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COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 73

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 26 juillet 2006
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Présentation du rapport d'étape sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie (n° 3201)

(M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur)


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La Commission s'est réunie pour la présentation du rapport d'étape de M. Jean-Claude Lenoir sur le projet de loi relatif au secteur de l'énergie (n° 3201).

Le Président Patrick Ollier a souligné l'originalité de la procédure du rapport d'étape destiné à permettre une discussion très approfondie du projet de loi.

S'agissant de Gaz de France, il a rappelé que le projet constituait un préalable à la fusion avec Suez mais que cette fusion elle-même n'était pas prévue dans le texte.

Il a souligné que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie serait de nouveau entendu par la Commission afin de débattre, après la promulgation de la loi, des différentes options pour l'avenir de Gaz de France.

Enfin, il a souhaité que les données géostratégiques et économiques du secteur de l'énergie et, en particulier, l'augmentation du prix du baril de pétrole, passé d'environ 25 à 75 dollars en trois ans, alimentent la réflexion de la Commission.

Rappelant qu'il avait demandé au gouvernement d'apporter des garanties s'agissant de l'évolution des secteurs du gaz comme de l'électricité, il a demandé au rapporteur de préciser les engagements annoncés par le Ministre.

M. François Brottes a regretté qu'aucun document écrit rendant compte des réflexions du rapporteur ne soit disponible.

M Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a rappelé qu'il n'était pas envisageable de publier un document qui n'aurait pas été adopté formellement par la Commission.

Le Président Patrick Ollier a rappelé que c'est à la demande du groupe socialiste qu'il s'était engagé à ce qu'aucun vote n'intervienne lors de la présente réunion. Il a précisé que sans vote, il était impossible de mettre en distribution un document de la Commission, celle-ci ne l'ayant pas adopté.

M. Jean-Claude Lenoir a remercié le Président Patrick Ollier d'avoir pris l'initiative de la présente réunion et a souligné qu'il convenait de tirer parti du délai relativement inhabituel séparant le dépôt du texte de son examen.

Il a rappelé que le texte comportait, outre la privatisation de Gaz de France, plusieurs aspects : l'ouverture des marchés de l'énergie à la concurrence au 1er juillet 2007, en application des directives européennes ; la séparation juridique des activités de distribution de gaz et d'électricité et le renforcement de la protection des consommateurs.

Il a rappelé que, tant à la Commission des affaires économiques qu'à celle des finances, la question des prix de l'électricité avait fait l'objet, au cours de ces derniers mois, d'une attention soutenue.

Il a jugé ce débat nécessaire, constatant que les entreprises qui avaient fait jouer leur éligibilité soit en quittant l'opérateur historique, soit en renégociant avec lui leurs contrats et en abandonnant le tarif régulé, se voyaient aujourd'hui confrontées à d'importantes hausses de prix à l'occasion du renouvellement de leurs contrats alors que les prix de marchés dépassent de 60 à 80 % le tarif régulé.

Les plus grosses entreprises électro-intensives se sont d'abord organisées en consortium mais pour les petites et moyennes industries, le problème demeure, générant d'importantes distorsions de concurrence entre celles qui ont exercé leur éligibilité et celles qui sont restées au tarif.

Le rapporteur a indiqué que cette hausse des prix pouvait sembler surprenante, dans la mesure où 80 % de l'électricité en France est d'origine nucléaire, donc peu affectée par l'évolution des prix du pétrole.

Il a souligné que les Présidents Ollier et Méhaignerie, M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis au nom de la Commission des finances et lui-même jugeaient de leur responsabilité de résoudre ce problème à l'occasion de l'examen du présent projet de loi.

Il a indiqué qu'à ce stade, il envisageait de proposer la création d'un tarif de retour pour lequel les entreprises pourraient opter entre la promulgation de la loi et le 1er juillet 2007 et dont elles bénéficieraient ensuite pendant une période limitée, par exemple de deux ans.

Le rapporteur a rappelé par ailleurs que le droit existant, non modifié par le projet, privait du bénéfice du tarif les entreprises créées après le 1er janvier 2008 : il a indiqué qu'il souhaitait revenir sur cette interdiction et maintenir pour l'avenir la possibilité du choix entre le tarif et le prix.

Le rapporteur a souligné que la création du tarif de retour comme l'élargissement aux nouveaux sites professionnels des tarifs constituaient deux des garanties exigées par le Président Patrick Ollier.

S'agissant des ménages, le rapporteur a rappelé que le projet de loi leur donnait la possibilité de faire jouer leur éligibilité à compter du 1er juillet 2007, conformément à la logique entérinée au sommet européen de Barcelone en mars 2002. Il a indiqué que le Gouvernement lui avait confié, en qualité de président du Conseil supérieur de l'énergie, la mission de réfléchir aux conditions dans lesquelles cette nouvelle étape de mise en jeu de la concurrence pourrait se faire en offrant les meilleures garanties possibles aux particuliers, et qu'il avait suggéré l'instauration d'un certain « droit à l'erreur » pour les ménages ayant fait jouer leur éligibilité, sous la forme d'une possibilité de retour au tarif à chaque évolution du couple « logement / ménage », c'est-à-dire lorsque les particuliers déménagent, ou lorsqu'ils reprennent un logement pour l'approvisionnement duquel le précédent occupant avait fait jouer l'éligibilité. Il a précisé que cette proposition avait été reprise dans le projet de loi.

Le rapporteur a insisté sur la nécessité de profiter de l'occasion donnée au Parlement d'adapter ainsi la mise en œuvre des dispositions communautaires, faute de quoi celles-ci entreraient en vigueur automatiquement, par l'application directe des directives aux échéances prévues, mais en ce cas sans aucun aménagement protecteur.

S'agissant de la partie du projet de loi relative à la protection des consommateurs, le rapporteur a expliqué qu'il en avait largement discuté avec les représentants des associations de consommateurs, et que le seul élément problématique concernait les conditions de l'information pré-contractuelle, sujet techniquement complexe pour lequel il se donnait le temps restant à courir jusqu'à l'examen du texte afin de mettre au point les rédactions les plus appropriées. Par ailleurs, il a indiqué qu'il suggérerait le remplacement du dispositif de médiation prévu par le projet de loi, instaurant un médiateur par fournisseur, par un dispositif à médiateur unique pour l'ensemble des litiges relatifs aux contrats passés dans le secteur concurrentiel.

S'agissant du titre relatif à Gaz de France, le rapporteur a rappelé les six exigences du Président Patrick Ollier :

- la préservation de l'identité de GDF ;

- le maintien des obligations de service public ;

- l'instauration d'un tarif social pour le gaz, à l'image de celui déjà en vigueur pour l'électricité ;

- la préservation du statut des personnels ;

- la détention par l'État d'une minorité de blocage dans le capital ;

- la création d'une action spécifique permettant le contrôle public des actifs statiques de l'entreprise.

Puis, il a rappelé trois éléments de cadrage de la réflexion en cours :

1°) Le fait qu'en l'état actuel du droit, l'État est tenu à une détention d'au moins 70 % du capital de l'entreprise ;

2°) Le constat que GDF n'est qu'une entreprise de taille moyenne à l'échelle européenne, constat qui justifie son souhait d'une alliance lui permettant d'augmenter son pouvoir de négociation face aux fournisseurs mondiaux ;

3°) La nécessité pour les fournisseurs d'énergie de pouvoir proposer une offre double avec de l'électricité et du gaz.

Il a convenu que les analyses stratégiques conduisaient à la même conclusion d'un besoin d'alliance en 2004, mais qu'à l'époque, l'occasion de réaliser ce type d'opération avec le groupe Suez ne se présentait pas. Il a souligné en outre l'acuité nouvelle donnée au besoin d'alliance par la remontée forte des prix du pétrole, GDF disposant de peu de gisements gaziers.

Il a souligné qu'en matière d'alliance industrielle l'État n'avait guère d'autre possibilité que d'entériner le choix d'entreprises décidant librement de leur destin, comme les époux d'un mariage. Il a observé que les autres alliances envisageables pour GDF, avec Total ou EDF, n'étaient pas possibles, Total n'étant pas demandeur et le rapprochement avec EDF, malgré l'évidente complémentarité des deux entreprises publiques, se heurtant aujourd'hui au droit de la concurrence européen. Il a donné comme illustration de cette vigilance de la Commission européenne le cas du rachat par EDF de l'opérateur allemand EnBW, qui n'a été accepté par la commission qu'en contrepartie de la vente par EDF de 6000 MW d'électricité, production équivalente à celle de six réacteurs nucléaires.

Il a rappelé les trois niveaux de complémentarité entre GDF et Suez qui donnaient tout leur sens au projet industriel de fusion entre les deux entreprises :

1°) La possibilité de mettre en commun leurs activités gazières pour constituer le premier groupe européen du secteur, avec une part de marché de 20 %. Cela permettra de négocier les contrats d'approvisionnement en position plus forte, et de relativiser l'importance du fournisseur russe, celui-ci assurant 20 % des approvisionnements de GDF, mais seulement 15 % de ceux du nouvel ensemble, passant ainsi pour la France du rang de premier fournisseur à celui de troisième ;

2°) La possibilité de constituer le plus grand groupe mondial de GNL, ce qui représente un avantage considérable pour la sécurité des approvisionnements, puisqu'il s'agit d'une forme sous lequel le gaz peut être transporté sur de longues distances, ce qui permet de s'affranchir des fournisseurs traditionnels situés à portée de gazoduc et ce qui permet l'accès à de nouvelles réserves comme celles du Qatar ou du Yémen, le Qatar occupant le troisième rang pour les réserves fossiles de gaz naturel et ces deux pays étant liés à Suez par des contrats ;

3°) La possibilité d'associer cette capacité d'offre de gaz à une capacité d'offre d'électricité, puisque Suez est le cinquième producteur européen d'électricité ; dans des conditions de prix en outre avantageuses pour le consommateur, puisque le cœur de la production d'électricité du groupe Suez est fourni par les centrales hydroélectriques de la Compagnie du Rhône, et par les centrales nucléaires d'Electrabel.

Constatant enfin l'absence de structures redondantes entre les deux opérateurs, et la similitude de leur culture d'entreprise, il a déclaré qu'il souscrivait sans réserve au projet de fusion, s'interrogeant seulement sur les modalités pratiques de celle-ci.

À cet égard, il a insisté sur son souci de mettre sur la table toutes les options envisageables, y compris une nouvelle qui sont :

- un mécanisme de participations croisées, envisagé au moment de l'annonce de la tentative d'OPA d'Enel sur Suez, aurait l'avantage de stabiliser l'actionnariat de cette entreprise mais ne répondrait pas au souhait d'intégration industrielle des deux entreprises ;

- une alliance basée sur une détention de l'État français dans GDF ramenée à 51 %, taux de participation qui correspondrait d'ailleurs à celui fixé dans la version initiale du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières adopté en 2004, avant que le Président Ollier et lui-même ne le relèvent par voie d'amendement, aurait comme conséquence une nationalisation de Suez, dont ses dirigeants ne veulent pas, et en conséquence une prise de contrôle du parc nucléaire d'Electrabel par l'État français, ce dont l'État belge ne veut pas ;

- le schéma défendu par le Gouvernement présente l'avantage de permettre un vrai projet industriel et de conserver pour l'État français une minorité de blocage, ainsi qu'une action spécifique pour le contrôle des actifs stratégiques. Il s'agit du schéma le plus abouti parmi ceux envisagés, même s'il laisse encore ouvertes certaines questions ;

- une proposition nouvelle, qu'il a présentée comme une contribution à la réflexion en citant une formule du philosophe Alain, natif de Mortagnes (« Il y a pire que d'avoir plusieurs idées : c'est de n'en avoir qu'une seule »), vise à n'opérer la fusion qu'au niveau d'une filiale de GDF regroupant ses activités concurrentielles et internationales, les activités régulées en France, à savoir le transport, la distribution et le stockage restant sous le contrôle direct de l'entreprise publique. Il a observé qu'en tout état de cause, aussi bien les activités de gestion du réseau, pour le transport et l'approvisionnement, que celles de stockage, ne faisaient l'objet d'aucune concurrence et que l'ouverture à la concurrence imposait même une totale neutralité dans la gestion des réseaux vis-à-vis des différents fournisseurs.

Estimant entre 7 et 10 milliards d'euros la valeur des activités concurrentielles et internationales de Gaz de France, il a noté que le groupe fusionné selon sa proposition aurait une capitalisation de l'ordre de 50 milliards d'euros, au lieu des 65 milliards d'euros correspondant au schéma d'une fusion complète, le groupe constitué conservant ainsi une taille très conséquente et un actionnariat stabilisé par l'entrée de Gaz de France pour environ 18 %. Il a expliqué qu'une telle structure aurait l'avantage de ne faire passer dans le nouvel ensemble privé que 10 % de l'effectif des agents statutaires de GDF, 90 % restant dans l'entreprise publique pour la gestion des activités régulées. Il a observé que le personnel correspondant à ces 10 % travaillait déjà, pour l'essentiel, dans un contexte managérial adapté à des métiers commerciaux exercés sur des marchés très ouverts à la concurrence, et qu'il fonctionnait déjà selon les normes en vigueur dans le secteur privé.

En conclusion, il a rappelé son soutien sans réserve au projet de fusion des deux entreprises et son souhait de poursuivre la réflexion sur ses modalités pratiques afin de juger s'il est possible d'améliorer le projet de loi.

S'exprimant au nom du groupe socialiste, M. François Brottes a remercié le rapporteur pour son travail, précisant toutefois qu'il était très difficile de prendre position sur ses propositions en l'absence d'un texte écrit.

Il a rappelé que, le 28 novembre 2002, M. François-Michel Gonnot avait déclaré que le compromis négocié par la ministre de l'énergie Mme Nicole Fontaine, alors membre du gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, permettrait à la France de rompre avec son isolement européen en prévoyant l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité pour les ménages en 2007. Il a donc estimé qu'il fallait cesser d'affirmer que cette ouverture avait été négociée par le gouvernement de M. Lionel Jospin, lors du sommet de Barcelone en mars 2002.

S'agissant de la proposition du rapporteur d'instituer provisoirement la possibilité d'un retour aux tarifs régulés pour les clients éligibles, il a souhaité savoir ce que deviendraient les tarifs régulés après l'entrée en vigueur des tarifs de retour - les clients étant aux tarifs régulés devront-ils opter pour les tarifs de retour ?- et à quel tarif seraient soumises les entreprises créées après le 1er juillet 2007.

Il a indiqué que son groupe n'était pas opposé à la transposition de la directive visant à maintenir le tarif réglementé, transposition qui aurait d'ailleurs pu intervenir dès 2004, mais il a souhaité être pleinement informé sur les modalités du retour au tarif des clients éligibles, notamment sur le point de savoir si ce retour pourra être réalisé uniquement par Électricité de France et Gaz de France ou par l'ensemble des opérateurs du secteur de l'énergie.

Il a estimé qu'en ne renonçant pas à la privatisation de Gaz de France, le rapporteur était fidèle au projet de loi. Les autres hypothèses envisagées par ce dernier, a-t-il ajouté, ne permettent pas de répondre aux questions soulevées lors des auditions, relatives notamment à l'avenir des concessions signées avec les collectivités locales en cas de privatisation de tout ou partie de Gaz de France, à la partie, fût-elle minoritaire, du personnel de Gaz de France qui perdrait le statut des entreprises électriques et gazières du fait de cette privatisation, au sort de l'opérateur commun de réseaux. Il a ensuite jugé qu'en proposant de privatiser les activités concurrentielles supposées rentables de Gaz de France, la majorité démontrait sa volonté de privatiser l'entreprise de manière progressive.

Il s'est ensuite interrogé sur les réserves qui pourront être opposées par la Commission européenne à ce projet, qui obligeront peut-être Electrabel à vendre des centrales nucléaires à Électricité de France, ainsi que l'a évoqué le président de cette dernière entreprise devant notre commission. Il s'est demandé si des informations complémentaires sur le contour de la nouvelle entité seront disponibles après la notification des griefs de la Commission européenne autour du 18 août, en vue, éventuellement, de nouvelles auditions et du débat au sein de notre commission.

Il a enfin indiqué que la proposition du rapporteur méritait de nombreux éclaircissements, sachant que cette proposition est d'ores et déjà contraire à de nombreuses argumentations développées lors des auditions de notre commission ; il a donc jugé nécessaire de bénéficier du texte des amendements envisagés par le rapporteur, afin d'en évaluer les conséquences. Dans l'attente du résultat du travail du rapporteur, il a réaffirmé l'opposition du groupe socialiste au projet de loi.

S'exprimant au nom du groupe UMP, M. Serge Poignant s'est félicité du travail réalisé par le rapporteur et du temps consacré à l'étude des différentes solutions envisageables, notamment par le biais des auditions des présidents des entreprises concernées et de leurs syndicats.

Il a estimé à titre personnel que ces auditions avaient permis de faire le tri entre les solutions envisagées : le groupe Total ne serait pas intéressé par une alliance avec Gaz de France, et la fusion entre Électricité de France et Gaz de France ne donnerait pas naissance à une entité durablement viable, pas plus que des participations croisées. Par ailleurs, il a indiqué que la réduction de la participation de l'État dans le capital de Gaz de France de 70 à 51 %, évoquée par les syndicats, ne serait pas praticable car elle suppose un accord impensable des actionnaires de Suez.

Il a rappelé que les PDG des deux entreprises ont exposé un projet industriel fort, que leurs syndicats sont dans l'ensemble contre le projet de loi, même s'ils sont plutôt favorables à une fusion et résolument opposés à une privatisation, et que le Président Patrick Ollier a demandé l'instauration de certaines garanties telles que la minorité de blocage et l'institution d'une action spécifique.

Estimant que la question des prix de l'électricité est fondamentale pour nos concitoyens, il s'est dit favorable à l'insertion dans le projet de loi d'une disposition permettant le retour aux tarifs des clients ayant exercé leur éligibilité, même si certaines modalités de mise en œuvre de ce principe doivent encore être précisées, comme par exemple le niveau de ces tarifs de retour ou les garanties entourant les contrats de concessions avec les collectivités locales.

S'agissant enfin de la proposition du rapporteur sur la privatisation partielle de Gaz de France, il a estimé qu'elle devait être étudiée de manière plus approfondie avant la prochaine réunion de commission, ce qui permettrait ensuite au groupe UMP de déterminer sa position et de prendre ses responsabilités.

S'exprimant au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, M. Daniel Paul s'est dit déçu de ne pas avoir reçu un document écrit faisant office de rapport d'étape, permettant de répondre aux questions soulevées par les personnes auditionnées, notamment les organisations syndicales.

Il a indiqué que, pour la première fois, un projet de loi aussi important était unanimement rejeté par ces organisations, en dépit de leurs divergences de vues sur les solutions éventuellement envisageables. Il a en outre estimé que le projet alternatif proposé par le rapporteur démontrait les difficultés de la majorité et la volonté de trouver un projet plus consensuel. Il a ensuite rappelé que, lors de leur audition par la commission, les présidents de Gaz de France et de Suez avaient affirmé qu'il était hors de question de soustraire les réseaux à la nouvelle entité, ce qui démontre leur intérêt pour cette activité lucrative.

Il a par ailleurs jugé que notre commission s'honorerait de faire un bilan avant l'examen d'une loi, ce qui serait particulièrement intéressant dans le domaine de l'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques dans la mesure où de nombreuses analyses démontrent l'inefficacité d'une telle ouverture. Il s'est ensuite interrogé sur l'affirmation du rapporteur selon laquelle le « mariage » entre Gaz de France et Suez permettrait de faire profiter la clientèle de coûts plus modérés en matière d'électricité. Il s'est également interrogé sur l'avenir de la propriété du réseau de transport de gaz, dans le cadre de la privatisation de Gaz de France, et des relations contractuelles entre Gaz de France et les collectivités locales en matière de distribution de gaz.

S'agissant du gaz naturel liquéfié, il a estimé nécessaire de rappeler que Gaz de France apporterait à la nouvelle entité une flotte moderne et importante permettant son transport. En conclusion, il a indiqué que, quelle que soit la solution retenue par le gouvernement, son groupe était déterminé à mener d'importantes opérations de communication contre ce projet de loi durant l'été.

M. Hervé Novelli, rapporteur pour avis, a rappelé que son rapport serait examiné le 30 août prochain par la commission des finances, laquelle s'est saisie uniquement de l'article 4, concernant les tarifs et les prix de l'énergie, et des articles 10 à 12 concernant le niveau de la participation de l'État dans le capital de Gaz de France.

Rappelant la sensibilité de nos concitoyens à la variation des tarifs de l'énergie, notamment de l'électricité, il a estimé qu'il faudrait, sans permettre un retour complet aux tarifs, envisager de lisser les effets de l'augmentation du prix de l'énergie en instituant un tarif de retour qui soit à mi-chemin entre les prix du marché et les tarifs régulés, la différence par rapport aux tarifs s'analysant comme une forme de pénalité consentie par ceux qui ont fait jouer leur éligibilité. Il s'est néanmoins interrogé sur la possibilité de fournir cette énergie dans des conditions favorables par rapport aux prix déterminés par le marché et a estimé que cela n'était envisageable que de façon temporaire.

Il a ajouté que de nombreux députés s'interrogent sur la formation des prix sur le marché de l'électricité, sur la transparence de ce marché et sur l'existence éventuelle d'ententes ; à cet effet, il a indiqué préparer des amendements destinés à renforcer les pouvoirs de l'autorité de régulation, afin qu'elle ait un véritable pouvoir de contrôle sur la formation des prix.

S'agissant des articles 10 à 12 du projet de loi, il a fait état d'un questionnement sur la possibilité même de privatiser Gaz de France, auquel l'opposition a répondu par la négative ; ce questionnement serait fondé sur plusieurs directives européennes, mais aussi sur le préambule de la Constitution de 1946, dont l'alinéa 9 prévoit que toute entreprise qui a le caractère d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété collective. Il a néanmoins indiqué qu'un avis du Conseil d'État du 11 mai 2006 précisait que cette privatisation était possible au regard des contraintes constitutionnelles.

Il a ensuite estimé que Gaz de France est aujourd'hui dans une situation analogue à celle de France Telecom il y a quelques années, lorsqu'une disposition législative figeait le niveau de participation de l'État dans son capital à 50 %, alors qu'elle avait besoin de nouer des alliances ou de procéder à des acquisitions dans un marché en restructuration. Il a rappelé que cette situation avait conduit France Telecom à un endettement important, ce qui a eu les conséquences que l'on sait sur cette entreprise.

M. Jean Dionis du Séjour, s'exprimant au nom de l'UDF, a fait remarquer, tout en se félicitant du travail d'auditions mené en commission tout au long du mois de juillet, que tant le nombre d'amendements annoncé par le groupe socialiste, que les éventuelles réponses du Gouvernement et du groupe majoritaire, risquaient de nuire à la qualité d'un débat aussi nécessaire que fondamental sur le secteur de l'énergie, qui est l'objet du projet de loi.

Il a rappelé que la Commission s'était, tout au long de la législature, préoccupée de cette question essentielle et que son groupe continuerait son action en présentant notamment des amendements pour promouvoir l'usage des biocarburants et pour donner davantage de pouvoir à la Commission de régulation de l'énergie.

S'agissant de la partie du projet de loi qui vise à la transposition de directives européennes, il s'est étonné qu'une fois encore, selon lui, le projet de loi présente une version illisible de directives claires, ce qui nuit au débat démocratique. Il a précisé que son groupe souhaitait une transposition complète des directives, alors qu'existent des différences importantes dans les textes adoptés ou proposés pour les transposer, comme c'est le cas, par exemple, en matière de service universel, correspondant à l'article 3 de la directive. Constatant que le décret sur le tarif social présentait des incongruités en matière de seuil de ressource retenu, il a annoncé que les amendements de son groupe tendront donc à mettre en adéquation plus rigoureusement le projet de loi avec les directives.

S'agissant du rapprochement entre Suez et Gaz de France, il s'est interrogé sur l'abandon de la possibilité de porter le seuil minimum de détention de l'État au capital de Gaz de France à 51 %. Il a estimé que ce seuil pourrait faire l'objet d'un véritable consensus aussi bien syndical que politique et que les arguments relatifs au risque de nationalisation de Suez et à l'avis défavorable des actionnaires de Suez devaient être relativisés ; ce groupe étant initialement demandeur du rapprochement, l'État devrait être en mesure d'argumenter fermement sur ce point. Il a estimé que la solution de filialisation risquait de s'apparenter à une vente par appartements même si elle répondait à certaines faiblesses du projet de loi, comme son article 7, relatif à l'opérateur commun relatif aux activités de distribution d'EDF et de Gaz de France. Enfin, il a souligné que la privatisation de la partie concurrentielle de Gaz de France, en rejoignant Suez, entraînerait son démantèlement et poserait la question du statut de la partie régulée, en parallèle avec celle d'EDF, et souhaité que ce point, qui peut conduire à terme à fusionner les entités régulées, réseau et distribution, de ces deux sociétés, soit approfondi, éventuellement sous forme d'amendements du rapporteur.

M. Jean-Paul Charié a rappelé que le projet de loi soulevait deux types de questions, politiques et techniques, les enjeux politiques touchant la sécurisation et la diversification des approvisionnements en énergie, la garantie du niveau des prix et les services et se traduisant en termes de qualité de vie pour les ménages, de compétitivité pour les entreprises, d'organisation des collectivités et du pays lui-même. Il s'est déclaré déçu de l'approche politicienne par l'opposition de ce choix de société, alors que le contexte énergétique a profondément évolué, compte tenu de l'augmentation continue de la consommation, de la fin de la surproduction et des profondes mutations géopolitiques en cours. Il a estimé que les rigidités de l'affrontement entre majorité et opposition républicaines sur des questions aussi importantes faisaient le jeu des extrêmes, de droite comme de gauche. Il a constaté qu'alors que l'opposition se contentait d'une contestation de principe de la privatisation, la majorité tendait à un accord sur le texte du projet de loi, avec une Commission de régulation de l'énergie aux pouvoirs accrus, en particulier en matière de transparence de la formation des prix de l'énergie et une privatisation de Gaz de France fusionnant avec Suez qu'il convient de comprendre comme une association public-privé avec un contrôle fort de l'État.

S'agissant de porter la participation de l'État à 51 %, il a estimé qu'outre le refus probable des actionnaires, le risque de faire passer les centrales nucléaires belges sous le contrôle de l'État français rendait cette solution peu convaincante. Abordant ensuite le caractère plus technique du dossier, il a souligné que la fusion présentait un certain nombre de points très intéressants, qu'elle s'appuyait sur un accord de l'ensemble des acteurs, Gaz de France comme Suez, une synergie culturelle entre deux entreprises s'étendant, pour l'une et l'autre, à l'habitude de travailler avec les collectivités locales, sans changement de statut pour leurs salariés, une synergie technologique et une complémentarité répondant au souci de sécurité des approvisionnements, avec une meilleure maîtrise en amont reposant sur le gaz naturel liquéfié, une diversification des sources d'énergie, une augmentation des capacités d'investissement, une contrainte européenne moins pesante qu'en cas de fusion entre Gaz de France et EDF et enfin un renforcement et une diversification de la capacité d'achat, la part de la Russie passant ainsi de 20 à 15 % des approvisionnements.

Après avoir regretté que les propositions, légitimes, du rapporteur n'aient pas été connues plus tôt, il s'est interrogé sur les conséquences du démantèlement de Gaz de France sur les synergies souhaitées avec Suez, sur le rôle de l'État en matière de garantie de péréquation, de qualité du service, de stratégies et sur l'aspect commercial de cette solution ; plus largement, enfin, il s'est interrogé sur l'opportunité politique de la proposition du rapporteur.

M. Jean-Yves Le Déaut a estimé que malgré le rapport d'étape, les discussions et les auditions, il était encore impossible, un mois après le dépôt du projet de loi, de comprendre la solution retenue par la majorité sur un texte à géométrie variable soumis à des mouvements contradictoires. Se refusant précisément à faire de la politique politicienne, il a déclaré que son groupe était opposé à la privatisation du secteur de l'énergie qui, partout où elle a été réalisée, a été un échec, comme le montrent les règles que la majorité elle-même souhaite réintroduire, en matière de tarifs par exemple. Il a rappelé que, devant l'importance des enjeux, depuis la sécurité nucléaire jusqu'au stockage du gaz, l'énergie devait rester un service public, et que l'ouverture décidée au niveau européen au sommet de Barcelone avait été associée aux services d'intérêts généraux. Il a estimé que la proposition de démantèlement du rapporteur allait accentuer le problème de la taille de Gaz de France qu'il convenait précisément de résoudre, alors que les 70 % de détention de capital par l'État assuraient une protection de l'opérateur même s'ils en entravaient sans doute le développement européen, alors que l'avenir est aux entreprises multiservices d'énergie. Il a fait remarquer que si les majorités successives ont chacune eu une part de responsabilité dans cette évolution, il convenait d'explorer maintenant la voie d'une fusion entre EDF et Gaz de France qui ont des activités complémentaires. Enfin, il a souligné que la fusion entre la partie non régulée et filialisée de Gaz de France et Suez n'apportait aucune garantie sérieuse contre une OPA d'ENEL censée en être la raison d'être.

M. Pierre Ducout après avoir regretté que le rapporteur n'ait pas été plus précis dans son rapport d'étape, a rappelé que le secteur de l'énergie était profondément différent de ce qu'il était au moment de l'élaboration des directives européennes qu'il conviendrait donc de rediscuter.

Il a rappelé qu'en matière d'électricité, en particulier pour les consommateurs électro-intensifs, la pression du gouvernement sur EDF pour ramener les prix à des niveaux proches du prix de revient et non de ceux du marché n'a été possible que parce que le capital de l'entreprise est encore majoritairement public.

Il a demandé, alors que le tarif de retour ne serait prévu que sur une période limitée, que des garanties soient données sur le caractère illimité des tarifs régulés consentis aux particuliers. Il a souligné que Suez n'était pas forcément un plus gros acheteur de gaz qu'EDF et que, selon une récente étude du cabinet Lévy-Gosselin, le rapprochement de Gaz de France et de Suez pouvant être eurocompatible, il convenait de s'interroger sur les contreparties qu'il entraînerait. Enfin, il a estimé qu'entre la fusion du seul secteur concurrentiel de Gaz de France et de Suez et l'OPA d'ENEL, les actionnaires de Suez pourraient préférer cette dernière, et qu'il conviendrait également, si l'on se dirigeait vers la solution des 51 % de part publique, de discuter avec l'État belge, l'entreprise issue de la fusion étant franco-belge.

M. Jean Proriol s'est félicité de l'organisation des auditions de la Commission au cours des deux semaines précédentes, estimant qu'elles avaient été très instructives.

Rappelant que l'essentiel des personnes intéressées avait été entendu, il a souligné que bien souvent les points de vue sur la privatisation de Gaz de France et la fusion avec Suez étaient très partagés, y compris au sein d'organisations syndicales comme la CFTC.

Il a jugé rassurant le maintien des participations de l'État à hauteur de 34 % du capital de GDF, ainsi que la mise en place d'un dispositif d'action spécifique, qui constitue une garantie aussi importante que le niveau des participations lui-même. Il s'est dit satisfait des évolutions apportées par le projet de loi en matière de tarifs.

Il a estimé que les critiques formulées par le groupe socialiste à l'encontre du texte contrastaient avec les positions qui avaient pu s'exprimer au sein de la précédente majorité au sujet de l'évolution de Gaz de France, par exemple dans le cadre du rapport de la mission de réflexion et de concertation sur la transposition de la directive européenne sur le marché intérieur du gaz, réalisée par Mme Nicole Bricq, députée socialiste.

Citant des extraits de ce rapport, il a jugé que la majorité socialiste d'alors n'était pas hostile à des évolutions qui sont les mêmes que celles envisagées dans le cadre du présent projet de loi.

Il a estimé que le projet de loi concourait à l'émergence d'un grand acteur de l'énergie réunissant le premier acheteur de gaz et le premier producteur européen de GNL et favorisait une évolution indispensable de Gaz de France.

Revenant sur les propositions alternatives du rapporteur, il a jugé qu'il fallait les considérer avec circonspection dans la mesure où le projet de loi actuel prend en compte les évolutions du secteur de l'énergie aux termes desquelles les gaziers produiront de d'électricité et réciproquement et où la fusion entre GDF et Suez répond à un besoin des deux groupes.

Évoquant les questions posées par la Commission européenne à la Commission de régulation de l'énergie au sujet de la compatibilité, au regard du droit de la concurrence, d'une éventuelle fusion entre GDF et Suez, il a souhaité savoir si le rapporteur avait été informé de la teneur des réponses de l'autorité de régulation française.

Il a également fait allusion à la saisine par le gouvernement belge de l'autorité de régulation nationale, la Commission de régulation de l'électricité et du gaz, et a souhaité obtenir des précisions sur les préconisations que celle-ci avait formulées, en particulier au sujet d'une opération de rétrocession nécessaire à la conformité de l'opération de fusion au droit communautaire.

M. Pierre Cohen a récusé le terme « politicienne » employé par M. Jean-Paul Charié pour qualifier l'attitude du groupe socialiste au cours du débat, arguant qu'il s'agit d'un débat de fond sur le périmètre du secteur public.

Convenant qu'envisager une fusion afin d'éviter que Suez ne soit la proie d'une OPA semblait ne pas être une mauvaise stratégie industrielle, il a souligné qu'il était toutefois légitime de s'interroger sur la privatisation de GDF.

Il a jugé que la position du parti socialiste sur la question du périmètre du secteur public en général, et sur l'appartenance de GDF à ce secteur en particulier, avait été tranchée et que les rapports dont les conclusions avaient été rappelées par M. Jean Proriol ne reflétaient plus cette position.

Il a indiqué que l'évolution de GDF devait être envisagée à l'aune des missions de service public qui lui incombent, et s'est demandé si la privatisation ne compromettrait pas l'indépendance énergétique de la France, la distribution du gaz sur l'ensemble du territoire, et une certaine maîtrise de l'évolution des tarifs.

Il a également dit redouter que la privatisation de GDF ne se traduise par une diminution des efforts de recherche-développement, ainsi que par des évolutions néfastes pour les personnels.

S'agissant de la proposition alternative de M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, il a jugé qu'elle traduisait le désarroi du rapporteur, qu'elle ne conservait dans le secteur public que les activités les moins profitables de GDF, et qu'elle n'offrait de surcroît aucune garantie en cas d'OPA hostile.

Il s'est toutefois dit sensible à l'argument selon lequel elle permet de conserver la spécialisation de chacune des entreprises dans un secteur de l'énergie, et a regretté que le projet de loi prenne le parti inverse, au risque de faire peser sur EDF un risque d'OPA hostile d'ici quelques années. Il a conclu en jugeant qu'il serait préférable de nationaliser Suez plutôt que de privatiser GDF.

Le Président Patrick Ollier s'est réjoui de la tenue de cette réunion qui aura permis à chacun d'exprimer son point de vue à mi-parcours.

En réponse aux différents intervenants, il a estimé que maintenir à 51 % la part de l'État dans le capital de GDF n'était pas envisageable au regard de l'objectif de permettre à ce groupe de s'allier avec Suez et a jugé qu'avec 20 % des achats de gaz européen, celui-ci bénéficierait d'un pouvoir de négociation important susceptible de faire diminuer les prix.

Récusant l'analyse de M. Pierre Cohen, qui voit du désarroi dans l'attitude du rapporteur, le Président Patrick Ollier a salué son intervention en rappelant le caractère expérimental de la procédure du rapport d'étape. Il a jugé que celui-ci était dans son rôle en recherchant l'ensemble des solutions qui peuvent permettre de réaliser l'objectif poursuivi.

Puis, le Président Patrick Ollier a interrogé le rapporteur sur plusieurs aspects de sa nouvelle proposition.

Premièrement, nécessite-t-elle une loi de privatisation différente de celle en cours d'examen dans la mesure où les actifs privatisés représentent une part essentielle des actifs de Gaz de France ? Le cas échéant, quel est l'avantage politique de cette proposition ?

En deuxième lieu, cette proposition permet-elle de réaliser une fusion entre égaux et de préserver l'identité du groupe Gaz de France ?

En troisième lieu, cette proposition n'entraîne-t-elle pas une forme de vente par appartements de Gaz de France ?

Enfin, cette proposition apporte-t-elle les mêmes garanties que le projet du Gouvernement pour protéger le nouvel ensemble contre une éventuelle OPA hostile c'est-à-dire :

- la minorité de blocage de l'État ;

- l'action spécifique ;

- la création d'un noyau dur d'actionnaires, incluant l'actionnariat salarié qu'il faut développer, représentant 46 à 48 % du capital ;

- les connaissances du Gouvernement ;

- une capitalisation portée à 65 milliards d'euros ?

Il a estimé qu'il ne lui semblait pas que la proposition du rapporteur permettait de répondre aussi efficacement que le projet de loi actuel à ces questions.

M. François Brottes a souligné que le risque de prise de contrôle du groupe concernait, certes, le scénario d'une OPA hostile, mais aussi celui d'une montée au capital d'un actionnaire par rachats successifs de titres.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant des tarifs, il a indiqué que le tarif de retour serait réservé aux entreprises ayant exercé leur éligibilité ; il a ajouté que les modalités précises du dispositif restaient à définir.

- pour permettre aux sites de consommation des professionnels créés après le 1er janvier 2008 de bénéficier du tarif réglementé, il faut modifier le droit en vigueur et le projet de loi ;

- la proposition nouvelle qu'il présente répond aux interrogations légitimes posées s'agissant des conséquences de la privatisation, d'une part, sur les concessions de distribution et, d'autre part, sur le fonctionnement de l'opérateur commun à EDF et Gaz de France ;

- le statut des industries électriques et gazières défini en 1946 ne mentionne pas l'activité de fourniture qui n'était pas distincte de la distribution à cette date. Le Gouvernement a fait part de sa volonté d'étendre ce statut aux personnels de commercialisation ce qui se fera ;

- le dédoublement des factures de gaz et d'électricité d'EDF et de GDF est un effet direct de la transposition des directives de 2003 ;

- le rapporteur n'a pas connaissance des analyses de la Commission européenne sur le projet de fusion ;

- on ne peut que se réjouir de l'attitude très constructive du groupe UMP telle que l'a présentée Serge Poignant, qui a insisté sur la nécessité d'explorer toutes les pistes, y compris celle proposée par le rapporteur ;

- on ne peut que partager le souci exprimé par Jean Dionis du Séjour d'améliorer la lisibilité de la loi et, en particulier, de simplifier le dispositif relatif au tarif social ;

- le schéma de fusion avec une détention de l'État français ramené à 50% se heurtera à l'opposition ferme du groupe Suez, qui refuse sa nationalisation, et de l'État belge, qui ne veut pas voir le parc nucléaire de Belgique, actuellement détenu par Suez, passer sous contrôle français ;

- le schéma proposé d'une fusion avec les seules activités en concurrence de GDF n'implique en rien une vente par appartements de l'entreprise. Aucune vente n'est proposée dans cette proposition qui repose sur le même projet industriel que le texte du Gouvernement ;

- deux raisons s'opposent à la séparation patrimoniale des réseaux d'EDF : d'abord, l'activité concurrentielle de l'entreprise inclut la gestion du parc nucléaire qu'il est hors de question de privatiser de sorte que l'on voit mal pourquoi séparer EDF en deux entités publiques ; ensuite, en matière électrique, il y a un intérêt industriel à l'intégration production-réseaux car ce sont les centrales de production qui assurent l'équilibre du réseau alors qu'en matière gazière, cet équilibre repose sur les stockages et est donc totalement assuré à l'intérieur du segment régulé ;

- la question de la sécurité d'approvisionnement doit bien évidemment rester au cœur de l'examen des différentes solutions possibles ; de ce point de vue, il semble que le temps de réflexion qu'a donné le Gouvernement sur le projet de loi a permis de faire progresser l'argument selon lequel le rapprochement des deux entreprises correspondait à un véritable projet industriel s'appuyant sur de fortes complémentarités ;

- la question de l'efficacité du contrôle public sur le nouveau groupe est évidemment essentielle, en particulier pour éviter une OPA : la proposition d'une fusion réduite aux activités concurrentielles de GDF peut et doit encore être améliorée pour aboutir à un résultat équivalent sur ce plan avec le projet de loi et garantir une minorité de blocage publique. Ceci étant, l'expérience montre qu'on ne peut pas réussir une OPA dans le secteur de l'énergie contre la volonté d'un État attaché aux intérêts de l'entreprise cible ; ainsi, l'État italien a modifié la législation pour limiter à 2 % les droits de vote d'EDF dans Montedison ; les recours juridiques d'EDF, totalement fondés sur le droit communautaire, n'ont pas permis de dénouer la situation dans un délai acceptable pour l'entreprise qui a dû négocier et obtenir un accord avec les autorités politiques italiennes ;

- le tarif de retour ne vaudra, en tout état de cause, que pour une période de temps limitée ;

- l'idée d'une fusion entre EDF et GDF était encore juridiquement viable, au regard du droit européen, au début des années quatre-vingt-dix ; cette possibilité est désormais définitivement fermée ;

- le rapporteur ne dispose pas d'éléments relatifs à la fusion apportés par les autorités de régulation française et belge ;

- on peut s'interroger sur le fait que les collectivités locales, dans le schéma proposé par le Gouvernement, auront pour concessionnaire de la distribution de gaz une entreprise privée en situation de monopole légal ;

- l'éventuelle traduction législative de la proposition du rapporteur nécessite évidemment des amendements au projet actuel pour remplacer certaines dispositions par d'autres, notamment en vue d'autoriser la privatisation de la filiale fusionnée avec Suez.

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