie du droit à un environnement sain et équilibré, après trente ans d'initiatives parlementaires en ce sens défendues tour à tour par les représentants de toutes les sensibilités politiques. Elle a indiqué que parallèlement, le législateur se voyait assigner plusieurs objectifs destinés à assurer la mise en œuvre de ce droit, le plus significatif étant le devoir de prévention, autour duquel doivent s'organiser les principaux éléments de la politique de l'environnement.

Une originalité de ce texte constitutionnel, a-t-elle souligné, est en effet de proclamer des devoirs, en contrepartie de nouveaux droits, consacrant ainsi la responsabilité de chacun dans la préservation et l'amélioration de l'environnement.
Elle a indiqué que la responsabilité, trait caractéristique des « droits de la troisième génération », passe aussi par le devoir de réparation des dommages, qui figure à l'article 4, et dont la portée est plus large que le principe du « pollueur-payeur ». Après avoir rendu hommage à la très grande qualité des travaux de la « commission Coppens » et des assises régionales qui ont préparé l'élaboration de la Charte, elle a précisé que ceux-ci avaient fait apparaître les limites du principe « pollueur-payeur », qui, par exemple, ne permet pas l'indemnisation du « dommage écologique pur » dont sont victimes des biens ou des animaux sans propriétaire, comme les « oiseaux mazoutés ». Elle a ensuite indiqué que l'ensemble de ces droits et de ces devoirs invitaient le législateur à concilier les trois piliers du développement durable : protection et mise en valeur de l'environnement, développement économique, progrès social.

Elle a fait valoir que la Charte de l'environnement conforterait le rôle du législateur : tout d'abord, sa compétence en matière d'environnement sera juridiquement garantie, d'autant plus clairement qu'un amendement de M. Francis Delattre propose de compléter l'article 34 de la Constitution pour étendre le domaine de la loi, en y ajoutant la préservation de l'environnement ; avant même cette modification, le projet de Charte étend la capacité des parlementaires à légiférer sur les questions d'environnement, puisque chacun des articles de la Charte définit des objectifs de valeur constitutionnelle, sauf l'article 5 qui énonce un principe, à savoir le principe de précaution ; par voie de conséquence, il incombera au législateur de mettre en œuvre les nouvelles exigences énoncées par les articles 1 à 4 et 6 à 10 de la Charte. Elle a précisé que seul le principe de précaution pouvait recevoir une application directe, le législateur étant toutefois pleinement compétent pour en préciser, s'il le souhaite, les conditions d'application. Elle a justifié cette particularité par la nécessité de pouvoir prendre, dans certains cas, des mesures urgentes de précaution avant même l'adoption d'une loi spécifique. Elle a ajouté que la tâche du législateur serait facilitée par la rédaction à la fois claire et concise des articles, lesquels lui assignent des objectifs en lui laissant le choix des moyens.

Pour faire valoir que le projet de Charte guiderait le travail des juges, le rapporteur a souligné qu'en définissant très strictement les nouvelles règles, il mettrait fin à la situation actuelle d'incertitude juridique caractérisant trop souvent le droit de l'environnement, avec pour conséquence une grande marge d'appréciation du juge. À titre d'exemple, elle a fait part de sa surprise de n'avoir trouvé aucune décision de justice qui mette en œuvre les critères du principe de précaution figurant dans le code de l'environnement. Elle a expliqué cette situation par le fait que l'article L. 110-1 du code de l'environnement, issu de la « loi Barnier » de 1995, renvoie aux lois spécialisées l'application de ce principe.

Dès lors que, demain, les juges disposeront d'un mode d'emploi détaillé du principe de précaution et d'une grille d'interprétation des lois, il lui a paru très difficile de trouver des arguments probants pour accréditer le risque d'une explosion du contentieux. Tout en reconnaissant que l'adoption de la Charte pourrait sans doute, dans un premier temps, stimuler les plaideurs, elle a fait valoir que le juge, par la prudence qui le caractérise, devrait décourager leurs velléités en s'appuyant sur des textes mieux encadrés.

Le rapporteur a conclu en estimant que le projet de Charte de l'environnement était réaliste sans renoncer à sa grande ambition. Rappelant que le droit constitutionnel était un art d'équilibre, elle a constaté que ce projet, qui risquait d'échouer sur deux écueils - le droit « dur », trop contraignant, et le droit « mou », déclamatoire - était équilibré et paraissait en harmonie avec la nature d'une Constitution dont le doyen Vedel avait considéré en 1988 que sa vertu était précisément d'être « à la fois rigide et vaporeuse ».

Le président Pascal Clément a rappelé que la discussion du projet de loi constitutionnelle avait été précédée d'une longue réflexion et de travaux multiples et diversifiés. Il a mis en relief les termes de l'alternative face à laquelle on se trouve : soit considérer que le progrès met en cause la pérennité de la planète, ce qui conduit à prôner la croissance zéro, avec toutes les conséquences qui en découlent ; soit considérer qu'il est possible de concilier le développement économique et la protection de l'environnement, cette conception étant celle qui a inspiré la Charte de l'environnement.

Il a jugé que la constitutionnalisation du droit de l'environnement aurait un rayonnement au-delà de nos frontières, l'expérience de l'élaboration du droit communautaire tendant à montrer que les instances compétentes s'abstiennent de prendre des dispositions contraires aux règles constitutionnelles qu'un État ne souhaite en aucun cas modifier. Il a rappelé à ce propos que le tribunal de première instance des Communautés européennes avait, dans une décision récente, considéré le principe de précaution comme un principe général du droit communautaire, s'imposant à la fois au droit communautaire de l'environnement et aux règles législatives nationales, ce qui constitue une incitation supplémentaire à constitutionnaliser des règles équilibrées.

Il a relevé que l'article 5 de la Charte ne pourrait servir de fondement à la saisine du juge pénal - car il ne prévoit pas d'incrimination -, ni du juge civil, à défaut de la définition d'un nouveau régime de responsabilité. Il a précisé que seul le juge administratif pourrait être saisi directement en application de l'article 5, tout en soulignant que les juridictions administratives appliquent déjà, et avec une grande circonspection, le principe de précaution, introduit dans le code de l'environnement par la loi de 1995. Il a insisté sur le fait que l'article 5 de la Charte donnerait au principe de précaution un contour mieux défini.

M. Xavier de Roux a estimé que l'article 5 de la Charte se contentait de définir une procédure, qui impose aux autorités publiques de prendre des mesures conservatoires lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertain en l'état des connaissances scientifiques, peut affecter de manière grave et irréversible l'environnement. Il a souligné qu'un constitutionnaliste avait jugé contraire à la tradition française l'insertion dans la Constitution de règles attribuant une responsabilité, qui devaient relever du code civil ou du code pénal, et qu'il était préférable de donner une portée législative - et non constitutionnelle - à de tels principes. Il a jugé incontestable que l'article 5 fonde une responsabilité nouvelle des autorités publiques, non seulement civile mais aussi pénale, puisque la portée de l'article 121-3 du code pénal définissant le délit d'imprudence est accrue par les nouvelles obligations mises à la charge des autorités publiques.

Il a douté que la distinction subtile entre principe de précaution et principe de prévention soit effectuée par les juridictions. Il a relevé que l'article 5, rejoignant en cela la jurisprudence européenne, autoriserait les autorités publiques à prendre des mesures contraires aux libertés, en particulier dans le domaine économique, ce qui manquera pas de multiplier les contentieux, non seulement contre les autorités publiques, mais aussi contre les acteurs économiques. Il a donc récusé un texte qui conduira les autorités à une excès de précaution et qui, étant d'application directe, dépossède le législateur au profit du juge.

M. Christophe Caresche, après avoir observé que l'examen de la portée juridique du texte ne saurait exclure une appréciation de ses fondements philosophiques et de ses conséquences économiques et sociales, a approuvé la constitutionnalisation du droit de l'environnement, qui permettra une nouvelle étape dans la définition de principes, de droits et de devoirs. Il a toutefois déploré la méthode retenue, qui consiste à modifier le préambule de la Constitution et à adosser la Charte à celle-ci, alors que d'autres voies auraient pu être choisies, comme l'ont fait nombre de pays qui ont inséré des principes environnementaux dans leur Constitution elle-même et renvoyé au législateur les modalités de leur mise en œuvre. Il a souligné que cet adossement soulevait la question de la valeur constitutionnelle des différents articles de la Charte, qui dépendra de la portée que leur donnera le Conseil constitutionnel dans les décisions qu'il sera appelé à rendre sur les lois qui lui seront déférées. Il a donc annoncé un amendement de son groupe tendant à inscrire ces principes dans la Constitution elle-même, et regretté que les parlementaires aient été privés de la possibilité de modifier le contenu de la Charte, dont les principes auraient dû être hiérarchisés. Dénonçant les pressions exercées par l'exécutif sur le Parlement, il a déploré que l'occasion ait été manquée d'infléchir, par un travail parlementaire approfondi, le jeu déséquilibré des institutions de la Ve République.

Il a fait ressortir, face à l'inquiétude de ceux qui redoutent les conséquences excessives de la Charte, le sentiment de son groupe, qui estime que le texte ne va pas assez loin, puisqu'il dépend étroitement de la portée que lui donnera le Conseil constitutionnel. Il a craint à ce propos la timidité de celui-ci, relevant, de surcroît, que son président ne s'était pas montré favorable, lorsqu'il siégeait au Parlement, à la constitutionnalisation du droit de l'environnement.

Mme Valérie Pecresse a estimé que les craintes suscitées par le principe de précaution reposaient sur le postulat selon lequel son application allait modifier les équilibres sociaux sur deux points : d'une part, l'équilibre entre une société d'audace, incarnée par l'actuelle majorité, et la prudence ; d'autre part, l'équilibre entre juges et autorités publiques. Elle a souligné que les risques de déséquilibre plaidaient au contraire pour l'adoption de la Charte de l'environnement, qui clarifie des principes essentiels dans un contexte de multiplication des contentieux. Si elle a admis que la réforme constitutionnelle ne conduirait certes pas à une diminution des contentieux, elle a réfuté l'affirmation selon laquelle elle entraînerait leur multiplication, le monde d'aujourd'hui étant dominé par le principe de précaution. Faisant état de son expérience de juge administratif pendant dix ans, elle a rappelé que le principe de précaution, présent dans la législation nationale comme dans le corpus juridique européen, était d'ores et déjà appliqué par le juge, le meilleur exemple en étant son application par le tribunal de Saint-Gaudens, qui avait interdit l'utilisation des insecticides Regent et Gaucho. Elle a donc fait valoir l'urgence, pour le constituant, de prendre l'initiative en ce domaine sous peine de voir, dans quelques années, le Conseil d'État ériger de façon prétorienne le principe de précaution en principe général du droit, et le Conseil constitutionnel en faire un principe de valeur constitutionnelle, sans que le Parlement en ait fixé la portée et les limites. Elle a insisté sur le fait que le texte de la Charte exprimait une vision politique et juridique de ce principe et en traçait les contours en excluant la santé de son champ d'application, limite essentielle au regard des dérives potentielles, en liant son application à un dommage grave et irréversible, en n'imposant celle-ci qu'aux autorités publiques, enfin en introduisant une obligation d'évaluation du risque, laquelle présente l'avantage d'écarter tout risque de réécriture de l'histoire a posteriori dans l'hypothèse où, plusieurs années après la commission de faits, certains requérants souhaiteraient mettre en cause la connaissance qu'avaient les autorités publiques des risques existants à l'époque. Dans sa défense d'un principe de précaution ainsi défini avec précision par le constituant, Mme Valérie Pecresse a affiché son scepticisme sur l'amendement renvoyant à la loi le soin de préciser les modalités d'application de ce principe, estimant qu'il en affaiblirait la portée.

M. Michel Piron a estimé au contraire que, loin de définir le principe de précaution, l'article 5 de la charte en proposait une « indéfinition », puisqu'il fait référence au caractère incertain du dommage. Il a craint que l'approche putative, et non probabiliste, de l'article 5 ne conduise à fonder un régime juridique sur une absence de savoir scientifique. Il s'est par ailleurs interrogé sur la signification que pouvaient revêtir des mesures proportionnées à un dommage incertain. Il a jugé inquiétant le fait qu'un juge puisse prendre une décision sur le fondement d'incertitudes scientifiques au nom d'un principe non défini.

M. Guy Geoffroy a mis l'accent sur ce qu'il a estimé être l'objectif fondamental du projet, à savoir l'inscription de principes environnementaux dans la Constitution, en rappelant que les débats légitimes autour du projet de loi constitutionnelle ne devaient pas conduire l'opinion à croire que la majorité n'était pas attachée à la constitutionnalisation des valeurs environnementales souhaitée par le chef de l'État. Mettant en garde contre une mauvaise interprétation de l'article 5, il a relevé que celui-ci faisait œuvre de précision, en ce qu'il encadrait les éléments constitutifs du principe de précaution, dont il a souligné qu'il existait d'ores et déjà dans notre droit, puisqu'il est prévu à la fois dans le traité instituant la Communauté européenne (tce) et dans le code de l'environnement. À cet égard, il a contesté qu'il puisse être considéré comme dépossédant le législateur, dont il n'interdisait nullement l'intervention, d'autant moins, de surcroît, que l'amendement présenté par M. Francis Delattre ajoute l'environnement aux matières de l'article 34 de la Constitution.

M. Christophe Caresche s'est interrogé sur la portée de l'amendement de M. Francis Delattre, eu égard au fait que la Charte de l'environnement, quand elle souhaitait renvoyer à la loi, le faisait explicitement, et à trois reprises en l'occurrence.

Le président Pascal Clément a souligné qu'il ne fallait pas confondre application directe et intervention de la loi, la première n'interdisant nullement la seconde, puisqu'une loi pouvait toujours préciser un principe général du droit ou un principe de valeur constitutionnelle. Il a fait valoir que le législateur aurait, dans les limites de la Constitution, toute latitude pour préciser l'application du principe de précaution. Il a estimé pour autant que l'amendement de M. Francis Delattre n'était pas superfétatoire, la compétence générale prévue à l'article 37 de la Constitution faisant actuellement de l'environnement une matière réglementaire.

M. Jean Leonetti a rappelé que la philosophie grecque considérait la prudence, conçue comme évaluation du risque, comme une vertu et qu'un risque certain s'appelait un danger, ce qui faisait donc de l'incertitude un élément constitutif du risque. Il a estimé que, à une époque où l'homme avait toute capacité pour modifier l'environnement de manière grave et irréversible, il était logique que les démocraties réfléchissent sur la notion de précaution, qui n'était que la forme sémantique actualisée de la prudence des Grecs. Il a jugé que l'article 5 de la Charte, qui définissait ce principe, combiné avec l'amendement de M. Francis Delattre, conduisait à un équilibre satisfaisant entre le déclaratif et le normatif. Il a souligné que le principe de précaution ainsi défini ne venait ni combler un vide juridique, le juge pouvant déjà s'appuyer sur les dispositions en vigueur du droit français et communautaire, ni introduire un flou, l'article 5 définissant au contraire les contours de cette notion, notamment en subordonnant son application à la réalisation possible d'un dommage dûment qualifié. Il s'est élevé contre le procès fait à la notion d'incertitude, faisant valoir que, comprise au sens de donnée non évaluée totalement par la science, cette notion était familière à tout scientifique et à tout médecin. Il a toutefois supposé que la qualification de « potentiel » accolée au terme « dommage » aurait été susceptible de lever les doutes que la notion pouvait faire naître dans certains esprits, et rappelé que l'incertain devait être soigneusement distingué de l'inconnu.

Soulignant combien la protection de l'environnement est essentielle pour l'avenir, M. Jean-Paul Garraud s'est dit favorable à l'inscription du principe de précaution dans la Constitution, tout en considérant que ses modalités d'application devaient être prévues dans la loi, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Il a ensuite exprimé la crainte que l'article 5 de la Charte ne soulève des difficultés d'interprétation, ne serait-ce qu'au regard des débats qu'il suscite d'ores et déjà, difficultés d'autant plus grandes que les contours des notions employées sont imprécis et que les dommages à éviter sont incertains. Il a donc jugé qu'il eût été préférable, d'une part dé définir précisément le principe de précaution et, d'autre part, de refondre le code de l'environnement. Il a enfin estimé que si la question de l'application directe du principe de précaution par le juge pénal était incertaine, ce principe aurait en revanche un impact certains sur le juge administratif et sur le juge civil.

Souhaitant revenir sur le concept d'évaluation du risque encouru qui figure à l'article 5 du projet de Charte, M. Christian Decocq a rappelé que sa famille politique avait été à l'origine de nombreuses avancées législatives en matière de protection de l'environnement, citant notamment l'institution dès 1964 du principe « pollueur-payeur » par la loi sur l'eau, et qu'elle s'était efforcée de mettre en avant les préoccupations environnementales. Soulignant que le spectre de la « croissance zéro » avait entretenu l'idée que l'écologie constituait un frein au développement économique, il a considéré que l'affirmation du principe de précaution dans un texte constitutionnel mettrait un terme à cette confusion notamment par le recours à l'évaluation. Il a jugé que celle-ci contraindrait les autorités publiques à avoir une nouvelle démarche, voisine de celle défendue par les nouveaux économistes dans la théorie des « coûts évités ». Soulignant que l'environnement avait une valeur économique, il a pris l'exemple des efforts entrepris pour assurer la qualité des eaux de baignade sur le littoral pour souligner que le coût des investissements devant être réalisés à cette fin était considérable, mais moins élevé que l'impact économique d'une baisse de la fréquentation touristique. En conclusion, il a cité M. Øysten Dahl, ancien vice-président d'Esso, qui avait affirmé que « le socialisme s'est effondré parce qu'il ne laissait pas les prix dire la vérité économique, le capitalisme pourrait s'effondrer parce qu'il ne laisse pas les prix dire la vérité écologique ».

Évoquant les amendements qu'il soumettrait à la Commission pour compléter l'article 34 de la Constitution par une référence à la préservation de l'environnement, M. Francis Delattre a rappelé que celui-ci ne figurait pas aujourd'hui parmi les domaines relevant de la compétence du législateur et qu'à ce titre, la « loi Barnier » du 2 février 1995 aurait pu être considérée comme intervenant dans le domaine réglementaire. Il a souligné que la modification de l'article 34 de la Constitution réglerait nombre des difficultés que posait le texte et éviterait que le législateur ne soit dépossédé des questions environnementales, sur lesquelles il dispose pourtant d'une faculté d'évaluation irremplaçable. Il a en outre souligné que l'intervention du législateur donnerait lieu ensuite à celle du Conseil constitutionnel, auquel il revient de concilier des libertés et principes constitutionnels, ce qui lui a paru préférable à une intervention des seuls juges administratifs et judiciaires.

Observant que le principe de précaution était d'ores et déjà inscrit dans des textes et qu'il avait donné lieu à des constructions jurisprudentielles, M. Philippe Houillon a noté qu'il ne s'appliquait pas qu'aux seules questions environnementales et que c'était d'ailleurs pour éviter son application mécanique que le Parlement avait adopté la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels. Il a indiqué que le projet encadrait le principe de précaution, applicable au seul domaine de l'environnement et à la condition que celui-ci soit affecté de façon « grave et irréversible » et qu'il prévoyait la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques encourus. Après avoir considéré qu'il conviendrait sans doute de s'interroger sur une éventuelle distorsion entre le principe de précaution de droit commun et celui qui sera mis en œuvre en matière environnementale, il s'est demandé quel serait le périmètre de la notion d'environnement. Enfin, il a souligné les incidences de la rédaction de l'article 1er de la Charte, notant que, en prévoyant le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et favorable à « sa santé », l'article conduisait à une appréciation subjective de l'environnement.

Rappelant que le rôle de la jurisprudence était de dissiper les incertitudes qui peuvent entourer les termes juridiques, M. Claude Goasguen, tout en exprimant une réserve sur le caractère « inductif » du projet de loi constitutionnelle, a jugé qu'il était moins contraignant que certains le redoutent. Faisant observer que le droit de l'environnement souffrait aujourd'hui de nombreux défauts, il a souhaité que soit élaborée une véritable législation de l'environnement permettant au Parlement d'y imprimer sa marque et de répondre aux attentes de l'opinion. Il a considéré que le principe de précaution pourrait donner lieu à une application directe par le juge civil, le juge administratif et le juge pénal, avant d'estimer indispensable de compléter le projet de loi constitutionnelle par une modification de l'article 34 de la Constitution, à défaut de laquelle le texte serait déséquilibré. Il a d'ailleurs jugé significatif que la voie constitutionnelle soit retenue en l'espèce pour compléter l'article 34, alors qu'une loi organique aurait été suffisante. Il a considéré, en revanche, que faire référence à la loi dans l'article 5 de la Charte ferait perdre toute sa portée à cet article et donnerait l'impression de dénier toute faculté d'intervention aux associations.

Réagissant à la distinction faite par certains de ses collègues entre l'environnement, auquel s'appliquerait le principe de précaution et la santé, à laquelle il ne s'appliquerait pas, M. Robert Pandraud s'est demandé si, dans cette conception, la Charte ne tendait pas à protéger davantage les animaux et la nature que les êtres humains. Après avoir rappelé que l'article 5 faisait référence à « l'état des connaissances scientifiques », supposant ainsi que la science était fixée dans ses connaissances à un instant donné, il a observé que les scientifiques étaient fréquemment en désaccord entre eux et s'est demandé qui arbitrerait ces divergences. Abordant ensuite la question de l'application directe du principe de précaution et de l'absence de renvoi à la loi, il a observé que l'avantage de celle-ci était de donner lieu à un examen par le Conseil constitutionnel dans des délais brefs, limitant ainsi l'incertitude juridique dans laquelle se trouveraient les justiciables qui, à défaut, seront confrontés à d'innombrables analyses juridiques divergentes pour le plus grand bonheur des exégètes du droit et des avocats.

Se disant à la fois perplexe à l'égard du projet et éclairé par le débat, M. Jean-Christophe Lagarde a considéré que les questions soulevées par la Charte ne manqueraient pas d'être évoquées devant les juridictions de droit commun. Après avoir rappelé les initiatives communautaires dans le domaine de l'environnement, il a regretté que la France ait fait montre de précipitation en introduisant d'ores et déjà des principes environnementaux dans sa Constitution avant même de disposer des enseignements issus des expériences communautaires ou menées par les autres États membres de l'Union européenne. Réagissant aux propos tenus par Mme Valérie Pecresse, il s'est interrogé sur l'argument selon lequel le principe de précaution n'était pas invocable en matière de santé en soulignant, d'une part, que les considérants de la Charte disposaient que l'avenir et l'existence de l'humanité - donc la santé - étaient indissociables de son environnement et, d'autre part, que le principe de précaution évoquait les risques de dommages graves et irréversibles à l'environnement, donc nécessairement à la santé des êtres humains. Il a ajouté qu'il lui semblait très délicat politiquement d'expliquer aux citoyens que le champ d'application du principe de précaution ne concernait pas leur santé mais uniquement leur environnement et jugé probable que les juges saisis n'hésiteraient pas rapprocher ces deux notions. Ayant regretté que ne soit pas prévu le droit des générations futures de bénéficier du progrès scientifique et technologique afin de garantir qu'elles disposent des instruments leur permettant d'évaluer les risques, il s'est interrogé sur la portée des dispositions des articles 8 et 9 de la Charte en déplorant la primauté de la recherche d'effets d'annonce des auteurs de la Charte sur la volonté de procéder à de réelles avancées juridiques. Après avoir approuvé la volonté exprimée par M. Xavier de Roux de mieux préciser le contenu et la portée du principe de précaution, il a de nouveau exprimé la crainte qu'à défaut d'une telle précision, cette tâche soit intégralement dévolue et assumée par le pouvoir judiciaire.

En réponse à ces propos, le président Pascal Clément a souligné qu'il convenait de ne pas confondre le principe de prévention, d'ores et déjà prévu par la législation en vigueur, avec celui de précaution qui s'applique au risque de réalisation d'un dommage dont l'incertitude découle de l'état des connaissances scientifiques à un instant déterminé.

M. Jérôme Bignon s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles le principe de précaution n'indiquait pas clairement qu'un dommage grave et irréversible à l'environnement concernait également la santé, puisque l'article premier de la Charte en disposait ainsi et que le deuxième considérant, aux termes duquel « l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel », l'implique également. Il a précisé que le silence du dispositif de l'article 5 sur ce point ne signifiait nullement que la prise en considération de la santé était exclue du champ d'application du principe de précaution, mais qu'il s'expliquait par une commodité stylistique tendant à éviter la répétition, au sein de chaque article, des principes établis dans les considérants, qui revêtent une portée générale commune à l'ensemble des dispositions de la Charte. Il a dès lors estimé que le juge devant lequel serait invoqué le principe de précaution ne manquerait pas de prendre sa décision au vu du risque encouru pour l'environnement et la santé. Évoquant l'amendement présenté par M. Francis Delattre tendant à compléter le domaine de compétence de la loi figurant à l'article 34 de la Constitution par la mention de l'environnement, il a souhaité savoir comment s'articulerait l'exercice de cette nouvelle compétence du législateur avec le caractère directement applicable du principe de précaution.

Le président Pascal Clément a rappelé que l'article 5 de la Charte instituait un principe de valeur constitutionnelle, donc d'application directe, à la différence des dispositions des considérants relevant de la catégorie des objectifs de valeur constitutionnelle. S'agissant du caractère directement applicable du principe de précaution et du risque d'extension de son champ d'application à la santé par les juges, il a indiqué que les juridictions suprêmes de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ne manqueraient pas de limiter le pouvoir prétorien du juge en désavouant d'éventuelles décisions en ce sens.

M. Émile Zuccarelli a fait part de sa réserve à l'égard de l'introduction du principe de précaution dans la Constitution en considérant que les défenseurs de ce texte se livraient à une surenchère relevant du plus parfait exercice du « politiquement correct », contraignant ainsi le Parlement à se conformer à l'air du temps. Observant que l'Académie des sciences avait émis de sérieuses réserves sur le dispositif proposé en soulignant les risques qu'il faisait courir à l'innovation, il s'est demandé si, rétrospectivement, nombre des inventions réalisées au cours des derniers siècles auraient pu voir le jour sous l'empire de la Charte.

Évoquant un aspect des propos tenus par M. Christophe Caresche, M. Gérard Léonard a précisé que M. Pierre Mazeaud, lorsqu'il était député, avait regretté que la Constitution fasse l'objet de réformes répétées. Il a ensuite fait part de la perplexité que lui inspirait la Charte et a regretté l'outrance dont faisaient preuve certains de ses collègues dans le débat. Il a demandé au rapporteur si la protection de la santé relevait ou non du champ d'application du principe de précaution et si le Parlement conserverait une capacité d'intervention en ces matières.

Faisant référence à la proposition de l'Académie des sciences de créer un comité consultatif national de l'environnement et du développement durable, sur le modèle du conseil national d'éthique, M. Didier Quentin a interrogé le rapporteur sur la pertinence d'un tel organisme.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  C'est dans le cadre des régimes actuels de responsabilité que sera engagée, le cas échéant, la responsabilité des autorités publiques au titre des mesures de précaution prises dans le cadre de l'article 5. S'agissant de l'influence de la Charte sur l'orientation de la jurisprudence, il apparaît, au terme des consultations de divers magistrats, que la définition étroite des conditions et des critères d'application du principe de précaution pourrait conduire les juridictions à maintenir, voire à resserrer encore, des jurisprudences déjà restrictives.

-  Il a été reproché à l'article 5 de ne pas comporter de définition du principe de précaution. Or le texte définit le champ d'application du principe (l'environnement, mais non la santé), les personnes qui doivent agir (les autorités publiques), à quelles conditions (une incertitude scientifique, une possibilité de dommage grave et irréversible) et les mesures qui doivent être prises (évaluations scientifiques, mesures provisoires et proportionnées).

-  Le texte de la Charte est issu d'une année de travaux approfondis de la « commission Coppens », d'assises régionales et de consultations. Il n'est nullement considéré par le Gouvernement comme intangible. La majorité envisage au demeurant de lui apporter plusieurs améliorations non négligeables.

-  Depuis trente ans, tous les groupes politiques ont tenté de constitutionnaliser le droit à un environnement de qualité. L'initiative d'adosser une Charte de l'environnement à la Constitution n'est donc pas une concession à l'air du temps. Parmi bien d'autres, on peut citer la proposition de loi constitutionnelle sur les libertés élaborée en 1977 par la commission spéciale réunie autour du Président Edgar Faure, la proposition émise par M. Laurent Fabius en 1989 lors du bicentenaire de la Déclaration des droits de l'homme, ou l'amendement déposé par Mme Ségolène Royal lors de la révision constitutionnelle de 1995. Le mérite du présent projet est d'avoir choisi la démarche la plus ambitieuse, qui s'inscrit dans la tradition constitutionnelle française.

-  La notion d'incertitude ne doit pas obscurcir le débat sur l'article 5. On en cerne mieux la portée en se rappelant les trois âges de la science : avant Pythagore, les mathématiciens ne savaient résoudre que des systèmes d'équations linéaires ; après lui, s'est ouverte une longue époque de positivisme, marquée notamment par les travaux de Laplace, au cours de laquelle, l'existence des systèmes non linéaires étant découverte, les conditions du retour à l'équilibre pouvaient être calculées, mais où la science n'était pas en mesure d'élaborer une théorie explicative de l'ensemble des phénomènes physiques ; enfin, avec la théorie de la relativité, s'est ouvert pour la science moderne l'âge des incertitudes, avec le principe d'indétermination de Heisenberg et les travaux d'Einstein. Aujourd'hui deux types de situations d'incertitude sont appréhendés par la communauté scientifique : celles dont les lois de probabilité, simples ou complexes, sont connues et celles qui font l'objet d'un débat parce que ces lois ne sont pas définies. Les auditions confirment qu'à ce jour la communauté scientifique est en mesure d'établir sans difficultés majeures une liste des phénomènes sur lesquels existe un consensus et une liste de ceux qui font l'objet d'un débat scientifique. Ainsi, les interrogations de certains juristes sur la capacité du droit à appréhender l'incertain paraissent marquées au coin d'un positivisme dépassé.

Le principe de précaution ne s'applique que lorsque le débat scientifique est ouvert ; il a pour vocation de permettre aux autorités publiques de réagir, pour éviter que l'irréparable puisse advenir, et d'engager des travaux de recherche et d'évaluation afin de sortir de l'incertitude. Quant au juge, il ne lui incombe pas de s'engager dans la controverse scientifique, mais seulement de constater l'existence de celle-ci lorsque les autorités publiques ont adopté des mesures de précaution.

-  L'article 5 ne prive nullement le législateur du droit d'intervenir ; il ménage seulement la possibilité d'une application directe du principe de précaution. Il a pour mérite de mettre un terme aux difficultés nées, d'une part, des mauvais usages du principe de précaution et, d'autre part, du flou des règles juridiques applicables, qui laissent les autorités publiques sans critères d'action clairs et les juges sans principes d'interprétation. S'agissant des autres droits et devoirs qu'elle énonce, la Charte, formulée en termes concis, ne définit que les objectifs assignés au législateur, en lui laissant pleinement le choix des modalités. En donnant la parole au Parlement, elle favorise ainsi une remise en ordre du code de l'environnement.

-  La Charte offre un moyen de lutter contre un certain obscurantisme, à la source des malentendus et des dérives du principe de précaution. L'avis rendu en avril 2003 par l'Académie des sciences, avant même que la « commission Coppens » ait achevé ses travaux, est très intéressant en ce qu'il en dresse clairement le diagnostic et se prononce contre les mauvaises applications de ce principe. Mais il conclut paradoxalement en faveur d'une abstention du législateur et du constituant, alors que l'adoption d'un texte rigoureux est la seule issue pour mettre fin aux interprétations erronées, en donnant à la prévention la place qui lui revient. Il est à noter que cet avis n'exprime pas la position unanime de la communauté scientifique. D'autres tendances existent : c'est ainsi qu'un groupe de chercheurs, parmi lesquels le président du cnrs, ont lancé un appel en faveur de la Charte de l'environnement.

-  L'utilité d'instituer, sur le modèle du comité national d'éthique, une haute autorité scientifique de l'environnement a été mise en doute au cours des auditions du rapporteur : dans la mesure où il s'agira, dans le cadre du principe de précaution, de se prononcer sur des risques neufs, actuellement non définis et touchant potentiellement les disciplines les plus variées, il n'est pas possible de définir par avance la composition d'un tel organisme de façon à lui assurer une compétence scientifique incontestable.

-  La dégradation de l'environnement comporte, à l'évidence, des conséquences pour la santé. C'est pourquoi l'article premier définit l'environnement de qualité par son caractère, non seulement équilibré, mais aussi respectueux de la santé. Pour autant, certains problèmes de santé publique susceptibles de faire l'objet d'une démarche de précaution ne relèvent pas de l'environnement : il en est ainsi par exemple des conséquences des actes médicaux, vaccinations ou maladies nosocomiales. Ils posent des problèmes éthiques fort délicats et sont étrangers au domaine de la présente Charte.

Après avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 et la question préalable n° 1 présentées par M. Alain Bocquet, la Commission a procédé à l'examen des articles.

Avant l'article premier :

La Commission a été saisie d'un amendement présenté par M. Christophe Caresche, insérant un article consacrant une approche globale de l'environnement. Interrogé par le rapporteur qui se demandait si cet amendement représentait une manière de renoncer à la Charte et d'affaiblir alors la portée de la réforme constitutionnelle, le dispositif de la charte étant beaucoup plus complet, ou bien une addition à la Charte, auquel cas existait le risque d'une confusion entre les deux textes, M. Christophe Caresche a précisé que cet amendement tendait à compléter la Charte en incluant des éléments qu'elle ne mentionnait pas, et à démontrer qu'était possible une autre technique que celle du projet, par l'insertion de principes environnementaux dans le corps même de la Constitution. Le rapporteur ayant relevé qu'il s'agissait d'une démarche moins ambitieuse que celle de la Charte, la Commission a rejeté l'amendement.

Article premier : Modification du Préambule de la Constitution :

La Commission a adopté deux amendements identiques, le premier présenté par le rapporteur, le second, n° 44, par M. Martial Saddier au nom de la commission des Affaires économiques, actualisant la date de référence de la Charte de l'environnement.

Puis elle a adopté l'article premier du projet de loi constitutionnelle ainsi rédigé.

Après l'article premier :

La Commission a rejeté un amendement de M. Christophe Caresche tendant à ajouter la protection de l'environnement au domaine de la loi défini à l'article 34 de la Constitution. Le rapporteur a estimé qu'il était plus cohérent d'examiner d'abord la Charte de l'environnement, la question abordée par l'amendement devant être discutée après l'examen de l'article 2.

Article 2 : Charte de l'environnement :

La Commission a adopté un amendement du rapporteur, identique à l'amendement n°45 présenté par M. Martial Saddier au nom de la commission des affaires économiques, qui actualise la date de référence de la Charte de l'environnement.

-  Troisième considérant :

La Commission a rejeté un amendement de M. Christophe Caresche précisant la notion de patrimoine commun des êtres humains, le rapporteur ayant souhaité limiter le nombre de qualificatifs pour préserver le caractère concis du texte constitutionnel.

-  Septième considérant :

La Commission a rejeté un amendement de M. Christophe Caresche affirmant un droit des générations futures à satisfaire leurs besoins, le rapporteur ayant rappelé que les considérants, ne revêtant qu'une valeur interprétative, ne pouvaient reconnaître l'existence d'un droit.

Article premier de la Charte : Droit à un environnement de qualité :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Christophe Caresche proposant deux modifications rédactionnelles. Elle a rejeté le premier paragraphe qui tend à introduire un adverbe, avant d'adopter le second paragraphe, qui pose le principe d'un environnement favorable à la santé, de manière objective. Par voie de conséquence, elle a rejeté un amendement de M. Michel Piron qui proposait une autre rédaction de cette phrase.

La Commission a également été saisie de deux amendements identiques présentés respectivement par M. Martial Saddier, n° 46, au nom de la commission des affaires économiques, et par M. François-Michel Gonnot, n° 17, qui tendent à remplacer la notion d'environnement favorable à la santé par celle d'environnement respectueux de la santé. M. Martial Saddier a expliqué que cette nouvelle formulation impliquait seulement que l'environnement ne soit pas nuisible à la santé, tandis que la précédente paraissait sous-entendre que l'environnement devait avoir un effet positif sur celle-ci, voire des vertus curatives. La Commission a adopté ces amendements.

Elle a ensuite rejeté l'amendement n° 6 de M. Yves Cochet modifiant la définition d'un environnement de qualité.

Article 2 de la Charte : Devoir de préservation et d'amélioration de l'environnement :

La Commission a rejeté un amendement de M. Christophe Caresche tendant à préciser que toute personne a le devoir de prendre part à « la sauvegarde et à la protection » de l'environnement, le rapporteur ayant jugé ces termes redondants et d'inspiration défensive.

Article 3 de la Charte : Devoir de prévention :

La Commission a rejeté un amendement de M. Christophe Caresche tendant à mentionner explicitement le principe de prévention, le rapporteur ayant souligné que le devoir de prévention constituait un objectif destiné à être mis en œuvre par la loi. Pour les mêmes raisons, elle a rejeté l'amendement n° 8 de M. Yves Cochet supprimant la disposition prévoyant que le devoir de prévention s'appliquait dans les conditions définies par la loi. Elle a également rejeté l'amendement n° 7 du même auteur, précisant que le devoir de prévention consistait à prendre part à la préservation et à l'amélioration de la qualité de l'environnement.

Article 4 de la Charte : Devoir de réparation :

La Commission a rejeté un amendement de M. Christophe Caresche, ainsi que l'amendement n° 9 de M. Yves Cochet, tendant à préciser que c'est en application du principe du pollueur-payeur que toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement. Elle a également rejeté l'amendement n° 10 de M. Yves Cochet supprimant la disposition prévoyant que le devoir de réparation s'applique dans les conditions définies par la loi, le rapporteur ayant jugé qu'une intervention législative était nécessaire pour concilier les principes d'égalité et pollueur-payeur.

Article 5 de la Charte : Principe de précaution :

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Michel Piron, donnant une nouvelle rédaction à cet article, afin de ne plus mentionner que la réalisation du dommage est incertaine en l'état des connaissances scientifiques - ce que l'auteur de l'amendement a jugé aller de soi compte tenu de l'emploi du conditionnel dans l'article - et, d'autre part, de ne plus faire état de l'application du principe de précaution ni de l'adoption de mesures provisoires et proportionnées pour éviter la réalisation du dommage. L'auteur de l'amendement ayant indiqué que son amendement tendait à simplifier la rédaction de l'article 5 de la Charte en évitant la mention d'un principe de précaution qui n'est pas défini, la Commission, suivant l'avis du rapporteur, a rejeté cet amendement. Elle a également rejeté l'amendement n° 2 de M. Daniel Garrigue, donnant une nouvelle rédaction à cet article. Elle a également rejeté les amendements nos 18 à 20 de M. François-Michel Gonnot, le premier liant la mise en œuvre du principe de précaution à un risque de dommage, les deux autres étant de portée rédactionnelle.

La Commission a été saisie d'un amendement de M. Michel Piron prévoyant que la réalisation du dommage visée dans l'article 5 doit être « probable en l'état des connaissances scientifiques » et non pas « incertaine ». Soulignant l'importance de son amendement, l'auteur a rappelé que le reproche principalement adressé au principe de précaution tenait au fait qu'il était considéré comme un « principe d'incertitude » ; il a jugé que l'exigence d'une probabilité lèverait cette objection et éviterait la multiplication de recours qui ne seraient pas fondés sur une probabilité avérée. Soulignant les enjeux qui s'attachent à la possibilité d'engager la responsabilité sur la réalisation d'un dommage qui ne serait qu'incertaine, M. Xavier de Roux a estimé que la distinction entre prévention et précaution, qu'il a jugée dangereuse, n'était juridiquement pas opérante. Après que le président Pascal Clément eut admis que le projet de loi constitutionnelle innovait en assortissant d'obligations des événements marqués par l'incertitude, mais souligné que l'adoption de cet amendement dénaturerait le texte, le rapporteur, en réponse à une interrogation de M. Robert Pandraud, a rappelé que la différence entre l'incertitude et la probabilité réside dans le fait que, dans le second cas, il existe une loi de probabilité connue ; elle a étayé son propos en distinguant le risque nucléaire, qui fait l'objet de mesures de prévention, de l'effet de serre, pour lequel aucune loi de probabilité ne peut à ce jour être définie ; soutenue par M. Martial Saddier rapporteur de la commission des affaires économiques, elle a indiqué que les entreprises travaillant dans le secteur nucléaire conduisaient depuis longtemps des actions de prévention et n'éprouvaient aucune difficulté à les distinguer d'une application du principe de précaution. Alors que M. Jean-Paul Garraud se fut déclaré favorable à l'amendement, estimant qu'il constituait une garantie supplémentaire, Mme Valérie Pecresse a souligné que, depuis plusieurs siècles, le risque probable était le risque assurable, puisque mesurable, M. Guy Geoffroy précisant, pour sa part, que la réalisation probable d'un dommage relevait de la prévention, alors qu'incertaine, il s'agirait de précaution. M. Jean Leonetti ayant considéré que l'amendement de M. Michel Piron ne constituerait aucune avancée par rapport au droit positif, M. Xavier de Roux s'est demandé si la rédaction de l'article 5 ne conduirait pas les autorités publiques à ne rien faire en cas de réalisation probable d'un dommage. Au terme de ce débat, M. Michel Piron a accepté de retirer son amendement.

La Commission a ensuite rejeté les amendements nos 21 à 26 de M. François-Michel Gonnot tendant l'un à préciser que les mesures de précaution doivent être prises bien que l'absence totale de risque soit impossible à établir, les autres étant de portée rédactionnelle.

Elle a également rejeté un amendement de M. Christophe Caresche destiné à prendre en compte les connaissances techniques et non pas seulement scientifiques, à engager des mesures de précaution en cas de risque de dommage, soit grave, soit irréversible, et à étendre aux personnes et non aux seules autorités publiques le respect du principe de précaution.

Puis la Commission a rejeté l'amendement n° 11 de M. Yves Cochet tendant à rendre alternatifs les critères de gravité et d'irréversibilité qui sont prévus dans l'article 5, ainsi que les amendements nos 27 à 29 de M. François-Michel Gonnot de portée rédactionnelle.

La Commission a examiné l'amendement n° 1 présenté par M. Daniel Garrigue étendant le principe de précaution aux risques encourus par la santé humaine, encadrant le principe par le législateur et enjoignant aux autorités publiques de définir un niveau de risque acceptable. L'auteur de l'amendement a regretté qu'une mention explicite à la santé humaine ne figure pas dans le principe de précaution ; il a également jugé le texte trop directif, puisqu'il impose aux autorités publiques de faire cesser les risques. Il a jugé au contraire indispensable de laisser à celles-ci une marge de manœuvre dans les mesures à prendre et insisté sur la nécessité de faire intervenir le législateur pour encadrer le principe de précaution, seule procédure susceptible d'indiquer une marche à suivre aux personnes concernées par le principe de précaution. Il a exprimé la crainte qu'en l'absence de cadre législatif, le principe de précaution ne soit d'application directe, conduisant le juge à interpréter le principe, avec le risque de décisions judiciaires divergentes, génératrices d'insécurité juridique. Il a également récusé l'affirmation selon laquelle ne serait compétent que le juge administratif, le juge judiciaire pouvant être amené à interpréter les principes constitutionnels. Revenant sur la présentation faite par le rapporteur selon laquelle la mise en œuvre du principe de précaution n'irait pas sans quelques dérapages dans les premiers temps, M. Daniel Garrigue s'est interrogé sur cet aveu, qui consiste à reconnaître le principe d'une législation applicable en deux temps. Reprenant l'argument selon lequel le Traité instituant la Communauté européenne consacrait déjà, dans son article 174, le principe de précaution, il a rappelé que le juge communautaire n'avait fait de cet article qu'une interprétation minimaliste en renvoyant aux autorités politiques nationales le soin de déterminer ce qu'il recouvrait et en ne censurant sur son fondement que l'erreur manifeste d'appréciation ou le vice de procédure. Il a dès lors estimé paradoxal, au moment où l'on envisage d'adopter une constitution européenne, de soustraire ainsi au juge communautaire le droit de l'environnement. Le rapporteur ayant jugé que l'amendement introduirait une confusion regrettable entre principe de précaution et principe de prévention, la Commission a rejeté l'amendement n° 1, ainsi que les amendements nos 30 à 32 de M. François-Michel Gonnot.

La Commission a adopté l'amendement n° 47 présenté par M. Martial Saddier, au nom de la commission des Affaires économiques, précisant que les autorités publiques ne devront appliquer le principe de précaution que dans les domaines qui relèvent de leurs attributions respectives.

Elle a, en revanche, rejeté l'amendement n° 3 rectifié présenté par M. Daniel Garrigue, renvoyant l'application du principe de précaution au législateur. M. Francis Delattre a en effet estimé qu'une telle disposition impliquait de légiférer au cas par cas sur tous les domaines du droit de l'environnement mettant en jeu le principe de précaution et souligné qu'une telle procédure convenait mal aux situations d'urgence. Il a plaidé pour une modification de l'article 34 de la Constitution qui, tout en cadrant les débordements judiciaires éventuels, respectait le principe de l'application directe de l'article 5. M. Daniel Garrigue a estimé, au contraire, que légiférer au cas par cas serait de bonne méthode, citant l'exemple de l'application concrète du principe de précaution en matière d'organismes génétiquement modifiés, tout en faisant observer que, dans les cas d'urgence, le droit positif fournissait d'ores et déjà tous les outils d'action pertinents. Il a enfin fait valoir que le législateur intervenait déjà dans le domaine de l'environnement, en l'absence de toute mention spécifique à l'article 34 de la Constitution, dont la modification ne contrevenait nullement au principe de la saisine directe du juge posé par l'article 5 de la Charte et que, en conséquence, l'insécurité juridique dont la Charte était porteuse restait entière. Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, rapporteur, a estimé que, face à un droit de l'environnement que chacun s'accordait à juger mal construit, l'option se situait entre une intervention législative au cas par cas, comme le proposait M. Daniel Garrigue, et la reconstruction d'un droit de l'environnement équilibré, dont l'amendement présenté par M. Francis Delattre offrait l'opportunité.

Après que M. Michel Piron eut retiré deux amendements visant à supprimer toute mention de la nécessité de prendre des mesures provisoires et proportionnées dans le cadre de l'application du principe de précaution, la Commission a adopté un amendement du président Pascal Clément rétablissant, dans le même cadre, une logique chronologique entre l'évaluation des risques et l'adoption de mesures provisoires, l'auteur de l'amendement ayant expliqué que cette précision de pure logique, soulignant le rôle de la recherche et de l'évaluation pour mettre fin à l'incertitude, ne remettait pas en cause, dans la pratique, la concomitance des deux actions. Puis elle a rejeté les amendements rédactionnels nos 33 à 35 de M. François-Michel Gonnot, l'amendement n° 12 de M. Yves Cochet, supprimant la référence au caractère proportionné des mesures, et les amendements nos 36 et 37 de M. François-Michel Gonnot, d'harmonisation rédactionnelle. Elle a, de même, rejeté l'amendement n° 4 de M. Daniel Garrigue destiné à élargir les marges de décision de l'autorité publique, le rapporteur ayant au contraire jugé utile de préciser l'objectif des mesures de précaution. Après avoir rejeté cinq amendements de précision rédactionnelle nos 38 à 42 présentés par M. François-Michel Gonnot, et après que M. Francis Delattre eut retiré un amendement prévoyant un renvoi à la loi, la Commission a rejeté l'amendement n° 5 présenté par M. Daniel Garrigue permettant au Gouvernement d'arbitrer, pour les questions relevant de sa compétence, entre plusieurs risques potentiels.

La Commission a ensuite rejeté deux amendements présentés par M. Christophe Caresche, le premier explicitant le lien entre l'application du principe de précaution d'une part, la recherche et l'innovation d'autre part, le second de simplification rédactionnelle.

Article 6 de la Charte : Promotion d'un développement durable et intégration dans les politiques publiques :

Après avoir rejeté les amendements nos 13 et 14 de M. Yves Cochet prévoyant respectivement que le développement économique et social devait être compatible avec la protection et la restauration de l'environnement et que les politiques publiques devaient prendre en compte la protection et l'amélioration de l'environnement, la Commission a adopté un amendement du rapporteur, sous-amendé à l'initiative de M. Claude Goasguen et de M. Jean-Pierre Soisson, invitant les politiques publiques à concilier l'environnement, le développement et le progrès social.

Article 7 de la Charte : Droits d'information et de participation :

La Commission a rejeté un amendement de M. Christophe Caresche prévoyant que toute personne a le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques en application du principe de « participation ». Elle a également rejeté l'amendement n° 15 de M. Yves Cochet supprimant la disposition conditionnant l'exercice de ces droits à l'existence d'une loi spécifique.

Article 8 de la Charte : Éducation et formation à l'environnement :

La Commission a rejeté l'amendement rédactionnel n° 43 de M. Francois-Michel Gonnot.

Article 9 de la Charte : Concours de la recherche et de l'innovation à l'environnement :

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article présenté par M. Christophe Caresche, la Commission a également rejeté un amendement rédactionnel de M. Michel Piron.

Article 10 de la Charte : Action européenne et internationale de la France :

La Commission a rejeté l'amendement n° 16 de M. Yves Cochet, de portée rédactionnelle.

Elle a ensuite adopté l'article 2 du projet de loi constitutionnelle ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 2 : Extension du champ de compétences du domaine de la loi fixé à l'article 34 de la Constitution :

La Commission a été saisie de trois amendements tendant à compléter la liste des matières relevant de la compétence du législateur figurant à l'article 34 de la Constitution par la référence à la « préservation de l'environnement » - pour le premier, présenté par M. Francis Delattre -, à la « protection de l'environnement » - pour le second, présenté par M. Christophe Caresche -, à la « préservation de la mise en valeur de l'environnement et des ressources naturelles », pour le troisième, présenté par M. Francis Delattre et Mme Valérie Pecresse. Évoquant une opinion émise par le rapporteur dans la presse, M. Christophe Caresche s'est interrogé sur la portée des amendements de la majorité et a souhaité savoir s'il s'agissait pour le législateur d'une obligation de légiférer ou d'une simple faculté. M. Claude Goasguen a indiqué que, si cet amendement confortait opportunément les compétences du législateur en matière de droit d'environnement, il importait également que le Gouvernement engage rapidement une refonte d'ampleur du code de l'environnement. Tout en approuvant ces propos, M. Christian Decocq a observé que de très nombreuses lois étaient d'ores et déjà intervenues en matière de droit de l'environnement en dépit de la rédaction actuelle de l'article 34 de la Constitution qui ne mentionne pas celui-ci parmi les compétences du législateur. M. Daniel Garrigue a rappelé que nombre de dispositions relevant du droit de l'environnement relevaient dès à présent des matières énumérées à l'article 34 de la Constitution, puisqu'elles avaient des incidences sur le droit de propriété, sur les obligations civiles ou sur les compétences des collectivités territoriales. M. Jean-Pierre Soisson a estimé au contraire que la portée de l'article 34 devait être appréciée au regard des dispositions de l'article 37 relatif au pouvoir réglementaire et que l'amendement de M. Francis Delattre représentait une extension substantielle du domaine de la loi. M. Guy Geoffroy a confirmé ce propos en rappelant que les dispositions de la Constitution de la Ve République conféraient au règlement une compétence générale et à la loi une compétence d'attribution que l'amendement de M. Francis Delattre avait précisément pour objet d'étendre. Il a ajouté que son adoption serait de nature à apaiser les craintes exprimées par certains de ses collègues qui se sont inquiétés du dessaisissement du législateur au profit de celle du juge.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a indiqué que ces amendements conféraient expressément au législateur la compétence pour intervenir dans le domaine de l'environnement. Il a ajouté qu'ils permettraient, fort opportunément, de préciser la portée juridique du principe de précaution prévu à l'article 5 de la Charte. S'agissant des différentes rédactions proposées, elle a indiqué que l'amendement de M. Francis Delattre, se référant à la préservation de l'environnement, lui semblait préférable puisqu'il reprenait les termes figurant au sixième considérant ainsi qu'à l'article 2 de la Charte. Suivant son rapporteur, la Commission a adopté cet amendement auquel se sont associés Mme Valérie Pecresse, MM. Guy Geoffroy, Alain Gest, Claude Goasguen, Christian Decocq, Jean-Pierre Soisson et Jérôme Bignon, les deux autres amendements devenant sans objet.

La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi constitutionnelle ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

La Commission a reçu, jeudi 13 mai, une délégation de la Commission des affaires constitutionnelles de la Chambre des Députés italienne, conduite par son président, M. Donato Bruno et composée en outre de Mmes Elena Montecchi, Graziella Mascia et de MM.  Pietro Fontanini, Gianclaudio Bressa, Michele Saponara, Riccardo Migliori, Karl Zeller et Marco Boato. L'ambassadeur d'Italie, M. Giovanni Dominedo, accompagnait la délégation, de même que M. Mauro Conciatori, conseiller à l'ambassade d'Italie. La séance de travail a porté sur les thèmes de la réforme de l'État, de la décentralisation et du bicamérisme.

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