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DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 7

Mercredi 22 février 2006
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, et de M. Philippe Levrier, membre du Conseil, sur le déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT) sur le territoire

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La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu M. Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, et M. Philippe Levrier, membre du Conseil, sur le déploiement de la télévision numérique terrestre (TNT) sur le territoire.

Le président Émile Blessig a exposé que, depuis le début de la législature, la Délégation à l'aménagement du territoire s'était tout particulièrement souciée des conditions d'installation de la couverture numérique du territoire. Elle est particulièrement attentive à ce que ne se crée pas une fracture numérique entre les territoires les mieux dotés et les territoires les plus difficiles ou encore les moins peuplés.

S'agissant plus particulièrement de la télévision numérique terrestre (TNT), il a indiqué que la Délégation souhaitait d'abord savoir dans quelles conditions et dans quels délais l'ensemble du territoire pourrait être couvert, et si les prévisions d'achèvement de la couverture pour la fin de l'année 2007 pourraient être tenues. Évoquant ensuite les zones de partage de fréquences entre pays riverains, qui concernent près du tiers du territoire et dont certaines ne reçoivent parfois que trois des chaînes à diffusion nationale, il a demandé quelles actions étaient en cours pour permettre leur accès à la TNT au plus vite. Enfin, signalant qu'il apparaissait que la couverture du territoire en TNT par des relais terrestres ne devrait pas dépasser les 85 %, il a indiqué que la Délégation souhaitait savoir par quels moyens et dans quels délais le reste du territoire sera couvert.

M. Dominique Baudis, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, a exposé que le déploiement de la TNT représentait un intérêt majeur pour la société. Tous les citoyens sont téléspectateurs. Les téléspectateurs hertziens représentent entre les deux tiers et les trois quarts de l'ensemble ; la TNT permet de porter le choix de programmes qui leur est offert de 5 à 17 pour les programmes gratuits et de 1 à 11 pour les programmes payants.

Les premiers éléments montrent le succès du déploiement de la TNT. Les chaînes de la TNT ont déjà capté 25 % de l'audience. La durée moyenne d'écoute des téléspectateurs disposant de la TNT est désormais supérieure de 20 minutes à celle des autres téléspectateurs ; c'est un bon indice de la satisfaction des foyers ; celle-ci a pour origine principale la grande variété de chaînes offertes par la TNT par rapport à la diffusion analogique.

Le déploiement de la TNT a été organisé en étapes. Une première phase prévoit l'équipement de 85 % de la population d'ici mars 2007. Le 31 mars 2005, 17 sites ont été ouverts, couvrant 35 % de la population. En septembre 2005, 15 sites supplémentaires ont été ouverts, portant la couverture de la population à 50 %. La troisième étape, qui va se dérouler entre le 15 mars 2006 et le 15 juillet 2006, prévoit l'ouverture de 19 sites supplémentaires, permettant la couverture de près de 60 % de la population. Du 15 juillet 2006 au 15 octobre 2006, 24 sites supplémentaires seront ouverts, la population desservie passant alors à 66 %. Pour arriver à la couverture de 85 % de la population, une cinquième étape va voir l'ouverture de 40 sites. Une difficulté de calendrier se fait cependant jour : en effet si 8 de ces sites sont à l'intérieur des terres, et donc peuvent être ouverts sans difficulté, 32 se trouvent dans des zones de partage des fuseaux hertziens avec des Etats voisins ; pour l'ouverture de ces sites, il faut donc passer des accords avec ces Etats ; pour que le délai de mars 2007 soit tenu, il faudrait que l'accord soit conclu dans les prochaines semaines ; un décalage de la date de conclusion de quelques semaines ou de quelques mois retardera d'autant, de façon mécanique, l'ouverture des sites.

À ce stade se posera la question de l'équipement des 15 % restants de la population. Dès l'ouverture de la TNT, le 31 mars 2005, le président du CSA a attiré l'attention du Premier ministre sur la nécessité d'offrir la diffusion gratuite des chaînes de la TNT à l'ensemble de la population. Un groupe de travail entre le CSA et la direction du développement des médias, qui dépend des services du Premier ministre, a dégagé les données de la question. Pour équiper 85 % de la population, 115 sites suffisent ; pour passer à 95 %, il faut équiper 2000 émetteurs supplémentaires ; enfin, pour assurer le remplacement total de l'actuelle diffusion analogique, qui est de près de 99 %, il faut équiper encore 1000 émetteurs. Une autre solution étudiée est celle de la diffusion gratuite des chaînes de la TNT par satellite, ce qu'on appelle la TNS (télévision numérique satellitaire).

M. Patrice Martin-Lalande a demandé si le coût d'installation de ces 3000 émetteurs avait été calculé, et si une diffusion par l'ADSL, c'est-à-dire par la ligne téléphonique, ou encore par le satellite n'aboutirait pas à des coûts inférieurs. Il a ensuite souhaité savoir si des actions de mutualisation étaient envisagées pour couvrir les zones qui allaient se trouver dépourvues de couverture numérique, TNT, ADSL ou téléphonie mobile, pour des raisons de coût.

M. Dominique Baudis, président du C.S.A. a répondu que les études en cours avaient pour objectif de fixer les limites de l'extension du réseau hertzien de diffusion numérique terrestre de la télévision, et d'élaborer des solutions pour la couverture des populations qui ne seraient pas équipées par ce réseau. Aujourd'hui, il est à peu près acquis que ce réseau hertzien ira au-delà de la couverture initiale de 85 % de la population : cette couverture laisse en effet non équipées des parties de villes importantes ; or le CSA considère qu'il y a un minimum de cohérence à apporter : on n'envisage pas qu'en déménageant au sein d'une même ville, un téléspectateur doive passer de la réception hertzienne à la réception par satellite. Par ailleurs, le CSA est attentif à la simplicité d'équipement. Celle-ci est l'une des raisons du succès actuel et un des gages du succès futur de la TNT : aujourd'hui, pour recevoir les chaînes de la TNT, un téléspectateur recevant la télévision analogique a simplement à acheter un adaptateur, au prix de 50 € environ, et à le brancher. Au contraire, l'équipement d'une habitation au moyen d'une parabole est toujours plus cher et plus compliqué pour l'utilisateur.

M. Philippe Levrier, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel, a précisé que sur les 3000 sites restant à équiper, les 1000 les plus importants devraient être intégrés dans le réseau de téléphonie numérique terrestre. Les 1000 les moins importants, en revanche, qui couvrent chacun une centaine d'habitants tout au plus, devraient être desservis par diffusion satellitaire (TNS) ; il arrive d'ores et déjà aujourd'hui que, lorsqu'on procède à des réaménagements du réseau de diffusion analogique de la télévision, on ne transfère pas des fréquences mais qu'on les supprime, et qu'on offre en contrepartie aux personnes anciennement desservies un abonnement au satellite. Le traitement des 1000 sites intermédiaires dépend, lui, de paramètres de fait. L'un de ceux-ci est celui du maintien concomitant de la diffusion analogique et de la diffusion numérique. Si, au moment où l'on passe au numérique, on arrête la diffusion analogique, l'équipement des sites ne coûte rien puisqu'on récupère l'émetteur, qu'on affecte à un autre mode de diffusion. Dans ces conditions, il est possible d'équiper les sites sans que cela ait de conséquences sur le budget de diffusion des chaînes. Il faut savoir que, pour l'équipement de 600 des 1000 sites les plus importants, TDF a annoncé un coût supplémentaire de diffusion de un million d'euros par an pour les chaînes, aboutissant à une hausse de 25 % par rapport au coût de la diffusion par les 115 émetteurs desservant 85 % de la population.

M. Patrice Martin-Lalande a demandé sur quels éléments de comparaison se fondait le choix de ne pas recourir à la diffusion satellitaire pour passer d'une couverture de 65 % à 100 % de la population.

M. Philippe Levrier a répondu que certes les chaînes diffusées par le réseau de télévision numérique terrestre vont bientôt être toutes présentes sur le satellite ; l'utilisation du satellite pour diffuser les chaînes hertziennes gratuites n'implique donc pas de coût de transport supplémentaire du signal. Il est aussi techniquement tout à fait possible de permettre au téléspectateur final d'avoir accès gratuitement aux chaînes gratuites de la TNT par l'intermédiaire du satellite. En revanche les coûts d'équipement ne sont pas répartis de la même façon pour la réception des chaînes de la TNT par voie numérique terrestre et par voie satellitaire : dans le cas de la réception par voie terrestre, le particulier n'a presque rien à faire ; pour la réception par voie satellitaire, c'est à lui qu'il revient de s'équiper d'une parabole.

Les études de coût sont encore en cours. C'est sur la base d'un pronostic et d'une évaluation que se que se fonde l'idée que le satellite va sans doute apparaître plus intéressant financièrement pour l'équipement des 1000 derniers sites. On va sans doute s'orienter vers une réception par voie numérique terrestre pour les sites desservant plus de 250 habitants, et une réception par voie satellitaire pour les sites desservant moins de 250 habitants.

M. Patrice Martin-Lalande a fait observer que les coûts pour l'utilisateur étaient très proches, la différence n'excédant pas 10 €.

M. Gilles Brégant, directeur des technologies au CSA, a fait observer que la notion à prendre en compte était celle du coût d'activation ; aujourd'hui, pour l'usager, celui de la TNT se limite à l'achat d'un adaptateur. En revanche, l'équipement pour la réception satellitaire suppose l'achat d'une parabole, mais aussi en amont, des campagnes d'information de l'usager, pour qui aujourd'hui la TNT emprunte les voies de l'ancienne télévision analogique.

Quant à la diffusion par l'ADSL, elle suppose le paiement d'un abonnement mensuel, qui est au minimum de 30 € par mois, et qui constitue donc un élément de coût particulièrement défavorable. De plus, le standard de confort en matière de réception de télévision est désormais la réception simultanée de deux chaînes ; le public s'habitue progressivement à pouvoir regarder une chaîne tandis qu'il enregistre un programme sur une deuxième chaîne. Or l'ADSL n'a pas la capacité à fournir ce service partout où il est installé ; il ne l'a notamment pas en zone d'habitat dispersé ; dans ces zones la diffusion numérique terrestre de la télévision sera plus efficace que la diffusion par ADSL ; dans le sud-ouest de la France, il existe des zones qui sont d'ores et déjà couvertes par le réseau de télévision numérique terrestre, alors que n'y passent ni l'ADSL ni le réseau de téléphonie mobile GSM.

Mme Henriette Martinez a exposé que le département dont elle était l'élue, celui des Hautes-Alpes, semblait cumuler les handicaps au regard des critères de priorité pour l'équipement en TNT : c'est un département de montagne, au relief difficile ; il est frontalier avec l'Italie ; il est peu dense et ne comporte que quatre villes dont la population est supérieure à 4000 habitants. Dans plusieurs zones, pour le prix entier de la redevance, les habitants ne peuvent recevoir que trois chaînes, voire une seule. Elle a alors demandé comment les 175 communes du département autres que Gap, qui comporte près de 40 000 habitants, et peut-être Briançon, qui en a un peu plus de 10 000, allaient être traitées pour la réception des chaînes de la TNT, et si chaque foyer allait devoir se doter d'une antenne parabolique.

M. Dominique Baudis a répondu que le CSA avait été saisi par plusieurs élus des Hautes-Alpes, et qu'il avait bien constaté l'importance des zones d'ombre dans ce département. Pour lui, la TNT devrait être un instrument pour pouvoir y apporter au moins les chaînes gratuites.

M. Gilles Brégant a précisé que les critères de sélection des sites pour l'implantation prioritaire de la TNT étaient soit l'étendue de leur zone de couverture, soit encore qu'ils desservent une population d'au moins 50 000 habitants. Aucun site du département des Hautes-Alpes ne répond à ces critères ; aucune portion du département n'est donc concernée par la première phase d'équipement de 85 % de la population. En revanche, il est certain qu'il ne sera pas possible de s'en tenir à l'équipement de ces seuls 85 %. Il faudra donc trouver avec les opérateurs un dispositif permettant de faire venir la TNT dans les Hautes-Alpes.

M. Patrick Lemasle a souhaité savoir si une solution ne serait pas de transformer purement et simplement les émetteurs analogiques en émetteurs numériques : il suffirait ensuite de fournir gratuitement les adaptateurs aux usagers pour obtenir de façon immédiate une couverture peu coûteuse.

Il a ensuite demandé si le déploiement de la TNT n'aurait pas pour conséquence une moindre progression de la diffusion de la télévision par satellite.

M. Philippe Levrier a répondu que le basculement d'émetteurs de l'analogique vers le numérique était l'une des hypothèses de travail : elle ne peut pas valoir pour de très grands émetteurs couvrant de très nombreux usagers, comme la Tour Eiffel. En revanche, elle est parfaitement praticable pour de petits émetteurs, couvrant de l'ordre de 350 habitants ; un basculement concerté permet alors d'éviter aux chaînes les coûts d'une double couverture, analogique et numérique.

M. Dominique Baudis a fait valoir que l'intérêt premier de la TNT était l'élargissement de l'offre gratuite. Depuis quinze ans, aucune nouvelle chaîne gratuite nationale n'a été proposée aux téléspectateurs. Pour le public qui n'a accès ni à l'ADSL ni au satellite, c'est-à-dire environ les trois quarts de celui-ci, l'offre gratuite est extrêmement restreinte. Le succès de la TNT est évidemment à mettre en relation avec le fait qu'elle permet de passer de la réception de 5 à 17 chaînes gratuites.

Par ailleurs, elle permet aussi aux téléspectateurs hertziens d'avoir accès non plus à une chaîne payante, mais à onze. On peut en déduire que, du fait de l'accroissement de l'offre, la diffusion de la télévision payante va progresser grâce à la TNT. En revanche il est vraisemblable que la TNT, du fait de la nouvelle palette de choix qu'elle offre, va freiner l'équipement pour la réception satellitaire et les abonnements à la télévision par câble. Il faut aussi ajouter qu'en France, au contraire d'autres pays, la télévision payante n'avait pas beaucoup progressé : 25 % à 30 % des foyers seulement souscrivent des abonnements payants.

Le président Émile Blessig a déploré les difficultés pour les élus d'avoir accès à des informations solides pour répondre à l'impatience de leurs concitoyens. L'annonce a été faite que les chaînes de la TNT seraient accessibles à la quasi-totalité de la population d'ici la mi-2007. Les élus sont donc interpellés par leurs concitoyens sur la date effective d'arrivée de la TNT dans leur ville ou dans leur village. Or, ils se trouvent aujourd'hui dépourvus d'éléments pour répondre clairement.

Un tiers de la France se trouve en zone de partage de fréquences avec des États voisins. Or, pour cette zone, il n'y a tout simplement pas de calendrier prévisionnel de réception de la télévision numérique terrestre. Au cours de ses auditions, la Délégation a appris que dans certaines de ces régions, du fait de la pénurie de fréquences liée au partage, il faudra arrêter la diffusion analogique pour ouvrir la diffusion numérique. Quels éléments peuvent être fournis sur le calendrier de l'organisation de ce basculement ? En particulier le fonds d'accompagnement du numérique qui vient d'être créé pourra-t-il intervenir et comment ?

M. Dominique Baudis a d'abord observé que cette impatience, qu'il comprenait, était aussi la marque du succès de l'entreprise, conduite par le CSA dans un environnement d'abord extrêmement hostile. Il faut désormais gérer ce succès.

Le principe de l'équipement du territoire par phases est forcément producteur d'impatiences. Cependant le CSA n'est pas le seul intervenant dans ce dossier. Le Parlement dispose de pouvoirs qu'il peut utiliser s'il veut faire progresser la TNT. Le Gouvernement est un acteur clé : aujourd'hui, il conduit des négociations internationales sur la répartition des fréquences, où le CSA n'est pas représenté. Or, pour des raisons de pure mise en oeuvre, pour tenir l'échéance de l'équipement de 85 % de la population en mars 2007, il faudrait que ces négociations internationales aboutissent dans les prochaines semaines. La Délégation pourrait s'informer sur leurs perspectives d'aboutissement. Le calendrier de la cinquième phase d'équipement, qui concerne 20  % de la population française, à qui l'on a promis la TNT en mars 2007, en dépend.

Enfin le CSA n'a jamais annoncé que la totalité du territoire serait équipé à la fin de 2007 ; il n'a non plus jamais présenté d'objectif au-delà de la desserte de  85 % de la population.

Après avoir exposé que des courriers officiels qui lui avaient été adressés envisageaient que la ville de Gap soit desservie par réseau terrestre d'ici la fin  2007 et que le le reste du département des Hautes-Alpes le soit par diffusion satellitaire, Mme Henriette Martinez a déploré les conséquences que des informations officielles contradictoires faisaient peser sur la crédibilité de la parole des députés, dans un domaine où l'attente des citoyens est forte.

M. Patrick Lemasle a observé que cette situation valait également pour les autres équipements numériques : on présente aux citoyens des cartes flatteuses de couverture du territoire en ADSL ou en téléphonie mobile GSM, avant que ceux-ci ne constatent que leur habitation ou leur commune, pourtant située dans une zone cartographiée comme de desserte, n'a pas accès au service.

M. Patrice Martin-Lalande a alors indiqué que, à une question au Gouvernement qu'il avait posé le 27 octobre 2005, le ministre de la culture et de la communication, M. Renaud Donnedieu de Vabres, avait répondu que «85 % des Français doivent recevoir la TNT au printemps 2007 », que, pour ceux qui n'y auront pas accès à ce moment-là, «la solution technologique se présentera sous la forme d'une offre de satellite gratuite permettant d'assurer la réception partout sur le territoire national, et enfin que « au 31 décembre 2007, toute la population française devra recevoir la TNT». Il a alors demandé si la décision relative à cette offre satellitaire avait été prise et, sinon, quand il était prévu qu'elle le soit.

M. Dominique Baudis a répondu que le CSA ne pouvait porter plus que ses pouvoirs ne le lui permettaient. Le CSA met en œuvre la loi, avec les pouvoirs qui lui sont donnés. Il y a certainement la possibilité d'une diffusion satellitaire gratuite des chaînes de la TNT pour tous ; la technologie permet parfaitement aux auditeurs équipés pour la réception par satellite d'avoir accès également aux chaînes de la TNT ; la question est que les éditeurs et les diffuseurs acceptent que ces chaînes soient diffusées gratuitement par satellite.

En 2004, lors de la préparation du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, le CSA avait proposé que soit institué un service d'antenne gratuit ; il avait demandé que les rapports entre chaînes de la TNT et diffuseurs satellitaires soient régis par le principe « must carry, must deliver », bref, que les diffuseurs satellitaires soient tenus d'acheminer gratuitement et en clair le signal. Cette proposition n'a pas été retenue par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ; aujourd'hui elle n'oblige pas les opérateurs à donner aux foyers l'accès aux chaînes gratuites de la TNT par le satellite. L'ouverture de cet accès relève donc de la seule bonne volonté de chaque opérateur.

Or, aujourd'hui, les opérateurs n'ont pas forcément intérêt à organiser la diffusion gratuite des chaînes de la TNT ; nombre d'entre eux ne souhaitent pas forcément aller au-delà des 115 sites à équiper pour couvrir 85 % de la population.

Face à cette situation, le CSA, qui s'est battu pour faire naître la TNT et organiser son déploiement sur un territoire aussi étendu que possible, ne peut créer des obligations de service général de diffusion sans base légale. C'est au Parlement, s'il le souhaite, qu'il appartient de créer cette base légale, en introduisant dans la loi une telle obligation de service d'antenne. La discussion du projet de loi qui doit prochainement être déposé peut en constituer l'occasion.

M. Gilles Brégant a précisé que les conditions techniques de la diffusion numérique par satellite permettent sans la moindre difficulté la diffusion gratuite et en clair des chaînes de la TNT ; dès lors que la décision serait prise de le faire, le délai de réalisation pour que chaque foyer puisse les recevoir est de l'ordre de deux semaines ; et cela vaut depuis 2002. Les difficultés sont ailleurs. Elles concernent les droits d'auteur, les auteurs pouvant considérer qu'ils devraient être réévalués dans la mesure où le public susceptible d'être atteint par le satellite serait supérieur au public actuellement atteint par le réseau terrestre, analogique ou numérique. Elles concernent aussi les conditions de la concurrence : la diffusion gratuite des chaînes de la TNT par satellite viendra forcément faire concurrence à l'actuelle diffusion payante des bouquets satellitaires. Aujourd'hui, la situation reflète les positions des éditeurs et des diffuseurs : le multiplex R1, qui regroupe les chaînes publiques, est diffusé en clair sur le satellite ; en revanche quatre autres bouquets multiplex ont choisi d'embrouiller le signal de façon à ce qu'il ne puisse pas être capté par une antenne parabolique sans abonnement.

Le président Émile Blessig a souhaité savoir si, dans le cas où la loi prévoirait une telle obligation de service d'antenne, la construction d'un réseau de diffusion terrestre des chaînes de la TNT serait encore utile.

Il a ensuite demandé si la solution satellitaire ne serait pas une solution pour les territoires frontaliers.

M. Philippe Levrier a répondu que la simplicité pour les utilisateurs du réseau TNT était un élément déterminant en faveur de celui-ci. La TNS ne vaut raisonnablement que pour les zones où l'on ne peut faire venir le réseau TNT à des coûts raisonnables.

Quant aux zones dites frontalières, la TNS est également une réponse, mais pas exclusive. Dans les grandes villes, où le taux de pénétration du câble est de 50 % environ, celui-ci est également une solution. Quant aux zones d'habitat dispersé, les téléspectateurs y sont demandeurs d'une solution qui soit dans la continuité du service actuel. Pour cette raison, le CSA considère qu'il est très important d'y faire venir le réseau TNT. Les négociations en cours avec les pays voisins ont donc un intérêt crucial. Ces négociations sont cependant difficiles : alors que la France est demandeuse de solutions pour la période de transition, ses partenaires sont demandeurs de solutions pour la période d'après l'arrêt définitif de la diffusion analogique : il faut donc être tout particulièrement attentif à ne pas concéder pour des besoins limités dans le temps des aménagements durables. C'est la raison pour laquelle il n'est pas exclu que les négociations n'aboutissent qu'avec la fin de la conférence régionale sur les radiocommunications qui va se tenir en mai et juin prochain.

M. Jean Diebold s'est inquiété des conditions de diffusion des chaînes de la TNT par l'instrument des réseaux câblés. Dans certaines villes, un effort important de câblage a été accompli. De ce fait nombre de foyers reçoivent désormais par le câble les chaînes gratuites, alors même qu'ils ne sont pas abonnés à des chaînes payantes ; comment ces foyers, qui n'ont plus forcément d'antenne de toit, pourront-ils recevoir les chaînes de la TNT ?

M. Dominique Baudis a répondu qu'en effet, lorsqu'un immeuble était câblé, il était prévu que le cablo-opérateur apporte aux foyers équipés mais non abonnés le service d'antenne c'est à dire les chaînes gratuites. Dès le lancement de la TNT, le CSA a donc demandé que ce service d'antenne inclue l'ensemble des chaînes de la TNT. La loi du 9 juillet 2004 n'a cependant imposé aux opérateurs que de faire des propositions commerciales aux gestionnaires des immeubles. Les opérateurs ont donc entrepris de faire des propositions où la diffusion des chaînes de la TNT était payante. Le CSA travaille en ce moment à des solutions équitables, qui égalisent les conditions d'accès à la TNT entre téléspectateurs câblés et téléspectateurs hertziens. Les câblo-opérateurs devraient prochainement proposer aux foyers câblés des adaptateurs leur permettant de recevoir ces chaînes, à des tarifs correspondants à ceux des adaptateurs pour la télévision hertzienne. Autrement le CSA verra, le cas échéant, à élaborer une recommandation.

Les foyers abonnés au câble reçoivent quant à eux automatiquement les chaînes de la TNT. Dans les deux cas la réception est évidemment subordonnée au fait que le foyer récepteur reçoive bien par le câble la télévision numérique et non pas la télévision analogique.

M. Patrick Lemasle a demandé si, au vu du succès de la TNT, on pouvait s'attendre à une augmentation du nombre de chaînes diffusées par ce réseau, et enfin si, du fait de la fusion en cours entre TPS et Canalsat, il était envisageable qu'il ne subsiste plus en France qu'un seul bouquet de télévision payante par satellite.

M. Dominique Baudis a répondu que les conditions techniques de la TNT permettaient la diffusion d'un nombre de chaînes gratuites supérieur aux 17 actuelles. Ce nombre de 17 est la résultante de deux facteurs. Le premier est que les études commandées par le CSA en vue du lancement de la TNT ont montré que le marché publicitaire permettrait difficilement d'assurer la vie de plus de 20 chaînes gratuites sans créer d'importants déséquilibres. Le second est que l'État avait projeté la création de cinq chaînes gratuites supplémentaires ; au lieu de quoi il n'a utilisé que deux canaux de plus, l'un pour permettre la diffusion d'une nouvelle chaîne, France 4, l'autre pour permettre à France 5 de ne plus partager son canal avec Arte, et donc d'accroître librement sa durée de diffusion.

Dans l'immédiat, devraient s'ajouter aux actuelles chaînes de la TNT les chaînes locales, qui aujourd'hui sont encore diffusées par le réseau de diffusion analogique. Dans chaque région, une chaîne gratuite de plus devrait ainsi s'ajouter aux chaînes actuelles. Enfin la TNT offre aussi la possibilité de s'abonner à 11 chaînes payantes.

La constitution d'une seule plate-forme de diffusion de télévision payante par satellite, par la fusion entre TPS et Canalsat, est tout à fait probable. La France ne ferait que rejoindre ses partenaires européens, où il n'y a plus, partout, qu'un seul opérateur satellitaire payant. Le CSA aura à émettre un avis ; il devra notamment, pour sa formulation, veiller à ce que cette fusion ne porte pas atteinte au pluralisme, et donc à ce que les chaînes hors bouquet puissent être commercialisées.


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