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COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE

Mercredi 10 janvier 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 17

Présidence de M. Patrick Ollier,
Président

 

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– Audition de M. Pierre Simon, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, sur le rapport de la Chambre : « Libérer la croissance. 3 % c’est possible ».


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La Commission a entendu M. Pierre Simon, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, sur le rapport de la Chambre : « Libérer la croissance. 3% c’est possible ».

Le Président Patrick Ollier a souhaité la bienvenue à M. Pierre Simon, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), ainsi qu’à M. Nicolas Jacquet, directeur général, à M. Jean-Louis Scaringella, directeur adjoint chargé des études, de la prospective et de l’innovation, et à M. Yann de Lestang, directeur des études, venus présenter le rapport intitulé Libérer la croissance. 3 %, c’est possible, établi par la CCIP en septembre 2006 et assorti de 66 propositions concrètes. Malgré, en effet, les résultats redevenus relativement positifs de son économie, il sera très difficile à la France de venir à bout de ses déficits et de son endettement tout en continuant à financer les politiques publiques et la protection sociale, sans une croissance plus soutenue et c’est pourquoi la démarche de la CCIP intéresse particulièrement la Commission.

M. Pierre Simon, président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, a remercié le Président Patrick Ollier de son invitation et s’est dit très honoré de prendre la parole devant la Commission.

Le premier message qu’il entend délivrer est qu’aucune fatalité ne justifie que l’on se résigne à une croissance « molle » plafonnant à 2 % par an. Le chiffre de 3 % a été atteint ou dépassé cinq fois au cours des trente dernières années, et en faire le rythme de croisière de l’économie française est non seulement possible, mais indispensable si l’on veut éviter la dégradation de la cohésion sociale qu’entraîne la persistance d’un chômage très élevé. Un taux de croissance de 3 % permettrait en effet à la France de continuer à financer ses dispositifs sociaux, de réduire ses déficits publics et, surtout, de conserver des marges de manœuvre pour développer l’investissement, tant public que privé.

La France a pour cela de véritables atouts. Lorsque l’on fait des études comparées sur l’attractivité des différents pays, on constate en effet qu’elle est très bien classée, à cause du niveau de formation de ses habitants, de son potentiel scientifique, de la qualité de ses équipements structurants, mais aussi de la présence d’entreprises, grandes ou petites, qui réussissent dans la compétition internationale – lui-même a pu rencontrer, lors d’un récent déplacement à Aurillac, une demi-douzaine de patrons de PME qui ont des marchés dans le monde entier.

Pour avoir, à l’instar d’autres pays développés comme les États-Unis ou comme les pays scandinaves, une croissance régulièrement égale ou supérieure à 3 %, il faut évidemment travailler plus, investir plus et mieux, produire mieux, ce qui suppose notamment de dynamiser la croissance des PME, de libérer l’emploi, de réformer l’État. Sous chacune de ces rubriques, le document Libérer la croissance. 3 %, c’est possible, qu’a publié la Documentation française, formule des suggestions concrètes, dont l’impact sur la croissance est retracé dans le tableau qui figure page 185. Il apparaît ainsi que l’on peut gagner, à court terme, plus d’un point de croissance, soit 0,6 point grâce au facteur travail, 0,3 point grâce à l’investissement et 0,2 point par la productivité globale des facteurs – cette dernière reposant toutefois sur des réformes, comme celle du système éducatif, dont l’effet, moins aisément mesurable, se fera surtout sentir à long terme. Il faut enfin souligner que les auteurs du rapport ont raisonné à prélèvements obligatoires constants, car il est irréaliste de vouloir les réduire significativement dans l’immédiat – ce qui ne signifie pas qu’il ne faudra pas le faire un jour.

Trois séries de propositions méritent une insistance particulière. Il faut, en premier lieu, accroître l’offre de travail globale, tant les goulets d’étranglement sont omniprésents dans l’économie française.

Sous cette rubrique figurent tout d’abord les propositions visant à développer l’emploi des seniors. Le pays vit en effet depuis trop longtemps dans l’idée que faire partir des salariés âgés permet de donner du travail à des jeunes. Or, les exemples étrangers infirment ce préjugé : les pays qui ont le plus fort taux d’emploi des seniors sont aussi ceux qui ont le plus faible taux de chômage des jeunes. Il faut donc faire évoluer les mentalités, tant dans les entreprises que chez les salariés eux-mêmes, faire comprendre qu’à 55 ou 57 ans, on a encore un avenir professionnel devant soi, et inciter les entreprises à s’organiser de façon à le concrétiser. Cela passe, sur le plan juridique, par des contrats spécifiques destinés aux seniors, qui soient des contrats à durée indéterminée mais liés à l’accomplissement d’une mission préalablement définie. Cela suppose aussi que soient levés certains obstacles financiers, par exemple en abaissant à 55 ans l’âge d’exonération des cotisations d’assurance chômage, en assouplissant les conditions de cumul d’un emploi et d’une retraite, en favorisant la retraite progressive, le recours aux seniors pour le tutorat, et en supprimant, enfin, la « contribution Delalande » – vis-à-vis de laquelle on peut d’ailleurs observer que gauche comme droite ont évolué.

Autre goulet d’étranglement : celui que constitue le grand nombre des emplois non pourvus. La CCIP a lancé, au premier semestre 2006, l’opération « Vos embauches, la CCIP s’y emploie », à l’occasion de laquelle elle a pu identifier sur quatre départements de la région parisienne 7 500 offres d’emplois dont seulement 4 500 ont pu être pourvues. La solution passe par l’adoption, dans les branches concernées, d’une logique de métiers ; il faut faire plus largement comprendre que l’apprentissage n’est pas une voie de garage, que l’on peut commencer avec un CAP et finir à « bac plus 4 » ou « bac plus 5 ». Mais une approche plus ouverte de l’immigration de travail est également nécessaire, du moins dans le cadre de l’Union européenne à 27, et dans les métiers à forte tension.

La question du licenciement est naturellement très sensible, tant politiquement que socialement. Il faut faire œuvre de pédagogie, car il est difficile de faire admettre que c’est de la fluidité du marché de l’emploi que dépend l’existence de possibilités de reclassement. S’il y a davantage de fluidité, devoir changer d’emploi ne sera plus vécu comme un drame. Il convient donc de distinguer le licenciement lié à la personne – pour lequel les garanties actuelles doivent demeurer – et le licenciement lié à la suppression du poste de travail – pour lequel davantage de souplesse est nécessaire.

Une deuxième grande série de propositions a trait à l’investissement, deux d’entre elles méritant particulièrement que l’on s’y arrête. La première concerne les investissements visant à accroître l’efficacité énergétique, notamment dans le bâtiment, dans les transports et dans la production elle-même. Du fait de la hausse des prix de l’énergie, les entreprises sont très motivées, et le gisement d’économies est donc considérable, de même que le gisement d’emplois, estimé à quelque 200 000 dans la recherche d’économies d’énergie.

La seconde proposition consiste à favoriser fiscalement l’investissement grâce à la technique de l’amortissement dégressif, qui a toujours démontré son efficacité. Quant à la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés, qui est selon toutes les enquêtes européennes un facteur déterminant de l’attractivité du territoire, la CCIP n’a pas attendu le discours du chef de l’État pour la réclamer.

La troisième série de propositions vise à accroître la productivité globale des facteurs. Ses effets sont naturellement plus délicats à mesurer, mais deux thèmes sont d’une particulièrement importance, le premier étant la nécessaire réforme de l’enseignement supérieur. Il faut que celui-ci amène sur le marché du travail des jeunes ayant reçu une formation en adéquation avec les emplois offerts par l’économie. Cela suppose que les universités soient responsabilisées, jusqu’à disposer d’une autonomie véritable, et qu’elles se rapprochent du monde de l’entreprise. Les universités ont certes la tâche difficile d’accueillir une masse d’élèves sortant du secondaire, mais est-il normal que la France forme la moitié des psychologues et des sociologues de l’Union européenne, sans se poser la question de savoir s’il existe un tel nombre d’emplois correspondant à ces formations ? Il ne s’agit pas forcément pour la CCIP de montrer en exemple ses propres établissements, mais si 88 % de leurs élèves trouvent un emploi en trois mois, que ce soit au niveau des grandes écoles ou du CAP, tous secteurs confondus, c’est parce que l’on n’hésite pas à y supprimer les sections non performantes. Cela suppose naturellement que l’on se dote de critères d’évaluation de la performance et que l’on publie les chiffres. Un critère est naturellement le taux de réussite aux examens, mais un autre pourrait être le taux de placement des élèves à trois ou six mois, et un autre encore le temps pendant lequel les anciens élèves restent dans le métier auquel ils ont été formés.

Enfin, et avec toutes les précautions d’usage, la CCIP insiste dans son document pour que l’on légifère mieux, c’est-à-dire en se préoccupant davantage de l’impact des décisions prises – ainsi que l’on commence d’ailleurs à le faire à Bruxelles.

Ces propositions s’adressent naturellement au pouvoir politique, mais aussi au monde économique lui-même. L’action à mener devra être collective et suppose un diagnostic partagé, reposant sur un dialogue permanent, une pédagogie de l’économie, de la façon dont se crée la richesse, ainsi que de la gouvernance européenne. Il est certes de bon ton, par les temps qui courent, de tirer sur la Banque centrale européenne et sur son président, mais ce n’est pas un quart de point de taux d’intérêt en plus ou en moins qui fait que la croissance est là ou non.

Le Président Patrick Ollier a remercié M. Pierre Simon pour son exposé, qui appelle de sa part quelques questions et demandes de précisions complémentaires.

« Travailler plus » est une tendance désormais générale en Europe. La proposition 16, « Élargir les amplitudes horaires et journalières d’ouverture des commerces », se heurte à des difficultés qui ont rebondi ces derniers jours, à l’occasion du début de la période des soldes. Quelle est la position de la CCIP sur l’ouverture des magasins le dimanche ?

La proposition 40, « Instaurer un mode de taxation unique à taux réduit pour toutes transmissions portant sur une PME », appelle également quelques précisions complémentaires.

La proposition 49, « Soutenir les activités de congrès et de salons », rejoint les conclusions d’un excellent rapport de M. Jean-Paul Charié.

Très intéressante également, au regard de la situation de gens dont le logement, sans être luxueux, s’est valorisé au point de les rendre imposables à l’ISF, apparaît la proposition 60, qui consiste, dans le cadre d’une refonte de la fiscalité directe, à remplacer cet impôt par un impôt sur les revenus de la fortune. Aussi ce point mériterait-il quelques développements oraux supplémentaires.

Enfin, le jugement porté par la CCIP sur le rôle du Parlement pourra paraître quelque peu sévère, mais n’est pas tout à fait infondé. Sans doute faudrait-il faire un tri plus rigoureux parmi les trop nombreux amendements issus de l’imagination fertile des parlementaires, mais aussi parmi les projets de loi issus de celle, au moins aussi riche, des hauts fonctionnaires qui conseillent leur ministre…

M. Jean-Paul Charié a remercié le président Patrick Ollier d’avoir invité M. Pierre Simon. Le Parlement légiférera d’autant mieux qu’il aura des contacts plus suivis avec le monde économique : en dépit de ce qu’on entend dire sur le lobbying, trop rares sont les entreprises – sauf celles de la grande distribution – dont les responsables rencontrent ne serait-ce qu’une fois par an, en temps normal, les élus de leur circonscription. Le diagnostic que l’on peut porter sur l’économie n’est ni de droite ni de gauche, et ni la droite ni la gauche n’ont su, au cours du dernier quart de siècle, répondre aux légitimes attentes du monde économique, en dépit des atouts de la France et de son potentiel de croissance.

Est-il vraiment nécessaire de « revaloriser le travail » ? Les Français sont travailleurs : dès qu’ils sont au chômage, ils s’empressent d’exercer une activité parallèle, et il n’y a pas plus occupé qu’un retraité. Cela témoigne de leur envie de s’inscrire dans une dynamique de croissance, dans l’évolution des choses.

S’il est bon de vouloir aider la création, le développement, la transmission des entreprises, il faut aussi mettre fin à la concurrence déloyale qui s’exerce aux dépens des PME de la part des grands groupes. On ne peut pas demander aux gens d’entreprendre tout en les laissant à la merci de cette concurrence déloyale. Les États-Unis, patrie de l’économie libérale, font tout pour préserver leurs PME, ce que la France ne sait pas faire.

Il ne peut y avoir de croissance sans confiance. Il faut certes légiférer mieux, faire œuvre de pédagogie, développer la culture économique, mais il faut aussi mieux informer du contenu des nouvelles lois leurs bénéficiaires potentiels, et la CCIP peut y aider le législateur.

S’agissant enfin de l’efficacité du système de formation, il faudrait avoir plus de courage pour dissuader les jeunes de s’orienter vers des filières sans débouchés. Inversement, il serait intéressant de faire savoir plus largement comment sont classées les grandes écoles françaises de commerce par rapport à leurs rivales internationales.

M. Pierre Cohen s’est dit d’accord avec le fait que la France doive avoir une croissance forte si elle veut prendre toute sa place en Europe, mais il ne saurait s’agir de reproduire le modèle productiviste des années 1950. Le document de la CCIP trace des perspectives intéressantes en matière d’économies d’énergie, mais il faudrait qu’elles s’inscrivent dans une réflexion plus globale sur la gestion des ressources rares.

D’autre part, si la culture économique est très forte et très répandue au sein des grandes entreprises, il n’est pas possible d’élaborer une stratégie de croissance en direction des PMI-PME sans poser préalablement la question de leur articulation par rapport à ces dernières.

Quant à l’aide à l’innovation, elle ne peut non plus évacuer la question du type de savoirs à développer. Il s’agit évidemment de répondre aux besoins économiques, ainsi qu’aux besoins sociétaux, mais pas seulement : le savoir se nourrit aussi en grande partie de lui-même, sans se préoccuper uniquement de son utilité immédiate, en tout cas dans certains domaines.

Si l’on veut développer l’emploi des seniors, encore faut-il que les entreprises cessent de les considérer comme un fardeau. Si les Français partent à 55 ans, ce n’est pas qu’ils soient des paresseux, mais parce qu’on leur fait comprendre qu’ils n’ont plus leur place au travail. Il y a un énorme changement de mentalité à opérer.

Les offres d’emploi non satisfaites concernent principalement le secteur du bâtiment et celui de la restauration. Le bâtiment a fait un très gros effort pour attirer les jeunes, mais ce n’est pas le cas de la restauration, où beaucoup de jeunes aimeraient travailler mais s’en détournent parce que les conditions de travail y laissent fortement à désirer, de sorte que le secteur doit largement recourir à de la main-d’œuvre immigrée clandestine.

La question du licenciement ne peut être traitée que conjointement avec celle de la formation. Il convient d’établir un continuum de protection, avec un statut permettant au salarié de se former en vue d’un reclassement tout en restant intégré à la société, sans quoi des mécomptes sont à craindre.

Il faudra remettre à plat les aides fiscales à l’investissement et à l’innovation, en distinguant les vraies incitations des simples effets d’aubaine. On ne peut continuer d’augmenter de 300 millions d’euros par an les montants consacrés au crédit d’impôt-recherche sans mesurer les effets réels du dispositif.

Enfin, s’agissant de l’adéquation entre formation et emploi, les populations ne sont pas à égalité. L’adéquation à 100 % n’existe que pour ceux qui sont dans le « dessus du panier ». Il ne suffit pas de professionnaliser les formations, il faut aussi accompagner les publics qui ne sont pas formatés pour le marché de l’emploi.

M. Serge Poignant a jugé utiles et même essentiels ces échanges entre les parlementaires et le monde de l’entreprise. Travailler plus, investir plus, produire mieux : qui ne serait d’accord ? Un très grand nombre des propositions du rapport vont dans le bon sens, notamment celles qui ont trait à la réforme de l’enseignement en vue d’une meilleure adaptation aux besoins de l’économie.

Une autre question importante est celle du travail des seniors, dont le savoir-faire est actuellement sous-utilisé. Les contrats de mission sont à ce titre une idée très intéressante.

Le fait de raisonner à prélèvements obligatoires constants veut-il dire que l’on pourrait viser une croissance plus forte encore en les baissant ? Et cela sous-entend-il que les auteurs du rapport ont également raisonné à conjoncture économique constante, c’est-à-dire indépendamment des fluctuations du pétrole, des matières premières et des cours de change ?

Il existe certainement un gisement d’emplois non négligeable dans les économies d’énergie et les énergies renouvelables, mais beaucoup de jeunes formés dans ces domaines disent avoir néanmoins du mal à y trouver du travail, et les 200 000 emplois potentiels semblent être une perspective bien lointaine. Comment voit-on les choses du côté des entreprises ?

Enfin, s’il faut assurément légiférer mieux, il faut aussi que soit mieux appliqué ce qu’a voulu le législateur.

M. Léonce Deprez a estimé que le document devrait s’intituler, plutôt que « Libérer la croissance », « Mériter la croissance », car la croissance se mérite, et pour la mériter, il faut un partenariat entre pouvoirs publics et secteur privé, partenariat qu’il s’est personnellement acharné durant quarante ans à faire vivre dans sa région.

Les trois moteurs de la croissance sont, on le sait, l’investissement, la consommation et le commerce extérieur. Il faut donc prendre garde au risque du déclin industriel qui guette la France, qu’il s’agisse de l’industrie papetière, à laquelle il a consacré un rapport, assorti de propositions concrètes, à la demande du président Patrick Ollier, ou encore de l’industrie automobile, qui a offert dans le passé d’importantes possibilités de reconversion au bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, mais qui, s’il n’y a pas un volontarisme partagé entre public et privé, menace de se délocaliser ailleurs, en Pologne par exemple. C’est grâce à un partenariat public-privé qu’une ancienne usine de papier du Pas-de-Calais a pu être transformée en plateforme logistique, et que l’on a ainsi pu retenir l’équipementier Valéo.

Enfin, il faut absolument relever le taux d’investissement des entreprises, qui n’est actuellement que de 16 %, pour le porter à 20 % au moins, sans quoi les 3 % de croissance ne pourront être atteints. Ce sont des choses qu’il faut expliquer partout, dans toutes les régions, et notamment aux jeunes.

Le Président Patrick Ollier a salué la fougue et la passion de M. Léonce Deprez.

M. Jean-Marie Binetruy, après avoir remercié M. Pierre Simon de son très riche et intéressant exposé, a souligné que la France reste attractive, mais que les délocalisations d’entreprises sont une réalité, non seulement vers des pays comme la Pologne, mais aussi vers des pays plus proches et plus prospères comme la Suisse, qui a pris de longue date certaines orientations préconisées par la CCIP, telles que la retraite à 67 ans, l’assouplissement des licenciements, des impôts et charges sociales réduits. Quel est le point de vue de la CCIP, dans l’hypothèse de prélèvements obligatoires constants, sur l’idée d’une « TVA sociale », c’est-à-dire d’un transfert d’une partie des charges sociales sur la consommation ? Quel serait l’effet sur la croissance d’une légère augmentation des prix en contrepartie d’une baisse du coût du travail ?

M. Jacques Bobe a insisté sur l’importance de l’institution consulaire, à laquelle il a eu l’honneur d’appartenir, et dont le rôle en tant que partenaire des pouvoirs publics, mais aussi des autres forces économiques du pays, devrait être selon lui conforté, dans le cadre de la restructuration des chambres de commerce et d’industrie.

Il est beaucoup question de la formation dans le document de la CCIP, mais quelle est sa position sur la recherche, sur les moyens à y consacrer, sur les secteurs à privilégier ?

Enfin, quelle est la philosophie de la CCIP sur l’actionnariat salarié et la participation, ainsi que sur l’évolution à venir des relations dans l’entreprise ?

M. Édouard Jacque a considéré que le Parlement ne devait ni s’auto-flageller ni rechercher des boucs émissaires : comment convaincre les Français du bien-fondé des réformes que l’on conduit si l’on n’en est pas convaincu soi-même ? C’est d’autant plus difficile que les gens voient spontanément mieux ce qu’ils ont à y perdre que ce qu’ils ont à y gagner. La question de l’endettement doit revenir au cœur du débat politique.

Il est dommage que le rapport et l’exposé comportent relativement peu d’éléments sur l’Europe, qui est aujourd’hui l’espace économique et politique pertinent. L’impact des décisions du Parlement se fait sentir très concrètement dans les zones frontalières, ainsi qu’il peut le constater quotidiennement en tant qu’élu d’une circonscription limitrophe du Luxembourg et de la Belgique. Toutes sont des zones en croissance, mais les entreprises comme les consommateurs jouent à leur avantage des différences de prix et de taxes ; c’est un fait que l’on ne peut éluder.

La France, l’Union européenne, les collectivités locales ont des dispositifs d’aide à l’exportation, mais la diaspora des entreprises à l’étranger reste insuffisante, et les PME ont des difficultés à exporter. Tel n’est pas le cas en Allemagne, où les cadres parlent plusieurs langues étrangères. Il faut développer l’apprentissage des langues de façon nettement plus ambitieuse qu’aujourd’hui.

Enfin, la CCIP s’impose-t-elle à elle-même certaines des réformes qu’elle préconise ? Lui-même serait partisan d’une fusion des chambres de commerce et d’industrie avec les chambres d’agriculture et les chambres de métiers – mais il est conscient du caractère provocant de cette suggestion.

M. Jacques Bascou, revenant sur la question de la formation et de l’adéquation entre offre et demande d’emploi, a estimé que la formation tout au long de la vie, qui est appelée à se développer, suppose une formation initiale relativement générale. D’autre part, les entreprises risquent d’être encouragées, s’il y a trop de flexibilité et de fluidité, à considérer la formation comme une charge inutile et à préférer recourir à la main-d’œuvre étrangère, dans des conditions qui sont souvent la limite – pour ne pas dire en dehors – de la légalité,

Enfin, davantage que par le coût du travail, l’appareil productif français, dont la productivité est bonne, n’est-elle pas surtout pénalisée par la politique de l’euro fort ?

M. Pierre Simon a apporté aux différents intervenants les éléments de réponse suivants :

– une chambre de commerce et d’industrie est un établissement public, géré par des entreprises. Elle est donc au cœur des partenariats public-privé. Sa mission est d’avoir les yeux rivés sur tout ce qui peut favoriser le développement des entreprises, de l’économie, de l’emploi. La CCIP a pour partenaires naturels, quotidiens, le maire socialiste de la capitale et le président socialiste du conseil régional, et elle est capable de travailler avec les pouvoirs locaux, quelle que soit leur orientation ;

– la région Nord-Pas-de-Calais, qu’il connaît bien pour avoir dirigé le Crédit du Nord, a toutes les raisons d’être fière de l’effort de reconversion qu’elle a su accomplir, mais si cette reconversion a été possible, c’est aussi parce que l’on a su faire venir les bonnes entreprises. Il y a des secteurs où un accompagnement social est nécessaire, mais il faut surtout ne pas se tromper de diagnostic, et savoir quels sont les secteurs d’avenir où investir ;

– la CCIP compte quelque 300 000 ressortissants, qui sont pour 98 % des moyennes ou petites, voire très petites entreprises. Les grandes entreprises sont là aussi, mais elles apportent plus qu’elles ne reçoivent ;

– il est vrai que la dimension européenne était insuffisamment présente dans l’exposé liminaire, alors que les trois quarts des lois et règlements nationaux sont désormais inspirés par l’Union européenne. Lui-même sait bien, pour présider la chambre de commerce et d’industrie européenne, que l’on ne fait pas avancer ses idées à Bruxelles sans un lobbying précoce et continu, mais la transposition des directives laisse tout de même aux autorités nationales une grande latitude ;

– les déficits publics sont un problème majeur, auquel M. Michel Pébereau a consacré un rapport très fouillé. La CCIP, pour sa part, a notamment suggéré l’interdiction de recourir à l’emprunt pour financer les dépenses courantes – règle qui s’impose d’ailleurs déjà aux collectivités territoriales ;

– l’ouverture des commerces le dimanche pose le problème de la concurrence entre grande distribution et commerce de proximité. La CCIP est favorable à une évolution progressive, qui permette à ce dernier de se maintenir, et c’est pourquoi elle propose, d’une part de porter de cinq à huit par an le nombre de dimanches autorisés, et d’autre part de simplifier le système des dérogations en identifiant au niveau municipal des zones touristiques où tous les commerces pourraient ouvrir, et en autorisant par ailleurs l’ouverture sept jours sur sept de certains types de commerce, liés par exemple au bricolage, activité dominicale par excellence ;

– beaucoup de mesures législatives positives ont été prises pour favoriser la transmission des entreprises, mais le système reste trop complexe pour des entrepreneurs de taille moyenne. C’est pourquoi la CCIP propose un taux unique et modéré ;

– c’est grâce au rapport de M. Jean-Paul Charié que les pouvoirs publics ont pris conscience de l’importance économique de la question des congrès et salons, activité qui peut représenter, dans certaines villes, jusqu’à 7 à 8 % du PIB. Ces manifestations sont également très précieuses pour les PME, car plutôt que de se déplacer jusqu’en Chine, il suffit d’aller au salon « Maison et objet » de Villepinte, par exemple, pour prendre conscience de la mondialisation du marché… Congrès et salons sont enfin une activité reposant sur le partenariat public-privé, le rôle des pouvoirs publics consistant à créer un environnement favorable, notamment par le biais des infrastructures ;

– s’agissant de l’ISF, la CCIP assume sa position, qui est de préconiser sa transformation en majoration de l’impôt sur le revenu. L’addition de l’ISF et des droits de succession a en effet, tous les frontaliers le savent, des effets économiques destructeurs ;

– la CCIP adressera à la Commission la synthèse du séminaire qu’elle a consacré il y a quelques semaines au thème « Légiférer mieux » ;

– la CCIP fait un lobbying actif à Bruxelles pour que l’Union européenne se dote d’une législation équivalant au Small Business Act des États-Unis, qui réserve 25 % des marchés publics aux entreprises de moins de 250 salariés. D’aucuns font valoir que cela pourrait créer des difficultés à la France au sein de l’OMC, mais cela ne saurait être un prétexte pour ne rien faire. Le consensus n’est pas encore total au sein du Conseil sur cette question, quelques pays restant à convaincre ;

– il est indéniable que la confiance est une condition nécessaire de la croissance, de même que le dialogue et le diagnostic partagé. Mais tout cela prend du temps : sur le dossier des retraites, par exemple, il a fallu un long travail pédagogique, engagé sous le gouvernement de M. Lionel Jospin par M. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan ;

– la CCIP a deux grandes écoles de commerce, HEC et l’École supérieure de commerce de Paris, qui attirent toutes deux de nombreux élèves étrangers – lesquels représentent 85 % des élèves passant par HEC. C’est très important, car un étudiant chinois ou indien qui a étudié un an en France ou plus aura, tout au long de sa carrière, une relation privilégiée avec elle. Ainsi, le président de la chambre de commerce de New Delhi garde un tel souvenir des dix-huit mois qu’il a passés à l’INSEAD qu’il a demandé à son homologue parisien, dès leur première rencontre : « Que pourrais-je faire pour vous ? » Mais, pour continuer à attirer les étudiants étrangers, il faut être bien classé. C’est le cas d’HEC, qui est 1ère en Europe pour la formation initiale, 4e mondiale pour la formation continue des cadres, et 20e mondiale pour les MBA ;

– s’agissant de l’orientation, il est très important d’aider les jeunes à choisir. Les écoles de la CCIP accueillent dans les classes préparatoires à l’apprentissage des jeunes de 15 ou 16 ans qui étaient de mauvais élèves, afin de les restructurer, de leur donner des règles, l’objectif étant qu’en fin d’année ils choisissent eux-mêmes le métier  – boulangerie, restauration, mécanique automobile… – vers lequel s’orienter ;

– concernant le crédit d’impôt recherche, il est tout à fait légitime – étant administrateur d’OSEO, il ne saurait prétendre le contraire – de vouloir évaluer les effets de l’action publique et la performance des dispositifs ;

– la sélection de type académique est nécessaire pour l’entrée dans les grandes écoles, mais quand on forme des jeunes au niveau du CAP, la seule sélection possible se fait sur la motivation ;

– si les auteurs du rapport ont raisonné sans tenir compte des variations de la conjoncture internationale, c’est parce que le risque que court la France est de s’endormir si cette conjoncture est bonne, de se dire qu’elle pourrait repousser les décisions à prendre grâce à un environnement favorable ;

– quant au fait de raisonner à prélèvements obligatoires globalement constants, il n’empêche pas de préconiser des transferts, par exemple de l’impôt sur les sociétés vers la CSG ;

– les animateurs du pôle de compétitivité seraient mieux à même de tracer des perspectives précises et concrètes en matière de créations d’emploi dans le secteur de la maîtrise de l’énergie ;

– M. Léonce Deprez a raison de se montrer passionné, et l’histoire montre que la passion paie. Les entreprises ont besoin, on ne le dira jamais assez, d’un environnement favorable, non pas seulement sur le plan juridique, mais aussi sur celui des infrastructures ;

– il est évident que l’institution consulaire doit se réformer elle-même, comme la CCIP a d’ailleurs entrepris de le faire. Elle a notamment réformé son régime spécial de retraite, et ce grâce à l’appui du Parlement, qui lui a grandement facilité les choses ;

– enfin, les questions auxquelles il n’a pu être répondu faute de temps recevront une réponse écrite dans les jours qui viennent.

Le Président Patrick Ollier en a remercié par avance M. Pierre Simon, car les députés apprécient toujours de recevoir des réponses circonstanciées à leurs questions ou observations. Il a par ailleurs cru relever un relatif consensus sur certains points, y compris avec les représentants de l’opposition.

——fpfp——