COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE
COMPTE RENDU N° 32
(Application de l'article 46 du Règlement)
Mercredi 1er février 2006
(Séance de 10 heures)
Présidence de M. Jean Proriol, Vice-Président
SOMMAIRE
La Commission a désigné M. Jérôme Bignon rapporteur pour le projet de loi (n° 2293) ratifiant l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et a examiné ce projet.
Soulignant le caractère très technique des articles de l'ordonnance que le projet de loi n°2293 visait à ratifier, le rapporteur a insisté sur l'importance de cette ratification, puisqu'il s'agissait de modifications au code civil et au code de la consommation.
Il a rappelé que l'ordonnance n°2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur transposait la directive 1999-44 du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, en instaurant un nouveau régime de garantie de conformité du bien au contrat.
Il a précisé que cette directive trouvait son origine dans un Livre vert de 1993, dans lequel la Commission européenne constatait les difficultés tenant aux différentes traditions juridiques nationales, qui empêchaient le consommateur de déterminer facilement la portée effective de ses droits ainsi que les conditions pratiques de leur mise en œuvre.
Il a estimé que la Commission, puis le Parlement européen et le Conseil, avaient recherché un équilibre entre les différentes traditions juridiques des pays membres, sans pour autant porter atteinte aux dispositions et principes des droits nationaux relatifs aux régimes de responsabilité contractuelle et extracontractuelle. Alors qu'un premier groupe d'Etats membres, dont la France, connaît une distinction entre la délivrance non conforme et l'action en garantie des vices ou des défauts cachés de la chose vendue, le second ignore cette action spécifique et sanctionne la non-conformité en tant que telle.
La Commission a fait le choix d'une conception élargie du défaut de conformité, qui englobe le vice caché et renonce à la distinction traditionnellement opérée par le code civil entre les deux notions.
Le rapporteur a souligné l'originalité de cette directive, dont la plupart des dispositions ne constituent que des normes minimales, alors que les États membres ont la faculté d'adopter ou de maintenir, dans ce domaine, des dispositions plus strictes en vue d'assurer un niveau de protection encore plus élevé du consommateur.
Il a rappelé que la transposition était obligatoire au plus tard le 1er janvier 2002 et que la Commission réexaminerait, à l'été 2006, l'application de la directive.
Résumant les différentes étapes de la préparation de l'ordonnance, le rapporteur a indiqué que le ministère de la Justice avait mis en place en octobre 2000 un groupe de travail sur l'intégration en droit français de la directive, présidé par Mme Geneviève Viney, qui avait remis en 2002 un avant-projet soumis ensuite à une large concertation, très différent de l'ordonnance qu'il vous est proposé de ratifier.
Un projet de loi avait été déposé au Sénat le 16 juin 2004, relatif à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux. Il avait également pour objet de mettre le code civil en conformité avec le droit communautaire, après la condamnation de la France le 25 avril 2002 pour mauvaise transposition, par la loi n°98-289 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, modifiée par la directive 1999/34.
Alors que ce projet de loi n'a jamais été discuté, la France a fait l'objet d'une condamnation en manquement par la Cour de justice des Communautés européennes le 1er juillet 2004, pour n'avoir pas transposé la directive 1999/44, concernant la conformité du bien au contrat.
Le rapporteur a rappelé que les deux aspects du projet de loi avaient été dissociés, et intégrés dans la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.
L'article 82 de cette loi autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 99/44/CE sur la garantie des biens de consommation.
Le rapporteur a indiqué que les différents délais prévus par cette habilitation avaient été respectés, l'ordonnance ayant été prise dans les six mois et le projet de loi de ratification déposé devant le Parlement moins de trois mois après, le 7 mai 2005, et que le Gouvernement ne pouvait plus modifier ses dispositions de nature législative.
Compte tenu de l'importance de ces enjeux, le rapporteur a estimé que la ratification rapide de cette ordonnance s'imposait. Il a expliqué que l'ordonnance créait en droit français une nouvelle action en garantie de « conformité du bien au contrat », qui englobait le vice caché et la délivrance conforme, sans priver le consommateur du droit d'exercer l'une ou l'autre des actions prévues par la loi, notamment l'action en garantie des vices cachés.
Il a également indiqué que l'article 29 de la loi de simplification du droit modifiait les articles 1386-2, 1386-7 et 1386-12 du code civil relatifs à la responsabilité du fait des produits défectueux. Il a annoncé qu'il présentait un amendement modifiant à nouveau l'article 1386-7 pour le rendre enfin conforme au droit communautaire, la Commission ayant maintenu sur ce point un recours en manquement.
M. François Brottes a interrogé le rapporteur sur deux points.
Il a, en premier lieu, rappelé que l'article L. 211-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance rendait les dispositions de celle-ci applicables « à l'eau et au gaz lorsqu'ils sont conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée ». Il a souhaité obtenir des précisions sur la portée exacte de cette disposition et notamment sur son éventuelle application aux réseaux locaux de distribution de propane. Il a également souhaité savoir si cette disposition n'était pas de nature à créer des distorsions de concurrence en soumettant à des règles différentes des énergies concurrentes.
En second lieu, M. François Brottes s'est déclaré surpris de la rédaction retenue par l'ordonnance pour l'article L. 211-6 du code de la consommation qui dispose que « le vendeur n'est pas tenu par les déclarations publiques du producteur s'il est établi qu'il ne les connaissait pas et n'était légitimement pas en mesure de les connaître ». Il a, en effet, craint que cette disposition soit de nature à restreindre excessivement la protection des consommateurs.
Après avoir indiqué que le deuxième alinéa de l'article L. 211-3 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance disposait que « toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le bien son nom, sa marque ou un autre signe distinctif » est, au sens des dispositions issues de l'ordonnance, un producteur, M. Jean-Charles Taugourdeau a souhaité savoir si cette disposition s'appliquerait aux marques de distributeur commercialisées par la grande distribution en soulignant qu'il lui apparaissait important que le distributeur assume, dans ce cas, l'entière responsabilité du produit vis-à-vis des consommateurs.
M. Jérôme Bignon, rapporteur, a, tout d'abord, répondu à M. Jean-Charles Taugourdeau que la disposition qu'il évoquait couvrait effectivement notamment le cas des marques de distributeurs.
S'agissant de la question de M. François Brottes relative à la rédaction retenue par l'ordonnance pour l'article L. 211-1 du code de la consommation, le rapporteur a, tout d'abord, indiqué que la disposition évoquée était strictement reprise de la rédaction de la directive transposée. Sur le fond, il a noté qu'elle faisait référence au conditionnement de l'eau ou du gaz et que ces produits ne sont précisément pas conditionnés lorsqu'ils sont distribués par un réseau.
M. Alain Gouriou a estimé qu'une question similaire se posait s'agissant de la portée du deuxième alinéa de l'article L. 211-2 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l'ordonnance qui prévoit que les dispositions de celle-ci ne s'appliquent à l'électricité. Il a ainsi souhaité savoir si cette disposition couvrait ou non le cas, par exemple, des piles électriques.
M. Jean Proriol, président, lui a répondu qu'il comprenait, à la lecture du texte, que n'était visée par celui-ci que l'électricité acquise directement et non les biens fournissant de l'électricité comme les piles ou encore les batteries.
M. Jérôme Bignon, rapporteur, a déclaré partager l'analyse de M. Jean Proriol et a, en outre, rappelé que, la ratification de l'ordonnance permettant à l'ensemble des députés d'amender les dispositions issues de celle-ci, les commissaires le souhaitant pourraient contribuer, si nécessaire, à l'amélioration du texte par voie d'amendements lors de la séance publique. Il a également indiqué qu'il poursuivrait, d'ici à la séance publique, sa réflexion sur les questions soulevées.
S'agissant de la question de M. François Brottes relative à la rédaction retenue par l'ordonnance pour l'article L. 211-6 du code de la consommation, il a rappelé que celle-ci n'exonérait pas le producteur de sa responsabilité vis-à-vis du consommateur mais qu'elle ne concernait que les relations entre le vendeur et celui-ci.
M. François Brottes a rappelé qu'en pratique, le consommateur était en relation avec le vendeur et qu'il pouvait lui être difficile de se retourner contre le producteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur, lui a répondu que le consommateur restait protégé, par ailleurs, par les dispositions du code de consommation et qu'il appartiendrait, le cas échéant, au vendeur de faire la preuve qu'il ne connaissait pas d'éventuelles déclarations publiques litigieuses du producteur et qu'il n'était légitimement pas en mesure de les connaître.
M. Jean-Charles Taugourdeau a souligné que moins le vendeur était, d'une manière générale, responsable du produit vendu en lieu et place de son producteur, plus il serait tenté d'acheter en faisant primer le prix sur la qualité. Il a donc estimé que renforcer la responsabilité des vendeurs était, en pratique, de nature à conforter les producteurs français soucieux de qualité vis-à-vis de leurs concurrents des pays à bas coût.
M. Jérôme Bignon, rapporteur, a jugé cette analyse pertinente mais a rappelé que les dispositions ratifiées ne concernaient pas les relations entre professionnels mais seulement les relations entre des vendeurs professionnels et des consommateurs.
La Commission a ensuite procédé à l'examen de l'article unique du projet de loi.
Article unique : Ratification de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur
La Commission a adopté cet article sans modification.
Article additionnel après l'article unique : Extension aux contrats de réparation de la prorogation de la durée de garantie commerciale lorsque la remise en état ne peut être rapide
La Commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant l'article L. 211-16 du code de la consommation pour étendre aux contrats de réparation la prorogation de la durée de garantie lorsque la remise en état ne peut être rapide, le rapporteur ayant précisé que la prorogation de la durée de garantie était applicable à ces contrats aux termes de l'article L. 211-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance et qu'il convenait donc de corriger l'oubli de leur mention par l'ordonnance.
Article additionnel après l'article unique : Exonération de la responsabilité pour défaut de sécurité du fournisseur désignant son propre fournisseur ou le producteur à la victime
La Commission a adopté un amendement du rapporteur modifiant l'article 1386-7 du code civil pour exonérer de sa responsabilité pour défaut de sécurité le vendeur ou le loueur d'un produit ayant désigné à la victime, dans un délai de trois mois, son propre fournisseur ou le producteur, le rapporteur ayant précisé que cet amendement complétait la transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux pour tirer les conséquences d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 25 avril 2002 et parer à celles, prévisibles, d'un prochain arrêt de la CJCE.
Puis, la Commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.
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