DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 5

Mercredi 23 novembre 2005
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Serge Poignant, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jacques Rigaud, président de l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL), sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires

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La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu M. Jacques Rigaud, président de l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL), sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires.

M. Serge Poignant, président, accueillant M. Jacques Rigaud, président de l'Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (ADMICAL), a rappelé la longue expérience qu'il avait acquise dans le domaine de l'action culturelle, en tant que directeur du cabinet du ministre des affaires culturelles de 1969 à 1973, de président-directeur général de RTL de 1980 à 2000, ou encore de président de la commission d'études de la politique culturelle de l'Etat en 1996-1997 ; M. Rigaud est aujourd'hui encore administrateur de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et de l'établissement public du Musée du Louvre.

M. Jacques Rigaud a remercié la Délégation de l'avoir invité à témoigner devant elle de son expérience. La situation a radicalement changé en quelque trente ans. Dans les années 1970, les élus s'impliquaient fort peu dans l'activité culturelle, et ne prêtaient guère attention lorsqu'on leur disait que la culture pouvait être un atout pour le développement local. Aujourd'hui, ils ont tous repris cette démarche à leur compte, toutes tendances politiques et tous profils humains confondus.

La culture est non seulement un élément d'identification, mais aussi un facteur de prospérité, ainsi que l'a montré, a contrario, la crise des intermittents à l'été 2003. Elle crée des emplois nouveaux, parfois précaires mais toujours originaux, dans lesquels on ne fait pas une carrière balisée pendant l'ensemble de son activité professionnelle, mais où l'on rebondit de projet en projet, avec des temps intermédiaires de latence ; en ce sens, le statut des intermittents, plutôt qu'une survivance ou le produit d'un corporatisme, apparaît comme une forme d'adaptation à l'avenir.

La culture est aussi un élément de l'attractivité d'un territoire. Lorsqu'une entreprise hésite sur le choix d'une nouvelle implantation, les trois éléments discriminants, pour ses dirigeants, sont, dans l'ordre, la qualité du réseau des transports et des communications, les conditions de scolarisation des enfants, et enfin la vie culturelle et la qualité de vie. A égalité sur les deux premiers critères, le territoire le mieux placé sur le troisième emportera la décision. La culture ne peut donc plus, quand bien même il y a des priorités politiques plus urgentes, échapper au champ de vision des élus.

On retrouve ce critère dans les motivations des étrangers qui choisissent de s'installer en France, et dont un grand nombre ne sont ni des seniors ou des vacanciers, mais des résidents des quatre saisons. Si l'on entend souvent dire qu'il n'y a jamais eu autant d'Anglais en Aquitaine depuis la guerre de Cent Ans, les nouvelles liaisons avec la Grande-Bretagne, d'une part, la bonne chère, le climat et les paysages de l'autre y sont naturellement pour beaucoup, mais aussi la qualité du patrimoine et le dynamisme culturel du territoire, avec les nombreux festivals et activités de toute sorte qui irriguent la Guyenne, le Quercy ou le Périgord. Et ce facteur est appelé à devenir de plus en plus important.

M. Jacques Rigaud a alors abordé la question du mécénat d'entreprise. Celui-ci n'existait pas en France lorsqu'a été fondée, en 1979, ADMICAL. A l'époque où Jacques Duhamel était ministre des affaires culturelles, au début des années 1970, le patronat considérait que soutenir la culture était l'affaire de l'Etat et de lui seul. Le modeste ouvrage publié en 1975 par son ancien directeur de cabinet ici présent, La Culture pour vivre, expliquait cependant que la politique culturelle de l'Etat créait des attentes et des besoins que les fonds publics ne seraient jamais à même de satisfaire en totalité - ce qui ne serait au demeurant pas souhaitable. C'est à partir de ces réflexions que des jeunes gens ont décidé de créer ADMICAL, entraînant l'auteur de l'ouvrage dans l'aventure. Le climat de l'époque était aussi peu favorable que possible : le monde de l'entreprise se tenait éloigné de la culture, le monde de la culture n'avait que méfiance pour le « grand capital », et les médias considéraient que les entreprises qui voulaient faire parler d'elles n'avaient qu'à acheter des espaces publicitaires... Le mécénat s'est néanmoins développé peu à peu, a acquis progressivement droit de cité et est devenu un sujet de consensus, si bien que la loi du 1er août 2003, qui en a simplifié le régime et doublé les avantages fiscaux, a été votée sans difficulté et sans opposition par le Parlement.

Le mécénat d'entreprise n'est pas, ne peut pas relever, du pur désintéressement ou de la philanthropie ; contrairement à un particulier, qui a le libre emploi de son argent, un mandataire social doit justifier devant ses mandants qu'il a utilisé les fonds de l'entreprise dans l'intérêt bien compris de cette dernière. Celui-ci peut cependant inclure des retombées qui ne soient ni directes, ni chiffrables. La manifestation d'un certain civisme, qu'il soit culturel, social ou humanitaire, peut ainsi en faire partie ; mais on ne saurait s'affranchir de cette règle de base.

Quels sont donc, pour l'entreprise, les éléments qui justifient qu'elle se livre au mécénat ? Le mécénat lui offre d'abord une magnifique occasion de réfléchir sur elle-même, sur son identité, sur l'image qu'elle veut donner, sans laisser ce soin à une agence de publicité ou de relations publiques. Il lui permet en outre de nouer des partenariats avec des artistes, des créateurs, des chercheurs, qui ont un autre langage, d'autres méthodes, d'autres références qu'elle, et qui vont ainsi l'enrichir de démarches autres que celles de sa propre rationalité, et créer un choc culturel stimulant pour sa créativité. Enfin, pour peu que le personnel soit associé d'une façon ou d'une autre aux projets soutenus, le mécénat est de nature à renforcer le sentiment d'appartenance à l'entreprise.

Dans ces conditions, le mécénat n'est pas et n'a pas à être l'apanage des grands groupes, tels que LVMH, Pinault-Printemps-Redoute ou la Caisse des dépôts et consignations. Il peut aussi être le fait d'entreprises de taille moyenne, se regroupant éventuellement pour soutenir un projet ou une institution : l'Ensemble baroque de Limoges, par exemple, est aidé par un club d'entreprises de la région. Le mécénat culturel de proximité est très important pour les territoires culturellement moins bien dotés : il peut soutenir un musée ou une activité théâtrale, par exemple. Réciproquement le thème de l'attractivité du territoire est sûrement l'un de ceux qui peuvent le mieux susciter l'intervention d'une entreprise. Enfin, et certaines déclarations du ministre de la culture pourraient susciter quelque inquiétude sur ce point, le mécénat ne saurait avoir vocation à assurer les fins de mois d'un Etat nécessiteux. S'il a apporté un concours utile, par exemple, à la rénovation de la galerie d'Apollon du château de Versailles ou à l'organisation de telle ou telle grande exposition, là où son rôle est irremplaçable, c'est pour soutenir, par goût du risque et de l'innovation, des initiatives si originales qu'elles ne peuvent pas répondre aux critères habituels d'octroi de subventions publiques.

Parmi les exemples que l'on peut citer, la Fondation du Crédit Agricole, reconnue d'utilité publique, a ceci de particulier qu'elle intervient principalement en milieu rural, finance exclusivement des dépenses d'investissement ou d'équipement, et jamais de fonctionnement, et ne soutient que des projets déjà retenus et soutenus financièrement par une caisse régionale, dont la Fondation double alors la participation. Depuis sa création en 1979, la Fondation a engagé quelque 19 millions d'euros dans des domaines aussi divers que le patrimoine bâti ancien, les musées et écomusées, la mise en valeur de sites naturels, les métiers de tradition ou l'animation locale. Parmi les projets financés en 2004, on peut citer, entre autres exemples, l'extension du musée protestant du Vivarais, la création de sentiers de découverte en Gironde, l'installation d'aménagements pédagogiques à Pouilly, ainsi que de nombreuses restaurations d'églises, de fresques, de châteaux, de fermes dans toute la France.

Une autre expérience remarquable est celle des centres culturels de rencontres, création empirique, qui remonte à Jacques Duhamel et à Michel Guy, et qui n'a jamais été institutionnalisée, n'est régie par aucune loi ni aucun règlement - tout au plus une charte a-t-elle été signée lorsque M. Jack Lang était ministre. Ces centres sont de hauts lieux du patrimoine français, généralement - mais pas toujours - des abbayes ou des monastères : la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, dont il est président, les abbayes de Royaumont et de Fontevrault, la corderie royale de Rochefort, l'abbaye d'Ambronay dans l'Ain, ou encore le domaine de Kerguéhennec dans le Morbihan. Chaque centre a une activité permanente en faveur de la création contemporaine ; ils accueillent notamment des artistes en résidence, organisent des colloques, montent des spectacles. La formule, qui séduit un nombre croissant d'élus locaux et a également fait école au plan européen, est une façon privilégiée d'installer en milieu rural des activités exigeantes, de haute tenue ; ce serait en effet une grave erreur que de croire que seules des productions banales sont susceptibles d'y trouver leur public : l'exemple de la troupe théâtrale de la Tour de Babel, installée à Confolens et dont les spectacles voyagent jusqu'en Amérique latine, prouve, entre autres, le contraire.

Les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), créés en 1982, sont également un acteur important de la politique culturelle décentralisée. Associant l'Etat et la région, ils acquièrent des œuvres d'art contemporain afin de les mettre à disposition d'un large public, en les exposant et en les faisant circuler, et soutiennent des initiatives originales. Le FRAC d'Aquitaine a ainsi noué un partenariat avec une association, pour accueillir à Monflanquin, bastide du Lot-et-Garonne, chez l'habitant ou dans des locaux prêtés à l'association, pour une durée de quelques mois, des artistes en résidence, qui apportent à ces lieux historiques leur regard qui de peintre, qui de sculpteur, qui de photographe. Une expérience différente a lieu à Morcenx, dans les Landes, où l'on réussit à sensibiliser les parents à l'art contemporain à travers leurs enfants d'âge scolaire. En Aquitaine toujours, le directeur du fonds a eu cette année l'idée, dans le cadre des manifestations estivales de Bayonne, de proposer aux commerçants du centre-ville de leur prêter des œuvres afin qu'ils les exposent dans leur boutique ; alors qu'il avait tablé sur vingt acceptations, il y en a eu trente-cinq. D'autres œuvres appartenant au fonds ont été prêtées quelques semaines à des particuliers, ceux-ci prêtant en retour au Musée basque de la ville une œuvre d'art leur appartenant et choisie par eux, afin qu'elle y soit exposée pendant la même durée. Autre initiative couronnée de succès, à Bayonne encore, la mairie a organisé avec le FRAC, dans un appartement vacant d'une barre HLM, une exposition de photographies de la collection du fonds ; les photographies ont été choisies par de jeunes habitants de la barre - pour la plupart issus de l'immigration - et chacune disposée selon une thématique choisie par l'un d'entre eux ; la réflexion et l'expression qu'ils ont pu développer à cette occasion a signé la réussite de l'opération.

M. Jean Launay, rapporteur, a remercié M. Jacques Rigaud pour son témoignage vivant et passionnant. Exposant ensuite que le sud-ouest de la France accueillait depuis longtemps un assez grand nombre de manifestations culturelles saisonnières, comme, dans le département du Lot, le festival d'art lyrique de Saint-Céré ou le festival de jazz de Souillac, il a jugé que l'exposé introductif semblait confirmer l'intuition que peut avoir tout élu local, à savoir que ces manifestations ponctuelles sont un levier de développement, non pas seulement par leurs retombées immédiates, mais encore à plus long terme, en constituant alors un point d'appui pour des politiques plus ambitieuses. Il a ajouté qu'un élément de développement pour celles-ci était qu'elles pouvaient s'inscrire dans le cadre d'organisations en réseaux, départementaux, nationaux, voire européens ; ainsi les villes-bastides comme Monflanquin ou Bretenoux, dans le Lot, dont il est le maire, ont leur équivalent en Espagne et dans d'autres pays d'Europe. L'accueil d'artistes en résidence aussi peut être une façon de dépasser le caractère saisonnier d'un festival ou d'une manifestation, pour faire naître quelque chose de plus durable, de plus structurel. Quant aux prêts et échanges d'œuvres, c'est une formule qui n'est pas réservée aux FRAC : le département du Lot a créé une « artothèque », à partir du centre d'art contemporain de Cajarc, qui prête notamment des lithographies à des collectivités, voire à des particuliers.

M. Jacques Rigaud, s'appuyant sur l'exemple des bastides, sortes de « villes nouvelles » avant la lettre, et dont on trouve en effet l'équivalent dans de nombreux pays d'Europe, a souligné l'importance de la notion de réseau évoquée par le rapporteur : l'Europe de la culture se développe non pas à partir de l'action des institutions européennes, à Bruxelles, mais entre gens faisant le même métier, que ce soit dans le domaine de l'opéra, des musées ou de la danse : ils ont entre eux une relation directe, et ce sont eux qui font la réalité des échanges culturels d'un bout à l'autre de l'Europe, et qui développent les réalisations. Quant au passage de l'événementiel au durable, c'est souvent l'occasion qui fait le larron : l'abbaye d'Ambronay a commencé par accueillir un simple festival.

M. Jean Launay, rapporteur, a indiqué que l'association des villes-bastides du Lot cherchait précisément à se constituer en réseau européen, avec des localités d'Espagne, du Portugal, d'Angleterre, d'Italie, voire de Pologne ou de République Tchèque.

Il a ensuite demandé si les 19 millions d'euros dépensés depuis vingt-cinq ans par la Fondation du Crédit Agricole avaient bénéficié à tous les territoires, et si les effets sur le développement local en avaient été mesurés.

M. Jacques Rigaud a répondu que la répartition, sur la longue durée, était à peu près équilibrée entre les différentes régions, avec naturellement quelques variations dues à l'inégale richesse du patrimoine culturel des unes et des autres, mais aussi à l'inégale capacité d'initiative et d'accueil des caisses régionales. Quant aux retombées, elles vont au-delà de ce qui est mesurable et chiffrable, dans la mesure où il s'agit d'un investissement qui contribue à l'embellissement, au développement culturel des territoires et donc à leur qualité de vie et à leur attractivité. L'exemple de Bilbao, ville industrielle sinistrée qui a redécollé en accueillant la fondation Guggenheim et ses collections tournantes, et en bâtissant tout autour de ce qui était alors une friche industrielle un quartier moderne à l'urbanisme novateur, est dans tous les esprits : on ne peut qu'être frappé par le nombre de gens qui viennent désormais visiter la ville, y compris en hiver !

A une autre échelle, le cas de Villeneuve-lès-Avignon, petite ville de 15 000 habitants, est également significatif. A la Révolution, sa chartreuse avait été vendue par lots. Après la guerre, elle a été progressivement reconstituée et restaurée par l'Etat. L'aménagement de la chartreuse en centre culturel de rencontres a créé trente emplois permanents ; mais son impact économique dépasse ceux-ci. Par ses manifestations, la chartreuse a permis de maintenir le secteur de l'hôtellerie et nombre de magasins. Sa restauration et son entretien font aussi vivre un artisanat local et ont contribué à maintenir vivants des métiers et des techniques traditionnels qui, autrement, se seraient perdus.

Le centre culturel de rencontre a aussi tenu à associer la population à la vie culturelle de la chartreuse : par exemple, en échange de la mise à disposition des locaux pour réaliser des enregistrements, il a demandé à tel grand chanteur d'opéra de présenter, pour chaque disque ainsi enregistré, l'un de ses films dans une séance réservée à la population de la ville et des communes voisines : le succès a été considérable. Il a aussi organisé le recueil de l`histoire locale de la chartreuse : il a enregistré des témoignages sur la chartreuse avant-guerre, avant le début de sa reconstitution, et pendant la guerre (elle a hébergé de nombreux résistants).

L'ensemble de ces actions a un effet qui dépasse l'impact économique, direct ou indirect. La population peut voir le patrimoine comme autre chose qu'une charge et l'art et la culture comme un domaine qui n'est plus étranger et inaccessible. Elle est aussi amenée à porter un autre regard sur son cadre de vie et les opportunités qu'il lui offre.

M. Jean Launay, rapporteur, a demandé si ADMICAL avait repéré des erreurs à ne pas commettre dans l'action de mécénat.

M. Jacques Rigaud a répondu qu'ADMICAL ne faisait pas de collecte directe de fonds, mais formait une sorte de club qui apportait son aide et ses conseils aux entreprises désireuses de se lancer dans le mécénat culturel, celui-ci étant considéré comme un élément de la liberté d'entreprendre. L'expérience montre que l'échec est souvent au rendez-vous quand l'action de mécénat n'a pas fait l'objet d'une réflexion collective préalable au sein de l'entreprise : le risque est grand, alors, qu'elle soit considérée comme le caprice, la « danseuse » du PDG et abandonnée lorsque celui-ci quitte ses fonctions, son successeur pouvant facilement se distinguer en remettant en cause cet élément. De même, lorsque l'entreprise connaît des difficultés économiques, qu'elle doit procéder à des compressions de personnel, sa politique de mécénat sera naturellement d'autant plus fragilisée, d'autant plus contestée qu'elle n'aura pas été bien expliquée au personnel ; inversement, s'il y a adhésion de celui-ci au projet, ce ne sera pas le cas, comme le montre l'exemple d'Air France, où M. Jean-Cyril Spinetta, lorsqu'il a été nommé président, a été dissuadé de le remettre en cause par les représentants du personnel eux-mêmes.

Une autre cause d'échec possible est la confusion entre le mécénat et le « sponsoring », c'est-à-dire, en français, le parrainage, qui est une opération commerciale, d'ailleurs soumise à la TVA, visant à obtenir des contreparties tangibles : lorsque RTL parrainait, par exemple, une tournée de tel ou tel chanteur, le logo de la station était présent dans la salle, dans le hall, sur les billets. On peut résumer la différence par la formule suivante : le parrainage est un affichage, le mécénat est une signature.

Les expériences les plus réussies sont celles où l'entreprise a saisi l'occasion du mécénat pour réfléchir sur elle-même et sur son identité. Lorsque la direction générale des télécommunications est devenue France Télécom, la nouvelle entreprise publique a mûrement réfléchi à l'image de marque qu'elle voulait donner. Hésitant entre celle d'une entreprise de haute technologie et celle d'une entreprise « qui relie les hommes », elle a choisi la seconde, et ce choix a orienté celui de ses domaines de mécénat culturel et sportif, à savoir la gymnastique et la musique vocale. Et quand, quelques années plus tard, elle a voulu étendre son champ d'action au domaine social, elle a choisi de s'attaquer à l'autisme, au point de devenir un partenaire incontournable de la lutte contre cette maladie de la non-communication absolue. Aucun des successeurs du président de l'époque n'a d'ailleurs remis en cause la politique de mécénat de France Télécom ou ses orientations.

Un problème peut cependant se poser lorsque deux grandes entreprises fusionnent. De trois choses l'une, en effet : ou bien aucune des deux ne faisait de mécénat, et la nouvelle entité n'en fera sans doute pas non plus ; ou bien l'une en faisait et l'autre pas ; ou bien toutes les deux en faisaient, et il peut y avoir concurrence. Mais l'exemple de la BNP et de Paribas, dont les fondations respectives ont fini par fusionner, montre que, même dans ce cas, les forces peuvent s'additionner.


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