DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 3

Mercredi 26 octobre 2005
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président
puis de M. Jean Launay, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Xavier Greffe, professeur à l'Université de Paris I, sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires

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La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu M. Xavier Greffe, professeur à l'Université de Paris I, sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires.

Le président Emile Blessig s'est réjoui de recevoir, pour l'audition inaugurale des travaux sur le rapport d'information relatif à « l'action culturelle diffuse, instrument de développement du territoire », M. Xavier Greffe, professeur à l'Université de Paris-I et spécialiste reconnu de ces questions, sur lesquelles il a publié plusieurs rapports et ouvrages, notamment pour le compte de la DATAR et de l'OCDE.

M. Jean Launay, rapporteur, a exposé qu'on observait, sur le terrain, une multiplication des initiatives de développement local axées sur la culture ; la Délégation a donc décidé d'étudier comment ces politiques avaient pu constituer en elles-mêmes des outils de développement, de stabilité, voire de reconquête des territoires. Dans le département du Lot, par exemple, les festivals et les animations ponctuelles de l'été tendent ainsi non seulement à perdurer et mais aussi à engendrer d'autres phénomènes, comme la réalisation de résidences d'artistes ou l'installation de compagnies, à demeure et à l'année.

M. Xavier Greffe a indiqué qu'il travaillait depuis une quinzaine d'années sur ces thèmes, essentiellement à partir de préoccupations liées à l'emploi, et qu'il avait ainsi pu suivre leur montée en charge, mais aussi les désillusions qu'ils avaient pu ensuite causer.

Il a estimé qu'il fallait aborder avec prudence le discours selon lequel la culture est un nouveau levier de développement et crée des emplois. Statistiquement, en effet, dans les domaines traditionnels, en particulier celui du spectacle vivant, le nombre des emplois a plutôt baissé. Dans le domaine du patrimoine, entendu au sens étroit du terme - musées, monuments ou archives -, il s'est maintenu. Dans le domaine de l'audiovisuel, une augmentation assez lente est perceptible.

En revanche, il est vrai que, dans les entreprises non culturelles, on observe une utilisation croissante de compétences culturelles. Il en résulte une sorte de paradoxe : l'effet positif de la culture n'est pas nécessairement là où on va le chercher le plus fréquemment, et c'est l'économie en général qui tend à se « culturaliser ». Ainsi le design, qui se trouve à l'interface de la culture et de l'économie, est considéré en Allemagne ou en Italie, à la différence de la France, comme un facteur majeur de la compétitivité des économies. Eu égard à la force des soutiens publics, la France n'est cependant pas le pays qui souffre le plus de la difficulté à stabiliser l'emploi culturel traditionnel.

M. Xavier Greffe a alors considéré que l'action culturelle comme outil de développement se présentait sous trois aspects distincts. Le premier est lié à l'identité des territoires, à la qualité de leur image et à l'amélioration de leur cadre de vie. On n'a jamais prouvé de façon incontestable que l'action en faveur du développement culturel était une condition du développement ; cependant, force est de reconnaître que les territoires qui n'assument pas cette dimension subissent, plus que d'autres, une perte de substance et une accentuation des phénomènes d'exode ; les données recueillies en vue d'un rapport en préparation pour le ministère de la culture sur l'attractivité culturelle de la France le confirment.

Le deuxième aspect est celui du tourisme culturel. Si la création ex nihilo de festivals ou de spectacles vivants crée parfois, dans l'immédiat, des difficultés et des charges parfois importantes pour les gestionnaires des territoires, les retombées sont très positives dès lors que ces activités s'installent dans la durée et que des liens se créent entre elles. Ainsi, des manifestations comme le salon de la bande dessinée à Angoulême, ou les rencontres de la photographie à Arles, ont eu de vrais effets de développement, en donnant naissance à des activités connexes tout au long de l'année - lieux d'exposition, établissements de création de décors ou de matériels pour les manifestations, formations, animations scolaires, artisanat d'art. Le phénomène n'est d'ailleurs pas spécifique à la France : à Spolète, en Italie, la municipalité, après avoir accepté de subventionner un festival sous la pression médiatique, a su donner à celui-ci une dimension structurante en créant parallèlement une école, des studios de théâtre, et en soutenant le développement des métiers d'art sollicités à l'occasion de la manifestation.

Le troisième aspect est lié aux métiers d'art et à l'exportation de produits culturels. Il se dessine en Europe, plutôt au niveau régional, par exemple dans le Piémont, le Pays Basque ou la Catalogne, des politiques de soutien à la production, par des entreprises de type culturel, de produits qui ne sont pas forcément consommés sur place ; l'expression, pour désigner ces concentrations, de « district culturel » est maintenant consacrée. En France, le phénomène est observable à Limoges, Baccarat, ou même à Montreuil-sous-Bois, qui accueille maintenant une industrie audiovisuelle très importante. L'intérêt à investir dans ce type de développement est évident, même si des problèmes de transmission des savoir faire et de force de vente à l'exportation peuvent se poser. De plus, on a pu déterminer que si l'on observe un effet de concurrence lorsque ce sont des entreprises culturelles du même secteur qui se trouvent au voisinage les unes des autres, la synergie est en revanche forte lorsque ces entreprises appartiennent à des secteurs culturels différents - ce sera le cas, par exemple, d'un éditeur de livres implanté dans la même ville qu'un festival, une compagnie dramatique ou un musée.

De façon générale, pour évaluer les effets de la culture sur le développement local, il faut prendre en compte ses effets sur les autres secteurs d'activités, hors de sa sphère traditionnelle d'évaluation ; faute d'adopter une telle démarche, on maintient l'action culturelle dans un système fragile, tributaire de subventions et à la merci de difficultés de gestion souvent difficiles à résoudre. La Rand Corporation vient ainsi de publier un rapport sur les « valeurs extrinsèques de la culture », traitant notamment de l'influence de la culture sur le monde des hôpitaux, des prisons et les écoles, et en montrant les effets tangibles. En France, cet aspect n'est cependant pas mis en avant de la même façon qu'aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, le ministère de la culture se considérant principalement comme le ministère des artistes.

On constate aussi, dans tous les pays, une tendance à la métropolisation des activités culturelles, qu'il s'agisse de la production ou de la consommation, et à leur concentration dans les grandes villes - à partir de 500 000 habitants. La raison en est que c'est là où se trouve, de fait, le marché de l'emploi artistique. Les entreprises culturelles se constituant et disparaissant au rythme des projets, les artistes ont un fort intérêt pratique à s'installer à proximité des donneurs d'ordre, et les producteurs à proximité des artistes, reproduisant à plus petite échelle un modèle bien connu, le modèle hollywoodien. C'est ainsi que les grands sites touristiques concentrent artistes, entreprises et techniciens, si bien que lorsque s'organise une manifestation ailleurs, dans une ville plus petite ou même un village, l'essentiel de la main-d'œuvre vient en fait de ces grands centres. Cela explique que les festivals soient très coûteux à organiser ; cela explique aussi que, l'année où le festival d'Avignon a été annulé, la ville n'en a que peu souffert, la plupart des artistes mais aussi des techniciens venant de Paris, de Lyon ou de Marseille.

La même observation vaut pour les pratiques culturelles, qui ne progressent qu'en milieu urbain. Certes, en 2001, la dernière édition de l'enquête pluriannuelle du département des études et de la prospective du ministère de la culture sur les  « pratiques culturelles des Français » faisait ressortir que, pour la première fois depuis vingt ans, les pratiques culturelles progressaient aussi en milieu rural ; cependant la raison en est liée aux progrès des transports : les gens se déplacent plus loin pour visiter un musée ou voir un spectacle.

Un autre thème, généralement abordé en France sous l'angle de l'environnement, intéresse aussi la culture : il s'agit des paysages. Deux pays s'y intéressent depuis longtemps : le Japon, où l'urbanisation tend à les détruire, et le Portugal, où l'on a constaté la disparition de certains paysages traditionnels. En enquêtant sur ce que les gens - aussi bien les touristes que les habitants du lieu - étaient prêts à payer pour la conservation de ces paysages, naturels ou culturels, on s'est aperçu qu'ils faisaient l'objet d'un attachement très fort. La France, avec ses secteurs sauvegardés, pourrait être considérée comme très en avance ; cependant la notion de « paysage culturel » est plus large, en ce qu'elle englobe un périmètre plus large que les abords immédiats d'un monument ou d'un site emblématique, et fait appel à un mode de visite qui ne soit pas celui des tour operators traditionnels, mais un tourisme au rythme plus lent, amenant les visiteurs à passer au moins une nuit sur place.

Les États Unis, la Grande-Bretagne, le Canada ont adopté, pour sauvegarder des paysages, un système de « droits de densité » ou « droits de développement ». Il s'agit, lorsque le propriétaire d'un site considéré comme important pour la mémoire collective risque de le défigurer, en utilisant les droits à construire qui y sont attachés, de le lui interdire, mais de lui donner en contrepartie des droits équivalents sur un autre site, qui n'a pas la même sensibilité. Ainsi, la société propriétaire de la gare centrale de New York, qui voulait ériger une tour au-dessus du bâtiment pour mieux rentabiliser celui-ci, s'est vu interdire une telle extension, mais a pu faire construire la tour en question quelques kilomètres plus loin, dans un autre quartier de la ville où les contraintes de paysage n'étaient pas les mêmes ; au Québec - et l'Ontario est en train de suivre cet exemple - l'épiscopat se voit offrir de tels droits en contrepartie des interdictions qui lui sont régulièrement faites de vendre des églises considérées comme faisant partie du paysage et de l'identité de la province.

M. Léonce Deprez a insisté sur l'intérêt de l'action touristique culturelle des collectivités pour mettre en valeur les attraits des territoires, qu'ils soient naturels, culturels, voire religieux, et créer ainsi une activité économique source de richesse. Les jeunes générations ont une soif grandissante de savoir et de culture, cela lui est apparu dans toute sa vigueur cet été, à l'occasion de l'exposition Dubuffet au Touquet ; les seniors actifs et les jeunes retraités manifestent une volonté croissante de pratiquer un tourisme cultuellement enrichissant, même dans des voyages en groupe. Il y a là des dispositions d'esprit dont la politique d'aménagement du territoire et de développement touristique doit tirer parti.

M. Xavier Greffe a convenu que le tourisme était bien le premier canal de réalisation de l'action culturelle, et que ses retombées en terme d'emploi étaient indéniables : on estime à 80 000 le nombre des emplois qui, à Paris, dépendent du tourisme muséal. Cependant, ces retombées ne sont pas uniquement favorables. Il y a des cycles de vie des sites touristiques. L'organisation des conditions de visite de certains sites pour répondre à l'afflux des touristes visiteurs finit par décourager les habitants de les visiter ; c'est le cas du Louvre ou du musée d'Orsay, qui reçoivent de moins en moins de Franciliens. Tout le problème est de savoir comment enclencher un cycle vertueux entre tourisme et culture ; la logique des tour operators ne va pas toujours, notamment en zone rurale, dans le sens du développement local.

Il a ensuite confirmé l'évolution des pratiques des seniors, et souligné que l'une de ses conséquences les plus importantes, pour l'économie touristique, était que la saison ne se limite plus à quelques mois de l'année : en Andalousie, l'activité touristique, autrefois inexistante d'octobre à mai, est désormais également soutenue pendant cette période.

Reconnaissant ensuite que si, lorsque les musées font un effort de « mise en scène », les jeunes sont en effet très séduits, il a souligné néanmoins que l'on fait de plus en plus appel, désormais, aux valeurs « extrinsèques » de la culture. Il a cité l'expérience menée à Cork, en Irlande, où de jeunes chômeurs, chômeurs de troisième génération qui rejetaient leur milieu, ont changé du tout au tout leur regard lorsqu'on leur a donné des caméras et demandé de filmer à leur gré ; ils ont cherché des éléments de valorisation dans leur environnement, effectuant là un travail de reconstruction de leur identité personnelle et d'une identité collective.

Le président Emile Blessig, rappelant que l'action culturelle pouvait prendre trois formes pour faire levier sur le développement d'un territoire, l'action touristique et ses retombées, l'action en faveur de l'image du territoire et enfin l'action en faveur de l'attractivité, par l'amélioration de la qualité de vie, a demandé si des méthodes avaient été élaborées pour analyser de façon objective les effets respectifs de ces trois leviers.

M. Xavier Greffe a répondu que de nombreuses études avaient été consacrées aux répercussions de l'activité touristique sur un territoire, y compris en France. Elles portent cependant surtout sur des sites emblématiques et très fréquentés comme le mont Sainte-Odile ou le Mont-Saint-Michel, alors qu'elles seraient tout aussi utiles sur des sites plus modestes. Elles font apparaître que la qualité des répercussions est liée est à deux facteurs, le coefficient d'autonomie du territoire, d'une part, le poids des activités culturelles et patrimoniales au sein du territoire de l'autre, un poids trop important entraînant du reste des répercussions négatives, telles que des tendances inflationnistes.

S'agissant des répercussions de l'action culturelle sur l'image et la qualité de vie sur le territoire, les études sont plus approximatives, ponctuelles et descriptives. Il n'a pas été élaboré de méthodes qui permettraient par exemple de conclure que telle action accroîtrait de tel pourcentage l'attractivité du territoire ou le volume des investissements directs. On a des études de cas. Elles peuvent faire apparaître des réussites. Ainsi, depuis l'implantation à Bilbao du musée Guggenheim, décidée par le Gouvernement basque pour changer l'image du Pays Basque, on peut constater que s'est développé dans cette ville un marché de l'art contemporain, un secteur musical. Cependant, la grande difficulté est d'établir le lien de cause à effet ; il est d'autant plus difficile à mesurer que l'agglomération est importante. Cependant, on voit bien qu'il y a des liens : au plus fort de la crise des années 1980 en Grande-Bretagne, les municipalités des villes les plus durement touchées, Birmingham, Manchester, ont toutes entrepris de restaurer leur patrimoine industriel, gares ou docks.

M Jean Launay, rapporteur, a souhaité savoir si l'on pouvait mesurer, s'agissant de la mise en valeur du patrimoine, de la diffusion culturelle et du soutien à la création, la part respective des politiques publiques et des initiatives émanant d'associations à caractère culturel.

M. Xavier Greffe a répondu qu'une étude du ministère de la culture, intitulée « Les associations dans la vie culturelle » et parue il y a trois ou quatre ans, comportait une typologie des associations, ainsi que leur répartition par région et par secteur. Elle montre bien les secteurs de la culture où les associations interviennent le plus, et fait ressortir que les inégalités entre régions sont, dans le secteur associatif, un peu moins fortes sur le plan culturel que sur d'autres.

Soulignant que le soutien aux métiers d'art constituait en effet un moyen de créer de l'emploi et de maintenir une activité permanente, M. Jean Launay, rapporteur, a demandé comment dans ces conditions expliquer la relative distance observée par le ministère de la culture vis-à-vis des métiers d'art, et s'il n'y avait pas là un champ pour une action de soutien des collectivités locales, avec l'objectif de renforcer l'identité et la cohérence du territoire autour de métiers et de savoir-faire emblématiques, comme le fait le département du Lot.

M. Xavier Greffe s'est dit tout à fait d'accord avec l'analyse du rapporteur, qui rejoint l'étude qu'il a consacrée aux métiers d'art dans le Grand Massif Central, en liaison avec la Société d'encouragement aux métiers d'art (SEMA) et l'Association pour le développement industriel et économique du Massif central (ADIMAC) : le soutien aux métiers d'art est bien un facteur de développement. Bon nombre des artisans interrogés lors de l'enquête ont en effet dit avoir des projets de développement ; cependant, ces mêmes artisans ont répondu par la négative quand on leur a demandé s'ils allaient créer des emplois : autrement dit, il y a un potentiel de développement, qui n'est pas du tout mobilisé. Une des causes en est que ces petites entreprises, qui ont des compétences techniques très fortes, ont en revanche très peu de compétences commerciales, voire de gestion.

Malheureusement, la France, contrairement à d'autres pays comme l'Italie, fait peu pour le développement des métiers d'art. Ceux-ci, qui regroupent pourtant, photographes compris, 110 000 ou 130 000 professionnels, ne sont pas la priorité du ministère chargé de l'artisanat, même si le précédent ministre avait envisagé la création d'un label « entreprises patrimoine vivant ». De plus, il existe un enchevêtrement bureaucratique de compétences au niveau local, entre le représentant de la SEMA, celui de la chambre de commerce, celui de la chambre des métiers... qui est peu propice au développement d'actions de bonne portée.

Or, au-delà du soutien que les collectivités territoriales à vocation touristique peuvent apporter, et qui est précieux, une organisation nationale du soutien est nécessaire. C'est l'échelon national qui peut créer des structures de vente à l'étranger, assurer la présence française dans des expositions commerciales à Moscou ou à New York. Le potentiel à développer en priorité, s'agissant des artisans d'art, se situe en effet moins dans le domaine du tourisme que dans celui de l'exportation, à l'exemple de ces papiers spéciaux, fabriqués en Auvergne, qui ont été embarqués à bord des navettes spatiales.

Il y a cependant aussi des actions à conduire dans le domaine du tourisme : une piste à suivre pourrait être celle du réseau québécois des « économusées », qu'il ne faut pas confondre avec les écomusées : il s'agit de très petites entreprises, doublées d'une structure muséale locale très simple, un peu comme le moulin Richard-de-Bas d'Ambert. Le ministère de la culture n'a cependant jusqu'ici pas souhaité développer ce type de filière.

M. Jean Launay, rapporteur, a observé que certaines entreprises importantes, même en rase campagne, sont dépositaires de savoir-faire, voire d'outils et d'équipements anciens qui peuvent constituer la base d'une muséographie spécifique.

M. Xavier Greffe a confirmé qu'il y avait là une vraie piste d'action, mais a observé qu'il fallait des structures de développement car les artisans eux-mêmes n'en prendraient pas l'initiative, n'ayant pas forcément l'envie ni les moyens d'accueillir des touristes.

M Jean Launay, rapporteur, a demandé à M. Xavier Greffe s'il avait eu l'occasion de recenser et d'étudier des erreurs de conception expliquant l'échec de projets paraissant a priori voués au succès.

M. Xavier Greffe a répondu que ces erreurs étaient de deux ordres. Il peut d'abord s'agir de projets mal calibrés, ou reposant sur des estimations de fréquentation biaisées ; le poids considérable des subventions nécessaires pour faire fonctionner l'équipement aboutit rapidement à la diminution des unes et à l'arrêt de l'autre ; c'est ainsi qu'en France même, plusieurs musées ont été fermés au public quelques années seulement après leur ouverture. Mais l'échec peut s'expliquer aussi par un mauvais contrôle de l'offre touristique, notamment de la qualité des services d'hôtellerie et de restauration, par exemple lorsque l'ensemble des établissements alignent leurs prix sur les meilleurs, sans fournir les mêmes prestations, provoquant la désaffection du public.

M. Léonce Deprez a demandé si la réussite du projet de décentralisation à Lens d'une partie des collections du Louvre ne risquait pas d'être victime des limites des capacités hôtelières de cette agglomération.

M. Xavier Greffe a répondu que cette implantation avait d'abord un objectif identitaire fort. Nombre de monuments, comme la tour de Pise ou la mosquée de Cordoue ne génèrent que de faibles développements hôteliers, les visiteurs ne passant pas forcément la nuit sur place.

Il a fait observer au passage le faible rôle des boutiques de musées en France pour la diffusion d'objets culturels : les produits y sont rares, chers et comportent peu de fantaisie ; il a souligné en revanche l'intérêt culturel d'établissements comme le musée d'Auvers-sur-Oise, consacré aux impressionnistes, où l'on ne voit aucun tableau mais seulement des reproductions, des photos et des installations, et qui est cependant une source d'attraction touristique culturelle.

M. Léonce Deprez s'est interrogé sur l'expression « action culturelle diffuse » et s'est demandé si les pôles de compétitivité ne pourraient pas intégrer une dimension culturelle.

M. Jean Launay, rapporteur, a jugé l'expression plutôt claire, et rappelé que les pôles de compétitivité étaient axés sur la recherche scientifique et l'emploi. Sans doute les pôles d'excellence ruraux seraient-ils plus à même de servir le développement culturel.

M. Xavier Greffe a souligné l'intérêt des structures en réseau, telle celle en Languedoc-Roussillon ; M. Léonce Deprez ayant fait part de sa préférence pour un cadre géographiquement cohérent, comme le pays, M. Xavier Greffe a estimé que la notion de « district culturel », évoquée au début de son propos, permettait de concilier cet aspect avec la nécessité d'une mise en réseau.


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