COMMISSION des LOIS CONSTITUTIONNELLES,
de la LÉGISLATION et de l'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
de la RÉPUBLIQUE

COMPTE RENDU N° 54

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 28 juillet 2004
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Pascal Clément, président

SOMMAIRE

Proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger (n° 1498) (M. Jérôme Bignon, rapporteur).

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jérôme Bignon, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger (n° 1498).

Le rapporteur a indiqué en premier lieu que la proposition de loi soumise à l'Assemblée nationale, dans le cadre de la session extraordinaire, avait été adoptée par le Sénat en première lecture le 4 mars 2004. Elle émane de deux propositions identiques cosignées par onze des douze sénateurs représentant les Français établis à l'étranger, eux-mêmes élus par les 150 membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger (csfe), que la proposition a précisément pour objet de partiellement réformer.

Élaborée de manière consensuelle, au terme d'une démarche engagée avec la mise en place en septembre 2000 d'une commission temporaire pour la réforme au sein du Conseil supérieur, puis traduite par le dépôt du rapport de cette commission en septembre 2003, elle tend en l'occurrence à chercher les voies et moyens d'un second souffle nécessaire pour cette institution. Celle-ci souffre en effet d'un désintérêt préoccupant de la part de ceux qui sont appelés à en élire les membres. En effet, sur les deux millions de français résidant à l'étranger, seulement la moitié environ d'entre eux sont inscrits sur les listes électorales, et les dernières élections de 2000 et 2003 ont connu un taux d'abstention de près de 80 %.

La réforme législative adoptée par le Sénat s'inscrit en pratique dans le prolongement de l'expérimentation du vote électronique prévue par la loi du 28 mars 2003 pour l'élection de juin 2003 des représentants des Français inscrits dans les circonscriptions d'Amérique du Nord, qui s'est traduit par un succès relatif. Elle fait également suite à une première modification réglementaire du fonctionnement et de l'organisation du Conseil, par le décret et l'arrêté du 25 août 2003, ainsi qu'au raccourcissement de neuf à six ans de la durée du mandat des sénateurs représentant les Français de l'étranger, identique à celui prévu pour l'ensemble des sénateurs.

Sur les sept articles de la proposition, deux dispositions sont purement formelles, mais néanmoins très symboliques : est ainsi prévue  la généralisation à tous les textes législatifs ordinaires du changement de dénomination du Conseil supérieur des Français de l'étranger, transformé en une Assemblée des Français de l'étranger, sans toutefois modifier ses attributions, ainsi que la substitution de l'appellation de « Bureau » à celle de « Bureau permanent » du Conseil supérieur, déjà effectuée par le décret du 25 août 2003. Ce changement de nom traduit le souhait de la commission temporaire pour la réforme de progressivement transformer le conseil en un organe délibérant aussi représentatif que possible, et composée, à terme, uniquement d'élus. Il conviendrait toutefois d'apporter ultérieurement les mêmes modifications dans les textes organiques mentionnant également, de manière incidente, le Conseil supérieur et le Bureau permanent.

Deux autres mesures concernent l'organisation des opérations de désignation des délégués. La première prévoit  l'institution d'un contrôle préalable de la recevabilité des déclarations de candidature à l'élection au Conseil supérieur destiné à éviter la multiplication potentielle de contentieux qui ont déjà pu avoir lieu et qui ont conduit à annuler l'ensemble de l'élection dans la circonscription concernée. La seconde ouvre la possibilité d'une organisation regroupée des opérations de vote par ambassade et par poste consulaire (article 5 bis), parallèlement aux regroupements éventuels des postes eux-mêmes.

Les deux plus importantes modifications proposées ont trait à la composition même du csfe qui se traduit par :

-  la réduction de vingt à douze du nombre des personnalités qualifiées, dont la voix ne sera plus que consultative, et l'interdiction de la désignation par le ministre des Affaires étrangères de personnalités remplissant les conditions requises pour être élu au Conseil supérieur ;

-  l'augmentation de 150 à 155 du nombre des délégués élus au Conseil supérieur et l'actualisation de la délimitation des circonscriptions électorales au regard de l'évolution des inscriptions sur les listes, de la contrainte de cohérence géographique des circonscriptions au regard de l'évolution des États, ainsi que des difficultés liées aux moyens de transport. Cette adaptation de la carte électorale, d'ampleur d'ailleurs limitée, correspond à celle adoptée de manière consensuelle par la commission temporaire pour la réforme du csfe.

Globalement, compte tenu de ces deux modifications, le nombre de membres du Conseil diminuerait de quatre sièges en passant de 183, dont 21 personnes désignées, à 179, dont 12 personnes désignées.

La dernière mesure prévoit que les dispositions relatives aux personnalités qualifiées et à la révision de la carte électorale ne s'appliqueraient qu'à compter des renouvellements triennaux de 2006 et 2009. En revanche, les autres dispositions s'appliqueront dès l'entrée en vigueur de la loi, en particulier dès la prochaine session du Conseil, à la fin septembre 2004, qui pourrait ainsi siéger pour la première fois sous l'appellation d'Assemblée des Français de l'étranger. Ce changement de nom justifie la relative urgence de l'adoption de la proposition de loi par le Parlement.

M. René Dosière, après avoir constaté que le texte, examiné par le Sénat en mars dernier, devait entrer en vigueur en 2006 et qu'une loi organique serait sans doute nécessaire pour compléter le dispositif proposé, a émis des doutes sur son caractère urgent qui aurait justifié son inscription à l'ordre du jour de la session extraordinaire, en considérant que cette inscription était loin de revaloriser le rôle du Parlement. Il s'est également interrogé sur l'efficacité du dispositif, marqué par un changement d'appellation, sur l'accroissement du taux de participation des Français de l'étranger, pour « faire sortir le vote » selon l'expression utilisée au Canada.

Puis il a regretté l'absence d'évaluation de la loi du 28 mars 2003 tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections au conseil supérieur des Français de l'étranger. Il a demandé au rapporteur de présenter précisément dans son rapport écrit l'évolution du nombre d'électeurs par circonscription et a rappelé que le Conseil constitutionnel, toujours attentif aux questions d'équilibre démographique, n'avait validé les nouvelles règles électorales applicables en Polynésie qu'en raison des particularités de ce territoire. Relevant que plusieurs dispositions de la proposition pourraient justifier son irrecevabilité au titre du respect de la Constitution, il a annoncé qu'il défendrait des amendements ayant pour objet d'éviter certains déséquilibres, en particulier en Allemagne.

M. Thierry Mariani, faisant état de son expérience de responsable au sein d'un mouvement politique de la question des Français de l'étranger, a estimé que les problèmes rencontrés par ces derniers, que ce soit en matière d'enseignement, de couverture sociale ou de cotisations retraite, justifiaient qu'ils soient, comme cela se pratique en Italie, mieux pris en considération. Il a regretté, à cet égard, la faible ambition de cette proposition, qui ne prend pas assez en compte le fait qu'il existe une différence de nature fondamentale entre la situation des Français installés dans l'Union européenne et celle de ceux qui vivent sur des terres plus lointaines et qui ont besoin d'un soutien accru. Il a précisé, enfin, que l'expérience du vote électronique lors des élections de juin 2003 n'avait sans doute pas donné les résultats escomptés.

Le président Pascal Clément a insisté sur la nécessité de disposer d'une évaluation précise de cette expérimentation.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  l'expérimentation du vote électronique dans les deux circonscriptions des États-Unis d'Amérique a permis à 5 354 votants de voter par internet, sur un total de 8 834. Ainsi, 1 000 votes supplémentaires ont été exprimés par rapport à 1997. Ce bon résultat n'a cependant pas permis de relever significativement le taux de participation, demeuré à un niveau de 14,5 %. En effet, dans le même temps, les effectifs inscrits ont augmenté, simultanée, de plus de 10 000. Ce résultat confirme cependant que le vote par internet constitue un instrument d'avenir, lorsque le corps électoral est prêt à l'utiliser, comme l'a d'ailleurs montré, dans un autre cadre, le succès manifeste permis, pour les dernières élections au Barreau de Paris, par l'ouverture de la possibilité de voter par voie électronique;

-  l'augmentation du nombre de membres élus du csfe se répartit à hauteur de 2 sièges supplémentaires pour l'Amérique, qui passerait ainsi de 30 à 32 sièges, et 3 pour l'Asie et le Levant, passant de 21 à 24, le nombre de représentants pour l'Europe et l'Afrique demeurant pour sa part inchangé, à hauteur respectivement de 52 et 47 sièges. Cette évolution ne modifie pas fondamentalement l'équilibre démographique actuel, mais procède plutôt d'une volonté de lissage.

Puis la Commission est passée à l'examen des articles :

Article premier : Substitution de l'Assemblée des Français de l'étranger au Conseil supérieur des Français de l'étranger :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 : Diminution de vingt à douze du nombre de membres désignés :

La Commission a été saisie de l'amendement n° 1 de M. René Dosière, supprimant la désignation par le ministre des affaires étrangères des douze personnalités qualifiées siégeant à l'Assemblée des Français de l'étranger. Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'amendement après avoir rappelé que le texte adopté au Sénat reflétait un consensus de l'ensemble des formations politiques. La Commission a en conséquence rejeté l'amendement puis a examiné l'amendement n° 2 du même auteur substituant à la désignation des douze personnalités qualifiées la nomination de douze députés nommés par l'Assemblée nationale. M. René Dosière a présenté cet amendement comme une première étape vers l'élection au suffrage universel direct de représentants de Français de l'étranger à l'Assemblée nationale. Il a observé que la présence de députés permettrait ainsi de sensibiliser l'Assemblée nationale aux problèmes auxquels sont confrontés les Français vivant hors de France. M. Jérôme Lambert a estimé qu'il conviendrait de veiller à ce que les députés ainsi nommés ne votent pas deux fois pour les sénatoriales, une fois pour les sénateurs de leur circonscription, une autre fois dans le cadre de l'Assemblée des Français de l'étranger. Le rapporteur a souligné l'intérêt de cette proposition mais jugé préférable d'en rester au dispositif adopté par le Sénat, qui est le fruit d'une longue concertation. La Commission a en conséquence rejeté l'amendement, ainsi qu'un amendement n° 3 du même auteur proposant de confier la désignation des douze personnalités qualifiées à l'Assemblée nationale, afin d'éviter, selon M. René Dosière, une trop grande partialité des nominations. Puis la Commission a adopté l'article sans modification.

Article 3 : Simplification du nom du Bureau permanent :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 : Modification de la carte électorale :

La Commission a examiné un amendement de M. René Dosière proposant de modifier le nombre de sièges pour l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger de la première et de la deuxième circonscription d'Allemagne. Notant que la première circonscription comptait quatre sièges pour 55 697 immatriculés contre cinq sièges attribués à la deuxième circonscription pour 52 077 immatriculés, il a jugé cette disproportion contraire aux principes dégagés par le Conseil constitutionnel en matière de représentation démocratique. Le rapporteur a estimé que cette proposition anticipait sur la réalisation des projets de regroupement des cartes consulaires et observé par ailleurs que cette disproportion n'interférait pas directement avec la carte électorale. M. René Dosière a rappelé que les sénateurs ayant adopté un amendement permettant le regroupement des consultations électorales par consulat, l'observation du rapporteur sur la carte consulaire n'apparaissait pas pertinente. Le rapporteur, appuyé par le président Pascal Clément qui a rappelé la jurisprudence en la matière, a relevé que le critère de la représentation démographique n'était pas le seul dégagé par le Conseil constitutionnel en matière de carte électorale, le législateur pouvant également prendre en compte les particularités géographiques ou les évolutions géopolitiques. La Commission a en conséquence rejeté l'amendement, avant d'adopter l'article sans modification.

Article 5 : Contrôle préalable à l'enregistrement des candidatures :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 bis (nouveau) : Organisation des opérations de vote :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Article 6 : Entrée en vigueur différée de certains articles :

La Commission a adopté cet article sans modification.

Puis la Commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

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