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COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 76

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 30 août 2006
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Patrick Ollier, Président

SOMMAIRE

 

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- Suite de l'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie (n° 3201)

(M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur)


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La Commission a poursuivi l'examen, sur le rapport de M. Jean-Claude Lenoir, du projet de loi relatif au secteur de l'énergie (n° 3201).

Article 5 : Coordination

La Commission a examiné les amendements nos 6066 à 6098 présentés par des membres du groupe socialiste prévoyant que les contrats relatifs aux mission de service public d'EDF et de GDF sont soumis au Parlement.

M. Pierre Ducout a fait valoir que la rédaction actuelle du projet de loi ne permettait pas au Parlement d'être partie prenante dans la définition des missions de service public confiées à EDF-GDF. Cette situation devient particulièrement préoccupante dès lors que ces sociétés ne sont plus sous contrôle public. Les amendements n°s 6066 à 6098 visent à remédier à cette situation. Ces amendements sont aussi particulièrement nécessaires dès lors que l'indexation des cours de l'électricité sur le pétrole laisse présager de fortes hausses futures des tarifs réglementés, alors même que l'équipement de production de l'électricité nucléaire a bien été payé par les Français en vue de disposer de ressources électriques facteurs d'avantages compétitifs.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a répondu que si l'expression « soumis au Parlement » signifiait que les contrats devaient lui être communiqués, la demande exprimée par les amendements était déjà satisfaite, et que si elle signifiait qu'ils devaient lui être soumis pour délibération, les amendements se situaient hors du domaine de la loi. Il a conclu à leur rejet.

La Commission a rejeté les amendements.

Elle a ensuite rejeté les amendements identiques n°s 6099 à 6131 présentés par des membres du groupe socialiste, prévoyant une évaluation annuelle de la mise en œuvre de ces contrats.

Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur.

La Commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Après l'article 5

La Commission a examiné un amendement de M. Jean Dionis du Séjour visant à instaurer un service universel de l'électricité.

M. Jean Dionis du Séjour a souligné que la transposition de la directive européenne du 26 juin 2003 souffrait d'un grave manquement puisque la France n'avait pas créé de service universel. Or un tel service est prévu non seulement pour les clients résidentiels mais aussi pour les petites et moyennes entreprises. En France, aujourd'hui, notamment dans les départements ruraux, nombre de celles-ci n'arrivent pas à accéder à des ressources électriques de la puissance et de la qualité fonctionnelles souhaitées. Les législations allemande et britannique ont en revanche transposé la directive dans son intégralité.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a répondu que la notion de service universel développée par l'Union européenne était en deçà de celle de service public à la française. En réalité, c'est le service public à la française qui lui a servi de référence ; la nécessité d'un consensus entre l'ensemble des États de l'Union n'a cependant pas permis d'en porter toutes les dimensions au niveau européen. Le niveau d'exigence du service universel étant donc inférieur à celui de service public, toutes les prescriptions relatives au service universel sont satisfaites en droit français. Quant aux problèmes rencontrés par les entreprises dans les zones rurales, leur solution relève d'abord des syndicats d'électrification.

M. Pierre Cohen a confirmé que partout où le service universel était mis en œuvre, il était en deçà du service public à la française ; contrairement à celui-ci en effet, le service universel n'est pas la formulation d'un droit ; dès lors, sa mise en œuvre a partout entraîné des désillusions, et l'on s'aperçoit que la notion de service public est sans doute plus fonctionnelle et plus moderne que celle de service universel.

M. François Brottes a lui aussi considéré que la notion actuelle de service public offrait des garanties plus fortes que celles attachées au service universel. Cependant, dès lors que les exigences du service public ne sont pas inscrites dans la loi mais seulement dans des contrats entre deux partenaires, il paraît utile d'utiliser la notion de service universel pour en mettre quelques éléments dans la loi ; et pour éviter une définition trop minimale, il suffit de le transposer avec des garanties fortes. En effet, la formulation des exigences de service public au sein de simples contrats n'était pas trop préoccupante dès lors que les entreprises contractantes étaient la propriété de l'Etat. Le changement d'actionnariat modifie profondément cet équilibre.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, après avoir rappelé qu'il ne relevait pas des prérogatives du Parlement de voter sur le contenu de contrats, a fait observer que les missions de service public étaient déjà définies dans les lois de février 2000 et de janvier 2003 ainsi que dans la loi du 9 août 2004, qui énumère les domaines que doivent aborder les contrats et prévoit un rapport triennal au Parlement sur la satisfaction des objectifs qu'elle leur fixe. La France est bien en avance sur ses partenaires en matière de définition des exigences de service public et c'est bien de sa législation dont se sont inspirées les normes européennes.

M. Jean Dionis du Séjour a insisté sur le caractère concret du texte européen qui vise précisément les consommateurs et les PME, et a jugé étrange sa non transposition. Il a souligné que les actuels contrats ne prévoyaient pas de sanctions en cas de non-exécution. Il a enfin insisté sur les risques encourus par l'État en cas de contentieux portant sur cette non-transposition.

M. Jean Proriol a rappelé que le débat sur les mérites comparés du service public universel et du service public avait déjà eu lieu lors de l'examen du projet de loi sur le service postal. Les conditions imposées par la loi à La Poste ont été plus exigeantes que celles du service universel puisqu'elles prévoient une distribution du courrier 6 jours sur 7 au lieu de 5 jours sur 7.

M. Léonce Deprez a considéré que la loi de 2004 répondait aux préoccupations exposées par les intervenants. La France a une avance historique en matière de définition du service public et l'Europe n'a pu que lui emboîter le pas, avec un langage légèrement différent. Modifier les définitions actuelles serait revenir en arrière.

M. François Brottes a répondu que l'analyse de M. Jean Proriol montrait l'intérêt d'inscrire une partie des obligations de service public dans la loi elle-même. En effet, ce sont bien des amendements insérés dans la loi sur le service postal qui ont instauré l'obligation de distribution du courrier 6 jours sur 7 au lieu de 5. Dès lors que les entreprises prestataires de service public ne sont plus publiques, le dispositif établi par la loi de 2000 n'est plus suffisant.

La Commission a rejeté l'amendement de M. Jean Dionis du Séjour.

M. Daniel Spagnou a présenté un amendement visant à permettre aux entreprises de constituer des groupements d'achat pour faire face à la hausse des prix de l'électricité.

Après que le rapporteur a rappelé qu'il avait lui-même présenté, avec le président Patrick Ollier, un amendement instaurant une tarification réglementée transitoire afin de satisfaire les inquiétudes relatives à la hausse des prix et que rien actuellement n'interdisait la création de tels groupements, M. Daniel Spagnou a retiré son amendement.

Le rapporteur a ensuite précisé, en réponse à une question de M. François Brottes, que la constitution de tels groupements n'était pas cantonnée site par site mais que les groupements pourraient regrouper des usagers installés sur des sites différents.

La Commission a examiné les amendements identiques n°s 3324 à 3356 et les amendements identiques n°s 3291 à 3323 relatifs aux conséquences de l'adhésion à une offre multiénergies .

M. François Brottes a souligné qu'il fallait développer la protection des consommateurs face aux opérateurs. Ainsi GDF a pris l'habitude de facturer des provisions considérables avant même la fourniture de la moindre prestation. Surtout, il faut veiller à ce que l'acceptation par les consommateurs d'offres de services combinés gaz-électricité ne puisse entraîner ipso facto un renoncement au tarif réglementé, notamment en matière d'électricité.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a répondu que la question des provisions le préoccupait aussi et qu'il donnerait un avis favorable à un amendement portant sur ce sujet. Il a cependant fait observer que l'ensemble de ces amendements relevait plutôt de l'article 13 et en a demandé en conséquence la réserve jusqu'à l'examen de cet article.

Les amendements ont été réservés jusqu'avant l'article 13.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA DISTRIBUTION DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Article 6 : Séparation juridique des gestionnaires des réseaux de distribution

La Commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur et de M. Jean Dionis du Séjour.

Elle a ensuite examiné les amendements identiques n°s 5202 à 5351 présentés par des membres du groupe socialiste, relatifs au caractère public des gestionnaires des services publics de distribution du gaz et de l'électricité.

M. Christian Bataille a exposé que les collectivités locales étaient seulement concédantes du service de distribution du gaz et de l'électricité. EDF et GDF en sont les concessionnaires, et ces concessions constituent des monopoles ; en ce sens, elles ne peuvent constitutionnellement qu'être confiées à des entreprises nationales. Les amendements présentés visent à réaffirmer, conformément à la Constitution, le caractère nécessairement public des concessionnaires des réseaux de gaz ou d'électricité.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a répondu que la question ne se posait pas pour EDF, dont la loi prévoit que l'État conserve 70 % du capital. En revanche, la question de la constitutionnalité du maintien du monopole de Gaz de France sur les concessions de distribution a été posée par le rapporteur au Gouvernement qui lui a indiqué que le Conseil d'État estimait que cette constitutionnalité était assurée.

M. François Brottes a fait observer que l'avis du Conseil d'État était fondé sur la situation actuelle ; en revanche, le Conseil d'État ne s'engage pas sur une situation future qui pourrait être différente.

La Commission a rejeté les amendements.

La Commission a examiné deux amendements identiques, l'un de M. Martial Saddier, l'autre de M. Antoine Herth, tendant à préciser notamment pour les distributeurs non nationalisés, que la séparation juridique des activités de gestion des réseaux de distribution prévue par la directive 2003/54/CE peut prendre indifféremment la forme d'une filialisation de l'activité de gestion du réseau de distribution ou des autres activités exercées par l'entreprise intégrée. Après que le rapporteur a jugé ces amendements satisfaits, M. Martial Saddier a retiré son amendement, puis la Commission a rejeté celui de M. Antoine Herth.

La Commission a ensuite examiné cinq amendements en discussion commune :

- deux amendements identiques, l'un de M. Martial Saddier, l'autre de M. Antoine Herth, ayant pour objet de recentrer la définition des missions dévolues aux gestionnaires des réseaux de distribution sur la responsabilité de l'exploitation, de l'entretien et du développement du réseau, en atténuant leurs obligations opérationnelles ;

- trois amendements de M. Jean Dionis du Séjour, l'un précisant que les règles adoptées par les gestionnaires de réseau de distribution doivent être transparentes, l'autre les obligeant à fournir aux consommateurs les informations dont ceux-ci ont besoin pour un accès efficace au réseau, et le dernier soulignant que le gestionnaire réalise ses missions dans des conditions économiquement acceptables en accordant toute l'attention requise au respect de l'environnement.

M. Jean Dionis du Séjour a indiqué que ces précisions figuraient dans le texte de la directive, et les jugeant utiles, a regretté que l'actuelle rédaction du projet de loi ne les mentionne pas.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a précisé que les amendements de MM. Martial Saddier et Antoine Herth auraient pour effet de remettre en cause le service commun d'EDF et de GDF en conduisant à la sous-traitance d'activités comme le comptage, et qu'en conséquence il émettait un avis défavorable à leur adoption. Il a ensuite jugées superfétatoires les précisions proposées par M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Gaubert a souligné la difficulté de concilier l'exigence de transparence au profit des fournisseurs et des consommateurs, et celle de protection des données commerciales sensibles, et a estimé que l'appréciation par les gestionnaires de réseau du caractère sensible de ces données était parfois discutable. Il a donc qualifiée de « pétition de principe » l'obligation de transparence contenue dans la directive précitée.

M. Léonce Deprez a jugé ces précisions intéressantes et a estimé qu'il fallait savoir s'inspirer des formulations proposées par les textes communautaires dès lors qu'elles étaient compatibles avec la tradition juridique nationale.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a indiqué que la rédaction du projet de loi conciliait les expressions communautaires avec cette tradition, et a craint que l'ajout des précisions proposées par M. Jean Dionis du Séjour, qui aboutirait à une reprise à l'identique des termes de la directive, ne vienne semer une certaine confusion. Citant M. Christian Bataille, rapporteur de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, il a jugé qu'en l'espèce, il convenait de transposer en législateur et non de transcrire en greffier.

M. Jean Dionis du Séjour n'a pas contesté la nécessité pour le législateur de faire preuve d'une certaine autonomie dans l'exercice de transposition, ni la difficulté de concilier transparence et protection des informations sensibles, mais il a estimé que les termes de la directive écartés par le projet de loi constituaient pourtant des précisions utiles.

Le Président Patrick Ollier a estimé que la reprise de certains termes de la directive était acceptable.

M. Martial Saddier a retiré son amendement et la Commission, suivant l'avis de son rapporteur, a rejeté l'amendement de M. Antoine Herth, adopté les deux premiers amendements de M. Jean Dionis du Séjour et rejeté le dernier.

M. Jean Dionis du Séjour a ensuite retiré un amendement tendant à transposer mot pour mot le paragraphe 3 de l'article 12 de la directive 2003/55/CE relatif à la fourniture par chaque gestionnaire de réseau de distribution d'informations nécessaires à l'interconnexion des réseaux de gaz.

M. Martial Saddier a également retiré un amendement ayant pour objet d'intégrer les délégataires et subdélégataires dans le champ d'application du transfert à une entreprise juridiquement distincte des biens et droits relatifs à l'activité de gestionnaire de réseau de distribution d'électricité ou de gaz.

La Commission a examiné deux amendements identiques de M. Jean Proriol et de M. Pierre Micaux.

M. Jean Proriol a indiqué que cet amendement, en cohérence avec leur amendement adopté à l'article 1er, tendait à préciser que le transfert des contrats de concession à une entreprise juridiquement distincte chargée de la gestion des réseaux de distribution d'électricité et de gaz ne concerne que les dispositions relatives aux missions relevant de la compétence de cette entreprise.

Suivant l'avis favorable de son rapporteur, la Commission a adopté ces deux amendements.

La Commission a examiné en discussion commune deux amendements dont l'auteur, M. Daniel Paul, a précisé qu'ils avaient pour objet d'empêcher le transfert des activités de gestionnaire de réseau de distribution à une filiale et de maintenir l'intégration de ces activités au sein d'une même entité. Après que le rapporteur a fait part de son scepticisme au sujet de la conformité de ces amendements à la Constitution, en particulier au regard du droit de propriété, la Commission les a rejetés.

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth, tendant à préciser que la séparation des activités de gestionnaire de réseau de distribution s'accompagne non seulement d'un transfert de biens, mais aussi des contrats passés avec les clients, et que l'exemption de droits, impôts ou taxes dont bénéficient ces transferts s'applique quelque soit la forme que prennent ces derniers.

Après que le rapporteur a jugé la première précision superflue, et a indiqué que la seconde lui semblait incomplète, omettant notamment les droits de publicité foncière et les salaires des conservateurs des hypothèques, M. Martial Saddier a retiré son amendement, puis la Commission a rejeté l'amendement de M. Antoine Herth.

Elle a ensuite adopté, conformément à l'avis favorable de son rapporteur, un amendement de M. Martial Saddier précisant que les transferts de droits et obligations à une entreprise juridiquement distincte intègrent les contrats tacites.

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth précisant que ces transferts n'emportent aucune modification des autorisations et contrats en cours et ne justifient ni la résiliation, ni la modification de leurs clauses, y compris en cas de changement du statut juridique de la société-mère des distributeurs non nationalisés et des distributeurs agréés en vertu du III de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, considérant ces demandes non justifiées puisque le projet de loi ne rendait pas obligatoires de tels changements de statut, M. Martial Saddier a retiré son amendement, puis la Commission a rejeté l'amendement de M. Antoine Herth.

Elle a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth visant à ce que les exonérations, notamment fiscales, mentionnées au présent article s'appliquent également en cas de transformation du statut juridique, lorsque celle-ci est réalisée à l'occasion de la séparation juridique des activités de gestionnaire de réseau de distribution. Après que le rapporteur a émis un avis défavorable pour la même raison que précédemment, M. Martial Saddier a retiré son amendement, puis la Commission a rejeté l'amendement de M. Antoine Herth.

La Commission a ensuite examiné un amendement dont l'auteur, M. Daniel Paul, a précisé qu'il avait pour objet de garantir que le gestionnaire du réseau de distribution issu d'EDF resterait détenu par l'Etat ou des entreprises publiques et que le gestionnaire du réseau de distribution issu de GDF resterait détenu par cette même entreprise, par l'État ou par des entreprises publiques.

M. François Brottes a interrogé le rapporteur sur l'avenir des concessions conclues entre les collectivités territoriales et GDF, dans la mesure où elles auront le choix de l'entreprise à laquelle elles pourront déléguer la gestion du réseau de distribution.

Le rapporteur a répondu que la situation actuelle était appelée à perdurer, Gaz de France conservant le monopole des concessions de distribution sous réserve des concessions correspondant aux nouveaux raccordements.

M. Pierre Ducout a récusé cette analyse, prédisant une fragilisation du monopole confié à GDF en cas de privatisation de cette entreprise. Il a jugé que la Commission européenne pourrait contraindre les collectivités à procéder à des appels d'offre pour l'attribution de ce service, plaçant celles-ci dans une situation aussi difficile que celle qui caractérise les concessions du service public de l'eau.

M. Daniel Paul, après avoir cité un article de presse indiquant que le président de la CRE préconisait une séparation complète des activités de gestion de réseau de transport, a dit redouter que les collectivité territoriales, qui avaient apporté une contribution financière à la réalisation des réseaux de distribution de gaz, soient pourtant écartées des décisions relatives à leur gestion par des entreprises privées chargées de cette activité. Il a fait part de son scepticisme quant à la capacité de GDF de demeurer un outil de la puissance publique si la part de l'Etat à son capital diminuait à 34%, et avant la séparation des activités de gestion de réseau de transport et au démantèlement des groupes intégrés crées à la suite de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.

M. François Brottes s'est alors interrogé sur les remarques éventuellement contenues dans la lettre de griefs au sujet de la nécessité d'une séparation des activités de distribution, voire de transport. Il s'est également demandé si, à l'instar de ce qui s'est produit dans le domaine des télécommunications, des opérateurs concurrents ne seraient pas tentés de proposer aux collectivités la réalisation d'un réseau de distribution à part entière.

Le rapporteur a indiqué que la question de la séparation des activités de distribution semblait posée pour la Belgique et non pour la France, mais qu'il ne pouvait pas donner d'assurances à ce sujet, n'ayant pas eu connaissance de la lettre de griefs. S'agissant de l'hypothèse évoquée par M. François Brottes, elle ne lui a pas paru économiquement réaliste du point de vue des opérateurs, et donc improbable.

La Commission a rejeté l'amendement de M. Daniel Paul.

Elle a également rejeté deux amendements du même auteur déterminant le nombre de représentants de l'État et des salariés au conseil d'administration ou de surveillance des sociétés gestionnaires des réseaux de distribution.

Elle a ensuite examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth visant à soustraire à l'obligation de séparation juridique des activités de gestion de réseau de distribution les distributeurs non nationalisés desservant plus de 100 000 clients.

Après que M. Martial Saddier a souligné l'importance de ces amendements, le rapporteur a expliqué que ceux-ci contrevenaient aux dispositions de la directive, et qu'il émettait donc un avis défavorable à leur adoption.

M. Jean-Louis Christ a souhaité obtenir des précisions sur les obligations pesant sur les distributeurs non nationalisés aux termes de la directive, estimant que ces dispositions, en particulier l'obligation de séparation juridique des activités de gestion de réseau de distribution, n'étaient pas adaptées à leur spécificité et risquait de compromettre leur existence. Il a rappelé qu'étaient concernées les sociétés suivantes : Electricité de Strasbourg, Usine d'électricité de Metz (UEM), SOREGIES, le service de distribution des Deux-Sèvres, Gaz de Bordeaux et Gaz de Strasbourg.

M. Jean-Yves Le Déaut s'est également inquiété de l'avenir de ces distributeurs.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a expliqué que si des dérogations à l'obligation de séparation juridique étaient possibles pour les distributeurs desservant moins de 100 000 clients, ce n'était pas le cas au-delà de ce chiffre. Il a toutefois convenu que l'application de la directive soulevait des difficultés d'application s'agissant des distributeurs non nationalisés, et indiqué qu'une réflexion était en cours afin d'adapter, autant que possible, les dispositions de la directive à leur situation spécifique.

En réponse à M. François Brottes, il également indiqué que ces distributeurs pourraient fournir de l'électricité sur tout le territoire, sous réserve de respecter cette obligation.

M. Jean-Louis Christ a souhaité être tenu informé des réflexions en cours sur cette question, tandis que M. François Brottes a fait part de son scepticisme sur la possibilité de parvenir à une solution de compromis.

M. Pierre Ducout a souligné que ces distributeurs avaient vocation à demeurer publics, tandis que GDF allait être privatisée, et qu'il importait par conséquent de ne pas fragiliser leur position.

M. Daniel Paul a jugé que cette question témoignait du caractère inabouti de la réflexion des auteurs du texte.

M. Martial Saddier s'est dit sensible à la volonté du rapporteur de régler ce problème, et a donc retiré son amendement, tandis que la Commission a rejeté l'amendement identique de M. Antoine Herth.

La Commission a examiné deux amendements identiques de MM. Martial Saddier et Antoine Herth tendant à exempter d'impôts et taxes les transferts de contrats de fourniture d'électricité et de gaz à des clients ayant exercé leur éligibilité dans la société commerciale créée par le distributeur non nationalisé, prévus par l'article 23 bis de la loi du 8 avril 1946.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, s'est dit favorable au principe de cet amendement, mais a indiqué que celui-ci lui semblait irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, et qu'il faudrait donc le compléter par un gage.

M. François Brottes a jugé légitime la volonté de neutraliser le coût fiscal d'un transfert obligatoire, mais s'est interrogé sur la compatibilité de cette disposition avec les exigences d'une concurrence non faussée.

Le rapporteur a alors indiqué que cette exonération n'avait pas pour objet de viser l'ensemble des opérateurs, mais bel et bien ceux qui auraient à se soumettre aux dispositions de la future loi et à en assumer les conséquences fiscales.

Après que M. Pierre Ducout et M. Jean Gaubert se sont interrogés sur le caractère équitable de cette exonération, M. Martial Saddier a retiré son amendement en vue d'en améliorer la rédaction et de le représenter lors de la réunion que la Commission tiendra en application de l'article 88 du Règlement de l'Assemblée nationale. L'amendement de M. Antoine Herth a été rejeté par la Commission.

La Commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Après l'article 6

La Commission a examiné deux amendements de M. Jean Dionis du Séjour tendant à supprimer l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001, et à prévoir le dépôt par le gouvernement d'un rapport au Parlement sur la possibilité de remettre sous le régime de concession les réseaux de transport de gaz naturel.

M. Jean Dionis du Séjour a expliqué qu'il s'agissait par cet amendement, inspiré par M. Charles de Courson, de revenir sur une mesure qui avait été présentée à l'époque comme imposée par la directive 98/30/CE, et qui avait eu pour effet de mettre fin, en matière de transport de gaz naturel, au régime de concession par l'Etat aux opérateurs gaziers. Alors qu'il s'avère que cette évolution n'était nullement rendue obligatoire par la directive, les concessions ont été résiliées et la propriété des ouvrages concernés transférée aux opérateurs. Or la propriété publique des infrastructures de transport, dans le domaine du gaz comme dans d'autres, est indispensable, en particulier afin de maintenir une politique d'investissement dynamique.

M. Pierre Ducout a jugé que la question du régime de propriété des infrastructures était capitale pour conserver la maîtrise de la politique d'investissement, éventuellement en concertation avec d'autres pays européens, dans le but d'assurer l'interconnexion des réseaux.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a précisé que ces amendements entraîneraient une renationalisation de fait des ouvrages concernés, ce qui s'avère irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.

M. Pierre Ducout a objecté que GDF demeurait à ce jour une entreprise publique, et M. Jean Dionis du Séjour, s'il a admis l'irrecevabilité de son amendement, a maintenu l'argument selon lequel il est indispensable de conserver à l'Etat la propriété des infrastructures de long terme.

M. Jean Gaubert a rappelé qu'en 2001, la propriété du réseau de transport de gaz avait été transférée à GDF dont le capital était alors entièrement détenu par l'Etat. Il a ajouté que les actifs en question n'avaient pas été vendus, mais transférés, et a contesté un amendement qui aurait pour effet de conduire l'Etat à racheter ce qu'il n'a pas cédé. Il a rendu responsable de ces difficultés l'actuelle majorité qui par la loi du 9 août 2004 précitée a conduit GDF à vendre des actifs qu'elle n'avait pas achetés.

M. Daniel Paul s'est déclaré favorable à ces deux amendements ; il a jugé que s'il avait pu paraître opportun, afin d'optimiser la gestion des réseaux de transport, d'en transférer la propriété à une entreprise publique, la question ne se posait pas dans les mêmes termes dès lors que l'opérateur était privatisé. Il a estimé que la spécificité d'un réseau de transport de gaz appelle nécessairement une maîtrise publique. Il s'est interrogé sur l'application de l'article 40 à un amendement prévoyant un transfert de propriété entre une entreprise publique et l'État.

La Commission a rejeté les deux amendements.

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 232 à 264 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. Christian Bataille a indiqué que ces amendements visaient à éviter que la séparation juridique des activités de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz n'ait des incidences sur le monopole de la distribution publique d'électricité et de gaz, en maintenant le monopole prévu par la loi de 1946. Il considéré que, compte tenu des changements intervenus récemment dans le domaine de l'énergie, il fallait éviter que la propriété des tuyaux de gaz puisse échapper à la puissance publique.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a estimé que ces amendements étaient satisfaits puisque le monopole était maintenu.

La Commission a rejeté les amendements. Elle a également rejeté les amendements nos 6447 à 6479 et les amendements nos 6480 à 6512 présentés par les mêmes auteurs et ayant un objet similaire.

Article 7 : Opérateur commun

La Commission a rejeté, conformément à l'avis du rapporteur, un amendement de M. Daniel Paul visant à supprimer cet article, puis elle a adopté cet article sans modification.

Après l'article 7

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 199 à 231 présentés par des membres du groupe socialiste, visant à créer un service commun aux deux filiales de distribution de Électricité de France et de Gaz de France, afin de préserver l'emploi et les compétences créées en commun par ces deux entreprises.

La Commission a rejeté ces amendements, conformément à l'avis du rapporteur qui a souligné le caractère déclamatoire de leur rédaction.

Article 8 : Péréquation des tarifs d'utilisation des réseaux de distribution dans les zones de desserte des concessions régies par la loi de 1946

La Commission a ensuite rejeté six amendements présentés par M. Daniel Paul visant à assurer la péréquation du prix du gaz sur l'ensemble du territoire français, M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur ayant rappelé qu'une telle péréquation existait par zone depuis 1946 sans que personne ne demande, à sa connaissance, à la modifier.

La Commission a ensuite adopté l'article 8 sans modification.

Article additionnel après l'article 8 : Propriété des communes ou de leurs groupements sur les réseaux publics de distribution de gaz

La Commission a examiné deux amendements identiques présentés par MM. Jean Proriol et Pierre Micaux, visant à préciser que les réseaux publics de distribution de gaz appartiennent aux communes ou à leurs groupements, par cohérence avec le droit existant dans le domaine des réseaux publics de distribution d'électricité.

Sur avis favorable du rapporteur, la Commission a adopté à l'unanimité les deux amendements portant article additionnel.

Article 9 : Abrogation de dispositions obsolètes relatives au Fonds de péréquation du gaz

La Commission a rejeté deux amendements présentés par M. Daniel Paul, visant à réaffirmer la nécessité d'une péréquation tarifaire sur le territoire national, puis elle a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur ainsi que l'article 9 ainsi modifié.

Après l'article 9

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 133 à 165 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. François Brottes a indiqué que, afin d'améliorer la situation des plus démunis, ces amendements visaient à interdire les coupures d'électricité toute l'année et non uniquement durant les mois d'hiver.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a dénoncé le caractère démagogique de ces amendements, rappelant que cette question avait déjà été débattue lors de l'examen d'une proposition de loi déposée par M. Jean-Pierre Kucheida.

La Commission a rejeté ces amendements, ainsi que les amendements nos 166 à 198 des mêmes auteurs ayant un objet similaire.

Article additionnel après l'article 9 : Coopération intercommunale dans le domaine de la distribution publique d'électricité

La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques présentés par MM. Jean Proriol et Pierre Micaux, visant à renforcer la coopération intercommunale dans le domaine de la distribution publique de l'électricité.

M. Jean Proriol a indiqué que cette distribution était souvent gérée par un syndicat départemental mais également parfois par des syndicats communaux ou intercommunaux, ce qui n'est pas toujours totalement efficient. Il a donc estimé que la coopération dans ce domaine devait être encouragée à l'échelle du département, proposition qui a reçu l'assentiment de plusieurs opérateurs privés du secteur. Cet amendement prévoit une procédure souple de création d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte correspondant au périmètre du département lorsque la distribution publique de l'électricité n'est pas gérée à cette échelle à la date de publication du présent projet de loi, ou, en cas d'échec de cette première procédure, la création d'une conférence intercommunale de l'électricité dans un délai de 18 mois suivant la publication du présent projet de loi.

M. Philippe Tourtelier s'est inquiété de voir les compétences du département renforcées au détriment des intercommunalités.

M. Jean Proriol a précisé qu'il ne s'agissait pas d'une départementalisation de la distribution publique d'électricité sous la houlette du conseil général, mais plus d'une incitation à la coopération intercommunale avec le concours du syndicat départemental d'électrification.

La Commission a adopté ces deux amendements portant article additionnel, avec un avis favorable du rapporteur.

Article additionnel après l'article 9 : Financement des travaux réalisés par un syndicat de communes par une contribution financière de ses communes

La Commission a ensuite examiné un amendement présenté par M. Pierre Micaux, visant à ce que certains travaux réalisés par les syndicats de communes, tels que des travaux sur les réseaux de distribution d'électricité ou les réseaux d'éclairage public, puissent donner lieu au versement au syndicat de contributions financières comptabilisées en dépenses d'investissement par la collectivité qui les verse.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a estimé que de telles dépenses étaient financées par des fonds de concours figurant obligatoirement dans les dépenses de fonctionnement de la collectivité qui les verse.

M. Jean Launay s'est dit favorable à cet amendement, estimant que de telles dépenses n'étaient pas toujours financées par fonds de concours.

M. Serge Poignant a estimé que cet amendement soulevait un problème important relatif aux règles de la comptabilité publique, qui imposent à une commune de financer une intercommunalité par son budget de fonctionnement dès lors qu'elle en fait partie.

M. Philippe Feneuil a indiqué que cet amendement répondait aux interrogations des maires des petites communes.

M. Jean Gaubert a précisé que le droit existant permettait un tel financement par les dépenses d'investissement de la commune, mais que certains receveurs refusent de l'appliquer. Il a donc proposé d'adopter cet amendement, afin que le ministre clarifie la situation en séance publique.

Reconnaissant que ce problème trouvait des solutions divergentes suivant les régions, M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a émis un avis favorable à l'adoption de cet amendement.

Le Président Patrick Ollier a noté qu'au vu des explications du gouvernement, l'amendement pourrait être retiré en séance.

La Commission a adopté cet amendement portant article additionnel.

Article additionnel après l'article 9 : Imputation budgétaire des contributions des communes aux travaux réalisés par leur syndicat de communes

Par cohérence avec l'adoption de l'amendement précédent, la Commission a adopté un amendement de M. Pierre Micaux visant à éviter que le transfert d'une compétence communale à un syndicat de communes ne conduise à transférer les dépenses afférentes à cette compétence vers la section d'investissement du budget communal.

Après l'article 9

La Commission a rejeté un amendement de M. Martial Saddier visant à permettre aux distributeurs non nationalisés et aux entités issues de leur séparation juridique de créer un opérateur commun pour développer leurs synergies.

Article additionnel après l'article 9 : Versement d'une contribution au syndicat d'électricité par les communes membres

Par cohérence avec les amendements précédemment adoptés, la Commission a adopté un amendement de M. Pierre Micaux visant à conforter juridiquement les contributions perçues par les syndicats d'électricité auprès de leurs communes membres en contrepartie des travaux réalisés sur les ouvrages de distribution d'électricité.

Après l'article 9

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 100 à 132 présentés par des membres du groupe socialiste.

M. François Brottes a indiqué qu'ils visaient à obtenir la transmission au Parlement, par le gouvernement, d'un rapport concernant l'application du statut des industries électriques et gazières dans les filiales et sous-traitants de Électricité de France et Gaz de France, considérant que la date du 31 décembre 2006 permettrait de corriger rapidement certaines dérives.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur, a précisé que ce statut s'appliquait dans les deux entreprises mentionnées par l'amendement et non dans leurs filiales ou leurs entreprises sous-traitantes, et a donc donné un avis défavorable à l'adoption de ces amendements.

Le président Patrick Ollier a en outre rappelé que le ministre de l'économie et des finances avait pris l'engagement, devant la commission, de maintenir ce statut, ce qui avait conforté une partie de la majorité en faveur du projet de loi.

La Commission a rejeté les amendements.

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